http://www.jssj.org

  • #Violences et fabrique de la #subalternité_foncière à #Sihanoukville, Cambodge

    Depuis le milieu des années 2010, la ville de Sihanoukville au Cambodge, principal #port du pays et petit centre de villégiature, fait l’objet d’un #développement_urbain éclair porté par la construction de nouvelles infrastructures de transport et de zones logistiques, de casinos (plus de 150 nouveaux casinos depuis 2015) et la mise en place de #mégaprojets_immobiliers à vocation touristique qui nourrissent une #spéculation_foncière galopante. Ces transformations territoriales sont notamment le fruit d’une coopération technique, politique et économique entre le Cambodge et la #Chine au nom de la #Belt_and_Road_Initiative, la nouvelle politique étrangère globale chinoise lancée en 2013 par #Xi_Jinping. Pour le gouvernement cambodgien, Sihanoukville et sa région doivent devenir, au cours de la prochaine décennie, la seconde plateforme économique, logistique et industrielle du pays après Phnom Penh, la capitale (Royal Government of Cambodia, 2015). Ce développement urbain très rapide a entraîné une évolution concomitante des logiques d’échange et de valorisation des #ressources_foncières. Comme le relève régulièrement la presse internationale, il nourrit d’importants #conflits_fonciers, souvent violents, dont pâtissent en premier lieu les habitants les plus pauvres.

    Cette recherche veut comprendre la place et le rôle de la violence dans le déploiement des mécanismes d’#exclusion_foncière à Sihanoukville. Pour reprendre les mots de Fernand Braudel (2013 [1963]), alors que ces #conflits_fonciers semblent surgir de manière « précipitée », notre recherche montre qu’ils s’inscrivent aussi dans les « pas lents » des relations foncières et de la fabrique du territoire urbain. Dans ce contexte, le jaillissement des tensions foncières convoque des temporalités et des échelles variées dont la prise en compte permet de mieux penser le rôle de la violence dans la production de l’espace.

    Les processus d’exclusion foncière au Cambodge s’inscrivent dans une trajectoire historique particulière. Le #génocide et l’#urbicide [1] #khmers_rouges entre 1975 et 1979, l’abolition de la #propriété_privée entre 1975 et 1989 et la #libéralisation très rapide de l’économie du pays à partir des années 1990 ont posé les jalons de rapports fonciers particulièrement conflictuels, tant dans les espaces ruraux qu’urbains (Blot, 2013 ; Fauveaud, 2015 ; Loughlin et Milne, 2021). Ainsi, l’#appropriation, l’#accaparement et la #valorisation des ressources foncières au Cambodge, et en Asie du Sud-Est en général, s’accompagnent d’une importante « #violence_foncière » tant physique (évictions et répression) que sociale (précarisation des plus pauvres, exclusion sociale), politique (criminalisation et dépossession des droits juridiques) et économique (dépossession des biens fonciers et précarisation).

    Cet article souhaite ainsi proposer une lecture transversale de la violence associée aux enjeux fonciers. Si la notion de violence traverse la littérature académique portant sur les logiques d’exclusion foncière en Asie du Sud-Est (Hall, Hirsch et Li, 2011 ; Harms, 2016) ou dans le Sud global plus généralement (Peluso et Lund, 2011 ; Zoomers, 2010), peu de recherches la placent au cœur de leurs analyses, malgré quelques exceptions (sur le Cambodge, voir notamment Springer, 2015). Par ailleurs, la violence est souvent étudiée en fonction d’ancrages théoriques fragmentés. Ceux-ci restent très divisés entre : 1) des travaux centrés sur le rôle de l’État et des systèmes de régulation (notamment économiques) dans le déploiement de la violence foncière (Hall, 2011 ; Springer, 2013) ; 2) des analyses politico-économiques des formes de dépossession liées aux modes de privatisation du foncier, à la propriété et à l’accumulation du capital, parfois resituées dans une lecture historique des sociétés coloniales et postcoloniales (voir par exemple Rhoads, 2018) ; 3) des approches considérant la violence comme stratégie ou outil mobilisés dans la réalisation de l’accaparement foncier et la répression des mouvements sociaux (voir par exemple Leitner and Sheppard, 2018) ; 4) des analyses plus ontologiques explorant les processus corporels, émotionnels et identitaires (comme le genre) qui découlent des violences foncières ou conditionnent les mobilisations sociales (voir par exemple Brickell, 2014 ; Schoenberger et Beban, 2018).

    Malgré la diversité de ces approches, la notion de violence reste principalement attachée au processus de #dépossession_foncière, tout en étant analysée à une échelle temporelle courte, centrée sur le moment de l’#éviction proprement dit. Dans cet article et à la suite de Marina Kolovou Kouri et al. (2021), nous défendons au contraire une approche multidimensionnelle des violences foncières analysées à des échelles temporelles et spatiales variées. Une telle transversalité semble indispensable pour mieux saisir les différentes forces qui participent de la construction des violences et de l’exclusion foncières. En effet, si les conflits fonciers sont traversés par diverses formes de violences, celles-ci ne découlent pas automatiquement d’eux et sont également déterminées par le contexte social, économique et politique qui leur sert de moule. Ces violences restent ainsi attachées aux différents #rapports_de_domination qui organisent les #rapports_sociaux en général (Bourdieu, 2018 [1972]), tout en représentant une forme d’#oppression à part entière participant des #inégalités et #injustices sociales sur le temps long (Young, 2011).

    Nous voyons, dans cet article, comment des formes de violence variées structurent les rapports de pouvoir qui se jouent dans l’appropriation et la valorisation des ressources foncières, ainsi que dans la régulation des rapports fonciers. Nous montrons que ces violences servent non seulement d’instrument d’oppression envers certains groupes de populations considérés comme « indésirables », mais aussi qu’elles les maintiennent dans ce que nous nommons une « subalternité foncière ». En prenant appui sur Chakravorty Spivak Gayatri (2005) et Ananya Roy (2011), nous définissons cette dernière comme la mise en place, sur le temps long et par la violence, d’une oppression systémique des citadins les plus pauvres par leur #invisibilisation, leur #criminalisation et l’#informalisation constante de leurs modes d’occupations de l’espace. La #subalternité foncière représente en ce sens une forme d’oppression dont la violence est l’un des dispositifs centraux.

