• Les tumultes de la chair, si violents soient-ils, ne peuvent pas l’emporter dans l’âme sur une pensée, s’ils sont seuls. Mais leur victoire est facile s’ils communiquent leur puissance persuasive à une autre pensée, si mauvaise soit-elle. C’est ce point qui est important. Aucune pensée n’est de qualité trop médiocre pour cette fonction d’alliée de la chair. Mais il faut à la chair de la pensée pour alliée.
    C’est pourquoi, alors qu’en temps ordinaire les gens, même cultivés, vivent, sans aucun malaise, avec les plus énormes contradictions intérieures, dans les moments de crise suprême, la moindre faille dans le système intérieur acquiert la même importance que si le philosophe le plus lucide se tenait quelque part, malicieusement prêt à en profiter ; et il en est ainsi chez tout homme, si ignorant soit-il.
    Dans les moments suprêmes, qui ne sont pas nécessairement ceux du plus grand danger, mais ceux où l’homme se trouve, devant le tumulte des entrailles, du sang et de la chair, seul et sans stimulants extérieurs, ceux dont la vie intérieure procède tout entière d’une même idée sont les seuls qui résistent. C’est pourquoi les systèmes totalitaires forment des hommes à toute épreuve.

    http://classiques.uqac.ca/classiques/weil_simone/enracinement/weil_Enracinement.pdf
    #totalitarisme #terrorisme #violence #déshumanisation

    • Aujourd’hui il n’y a guère que l’adhésion sans réserves à un système totalitaire brun, rouge ou autre, qui puisse donner, pour ainsi dire, une illusion solide d’unité intérieure. C’est pourquoi elle constitue une tentation si forte pour tant d’âmes en désarroi.

  • Mensonge et journalisme de meute
    (à propos de la fausse agression d’Aubervilliers)

    Le besoin de #vérité est plus sacré qu’aucun autre. Il n’en est pourtant jamais fait mention. On a peur de lire quand on s’est une fois rendu compte de la quantité et de l’énormité des faussetés matérielles étalées sans honte, même dans les livres des auteurs les plus réputés. On lit alors comme on boirait l’eau d’un puits douteux.
    Il y a des hommes qui travaillent huit heures par jour et font le grand effort de lire le soir pour s’instruire. Ils ne peuvent pas se livrer à des vérifications dans les grandes bibliothèques. Ils croient le livre sur parole. On n’a pas le droit de leur donner à manger du faux. Quel sens cela a-t-il d’alléguer que les auteurs sont de bonne foi ?
    Eux ne travaillent pas physiquement huit heures par jour. La société les nourrit pour qu’ils aient le loisir et se donnent la peine d’éviter l’erreur.
    Un aiguilleur cause d’un déraillement serait mal accueilli en alléguant qu’il est de bonne foi.
    À plus forte raison est-il honteux de tolérer l’existence de journaux dont tout le monde sait qu’aucun collaborateur ne pourrait y demeurer s’il ne consentait parfois à altérer sciemment la vérité.
    Le public se défie des journaux, mais sa défiance ne le protège pas. Sachant en gros qu’un journal contient des vérités et des mensonges, il répartit les nouvelles annoncées entre ces deux rubriques, mais au hasard, au gré de ses préférences. Il est ainsi livré à l’erreur.
    Tout le monde sait que, lorsque le #journalisme se confond avec l’organisation du #mensonge, il constitue un #crime. Mais on croit que c’est un crime impunissable.
    Qu’est-ce qui peut bien empêcher de punir une activité une fois qu’elle a été reconnue comme criminelle ? D’où peut bien venir cette étrange conception de crimes non punissables ? C’est une des plus monstrueuses déformations de l’esprit juridique.
    Ne serait-il pas temps de proclamer que tout crime discernable est punissable, et qu’on est résolu, si on a en l’occasion, à punir tous les crimes ?
    Quelques mesures faciles de salubrité publique protégeraient la population contre les atteintes à la vérité.
    La première serait l’institution, pour cette protection, de tribunaux spéciaux, hautement honorés, composés de magistrats spécialement choisis et formés. Ils seraient tenus de punir de réprobation publique toute erreur évitable, et pourraient infliger la prison et le bagne en cas de récidive fréquente, aggravée par une mauvaise foi démontrée.

    http://classiques.uqac.ca/classiques/weil_simone/enracinement/weil_Enracinement.pdf
    #médias #propagande


    https://twitter.com/JasonMatthieu/status/676439396732657664
    https://twitter.com/acrimed_info/status/676440880417513473

    • « C’est l’école qui va te tuer » disait-il avoir entendu.

      il devait subir une inspection de l’éducation nationale dans le courant de la semaine. Or les policiers notent qu’il s’est souvent fait porter pâle en de telles occasions.

