Michea : le meilleur, le bizarre et le pire, par Frederic Lordon

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  • David Graeber pour un communisme au quotidien | Le Comptoir
    http://comptoir.org/2014/12/11/david-graeber-pour-un-communisme-au-quotidien

    Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la logique de l’échange marchand est parvenue à s’introduire jusque dans la pensée de ses adversaires les plus résolus, à commencer par l’anthropologie du don. Faire un don revient bel et bien à créer une dette qui obligera celui qui a reçu à rendre. Pour David Graeber, cette logique de l’échange réciproque ne permet pas d’expliquer à elle seule l’ensemble de la vie sociale. L’un des principes moraux qui échappe à la logique de l’échange est ce qu’il appelle le communisme, mais qui n’a pas grand-chose à voir avec la dictature du prolétariat ou la nationalisation des moyens de production. Il s’agit plutôt des comportements humains qui obéissent au principe « de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins ». Dans ce cadre, nous agissons d’une manière désintéressée, sans nous demander si nous y trouvons forcément notre compte. L’anthropologue soutient que tout le monde agit en communiste une bonne partie de son temps, même s’il reconnaît qu’une société organisée exclusivement sur ce principe ne pourra jamais exister.

    « L’obligation de partager les denrées alimentaires et tout produit que l’on juge de première nécessité devient souvent le fondement de la morale quotidienne dans une société dont les membres se perçoivent comme égaux. » David Graeber

    Au nom de l’efficacité, les entreprises capitalistes fonctionnent d’ailleurs elles-mêmes partiellement sur ce principe. Quand une canalisation s’est rompue et que celui qui la répare réclame une clé anglaise, son collègue ne lui demandera pas « Qu’est-ce que j’aurai en échange ? » mais s’exécutera, même s’ils travaillent pour Burger King ou Goldman Sachs. C’est également ce qui se passe au lendemain de grands désastres, qu’il s’agisse d’une inondation, d’une panne d’électricité géante ou d’un effondrement de l’économie. Dans ces circonstances extraordinaires, l’entraide prévaut sur les hiérarchies et les marchés, les étrangers deviennent soudain frères et sœurs et la société humaine semble renaître. Un grand nombre de nos comportements sont d’ailleurs déterminés par ce communisme au quotidien, qui constitue le fondement de toute sociabilité humaine. Quand nous échangeons dans une conversation, quand nous demandons une cigarette, quand nous aidons quelqu’un en train de se noyer ou un enfant qui tombe sur les rails du métro, nous ne nous posons pas la question de savoir si cela est dans notre intérêt. C’est ce que David Graeber appelle le « communisme fondamental » : si le besoin est jugé assez important ou le coût assez raisonnable, chacun suppose qu’entre des gens qui ne se considèrent pas comme des ennemis, le principe « de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins » l’emportera.

    La notion de partage joue un rôle essentiel dans le communisme. Tout fumeur sait à quel point il est difficile de refuser une demande de cigarette dès lors qu’on a été identifié comme appartenant le partage sauvera le mondeà la communauté des fumeurs. En cela, nous ne sommes pas très éloignés des tribus Nuers de la haute vallée du Nil, pour qui il était impossible de rejeter une demande de n’importe quel article de consommation courante lorsqu’elle venait de quelqu’un qui avait été accepté comme membre du clan. Le communisme échappe fondamentalement à la logique de l’échange parce qu’il ne fonctionne pas sur le mode de la #réciprocité. La seule chose qui est égale, c’est la certitude que l’autre en ferait autant pour vous, sans forcément l’attendre. Dans un cadre où personne ne cherche à savoir s’il a reçu autant qu’il a donné, l’idée même de compter paraîtrait blessante.

    #logique_du_don #gratuité #marchandisation

  • La finance a-t-elle tué le covoiturage ?
    http://carfree.fr/index.php/2014/07/04/la-finance-a-t-elle-tue-le-covoiturage

    Tout ceci illustre la naïveté profonde à la fois des partisans du covoiturage et des partisans de la nouvelle économie collaborative en mode 2.0. Certains diront que ce sont là les “dérives” naturelles d’une prise de contrôle d’un projet “utopique” par un fonds d’investissement tellement capitaliste. Plus prosaïquement, on appelle cela, à défaut d’être précis, la “récupération par le système”.

    • Ils oublient quelques arguments chez carfree !