    Cet article s’appuie sur des recherches ethnographiques menées à Phnom Penh et à Sihanoukville, entre 2019 et 2021. Elles comprennent un important travail d’observation, la collecte et l’analyse de documents officiels, de rapports techniques, d’articles de presse et de discours politiques, ainsi que la réalisation de près de soixante-dix entretiens semi-directifs (effectués en khmer principalement, parfois en mandarin, et retranscrits en anglais) auprès d’habitants de Sihanoukville, de représentants territoriaux locaux, d’experts et de membres de groupes criminels. Dans ce texte, le codage des entretiens suit la dénomination suivante : « OF » désigne les employés publics, « EX » des experts ayant une connaissance privilégiée du sujet, « RE » les résidents des zones d’habitat précaire et « F » les acteurs de la criminalité ; le numéro qui suit la lettre est aléatoire et sert à distinguer les personnes ayant répondu à l’enquête ; vient ensuite l’année de réalisation de l’entretien. De nombreux entretiens avec les habitants ont été conduits en groupe.

    https://www.jssj.org/article/violences-et-fabrique-de-la-subalternite-fonciere

    #foncier #Cambodge #Chine #violence

  • P.M. Pourquoi avons-nous encore le capitalisme ? (2020) - Partie 2

    suite du post précédent
    https://seenthis.net/messages/1015976

    Je mets à part cette partie parce que c’est ce que j’apprécie le plus chez P.M. On pourra s’amuser à comparer "Glomo 1" à "Bolo" écrit 40 ans plus tôt. Je ne manquerai pas de le faire en commentaire en tout cas ^^

    Glomo 1

    Les caractéristiques les plus importantes de Glomo 1 concernent sa taille (environ 500 personnes), son lien avec l’agriculture²³ et son infrastructure pour une économie domestique et de soins. Tout cela n’est possible que s’il existe une autonomie inclusive, c’est-à-dire une démocratie quotidienne et des institutions correspondantes. Dans un certain sens, Glomo 1 remplace l’atome capitaliste travail/consommateur ou le petit ménage familial. Cependant, les individus et les familles ne sont pas abolis dans ce cadre, mais sont entre de bien meilleures mains (HEGEL !). Glomo 1 n’exige pas une collectivisation de la vie, mais plutôt une meilleure sphère de développement, un meilleur sociotope, un lieu où la société puisse avoir lieu (voir les souhaits de REMO LARGOS).

    Même si les quartiers présentent un air de famille modulaire, leur véritable conception permettra un maximum de diversité. Tout est possible entre des partenariats contractuels éco-logistiques sobres et des communautés de vie plus ou moins intimes. Alors que pour certains le microcentre est une simple infrastructure d’approvisionnement, pour d’autres c’est un salon prolongé, une oasis de bien-être, un nid douillet. Des connotations culturelles sont possibles, mais pas nécessaires.

    Les quartiers doivent être relativement grands pour qu’il y ait de la place pour de nombreux talents, qualifications, tranches d’âge et caractères et que chacun puisse trouver un emploi qui lui convient. C’est pourquoi environ 500 personnes. En même temps, cette taille permet un anonymat assez agréable, qui favorise le repli individuel et donc une nouvelle envie de collaboration. Le contexte urbain est nécessaire car 10 milliards de personnes ne peuvent travailler ensemble de manière écologique et économique efficace que dans les grandes villes. Plus de la moitié de la population vit déjà dans les grandes villes, et ce chiffre atteindra bientôt les trois quarts.

    Si nous voulons préserver les terres et protéger les paysages, nous devons vivre dans des villes denses. Nous avons besoin de plus de villes pour avoir plus de terres. L’aspiration à une vie innocente à la campagne est désormais un mythe largement destructeur. La majorité de la vie rurale sur cette planète ne se déroule pas dans des écovillages, mais plutôt dans des logements de banlieue pour les navetteurs (maisons) dispersés en grande partie au hasard dans le paysage (comme substrat fiscal) ou dans des bidonvilles du sud de la planète. Et ces « villages » sont encore pires sur le plan écologique que les mauvaises villes. Selon l’étude ARE de 2017, les citadins supportent des coûts d’infrastructure de 1 057 euros par an, mais les ruraux supportent 2 976 euros, soit près de trois fois plus. C’est aussi logique : ceux qui vivent plus près les uns des autres ont besoin de moins de câbles, de canalisations, de routes, d’éclairage, etc.

    Il faut faire attention à ne pas tomber dans les illusions d’optique : les petites et jolies maisons de campagne sont « plus lourdes » que les immeubles massifs de ville. Le vert de la façade ne fait guère de différence. Vert, petit, joli ne fait pas un bon équilibre écologique. La ville semble lourde, mais à la campagne tout est facile. Cependant, une grande partie de la « lourdeur de la ville » est constituée de bâtiments et autres structures dont l’énergie grise est depuis longtemps payée. Et beaucoup de gens y vivent. Les villes sont plus légères par habitant.

    Les transports publics et les services publics ont besoin d’une certaine densité pour fonctionner. Les villes rendent les distances plus courtes, les synergies possibles et la diversité culturelle. Bien entendu, ces villes Glomo n’auront plus grand chose en commun avec les mastodontes d’aujourd’hui : elles seront plus aériennes, plus cosy, plus lentes, plus fantaisistes. Elles seront physiquement légères et lentes, mais communicationnellement (également grâce à l’informatique démocratique) rapides comme l’éclair. Pourquoi ne pas utiliser les nouvelles technologies ?²⁴

    Si l’on part de critères écologiques, économiques et socio-psychologiques, alors le mode de vie global idéal du futur est un hôtel de type quatre étoiles : chacun dispose d’une grande chambre (20 m²) qui peut être utilisé en couple un appartement de deux pièces, peut être combiné en famille pour former un appartement de quatre pièces, un paysage social très coloré au rez-de-chaussée (= microcentre), plus tous les services (logement, nourriture, internet) .²⁵ 16 millions d’hôtels 4 étoiles sont une solution possible, en Chine comme en Afrique.

    Comme mentionné, les quartiers peuvent être reliés facilement et efficacement à une base terrestre située entre 10 et 100 km selon la situation et qui approvisionne Glomo 1 en majeure partie en nourriture. Cela vaut également pour les très grandes villes. Rentrer à la maison signifie une nouvelle logistique alimentaire mondiale qui relie les activités urbaines et rurales et contribue en même temps à la souveraineté alimentaire fondamentale. Le fameux gaspillage alimentaire s’arrête quand on ne veut plus jeter les carottes qu’on a nous-mêmes récoltées. Cela ne signifie pas que nous devons tous devenir agriculteurs, car l’agriculture occupe rarement plus de 5 % de notre budget temps, où que ce soit.