      En tout ça la ministre "les élèves posent trop de questions" a été cohérente.

    • Que les média aient pour première fonction d’empoisonner les esprits n’est pas nouveau...

      Ce qui me semble plus dommageable, d’une autre forme de toxicité, et particulièrement remarquable ces temps-ci, c’est que l’on voit des autoproclamés révolutionnaires, des libertaires, des auteurs qui se revendiquent d’une critique sociale « radicale » (et souvent de l’héritage intellectuel de Simone Weil) ne plus penser qu’ils pourraient bien eux aussi ne pas avoir « le droit de donner à manger du faux » à leurs lecteurs, ne plus sembler capables de lier ce qu’ils prétendent être à cette exigence minimale.

      Je pense à tous ces auteurs, ces noms connus et très présents, qui semblent, pour le dire très gentiment , soudain ne plus savoir rien lire ni comprendre, sitôt que l’auteure qu’ils sont sous les yeux est, pour ne citer que quelques uns des exemples les plus récurrents de leur spectaculaire faculté de non-compréhension, une horrible féministe matérialiste, une affreuse « déconstructrice », ou l’épouvantable et terrifiante porte-parole du PIR ; et qui n’ont alors rien de plus empressé que de livrer l’étendue de leur confusion, assortie d’un grand luxe de détail, à la plus grande publicité possible.

      C’est à croire qu’ils s’imaginent que personne ne sait lire sans leur aide, et que leur décryptage averti de spécialistes de renom, hommes, blancs, établis de plus ou moins longue date dans la carrière militante et l’impuissance révolutionnaire, serait indispensable à la réception d’autres pensées que la leur. Tout particulièrement, de pensées non masculines, non hétérosexistes, non blanches.
      En venant prétendre sans vergogne que le chaos et l’égarement original qu’ils se plaisent à donner en spectacle se trouverait in extenso dans une telle pensée, plutôt que d’être un produit fabriqué expressément au moyen du laborieux exercice de non-lecture et de distorsion systématique auxquels ils se sont livrés à ses dépends, ces hommes blancs libertaires radicalement révolutionnaires donnent tout de même généreusement à contempler leur façon de mettre en pratique cet adage, assurément cher à tout dominant, qui veut que : « si je ne comprends rien à vos propos, c’est que vous devez être bête ». On conçoit qu’une telle attitude vaille pour qui, se sentant en position de force, s’efforce de recourir à une forme d’intimidation en calomniant le premier et se moque donc comme une guigne d’être honnête envers qui que ce soit, mais certainement pas pour qui prétend sincèrement vouloir contribuer à une quelconque forme d’ « émancipation ». Il me semble que de telles carrières « révolutionnaires », très étroitement masculines et blanches, réduites, pour durer, à espérer aussi visiblement dans le succès d’une ignorance et d’une confusion auxquelles elles s’échinent à concourir de sont, dans le meilleur des cas, en bout de course, si ce n’est déjà posthumes.

      Je ne vais pas en ébaucher la liste. On les reconnaîtra assez clairement à l’esquisse que j’ai donné de leurs exploits : cela fait désormais assez longtemps qu’ils font bien assez de bruit tous seuls.

      Ces révolutionnaires ont paru à l’épreuve de la honte jusqu’ici. Il serait pourtant éminemment souhaitable qu’il ne soit prochainement plus possible à de tels personnages de surenchérir publiquement dans une quelconque forme d’imbécilité volontaire sans voir leur attitude moquée comme elle le mérite, et ce par le public même auquel ils osent servir ce faux-là...