      C’est pourquoi, depuis très longtemps, c’est-à-dire à l’époque de la pré-histoire d’Internet, le #covoiturage avait déjà ses adeptes. A vrai dire, ces adeptes étaient peu nombreux et devaient communiquer par des petites annonces dans les journaux gratuits…

      Comme si rien n’existait avant internet et l’an 2000 ! c’est ignorer les systèmes de covoiturage par téléphone dans les années 90, et surtout le fait que partager une voiture ce n’est pas diminuer la pollution mais continuer d’y participer, bref, la question a aborder est amha avant tout politique. Car comment en est-on arrivé à tuer le transport public et même l’idée de rendre service sans mercantilisme, voir ce machin archaïque qui se nommait l’auto-stop.

    • J’ai beaucoup voyagé en stop en france et dans certaines parties de l’europe dans les années 80/90. Les seules qui m’aient fait chier ce sont deux nanas qui ont voulu aider une pauvre fille seule sur la route et m’ont emmené 10km plus loin pour me déposer à une entrée d’autoroute où il n’y avait personne, là j’ai attendu jusqu’à la nuit… moyen cool.
      Les camionneurs qui te proposent de passer à l’arrière, tu en as, mais tu les repères avant de monter, ou sinon tu as intérêt à les tenir en respect en leur faisant parler de leur famille, ça peut marcher.
      Le stop ça permettait de voyager gratis dans une voiture, pas besoin d’argent pour bouger ! tout le monde y participait, c’était un état d’esprit hérité des années 70, fallait bien sûr avoir le temps de faire les trajets, et savoir aussi qu’on risquait de dormir dehors, un truc de jeune ou de routard·e quand même. N’empêche Pte d’Orléans, il y a avait la queue des autostoppeurs et chacun·e tenant son carton attendait que la précédent·e soit parti·e, exactement comme pour les taxis. L’autostop a disparu avec les années Pasqua où il fallait apprendre à avoir peur.
      Après, quand j’ai eu une caisse, je passais toujours par la Pte d’Orléans mais il n’y avait plus personne pour que je puisse rendre la pareille.

      Pour caricaturer, ceux qui font encore du stop aujourd’hui sont le plus souvent des gros pauvres relous qui puent, et les covoitureurs sont plutôt petits jeunes bourges propres sur eux prêts à payer pour aller d’un endroit à l’autre confortablement.
      Quelque part, on y a perdu.

  • Du « populisme liquide »

    Le « populisme liquide » est le terme qu’emploie Raphaël Liogier pour définir le populisme des temps modernes. Il diffère du populisme de l’entre-deux-guerres utilisé par les dictateurs d’Europe. Il ne faut pas tant craindre un effondrement des démocraties comme dans les années 1930 mais davantage une « dissolution ou une liquéfaction progressive de l’Etat de droit qui a déjà commencé » (p 54). Le populisme ronge les principes sur lesquels sont fondées nos démocraties : nos lois, nos principes et notre constitution qui sont les garants de nos libertés fondamentales et individuelles. L’Etat de droit se dissout avec le populisme parce que nous sommes dans l’urgence et nous devons réagir face aux menaces. L’urgence est le pire ennemi de la démocratie, car elle permet de prendre n’importe quelle décision au nom de nos valeurs républicaines ou démocratiques, décisions qui peuvent pourtant aller à l’encontre de nos libertés et qui témoignent surtout d’une « réaction de défense puisque nous serions attaqués les premiers » (p 55). Ce « délire narcissique » amène par exemple à vouloir des lois plus sévères à l’encontre du voile. La laïcité – qui est le produit de nos libertés fondamentales - ne désigne plus la neutralité des représentants de l’Etat mais la « neutralisation » avec l’apparition du concept de « nouvelle laïcité » qui restreint la liberté d’expression des citoyens, parce que nous serions en guerre. « Le président dit même que, finalement, la neutralité ne peut plus s’arrêter à l’espace public, mas doit pénétrer les espaces privés […]. Pourtant, dans l’Etat de droit, l’espace public n’a jamais été cet espace de neutralité,mais au contraire le lieu où l’’individu peut exprimer ses convictions, y compris religieuses » (p 61). Le populisme liquide est une défense culturelle, celle de la « culture occidentale ». Seulement, il est très difficile de définir la culture occidentale qui « englobe tout et son contraire » : il s’agit d’une notion « fluides et rétractable ». Il se développe « l’essentialisme » de la culture où seul le contenant importe. La chrétienté se mêle à tous nos principes comme république, universalisme, laïcité ne deviennent alors qu’un patrimoine ou « des morceaux fantasmés de notre culture » que les populistes exploitent (mariage pour tous, Identité nationale). Si bien que « les rôles sont fluides, interchangeables, et les ennemis d’hier peuvent devenir des alliés d’aujourd’hui ». Le populisme fluide est pernicieux. La « manif pour tous » ne serait pas homophobe car elle respecte les pratiques sexuelles des homosexuelles mais vise davantage la « culture homosexuelle ». Les musulmans et homosexuels qui manifestent à leur côté sont désormais des amis. Marianne est mobilisée ainsi que les symboles à la fois pacifiques et révolutionnaires comme le « Printemps arabe ». Mais il ne faut pas se leurrer : les ennemis appartiennent à n’importent quelle minorité.