    Notre mode de vie impérial n’est pas adapté à l’avenir. Nous avons besoin de nouvelles formes domestiques et économiques dans lesquelles nous pouvons partager et utiliser les ressources ensemble afin de pouvoir établir un mode de vie confortable dans les limites écologiques. La nécessaire réduction du trafic nécessite à elle seule une relocalisation générale.

    La société de consommation de masse « occidentale » actuelle ne peut pas non plus être universalisée. Les conditions de vie entre nous et les 6 autres milliards de personnes diffèrent d’un facteur 32 (voir JARED DIAMOND : Upheaval. 2019, p. 414). Les mesures techniques ne suffiront pas. Nous ne pouvons pas satisfaire les 8 milliards de personnes avec des voitures électriques. Nous devons commencer par la consommation, puis par les technologies qui la soutiennent. Nous pouvons nous organiser différemment ; même dans ce cas, il y aura encore suffisamment de ressources pour développer des technologies qui facilitent notre travail, pour un système de santé complet et pour l’accès de tous à l’éducation et au savoir.

    Les quartiers ne sont pas seulement importants pour la survie en tant qu’unités écologiques et économiques efficaces, ils ont également une dimension psychosociale. Le psychologue suisse du développement de l’enfant REMO LARGO appelle à la création de communautés de quartier d’environ 350 personnes pour que les enfants puissent grandir heureux. Il écrit entre autres : « Je suis convaincu qu’en fin de compte, tout le monde veut mener une vie convenable et pleine de sens. Ils ne peuvent satisfaire adéquatement leurs besoins émotionnels et sociaux que dans une communauté de personnes familières. En outre, les enfants, les personnes âgées et les malades peuvent être mieux soignés dans la communauté que dans les crèches, les maisons de retraite et les maisons de retraite. La communauté peut également créer une liberté dans laquelle les gens peuvent à nouveau travailler de manière indépendante, et bien plus encore.

    Des résultats similaires proviennent de recherches sur le bonheur. Une journée passée entre amis vous rend plus heureux. Mais il faut ensuite qu’ils soient en place [ndt : « Dann müssen diese aber auch an Ort und Stelle sein. »]. (D’ailleurs, ce qui est le plus malheureux, c’est de se rendre au travail. Voir KAHNEMAN ou MARX.) On pourrait aussi dire avec HARTMUT ROSA : Les quartiers sont des lieux de résonance, c’est-à-dire de non-aliénation. Les quartiers sont des lieux qui permettent la perception, les rencontres, la résonance, la compréhension, l’entraide, c’est la substance d’une vie réussie.²⁶

    Pouvoir appartenir est essentiel à notre bonheur, et appartenir à de vraies communautés, et non à des chimères comme les nations, les clubs de football ou les marques de smartphones.

    23. À quoi pourrait ressembler un plan de nutrition pour un Glomo 1, y compris les besoins en terres, est documenté dans Une proposition (p. 85) et encore plus en détail dans L’Autre Ville (Die Andere Stadt, non traduit).
    24.Mais ils ont aussi leurs limites écologiques.
    25.De petites unités résidentielles sont désormais également proposées pour des raisons de rendement, comme le micro-living, le coliving, etc. Si les gens se contentent de moins d’espace de vie, les coûts du logement restent abordables malgré la hausse des loyers. Mais si nous, par ex. B. sous forme de coopératives, si vous êtes vous-même propriétaire, l’espace de vie sera alors deux fois moins cher. Le point crucial n’est pas la forme de vie (il existe déjà des hôtels ** aujourd’hui), mais l’autogestion.
    26.HARTMUT ROSA : Résonance. 2018.

    • Moi qui suis un fan de Bolo’bolo je trouve assez chouette de voir comment son auteur a évolué entre 1983 et aujourd’hui, sachant qu’il a tenté des expériences à Zurich qui s’en sont inspirés, notamment par les coopératives d’habitations Kraftwerk (un livre français a justement étudié cette transposition, Choisir l’habitat partagé d’Adrien Poullain).

      Dans glomo 1, il y a une prise de position nette en faveur de l’urbanité et de la ville, avec ses problématiques. Plus loin dans le livre avec glomo 2, on trouve même une critique assez raide (mais bienvenue selon moi) du repli dans les écovillages, à la campagne, visant l’autosuffisance, faisant l’école à la maison, etc. Je ne connais pas assez le contexte suisse allemand pour saisir le prisme à travers lequel tout ça est considérer. En France on est plus prompt à critiquer la ville et surtout les métropoles, dont par exemple le géographe Guillaume Faburel montrait dans les Métropoles barbares qu’elles étaient moins efficaces énergétiquement contrairement à ce que dit P.M. dans ce livre. On a même des travaux assez subtils de géographes sur le péri-urbain comme ceux d’Eric Charmes qui défont les idées reçues sur le pavillonnaire, sans parler du recueil Densifier / Dédensifier, penser les campagnes urbaines (2018) qui va dans le même sens. Bref, l’opposition entre ville et campagne est un faux problème. Comme l’indique Eric Charmes, en France du moins, la croissance de la population se fait par émiettement des villes dans le périurbain. A moins d’une crise économique très rapide (comme dans l’exemple de Détroit), l’organisation fonctionnelles des espaces urbains denses est relativement figée - et sans doute très limitantes pour des propositions révolutionnaires, là où le périurbain et le rural est plus ouvert.

      L’intérêt du propos de P.M. n’est donc pas dans cette opposition spatiale, illusoire, entre ville et campagne, mais dans sa volonté de s’attaquer à tous les problèmes en même temps (ce qu’il appelle les défis mondiaux) à partir d’une critique radicale de la catégorie travail (absente dans les milieux de gauche et écolo), comme activité séparée, marchande, capitaliste, etc. Le point de départ n’est donc pas de réorganiser l’espace et ses fonctions sociales, à la manière d’un urbaniste ou d’un architecte, mais de changer le rapport social : le rapport des humains entre eux et avec la nature et les non-humains. Le problème est que pour changer ce rapport social, on ne peut qu’en passer, à mon avis, par une expérience directe, et sans doute individuelle, émotionnelle, d’un rapport avec le non-humain, la terre, loin des commodités marchandes, abondantes en apparence, dans les espaces urbains.

