Vacarme / Yes, we can’t

/article2275.html

  • Pour une approche matérialiste de la question raciale. Une réponse aux Indigènes de la République
    http://www.vacarme.org/article2778.html

    Les Indigènes de la République ont contribué à rendre visible un racisme de gauche, appuyé sur le racisme intégral consubstantiel à la société française, mais seraient-ils prisonniers de ces enjeux ? Une analyse systématique des champs de force qui s’exercent sur les plus précarisés permet de sortir de l’ornière : une critique conséquente de l’invisibilisation des questions raciales et de genre, échappant au grand jeu identitaire de l’extrême droite, ancrée dans la critique de l’économie politique.

    Lire aussi l’entretien que nous a accordé Houria Bouteldja dans le numéro 71 (printemps), « Revendiquer un monde décolonial »
    http://www.vacarme.org/article2738.html

    Le Parti des indigènes de la République, a adopté depuis longtemps un objectif de dénonciation de la racisation opérée en France. Il clive la gauche antiraciste. Notre sentiment est qu’il convient d’éclaircir la connaissance de cette formation à un moment où ses positions politiques heurtent notre logique aussi bien tactique que stratégique face à la montée des périls : puissance de l’extrême droite, de l’intégrisme identitaire et religieux, de l’antisémitisme et de l’islamophobie. Il nous semble dans ce contexte d’autant plus important d’être capable de nous parler, ne serait-ce que pour que chacun sache à qui il parle et mesurer les profonds désaccords qui nous séparent, certains irréconciliables, d’autres non.

    • Vacarme critique les Indigènes : la faillite du matérialisme abstrait
      http://indigenes-republique.fr/vacarme-critique-les-indigenes-la-faillite-du-materialisme-abst

      Le trio adopte l’idée anticapitaliste la plus classique selon laquelle le capitalisme aurait entraîné, au gré des besoins de l’accumulation, divers processus de racialisation (je ne m’attarderai pas sur sa tendance à appuyer lourdement sur l’origine sociale de la race comme sur une trouvaille brillante – dans un débat sur le PIR cela revient, en termes de pertinence, à rappeler que l’eau mouille ou que le soleil chauffe). Or il n’est pas absurde, dans une perspective décoloniale, de formuler exactement l’hypothèse inverse : c’est le capitalisme qui naît du racisme . J’ai évoqué plus haut la conquête des Amériques. L’étape historique suivante, celle de la traite transatlantique, est ici décisive. Ce ne sont pas de nébuleuses « dynamiques actuelles » qui lient le racisme aux échanges économiques globaux : il en va ainsi depuis le XVIe siècle ! Les remarques de CLR James selon lesquelles les plantations de la Caraïbe préfigurent les usines de l’ère industrielle sont aujourd’hui bien connues. L’historien Marcus Rediker va plus loin encore dans ses recherches sur le navire négrier qui, selon lui, fut « l’élément central d’un ensemble de bouleversements économiques profonds et interdépendants qui furent essentiels à l’essor du capitalisme »[5]. En effet, le négrier, liant intimement accumulation et répression, était à la fois une factory, c’est-à-dire un établissement commercial itinérant, et la première forme de prison moderne, en un temps où elle n’existait pas encore sur la terre ferme.

    • La philosophie des Indigènes cherche à s’épargner deux écueils, qui prennent la forme de deux injonctions. D’un côté, l’alliance de la contrainte et de l’essence (« Reste ce que tu es ! »), et de l’autre la contrainte d’être sans essence (« Deviens rien ! »). Le #PIR envisage une essence sans contrainte, c’est-à-dire la reconnaissance des attachements, des croyances dans lesquelles sont pris les individus et les groupes, la finitude de leur mémoire. Mais aussi la connaissance du fait que ces attachements eux-mêmes peuvent devenir mortifères, et ne méritent jamais d’être pris pour des fins en soi. Les temps, les circonstances changent, et il peut être nécessaire de se détacher, d’abandonner ce qu’autrefois l’on a cru ; mais il n’y a pas de révolution mémorielle. La transformation est possible, pas le devenir rien. Frantz Fanon comparait ce processus à l’émergence de la maturité. L’adolescent rêve d’échapper à toutes les règles, de tout tenir de lui-même. Mais l’erreur serait de s’imaginer, au contraire, que devenir adulte revient à suivre des règles définies, à savoir se conformer. En vérité, être adulte c’est connaître son héritage, mais savoir qu’il est possible de le trahir, c’est-à-dire d’enfreindre les règles pour en établir de nouvelles, pour faire advenir le mieux. Faire vivre son essence, c’est-à-dire sa mémoire, sans jamais en être l’esclave, voilà une position #décoloniale. La politique indigène, comme le souligne Sadri Khiari, ne vise pas l’homogénéité [21].

      Ce passage me rappelle l’ouverture du chantier #race du numéro 71, « la race n’existe pas, mais elle tue »
      http://www.vacarme.org/article2736.html

      Autre passage :

      Cette gauche-là hait le PIR parce qu’il existe. Sa rancune ne procède pas du mal qu’il lui fait, mais elle ne lui pardonne pas de ne pas lui vouer l’admiration qui lui fait tant défaut. Sa pratique religieuse et incantatoire de la politique se trouvant dans l’impasse, elle cherche des coupables. Or son erreur est d’avoir pris ses principes, sa morale généreuse, fondée sur la défense de tous les opprimés en vrac (prolos, femmes, homos, indigènes, etc.), pour une perspective et un projet politique. Cet idéalisme s’étant révélé impraticable sur le terrain, ceux qui le prônent en sont réduits à persifler sur quiconque privilégie la cohérence plutôt que l’orgueil. Cette frange de la gauche française crache sur le PIR comme elle retweet sur Podemos : pour oublier qu’elle ne peut pas. Au lieu de faire des Indigènes l’objet de sa colère, elle devrait chercher les causes de sa propre impuissance.