    Le populisme liquide a d’autant plus le vent en poupe que nous vivons sous la « politique du signe ». L’important n’est pas tant pour un homme politique de résoudre un problème que de montrer qu’il agit, qu’il fait « signe » au Peuple (p 77). Pour cela, il existe des spécialistes des opinions ou « opinionlogues » qui construisent des édifices liquides, des « châteaux de sable » à base d’opinions hétéroclites et mouvantes » (p 78). Nicolas Sarkozy est l’exemple type du populisme liquide. Il n’y a pas de véritable construction idéologique puisqu’il emprunte à gauche et à droite, parle comme tout le monde, les yeux rivés sur les sondages, n’écoute que les spécialistes de l’opinion. C’est le modèle du réactionnaire-progressiste, politiquement incorrect sur la forme, qui s’écrit devant les caméras au lieu d’agir et lorsqu’il agit, il vise des communautés (mesures discriminatoire, « visant à contrôler les modes de vie ») au lieu d’agir sur les véritables causes des problèmes (p 81). « Toutes les contradictions sont possibles, pour donner naissance à des édifices opiniologiques aussi absurdes qu’éphémères » (p 81). Le but de ces agitations est toujours de défendre la culture du Vrai peuple, peu importe si les explications n’ont aucune cohérence : elles cachent souvent une vision complotiste comme le lien qui existerait entre la GPA le mariage pour tous et la dictature des minorités. « Le seul élément stable est le sentiment du complot des minorités et le rejet de la mondialisation » (p 82). Les partis ou mouvements européens qui partagent cette forme de populisme sont de plus en plus nombreux et ont en commun de « limiter la liberté au nom de la défense de la liberté du vrai peuple ». Leur stratégie est de diffuser le populisme dans l’ensemble des partis politiques, alors que dans les années 1930, les partis traditionnels étaient réticents, refusaient l’idée de l’existence d’un « vrai » peuple et d’avoir recours à l’appel au peuple.

    Quel est le Vrai Peuple, celui dont parlent les populistes et les opinionlogues ? Si le Peuple manifeste par exemple contre le mariage pour tous, il « peut aussi redevenir le Blanc persécuté, et même poursuivi par les minorités ethnos-culturelles » qui les chasseraient des banlieues vers la campagne. En face, se dresse les traîtres : « bobo » ou « soixante-huitard » multiculturalistes « aux commandent de la mondialisation néolibérale » (p 76) possédant les moyens économiques et politiques et qui habitent dans les centres villes. C’est la thèse du géographe Christophe Guilluy qui a inspiré tant la gauche, (la « Gauche Populaire ») que la droite (Sarkozy, « Droite Forte » ou « Populaire ») (p 74). L’idée sous-jacente de son analyse est la « guerre culturelle ». Raphaël Liogier rappelle que le « Manifeste de la Gauche populaire » « en appelle à une laïcité qui serait « inscrite dans le réel », ce fameux ’réel’ qui est l’âme du peuple, le bon sens » (p 75). Le bon sens du Peuple ressemble beaucoup à la common decency du philosophe Jean-Claude Michéa, reprenant le terme de George Orwell. « Elle est équivalente au Réel, une sorte d’honnêteté spontanée de l’homme du peuple qui sait intuitivement quelles sont les limites à ne pas dépasser, qui sait comment l’on doit décemment vivre et se comporter » (p 97). En plus d’être facilement manipulable, cette common decency amène à contrôler des communautés et à leur soumettre un « mode de vie » conforme à « notre » culture (p 95). Jean Claude Michéat fait aussi l’erreur de mettre en rapport le libéralisme économique et la liberté des mœurs. « Ce genre d’attitude masque la vraie critique du capitalisme en tant que système économique d’aliénation et nous empêche de repérer les vraies communautés qui peuvent être sources de violence » (p 99). Pour terminer, Raphaël Liogier soutient que le libéralisme politique (l’émancipation des individus) n’amène pas au libéralisme économique qui peut être vecteur d’aliénation. D’ailleurs, le terme libéralisme a perdu son véritable sens, partout il est discrédité. C’est la liberté qui est menacée au nom de la subjectivité du Peuple qui amène à contrôler « l’intimité individuelle, les sentiments, les émotions, la vie privée » (p 102) vers un totalitarisme liquide, plus « insidieux » que le totalitarisme nazi car dans ce type de régime qui menace nos libertés individuelles, il n’existe plus de corps intermédiaires ni de contre-pouvoir. Il faut, selon lui, accepter le métissage culturel qui va accomplir notre « aspiration moderne à une société universelle » car « hier comme aujourd’hui, c’est la liberté qui est en jeu » (p 105).