      Le tableau que fait P.M. de la situation contemporaine du consommateur urbain est incomplet car il ne mentionne pas les problématiques de tous les gens qui ne peuvent pas manger correctement et suffisamment en occident. C’est tout l’apport, fait par les tenants de la sécurité sociale alimentaire, de la critique de l’aide alimentaire et, symétriquement, de la misère ordinaire de la profession agricole. Partant de là, la problématique mondiale n’est pas d’économiser l’énergie fossile et les émissions de CO2 le plus possible, mais de produire de la nourriture saine et en quantité suffisance d’une façon digne (c’est-à-dire par exemple sans violence alimentaire : c’est-à-dire sans imposer un régime alimentaire ou sans imposer moralement une façon de se nourrir qui n’est pas accessible pour les gens, sans imposer des produits pollués etc). La réponse pour moi logique est de remettre en priorité 1 la production agricole dans une proposition globale - ce qui existait bien plus franchement du temps de Bolo’bolo avec « Kodu » et qui était beaucoup plus ambitieux en terme de lien entre vie urbaine et production alimentaire, et aujourd’hui très actuel. (A la décharge de P.M. celui-ci s’est aussi frotté aux difficultés pratiques qu’il y a à faire un Kodu aujourd’hui, du moins à Zurich, et peut-être que c’est ce qui l’a fait évolué sur ce point. J’en parlerai une autre fois)

      Finalement une proposition politique globale peut s’inspirer d’une lecture spatiale, en effet, à condition de la croiser avec la prise en compte des injustices (la Suisse n’est sans doute pas le meilleur endroit du monde pour l’envisager), qu’on peut lire comme des injustices spatiales. Pas de justice alimentaire sans accès à l’agriculture (voir la revue Justice spatiale / spacial justice , n°9) et il n’y a sans doute pas de solution générale standard pour appréhender comment cela se traduit dans l’organisation de l’espace, l’important c’est l’idée générale très bien exprimée dans Bolo’bolo / Kodu : "L’agriculture fait partie de la culture des BOLOs. Elle définit le mode de rapport avec la nature et la nourriture. Son organisation ne peut pas être décrite à un niveau général" . Tout au plus peut-donner quelques exemples réels ou fictifs inspirants, mais chaque territoire a sa spécificité, de même qu’il n’y a pas de techniques générale universelle pour faire de la bonne agriculture (à moins de faire abstraction des cycles biologiques comme le fait l’agriculture industrielle).

      Le capitalisme c’est aussi l’art de tirer partie des écarts de toute nature, et l’espace en est un : comme l’indique les travaux des géographes comme Eric Charmes, les populations les plus aisées parviennent à vivre dans les espaces les plus naturels, dans la première couronne urbaine, où l’on peut jouir de paysages campagnards et ressourçant façonnés par des siècles d’une agriculture aujourd’hui disparue, tout en jouissant également des infrastructures urbaines et métropolitaines, accessibles très facilement. Les populations les plus dominées vivent en ville mais dans les parties les plus à l’écart des infrastructures publiques, se déplaçant beaucoup plus difficilement, et la campagne proche est celle de l’agriculture industrielle. Entre les deux, une partie de la population tente de fuir la ville pour accéder à d’autres paysages, grâce à un usage intensif de la voiture - ceux que Pierre Blavier appelle les « gens de la route » quand il étudie la mobilisation des Gilets Jaunes - en vivant plus écart des centres urbains tout en y restant dépendant.

      Reste l’intérêt de la démarche de P.M., qui est de mouiller la chemise en faisant des propositions globales sur une base d’un dépassement des catégories du travail (au sens marchand, capitaliste), du constat qu’une organisation sociale générale basée sur le travail est l’obstacle n°1 qui empêche toute évolution positive du monde, mais sans s’en tenir à une simple critique. Là où la gauche se contente encore de vouloir bricoler le gouvernail - gouvernail qu’elle a peu de chance d’empoigner -, et où la critique radicale se contente de grandes généralités universelles (que P.M. connaît bien) sans avancer aucune démarche concrète de changement social, qui obligerait à affiner et faire évoluer sa critique. Le monde ou rien, comme dirait le rappeur.

      Ouvrages cités

      https://editionsparentheses.com/spip.php?page=article_apparaitre&id_article=660
      https://www.lepassagerclandestin.fr/catalogue/essais/les-metropoles-barbares
      https://www.editionsparentheses.com/Densifier-Dedensifier
      https://www.jssj.org/article/justice-alimentaire-et-agriculture
      https://www.puf.com/content/Gilets_jaunes_la_r%C3%A9volte_des_budgets_contraints
      www.lyber-eclat.net/lyber/bolo/kodu.html

  • Chronique d’une communication cartographique ratée. Déconstruction critique des cartes du gouvernement français pendant la crise de la COVID-19 au printemps 2020

    Le gouvernement français[1] a montré 40 cartes différentes concernant les enjeux sanitaires de la crise liée à l’#épidémie de COVID-19 entre mars et juin 2020[2]. Le Premier ministre Édouard Philippe, son ministre de la Santé Olivier Véran et le directeur général de la santé, Jérôme Salomon, ont tour à tour présenté lors de leurs conférences de presse régulières des #cartes représentant les transferts de patients en #réanimation [3], le #taux_d’occupation des services de réanimation [4], les rapatriements [5], les passages aux urgences dus à des suspicions de COVID-19 [6], la couverture des besoins en #tests_virologiques [7], la positivité de ces tests, l’évolution du R-effectif [8], et des synthèses de certaines de ces différentes informations [9]. La quasi-totalité des cartes (93 %) représente l’un de ces #indicateurs à l’échelle de la France métropolitaine et des Départements et Régions d’Outre-Mer (DROM), selon les mailles départementales (59 % des cartes) ou régionales (37 %).

    Il y a trente ans, les travaux de John Brian Harley sur la #déconstruction des cartes (Harley, 1989), de Dennis Woods sur leur pouvoir (Woods, 1992), ou encore de Mark Monmonier sur les mensonges dont elles peuvent être porteuses (Monmonier, 1991), avertissaient de l’intrication du #pouvoir et des #techniques_cartographiques, du caractère construit et discursif des cartes, et donc de la nécessité d’un #décodage_critique de ces images et des #croyances_positivistes qui y sont associées. Il est aujourd’hui encore nécessaire d’adopter cette démarche critique pour comprendre le statut et la portée des quarante cartes gouvernementales du Coronavirus. Ainsi peut-on mettre en lumière que ces cartes ne sont pas dissociables des #discours qui les accompagnent (ou qu’elles accompagnent) et qu’ensemble ils servent finalement moins à l’exposition de faits scientifiques, qu’à la gestion d’une #crise_politique.

    http://www.jssj.org/article/chronique-dune-communication-cartographique-ratee-deconstruction-critique-des-

    #cartographie #cartes_gouvernementales #France #visualisation #confinement #covid-19 #coronavirus #vert #rouge

    On avait parlé de ces cartes sur seenthis... mais je ne retrouve pas le fil de discussion...