      Je ne sais pas si @Vacarme est cette « gauche qui hait le PIR » : les auteures de la réponse controversée ne sont pas membres du CR, et tout commence tout de même par un long entretien avec l’une de ses porte-paroles (histoire de nuancer l’accusation faite de "verrouiller le débat")… mais en tout cas, spécialiste de l’impuissance politique, c’est très clair !

      Cf. « Yes we can’t »
      http://www.vacarme.org/article2275.html

      cc @pguilli @caroiza @vally @baroug

  • Impuissance

    Vu qu’on cause pas mal de #nihilisme et d’#impuissance, notamment par ici : http://seenthis.net/messages/151061 je ne saurais trop recommander la lecture du dernier #Vacarme :

    Vacarme / Yes, we can’t
    http://www.vacarme.org/article2275.html

    Parions ceci : rarement on a ressenti un sentiment aussi désolant d’impuissance politique et personnelle qu’aujourd’hui. Généralement lorsqu’on agit, on méprise ce genre d’états d’âme. « Le Seigneur se moque bien de vos petits scrupules », rappelait saint François de Sales aux conventuelles dont il avait la charge. Plainte narcissique de petits-bourgeois qui n’agissent pas, ne militent pas, ne créent pas, ne manqueront pas de rétorquer certains. Peut-être que non. Parions que notre actuel sentiment d’impuissance a un peu plus de consistance.

    Pour mettre des mots sur cette sensation confuse mais partagée par un grand nombre me semble-t-il... (dont moi)

    • A lire et relire calmement : mais oui faut être lucide, l’impuissance est réelle. Le nier confère au déni.

      Le système capitalisme sous son lifting néolibéral a repris le contrôle total du monde, partiellement relâché après 39-45 sous le double effet de la guerre-froide et de sa mauvaise conscience, et aujourd’hui il n’a plus de contre-pouvoir.
      Ce système là a érigé le rapport de force en loi, il légitime la puissance des uns et l’impuissance des autres.

      On peut se casser les dents, je ne vois que deux issues possibles :
      – la catastrophe, le krash humain (une réédition de 39-45),
      – ou bien la « mutation » de l’idéologie dominante, dans un miraculeux instinct de survie, qui déclarerait illégitime toute forme de domination et de prédation de l’humain sur ses congénères.

      Ensuite, et le débat risque d’être vif, personnellement je vise la seconde hypothèse, même si plus improbable, et je considère que l’approche révolutionnaire, vu l’état « intellectuel » de la population, vu la réalité du rapport de force, ça risque de nous précipiter vers le krash humain, sans garantie de progrès derrière...
      La mutation de l’idéologie dominante, elle peut se faire si l’idéologie minoritaire arrive à diffuser suffisamment, dans le monde réel, pour contrecarrer son invisibilité (ou sa marginalisation) dans les médias. Il faut pas grand chose pour convaincre nos proches, mais faut un minimum de ténacité, et de diplomatie.
      Ensuite exploiter les évènements, fédérer autour de soi, ça peut faire cristalliser cette mutation, et pour les récalcitrants, la pression de conformité fera le reste. Quand le vent aura tourné, tout le monde se remettra dans le bon sens...
      Je crois que c’est ça la clé : ne pas se décourager, continuer à s’investir dans des projets fédérateurs, continuer à démonter les arguments de l’idéologie dominante pour protéger nos pairs, mais ne pas s’épuiser dans les querelles stériles fratricides ou partisanes...

  • Yes, we can’t - Vacarme
    Auto-analyse d’une impuissance politique @vacarme
    http://www.vacarme.org/article2275.html

    Certes, après un an de #socialistes au pouvoir, c’est-à-dire après un an de reniements et d’abandons attendus par les cyniques et craints par les naïfs, c’est un peu normal : la #droite c’est l’#impuissance imposée dans nos crânes à coup de gourdin, la #gauche c’est l’impuissance intériorisée dans nos âmes à coup de renoncements. Mais il y a plus. Il y a l’impuissance érigée par les gouvernants de tous bords en stratégie de gouvernement. Il y a l’impuissance théorique ou idéologique née de la désertion sans précédent du champ de l’alternative politique sérieuse, voire de la croyance dans l’action #politique tout court. Et il y a encore l’impuissance produite par les nouvelles technologies du pouvoir — le chômage sans misère totale, les guerres sans mort et sans soldat (du moins au nord de la Méditerranée et du golfe du Mexique), les désastres écologiques reportés sine die (du moins au nord du tropique du Cancer). Nous voilà embarqués dans des alternatives impossibles : vomir son impuissance ou vomir une puissance virile atroce.

    À ce niveau, difficile de distinguer sentiment d’impuissance et impuissance réelle. Mais que l’envie demeure, et l’on découvrira que ce sentiment, en s’approfondissant, se rapproche de son contraire : le déclenchement public et collectif d’une #violence sans contrôle. Car les plus impuissants sont les plus violents. Si notre pari est justifié, s’il est vrai que nous n’avons jamais été aussi impuissants, subjectivement et objectivement, alors il y a aujourd’hui beaucoup à craindre et beaucoup à espérer. Du coup, on pourrait espérer qu’advienne le renversement #dialectique tant attendu, celui qui permettra de contempler de nouvelles promesses de puissance à venir depuis la considération de notre impuissance actuelle.