      Mais rien ne garantit que de telles agonies intellectuelles ne s’éterniseront pas.

  • Toute notre #civilisation est fondée sur la spécialisation, laquelle implique l’asservissement de ceux qui exécutent à ceux qui coordonnent ; et sur une telle base, on ne peut qu’organiser et perfectionner l’#oppression, mais non pas l’alléger.
    Simone Weil (1909-1943)

    http://iresmo.jimdo.com/2015/07/18/simone-weil-une-critique-de-l-industrialisme
    http://classiques.uqac.ca/classiques/weil_simone/reflexions_causes_liberte_oppression/reflexions_sur_la_liberte.pdf
    #guerre_aux_pauvres #critique_techno #critique_de_la_valeur

    • Mais, si l’état actuel de la technique ne suffit pas à libérer les travailleurs, peut-on du moins raisonnablement espérer qu’elle soit destinée à un développement illimité, qui impliquerait un accroissement illimité du rendement du travail ? C’est ce que tout le monde admet, chez les capitalistes comme chez les socialistes, et sans la moindre étude préalable de la question ; il suffit que le rendement de l’effort humain ait augmenté d’une manière inouïe depuis trois siècles pour qu’on s’attende à ce que cet accroissement se poursuive au même rythme. Notre culture soi-disant scientifique nous a donné cette funeste habitude de généraliser, d’extrapoler arbitrairement, au lieu d’étudier les conditions d’un phénomène et les limites qu’elles impliquent ; et Marx, que sa méthode dialectique devait préserver d’une telle erreur, y est tombé sur ce point comme les autres.

    • Il n’existe par ailleurs qu’une autre ressource permettant de diminuer la somme de l’effort humain, à savoir ce que l’on peut nommer, en se servant d’une expression moderne, la #rationalisation du #travail.
      [...]
      Dès qu’on jette un regard sur le régime actuel de la production, il semble assez clair non seulement que ces facteurs d’économie comportent une limite au-delà de laquelle ils deviennent facteurs de dépense, mais encore que cette limite est atteinte et dépassée. Depuis des années déjà l’agrandissement des entreprises s’accompagne non d’une diminution, mais d’un accroissement des frais généraux ; le fonctionnement de l’entreprise, devenu trop complexe pour permettre un contrôle efficace, laisse une marge de plus en plus grande au #gaspillage et suscite une extension accélérée et sans doute dans une certaine mesure parasitaire du personnel affecté à la coordination des diverses parties de l’entreprise. L’extension des échanges, qui a autrefois joué un rôle formidable comme facteur de #progrès économique, se met elle aussi à causer plus de frais qu’elle n’en évite, parce que les marchandises restent longtemps improductives, parce-que le personnel affecté aux échanges s’accroît lui aussi à un rythme accéléré, et parce que les transports consomment une énergie sans cesse accrue en raison des innovations destinées à augmenter la vitesse, innovations nécessairement de plus en plus coûteuses et de moins en moins efficaces à mesure qu’elles se succèdent. Ainsi à tous ces égards le progrès se transforme aujourd’hui, d’une manière à proprement parler mathématique, en régression.

      #contre-productivité

    • Simone Weil aborde dans ses textes plusieurs points qui raisonnent avec une accuité particulière aujourd’hui dans une économie pourtant souvent qualifiée de post-fordiste et de post-industrielle. Elle s’interroge sur le mythe de la #croissance illimitée. Elle montre la difficulté à s’appuyer sur une croyance en l’innovation technologique et la confiance dans le progrès #technique. Elle rappelle au contraire la part d’imprévisibilité à laquelle est soumise l’#innovation technologique. De même, elle montre le lien entre la #rationalité technique et calculante. Elle met en lumière la manière dont cette rationalité calculante envahit tous les pans de l’existence. Aujourd’hui, l’utilisation de la rationalité algorithmique dans le monde de l’entreprise et de la gouvernance politique en constitue une nouvelle étage. L’automatisation du travail par l’"#intelligence_artificielle" et l’utilisation des #big_data en vue d’une analyse prédictive en sont deux exemples. Face aux tenants du #capitalisme vert, qui affirment que les progrès technologique pourront dépasser le problème des limites naturelles, Simone Weil montre en quoi cette croyance relève d’une foi religieuse dans le progrès technique.