    via @reka
    ping @simplicissimus @visionscarto

  • Ce que nous dit la COVID-19 des injustices spatiales en Inde

    L’épidémie de COVID-19 en Inde a des effets paradoxaux. En termes épidémiologiques, ils sont limités, du moins à l’heure où est écrit cet article : officiellement 21 129 morts au 9 juillet 2020, pour une population approchant 1,4 milliard d’habitants. Même si le chiffre sous-estime sans nul doute la réalité, il reste que l’épidémie a un faible taux de mortalité directe. En revanche, les effets socio-économiques de la COVID-19 sont dramatiques : catastrophe économique pour des populations pauvres sans sécurité sociale ni d’aides de l’État dignes de ce nom, migrants tentant désespérément de revenir chez eux en s’embarquant pour un exode à pied de parfois plusieurs centaines de kilomètres, qui rappelle aux Indiens les images en noir et blanc des sanglantes migrations dues à la Partition de 1947 lors de la création du pays… La COVID-19, ou plus exactement le confinement, met en lumière les #inégalités_sociales et spatiales de l’Inde – des #inégalités qu’on peut souvent, nous le verrons, qualifier d’#injustices. La maladie a brutalement rendu visibles ces « invisibles », en révélant l’importance de ces #migrations_circulatoires (Breman, 1985) qui sont à la base de « l’émergence » de l’Inde (Landy, Varrel, 2015). Ce que nous dit la COVID-19, ce sont les vies de tous ces #travailleurs de l’ombre qui soudain sont apparus en pleine lumière, soit comme des victimes dont la fragilité économique était soudain découverte ou confirmée, soit comme une menace – puisqu’à cheminer le long des routes sans respecter la « distanciation sociale » ils risquaient de diffuser le virus. A priori, l’injustice à leur égard apparaît donc double : ils sont particulièrement victimes du confinement ; mais avant même la crise, leur #invisibilité empêchait une vraie reconnaissance de leurs droits.


    http://www.jssj.org/article/ce-que-nous-dit-la-covid-19-des-injustices-spatiales-en-inde

    #Inde #confinement #covid-19 #coronavirus #migrations_internes #mobilité

    ping @reka

  • Urbanisme entrepreneurial « durable » au Maroc : Quel(s) changement(s) pour les #villes_minières ?

    Il est impressionnant d’observer la place de plus en plus prépondérante, pour ne pas dire démesurée, qu’occupent désormais les notions de durabilité et de développement durable sur la scène politique et médiatique ainsi que dans le processus d’élaboration des différentes politiques publiques au Maroc (Philifert, 2015). Certes, l’intérêt pour ces notions remonte au début des années 1990, lorsque le Maroc a affiché son engagement pour les objectifs de développement durable au Sommet de Rio. Or, avec l’arrivée du nouveau monarque au début des années 2000, cet intérêt a pris un tournant considérable dans le cadre d’une politique néolibérale tournée vers l’international (Catusse, 2011). Stratégie nationale de développement durable, Initiative nationale de développement humain, Charte nationale pour la protection de l’environnement et le développement durable, Plan Maroc Vert, etc., autant d’initiatives mises en place depuis lors afin de véhiculer une nouvelle image du royaume en tant que pays « modèle » en matière de développement durable (Barthel et Zaki, 2011). Cette ambition s’est illustrée très récemment par l’organisation de la Conférence mondiale sur les changements climatiques (Cop 22) à Marrakech, au cours de laquelle le Maroc s’est engagé à établir un ensemble de mesures juridiques et constitutionnelles pour l’environnement[1]. Au-delà des multiples mesures adoptées, le pays a également mis en œuvre plusieurs projets de grande envergure dits durables à vocation industrielle, touristique, énergétique et urbaine qui s’inscrivent dans la circulation internationale croissante des modèles d’urbanisme durables (Ward et McCann, 2011).

    http://www.jssj.org/article/urbanisme-entrepreneurial-durable-au-maroc-quels-changements-pour-les-villes-m
    #Maroc #extractivisme #villes #urban_matter #géographie_urbaine #urbanisme

    ping @reka

    • http://www.jssj.org/article/deplacer-des-montagnes-avec-le-vent-numerique

      Pour les « mineurs » de bitcoins, le calcul d’empreintes – dont la mise en œuvre massive est au cœur du protocole Bitcoin – est une fonction sans contenu propre. Elle ne délivre en effet pas de résultat particulier mais participe à la production purement formelle d’une totalité abstraite, celle des preuves de travail. Indépendamment des transactions concrètes qui sont menées par les utilisateurs de Bitcoin, la fonction de hachage devient cependant pour ces « mineurs » le but même à accomplir (à un niveau d’efficacité toujours plus élevé) et induit des effets bien réels sur et par les moyens mobilisés.

      Le protocole Bitcoin se présente donc avec deux faces simultanées dont l’interaction est constitutive même de sa logique. Il y a d’une part une face concrète, dans le sens où elle adresse un besoin particulier, qui est représentée par les transactions des utilisateurs de la monnaie bitcoin. La portée de cet aspect-là dans le réel commence et s’éteint avec l’usage qui est fait du protocole Bitcoin par les « parties contractantes ». Il y a d’autre part une face abstraite, dans le sens où elle est vide de contenu particulier qui est représentée par la puissance de calcul « sans qualité » mise en œuvre par les « mineurs » afin de produire des preuves de travail indéfiniment et quel que soit le contenu des transactions traitées. Cette face qui présente une indifférence à (et non pas détachement de) tout contenu particulier, induit une dynamique et s’avère déterminante pour expliquer finalement les effets constatés dans le réel, en deçà et au-delà de ceux escomptés par les promoteurs du protocole.

  • #Adivasis meurtris. L’agonie d’un peuple autochtone en Inde

    Adivasi (littéralement « aborigène ») est le nom par lequel se désignent des populations autochtones d’Inde, avant tout celles vivant dans la partie centrale du pays, du #Maharashtra à l’#Odisha. Ils sont particulièrement nombreux dans l’Etat du #Chhattisgarh, sur lequel est centrée cette enquête en forme de bande dessinée.


    http://www.jssj.org/article/adivasis-meurtris-lagonie-dun-peuple-autochtone-en-inde
    #peuples_autochtones #Inde #BD #livre #bande_dessinée

  • Le bitcoin et la blockchain : des gouffres énergétiques

    https://theconversation.com/le-bitcoin-et-la-blockchain-des-gouffres-energetiques-62335

    Karl J. O’Dwyer et David Malone ont montré, dans une étude publiée en 2014, que la consommation du réseau destiné au bitcoin était probablement de l’ordre de grandeur de la consommation électrique d’un pays comme l’Irlande, soit environ 3 GW.