    http://blogs.mediapart.fr/blog/remy-p/271213/ce-populisme-qui-vient-de-raphael-liogier-ou-les-dangers-du-populism

    • concernant Michéa il a donné dans deux de ses bouquins une explication à peu-près claire de cette fameuse common decency http://seenthis.net/messages/154210#message166422, à partir de laquelle on pourrait préciser une définition

      L’Empire du moindre mal (2007) : « Valeurs partagées et solidarité collective effectivement pratiquée. »

      La double pensée (2008) : « Vertus humaines élémentaires que sont, par exemple, la loyauté, l’honnêteté, la bienveillance ou la générosité. Or ces vertus, qui s’enracinent depuis des millénaires dans ce que Mauss nommait la logique du don, ne sauraient être confondues avec les constructions métaphysiques des fanatiques du « Bien » — que ces dernières trouvent leur principe officiel dans la volonté divine, l’ordre naturel ou le sens de l’Histoire. »

      En gros cette common decency c’est un peu l’opposé du #narcissisme, c’est l’ensemble des valeurs qui font qu’un collectif peut fonctionner : honnêteté, entraide, sens du bien commun et du partage, respect de la parole donnée, bienveillance. ça m’a pas l’air bien mystérieux à définir, mais Michéa semble malgré ça rester dans le flou quant à cette notion, et la résume souvent dans ses entretiens comme « l’intuition qu’il y a des choses qui ne se font pas », ce qui laisse la porte très ouverte à des interprétations relevant plus de l’ordre moral que des solidarités paysannes ou ouvrières.
      edit : exemple parmi d’autres il y a quelques mois, les « antigones » dont causait @monolecte http://seenthis.net/messages/156020

  • Le laisser-faire est-il libertaire ?, par Serge Halimi (#2013/06)
    http://www.monde-diplomatique.fr/2013/06/HALIMI/49177

    En accès libre

    L’un est un philosophe passé des marges de l’édition au statut de référence de la contestation antiproductiviste. L’autre, un normalien de 30 ans tenant séminaire à l’Ecole normale supérieure. Leurs travaux respectifs semblent camper les deux pôles entre lesquels tâtonne la gauche française.

    Jean-Claude Michéa et Geoffroy de Lagasnerie s’opposent sur à peu près tout. Le premier pourfend le libéralisme culturel autant que le libéralisme économique ; le second salue en eux un « foyer d’imagination ». Tous deux s’accordent cependant pour les juger liés. C’est là que réside leur erreur commune.

    #Idées #Histoire #Économie #Politique #Idéologie #Socialisme #Capitalisme #Libéralisme #Néolibéralisme

  • Impasse Michéa
    http://www.revuedeslivres.fr/impasse-michea-par-frederic-lordon

    des détestations communes ne font pas une pensée commune. Ni une politique. On peut facilement partager avec Michéa sa vacherie sarcastique à propos des plus ridicules manifestations de la branchitude mondialisée, mais pas grand-chose de plus. Ne reconnaît-on pas les convergences de rencontre au fait qu’on peut se rendre en leur foyer depuis des directions très différentes ? Voire très opposées. C’est le cas ici, car la vision du monde qui soutient les sarcasmes partageables de Michéa n’est pas (...)