    • Le problème est effectivement spécialisation + besoin de coordination. Ce besoin de coordination est apparemment apparu avec les infrastructures agricoles (barrages, bassins, canaux d’irrigation....). Et la spécialisation a été possible grâce à l’#agriculture aussi, avec des denrées stockables en surplus (céréales).

    • @nicolasm comme le disait Hemenway, l’agriculture amène, toujours, à une concentration du pouvoir par l’élite. C’est le résultat inévitable de l’existence de gros surplus stockables, qui est au coeur de l’agriculture, et nous pourrions avoir besoin de créer une culture où le surplus, ainsi que la peur et la cupidité qui le rendent desirable, ne sont plus les résultats structurels de nos pratiques culturelles.
      http://seenthis.net/messages/190256
      Ce qui nous ramène à l’#horticulture

      Most horticultural societies are far more egalitarian than agriculturists, lacking despots, armies, and centralized control hierarchies.
      Horticulture is the most efficient method known for obtaining food, measured by return on energy invested. Agriculture can be thought of as an intensification of horticulture, using more labor, land, capital, and technology. This means that agriculture, as noted, usually consumes more calories of work and resources than can be produced in food, and so is on the wrong side of the point of diminishing returns. That’s a good definition of unsustainability, while horticulture is probably on the positive side of the curve.

      http://tobyhemenway.com/203-is-sustainable-agriculture-an-oxymoron

    • Oui mais j’imagine que ça ne suffit pas, car même si les céréales sont sans mesure pour la facilité et la durée de stockage et la versatilité de l’utilisation, on pourrait imaginer une capitalisation agricole avec surplus temporaires (tubercules, fruits à coques) suffisamment en nombre pour fabriquer une élite ? Peut être qu’une condition nécessaire est d’avoir des biens communs pour que celles et ceux qui ne veulent pas être esclaves puissent vivre librement en autonomie. Mais malheureusement ce n’est pas de la seule volonté des humains libres, comme l’a démontré maintes fois l’Histoire.

    • Sauf que l’horticulture étant par définition très manuelle, tu ne peux pas avoir de grosse surface cultivée par personne. Ça favorise une relative égalité dans la propriété, et une plus grande dispersion des ressources, qui sont de ce fait moins accumulables.
      La disparition des #communs a par ailleurs été de pair avec la mise en place des #enclosures, qui a marqué les débuts du capitalisme.

    • Sauf que l’horticulture étant par définition très manuelle, tu ne peux pas avoir de grosse surface cultivée par personne. Ça favorise une relative égalité dans la propriété

      Une égalité ... ou de l’esclavage. La canne à sucre est un bon exemple, puisque ça doit être une des culture les plus rentables en calories/ha, mais requérant une grosse main d’œuvre. Mais peut être s’éloigne t-on de l’horticulture

    • La puissance et la concentration des armements mettent toutes les vies humaines à la merci du pouvoir central. En raison de l’extension formidable des échanges, la plupart des hommes ne peuvent atteindre la plupart des choses qu’ils consomment que par l’intermédiaire de la société et contre de l’argent ; les paysans eux-mêmes sont aujourd’hui soumis dans une large mesure à cette nécessité d’acheter. Et comme la grande industrie est un régime de production collective, bien des hommes sont contraints, pour que leurs mains puissent atteindre la matière du travail, de passer par une collectivité qui se les incorpore et les astreint à une tâche plus ou moins servile ; lorsque la collectivité les repousse, la force et l’habileté de leurs mains restent vaines. Les paysans eux-mêmes, qui échappaient jusqu’ici à cette condition misérable, y ont été réduits récemment sur un sixième du globe. Un état de choses aussi étouffant suscite bien ça et là une réaction individualiste ; l’art, et notamment la littérature, en porte des traces ; mais comme en vertu des conditions objectives, cette réaction ne peut mordre ni sur le domaine de la pensée ni sur celui de l’action, elle demeure enfermée dans les jeux de la #vie_intérieure ou dans ceux de l’aventure et des actes gratuits, c’est-à-dire qu’elle ne sort pas du royaume des ombres ; et tout porte à croire que même cette ombre de réaction est vouée à disparaître presque complètement.