    Imaginons que les monnaies de type bitcoin se généralisent. La masse monétaire mondiale en circulation est estimée à 11 000 milliards de dollars. La consommation d’énergie correspondante devrait donc s’élever à plus de 4 000 GW, soit 8 fois la consommation électrique de la France, et deux fois celle des États-Unis. Ce n’est pas sans raison que le site Novethic titrait dernièrement : « Le bitcoin, un boulet climatique ».

    • Le constat alarmant sur la consommation induite par Bitcoin est juste, mais le diagnostic est cependant faux, et cela ne permet pas de pointer vers le facteur principal à mettre en cause.

      En effet, ce n’est pas l’augmentation du nombre de transactions à ajouter dans le registre qui fait principalement l’augmentation de la puissance de calcul de minage nécessaire, mais bien la concurrence entre les mineurs pour des calculs sans contenu propre, qui est un point crucial du protocole Bitcoin lui-même pour « sécuriser » le registre.

      La consommation électrique attribuable au fonctionnement de la blockchain Bitcoin est donc déterminée par un paramètre interne au protocole et non par un paramètre externe tel que la montée en charge des usages.

      http://www.jssj.org/article/deplacer-des-montagnes-avec-le-vent-numerique

  • Sécuriser l’espace des pauvres

    La perspective de l’organisation, à Rio de Janeiro, de plusieurs événements sportifs et culturels d’envergure internationale [1] constitue un enjeu majeur pour la ville. Plus que jamais, ces grands événements conduisent les autorités publiques à œuvrer dans le sens d’une résolution du problème de l’insécurité. Elle a atteint des niveaux surprenants et concourt à menacer la liberté et les droits fondamentaux, principalement dans les quartiers pauvres. Ce phénomène est tout particulièrement observé à #Rio_de_Janeiro, désignée par M. Lopes de Souza de fobópole[2]. Selon lui, la #ville est un laboratoire privilégié pour l’étude des phénomènes sociaux que constituent la peur, l’insécurité, la criminalité et la violence, et de leur pendant principal : la #sécurité ou la #sécurisation.


    http://www.jssj.org/article/securiser-lespace-des-pauvres
    #espace #pauvres #JO #Jeux_olympiques
    #urban_matter

  • Un droit à la ville ? Réseaux virtuels et centralités éphémères des #lesbiennes à #Paris

    Espace de forte densité et de diversité, les villes et en particulier les plus grandes incarnent classiquement des lieux où les relations entre les individus sont anonymes, indépendantes des liens interpersonnels, démultipliant ainsi les possibilités de rencontres avec l’altérité. Vivre en ville c’est pouvoir exprimer plus librement qu’ailleurs des comportements et des identités différentes.


    http://www.jssj.org/article/un-droit-a-la-ville-reseaux-virtuels-et-centralites-ephemeres-des-lesbiennes-a
    #LGBT #urban_matter #cartographie #visualisation #mobilité #femmes #espace
    via @ville_en

  • La justice alimentaire comme réponse à la faim dans les paysages alimentaires canadiens | jssj.org
    http://www.jssj.org/article/la-justice-alimentaire-comme-reponse-a-la-faim-dans-les-paysages-alimentaires-

    Le problème de la faim n’a guère de visibilité au Canada aujourd’hui. Communément, la #faim et la #malnutrition sont abordées à travers le prisme de la sécurité alimentaire, soit « une situation caractérisée par le fait que toutes les personnes, en tout temps, ont économiquement, socialement et physiquement accès à une alimentation suffisante, sûre et nutritive qui satisfait leurs besoins nutritionnels et leurs préférences alimentaires pour leur permettre de mener une vie active et saine » (FAO, 2014, p. 50). Cependant, l’augmentation du taux de #pauvreté alimentaire dans un contexte de restructuration néolibérale du système alimentaire mondial, les coupes dans les programmes de sécurité sociale au niveau national, le développement subséquent de l’#aide_alimentaire caritative, et l’émergence de mouvements locaux pour une alimentation ciblée ont miné l’efficacité politique de la démarche de sécurité alimentaire. Nous utilisons volontairement dans cet article la notion de pauvreté alimentaire comme cadre conceptuel alternatif pour décrire les causes systémiques de la faim. Nous mettons d’abord en perspective le processus d’invisibilisation de la question de l’inégalité de l’accès à une alimentation de qualité, dans un contexte où la démarche de sécurité alimentaire se trouve de plus en plus dépolitisée. Nous soutenons ensuite que si le « mouvement alimentaire alternatif » s’est développé en réponse à l’augmentation des taux d’#insécurité_alimentaire (Heldke, 2009), son incapacité à se détacher de cette démarche inefficace et à négocier un programme plus axé sur la justice sociale contribue à invisibiliser les inégalités alimentaires, tout en en produisant de nouvelles. À partir du cas canadien, nous montrons que l’alimentation est un moyen politique qui permet de faire apparaitre les questions de justice sociale et de démocratie alimentaire dans nos paysages alimentaires (foodscapes). Pour ce faire, nous examinons la façon dont un projet de glanage agricole étroitement lié à un Conseil de politique alimentaire (Food Policy Council) dans la vallée de l’Okanagan, en Colombie-Britannique, s’est engagé dans une praxis de justice alimentaire qui vise à faire sortir de l’ombre les problèmes de pauvreté et d’inégalité alimentaires, se faisant ainsi le précurseur d’une démocratie alimentaire équitable et d’une transformation politique plus large.

    #alimentation #inégalité #justice

  • Le code est la loi ? | Jean Zin
    http://jeanzin.fr/2016/07/21/le-code-est-la-loi

    Or, la blockchain vient de rencontrer son premier véritable accroc, mettant en pièce son idéologie libertarienne pour corriger un bug et récupérer de l’argent volé, cela au nom de la grande majorité des utilisateurs. Tout-à-coup, on est revenu sur terre avec tous les problèmes qu’on connaît bien, de police comme de régulation des marchés. Que le libéralisme soit beaucoup plus productif que l’étatisme n’implique absolument pas que les marchés ni la monnaie pourraient marcher sans Etat et la prétention d’une loi immuable se heurte rapidement au réel. Comme disaient les anciens Grecs « les lois sont comme des toiles d’araignées qui n’attrapent que les petites mouches mais laissent passer les guêpes et les plus gros bourdons ». On ne peut faire barrage aux puissances réelles, ce dont la blockchain vient de faire l’expérience.