    • Lien avec http://seenthis.net/messages/154210

      #Michéa #Jean-Claude-Michéa #Frédéric-Lordon #progressisme #Progrès #gauche #socialisme

      Et la réponse de Michéa à Corcuff sur Mediapart, qui contient plusieurs paragraphes répondant directement à Lordon :
      http://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/020813/en-reponse-corcuff

      Lorsque, dans le Complexe d’Orphée, j’écris que « ce n’est donc pas tant par leur prétendue “nature” que les classes populaires sont encore relativement protégées de l’égoïsme libéral. C’est bien plutôt par le maintien d’un certain type de tissu social capable de tenir quotidiennement à distance les formes les plus envahissantes de l’individualisme possessif » (« tissu social » dont j’ajoutai immédiatement que le développement de l’urbanisme libéral était en passe de l’éroder, au risque d’engendrer ainsi une « lumpenisation » d’une partie des classes populaires), ce passage devient aussitôt, sous la plume avertie de Frédéric Lordon : « Michéa s’interdit de voir que le peuple ne doit qu’à des conditions sociales extérieures (et pas du tout à son “essence” de “peuple”) de ne pas choir dans l’indecency »

      [...]

      Il est vrai que Frédéric Lordon a réussi le tour de force de dénoncer la « faiblesse conceptuelle » de ma théorie de la #common-decency_ tout en dissimulant constamment à ses lecteurs (et cela, pendant onze pages !) ce qui en constituait justement le _pilier central, à savoir l’usage que je fais de l’œuvre de #Marcel-Mauss [#Mauss] et de ses héritiers (Serge Latouche, Alain Caillé, Philippe Chanial, Paul Jorion, Jacques Godbout, etc.) afin d’en déduire une interprétation moderne et socialiste.

    • Le fait est que l’aggressivité et le mépris de Lordon sont assez étonnants. Il s’en prend à Orwell avec brutalité, et contredit Michéa avec un contresens...
      Mais cela n’est sans doute que la marque non pas de Zorro, mais du Monde Diplomatique...
      http://seenthis.net/messages/167708

      Car il faut bien admettre que la « common decency » est bien séduisante : comme s’il était possible, humainement, simplement, de se soustraire à la folie de tous ces « trucs ».

      Cette simple possibilité semble ulcérer le prescripteur. Il est vrai qu’il a des lettres.

      La sociologie (science)

       : il est bien connu que la sociologie a le statut de science. La certitude de ses conclusions est sans appel.

      la sociologie-mécanisme

       : qui se charge de (etc) : de la même manière que la sociologie comme mécanisme imparable et prouvé s’active avec ses grands pieds à nous pousser tous autant que nous sommes, dans le dos.

      Car, comme Bourdieu l’a abondamment montré, le comble de la domination...

      Et nous y voilà ! La sociologie comme science et mécanisme se trouve toute nichée dans une démonstration sur laquelle on ne peut revenir, du fait qu’elle est, bien sur, de Bour-Dieu.

      Il se trouve pourtant que pas mal de gens et pas des moindres, ne voient en Bourdieu qu’un prophète holiste dont les conceptions essentialistes n’ont qu’une valeur génerationnelle. Remâcher des ressentiments de parvenu ne fait pas une science au siècle de Popper et de Boudon.
      Qu’on dise au moins qu’il est contesté, au lieu d’en faire une évidence coranique, qui plus est agressive !

      Bon, je me suis bien défoulé...

      Pourtant, l’article s’adoucit sur la fin.
      J’irais même jusqu’à être profondément d’accord avec :

      On pourrait même estimer que c’est l’un des chantiers intellectuels les plus décisifs de la gauche critique, à savoir : comment imaginer des solutions non régressives de régulation des désirs dans une société individualiste.

      Qui est très précisément ce que Michéa met sur la table.

      Mais hélas la question finalement posée par Lordon :

      Comment penser un nouveau régime historique de la limite, propre à notre époque, c’est peut-être la seule manière de poser la question qui nous fasse échapper à l’alternative du michéisme et du libéralisme-libertaire.

      se termine par un taux d’imposition à 100% « décapitatoire », et finalement, je dirais bien sur, par la nécessité de « structures », que l’on voudrait bien lui laisser organiser, vu son élévation d’âme.

      Ma conclusion sera : vive la liberté et « fuck your morals ».