    • Idéalisation des monnaies fiat (étatiques). Par exemple, il parle des crypto-monnaies « comme le Bitcoin, préservée de toute intervention d’une quelconque démocratie » comme si l’euro ou le dollar étaient gérées de manière démocratique !

      Sans compter la confusion entre technique et politique comme lorsqu’il parle de « son [celle de la blockchain] idéologie libertarienne » comme si le code de la blockchain avait une idéologie ! (Les humains en ont une, pas le logiciel.)

    • De nombreux logiciels et plein d’autres techniques complexes (le nucléaire par exemple) ont une idéologie incluses dedans, et cela justement parce que ce sont des humains qui les ont conçu et qu’elles sont le produit d’un moment et d’un mode de pensée particulier. Les techniques complexes contiennent un monde, contiennent en elles-même une direction générale.

      #progressisme

    • http://www.jssj.org/article/deplacer-des-montagnes-avec-le-vent-numerique

      Si les promoteurs des crypto-monnaies prétendent au déploiement d’une nouvelle monnaie – et même d’une nouvelle génération de monnaie –, c’est donc sur la base d’une appréhension bien particulière de ce qu’est (ou devrait être) une monnaie. D’autres conceptions de la monnaie pourraient leur être opposées (Aglietta & Orléan, 2002, Testart, 2001), et notamment par le fait qu’elles stipulent qu’une monnaie est forcément adossée à une institution qui en établit la validité. Ces positions contradictoires, qui contestent mutuellement leurs prémisses respectifs, partagent cependant un principe commun [...] : il existerait un concept général et trans-historique de monnaie qui permettrait d’en tirer un rôle générique et commun aussi bien dans les sociétés de l’antiquité grecque (et même plus anciennes encore) que dans les sociétés modernes de l’ère industrielle. [...]

      La monnaie est donc appréhendée comme une donnée quasi-anthropologique récurrente et stable dans ses fondements, dont les formes peuvent varier, mais dont la signification profonde est établie dès son avènement et pour laquelle ne varient que ses manifestations superficielles, que ce soit de manière contingente ou évolutive. Ainsi, seules des fonctions dérivées et purement techniques caractériseraient les développements les plus récents notamment dans l’expansion de la sphère financière ou la dématérialisation des échanges monétaires. Les variations historiques ne correspondraient qu’à l’avènement de formes de plus en plus sophistiquées, mais aussi épurées, de moyens mis en œuvre pour viser des fins quasi naturelles comme le serait la circulation des biens ou des informations, par exemple. On peut objecter à ces positions diverses et irréconciliables qu’elles ont en commun un biais réducteur : la rétro-projection sur les sociétés pré-capitalistes de catégories qui sont propres à cette forme de synthèse sociale bien particulière. Les particularités en question sont à la fois absentes et omniprésentes dans les théories de la monnaie correspondant à ces positions antagonistes : absentes car non interrogées, omniprésentes car constituant le cadre dans lequel sont rabattus des phénomènes qui relèvent d’une autre logique.

      Il n’entre pas dans le cadre de cet article d’établir quelle théorie de la monnaie serait la plus adéquate pour analyser l’émergence des crypto-monnaies. Il s’agira plutôt d’établir en quoi ce phénomène se situe dans une forme de synthèse sociale bien particulière. S’il convient donc de garder à l’esprit qu’un concept trans-historique de monnaie exprime avant tout une forme de conscience socialement et historiquement située, cette revendication d’une nouvelle monnaie inscrite dans de nouveaux supports peut être interprétée selon deux angles complémentaires. D’une part, comme la marque de « l’illusion du moment » concernant un phénomène considéré à tort comme étant une réalité transposable d’une forme de synthèse sociale à une autre, d’autre part comme l’indice d’une nouvelle phase de la forme de synthèse sociale dans laquelle se déploie cette revendication.

    • Par exemple, il parle des crypto-monnaies « comme le Bitcoin, préservée de toute intervention d’une quelconque démocratie » comme si l’euro ou le dollar étaient gérées de manière démocratique !

      Ce n’est pas parce qu’on remet en cause les crypto-monnaies qu’on adule euro et dollar. Voici ce que dit Jean Zin dans un commentaire plus bas :

      Le néolibéralisme vise à dépolitiser l’Etat, le dé-démocratiser par des institutions régulatrices indépendantes mais c’est une utopie, on ne peut pas faire s’évaporer les forces sociales réellement agissantes. Il ne s’agit pas de dire que la politique c’est bien, j’en pense le plus grand mal, mais que c’est un réel inéliminable, que ce soit au niveau local ou mondial. Je plaide pour une fin du théologico-politique et la reconnaissance de l’échec du politique pour avoir une chance de faire un peu mieux mais cela ne fera pas disparaître la puissance de l’argent et des marchés, ni la nécessité constante d’adaptation et de régulation.

      Il ne s’agit pas de la conception qu’on peut avoir d’une monnaie mais de l’efficacité d’un type de monnaie dans un système de production donné, selon les périodes et les marchés. Il ne s’agit pas de ce qu’on voudrait. En général, le politique se mêle de l’économie quand ça va mal, on ne peut attendre que les Etats restent les bras croisés quand tout s’écroule sous prétexte qu’il ne faudrait pas toucher au code comme à une loi divine.

      Et puis, euro et dollar sont soumis à des rapports de force (dont une partie de ce rapport de force vient d’une variable démocratique certes avec plein de défauts et dysfonctionnements), à tel point que, par exemple, il n’est pas sûr que l’euro survive (au moins sous sa forme actuelle) dans les 10 ans qui viennent.

    • @Rastapopoulos Je ne voulais pas dire que les concepteurs du logiciel n’avaient pas d’opinions politiques (ils en avaient) ni que le logiciel était neutre. Je sais bien que tout système technique encourage certains usages et en décourage d’autres (c’est le « code is law » de Lessig qui, comme beaucoup de phrases fameuses, est souvent cité à contre-sens par des gens qui n’ont pas lu le texte original).

      Je voulais dire que le raccourci « l’idéologie de la blockchain » m’énervait car il suppose que l’idéologie vient du logiciel. Cela dépolitise le débat, je trouve.

    • @alexcorp Les crypto-monnaies sont aussi soumises à des décisions politiques qui dépendent de rappprts de force, et qui ne sont pas plus ou moins démocratiques que celles de l’euro ou du dollar. Deux exemples typiques récents sont l’impossibilité de Bitcoin à prendre une décision ferme sur la question de la taille des blocs, et a contrario la décision (qu’on la juge bonne ou mauvaise) d’Ethereum de changer les règles pour récupérer l’argent de The DAO. Dans les deux cas, on a bien de la politique, et des humains qui décident.

    • [...] il suppose que l’idéologie vient du logiciel. Cela dépolitise le débat, je trouve.

      Si l’on prend le terme idéologie dans le sens (faible) d’opinion, bien évidemment que le logiciel n’a pas d’idéologie car ce sont bien les êtres humains qui se forment une opinion. Mais le terme d’idéologie est loin d’être synonyme d’opinion. Il désigne plutôt le cadre de pensée a priori, les catégories abstraites qui semblent pourtant avoir une existence bien réelles pour les membres d’une société donnée, à tel point qu’elles sont vécues comme des contraintes « naturelles », et non pas issues de leur propre agir inconscient.

      Penser que le logiciel ne fait que véhiculer les opinions de ses concepteurs et qu’à ce titre il suffit de les dénoncer pour désamorcer son potentiel de domination, de nuisance ou d’aliénation, c’est justement écarter tout un pan du questionnement critique (et donc politique) que l’on doit porter sur les techniques numériques.

  • Information géographique numérique et justice spatiale : les promesses du « partage » | jssj.org
    http://www.jssj.org/article/information-geographique-numerique-et-justice-spatiale-les-promesses-du-partag

    Nous proposons dans cet article une contribution aux débats sur les liens entre algorithmisation du monde et justice spatiale, par une analyse critique des effets politiques de la circulation de l’information géographique numérique. Celle-ci constitue la « matière » alimentant un nombre croissant d’algorithmes guidant notre quotidien et les politiques publiques affectant nos territoires (aide au déplacement, prospective territoriale, etc.). Il est donc particulièrement nécessaire de décrypter ses modalités de production, ses flux, ses conséquences en termes de justice, notamment spatiale.

  • Liberté, Egalité, Computer | jssj.org
    http://www.jssj.org/issue/juillet-2016-dossier-thematique

    1. Liberté, Egalité, Computer
    1. Liberty, Equality, IT
    Jean Gardin | Sophie Didier | Aurélie Quentin
    http://www.jssj.org/article/liberte-egalite-computer

    2. Mesurer la justice socio-spatiale : de l’ancien au nouveau monde, promesses et menaces du « Big Data »
    2. Measuring Socio-Spatial Justice : From Statistics to Big Data – Promises and Threats
    Elisabeth Tovar
    http://www.jssj.org/article/mesurer-la-justice-socio-spatiale-de-lancien-au-nouveau-monde-promesses-et-men

    3. Admission post-bac : un « libre choix » sous contrainte algorithmique
    3. Post-bac admission : an algorithmically constrained “free choice”
    Leila Frouillou
    http://www.jssj.org/article/admission-post-bac-un-libre-choix-sous-contrainte-algorithmique

    4. Information géographique numérique et justice spatiale : les promesses du « partage »
    4. Sharing Platforms in Digital Geographic Information and Spatial Justice : Everything it Promises ?
    Pierre Gautreau | Matthieu Noucher
    http://www.jssj.org/article/information-geographique-numerique-et-justice-spatiale-les-promesses-du-partag

  • Pour l’hospitalité urbaine. Contre la tentation du repli sécuritaire, ouvrons nos villes. | jssj.org
    http://www.jssj.org/article/pour-lhospitalite-urbaine-contre-la-tentation-du-repli-securitaire-ouvrons-nos

    Nous devons nous prémunir de rêver de villes forteresses au nom de la sécurité, de villes marchandisées, stériles, uniformisées qui, sous prétexte de nous rassurer, ne font que supprimer les espaces depuis lesquels nous pouvons justement espérer élaborer un monde plus juste et plus libre. Matthieu Giroud explorait les possibles urbains, se glissait dans les interstices pour les faire connaître, nous faisait découvrir des paysages quotidiens et des parcours singuliers. Sa mort ne sert à rien, ses travaux, eux, peuvent nous aider à vivre. D’abord parce qu’ils nous rappellent la vie et la pensée foisonnante de notre ami disparu ; ensuite parce qu’ils nous invitent à créer des espaces urbains hospitaliers, lieux d’expression de nos créativités individuelles et collectives et d’expérimentation de citoyennetés réelles

    #hospitalité #terrorisme #Matthieu_Giroud

  • #Justice_Alimentaire et #Agriculture

    Le renouvellement des relations entre villes et campagnes est marqué ces dernières années par l’émergence de nombreuses initiatives de #solidarité ou de reconnexion des espaces urbains avec leur environnement agricole, par l’intermédiaire du registre alimentaire (circuits courts, fêtes agri-rurales par exemple). Mais alors que l’on n’a jamais autant parlé d’agriculture, notamment urbaine et périurbaine (Poulot, 2014, 2015), il existe un fossé persistant entre certains espaces défavorisés et les espaces agricoles, même ceux qui leur sont proches (Alkon et Agyeman, 2011 ; voir aussi A. Beischer et J. Corbett dans ce numéro). Un écart d’autant plus criant qu’à l’inverse, les initiatives qui connectent les « petits producteurs locaux » sont rentrées dans les habitudes des populations à fort capital social et culturel, au Nord comme au Sud.

    http://www.jssj.org
    http://www.jssj.org/article/justice-alimentaire-et-agriculture
    cc @odilon
    via @ville_en

  • Arènes et ressources du droit au village : les ressorts de l’émancipation dans les campagnes occidentales au 21ème siècle | jssj.org
    http://www.jssj.org/article/arenes-et-ressources-du-droit-au-village-les-ressorts-de-lemancipation-dans-le

    Au sein des études rurales, les références explicites à la notion de « droit à la ville » sont rares, tout comme la transposition des questionnements qui lui sont associés (Barraclough 2013 ; Banos & Candau 2006). Est-ce l’expression, et son attache sémantique indissociable de la ville, qui a dissuadé de telles expériences ? Le concept a pu en effet paraître inadéquat au contexte rural. Les tenants des études rurales et urbaines s’étant longtemps construits en opposition au sein de la géographie, ils ont fini par élaborer des objets et des approches théoriques relativement autonomes. Toutefois l’urbanisation croissante des populations et la recomposition des relations entre villes et campagnes ont eu raison de ces clivages, les objets ou références théoriques des chercheurs tendant à se rapprocher (Mathieu 1990 & 1998). Ainsi les espaces ruraux français, à l’instar d’autres pays occidentaux, ont connu des changements profonds, à commencer par l’emprise toujours plus forte des mécanismes du #capitalisme tels qu’observés dans les villes. Parallèlement, ils sont eux aussi le théâtre de #luttes, de #protestation et de mobilisation variés, significatifs des transformations qui les affectent.

    #ruralité #territoires