      #hétéronomie #système_technicien

    • Elle a écrit ce texte en 1934 et c’est impressionnant de voir avec quelle précision ça décrit la situation actuelle

      L’augmentation formidable de la part prise dans les entreprises par le capital matériel, si on la compare à celle du #travail_vivant, la diminution rapide du #taux_de_profit qui en a résulté, la masse perpétuellement croissante des frais généraux, le #gaspillage, le coulage, l’absence de tout élément régulateur permettant d’ajuster les diverses branches de la production, tout empêche que l’activité sociale puisse encore avoir pour pivot le développement de l’#entreprise par la transformation du #profit en #capital. Il semble que la lutte économique ait cessé d’être une rivalité pour devenir une sorte de guerre. Il s’agit non plus tant de bien organiser le travail que d’arracher la plus grande part possible de capital disponible épars dans la société en écoulant des actions, et d’arracher ensuite la plus grande quantité possible de l’argent dispersé de toutes parts en écoulant des produits ; tout se joue dans le domaine de l’opinion et presque de la fiction, à coups de #spéculation et de #publicité. Le crédit étant à la clef de tout succès économique, l’épargne est remplacée par les dépenses les plus folles. Le terme de #propriété est devenu presque vide de sens ; il ne s’agit plus pour l’ambitieux de faire prospérer une affaire dont il serait le propriétaire, mais de faire passer sous son contrôle le plus large secteur possible de l’activité économique. En un mot, pour caractériser d’une manière d’ailleurs vague et sommaire cette transformation d’une obscurité presque impénétrable, il s’agit à présent dans la lutte pour la puissance économique bien moins de construire que de conquérir ; et comme la conquête est destructrice, le système capitaliste, demeuré pourtant en apparence à peu près le même qu’il y a cinquante ans, s’oriente tout entier vers la destruction.

    • Les moyens puissants sont oppressifs, les moyens faibles sont inopérants. Toutes les fois que les opprimés ont voulu constituer des groupements capables d’exercer une influence réelle, ces groupements, qu’ils aient eu nom partis ou syndicats, ont intégralement reproduit dans leur sein toutes les tares du régime qu’ils prétendaient réformer ou abattre, à savoir l’organisation bureaucratique, le renversement du rapport entre les moyens et les fins, le mépris de l’individu, la séparation entre la pensée et l’action, le caractère machinal de la pensée elle-même, l’utilisation de l’abêtissement et du mensonge comme moyens de propagande, et ainsi de suite. L’unique possibilité de salut consisterait dans une coopération méthodique de tous, puissants et faibles, en vue d’une décentralisation progressive de la vie sociale ; mais l’absurdité d’une telle idée saute immédiatement aux yeux. Une telle coopération ne peut pas s’imaginer même en rêve dans une civilisation qui repose sur la rivalité, sur la lutte, sur la guerre

      lien avec http://seenthis.net/messages/315340

    • Les leaders sont des types durs, qui ont des idées et des idéologies, et la visibilité et l’illusion de l’unité disparaîtraient. C’est précisément parce qu’ils n’ont pas de leader que le mouvement peut survivre. Mais c’est précisément parce qu’ils n’ont pas de leader qu’ils ne peuvent pas transformer leur unité en action concrète.

      http://cultura.elpais.com/cultura/2015/12/30/babelia/1451504427_675885.html

  • Des chiffres en lutte
    http://www.laviedesidees.fr/Des-chiffres-en-lutte.html

    Deux ouvrages font ressortir l’importance de la quantification dans les technologies de pouvoir contemporaines et les formes de résistance à celle-ci. Pourtant, l’activisme en faveur d’un usage émancipateur et non asservissant des chiffres est-il une réalité ou un horizon souhaitable ?

    Livres & études

    / #méthode, #statistiques

    #Livres_&_études

    • Le simple jeu du calcul algébrique est parvenu plus d’une fois à ce qu’on pourrait appeler une notion nouvelle, à cela près que ces simili-notions n’ont pas d’autre contenu que des rapports de signes ; et ce même calcul est souvent merveilleusement propre à transformer des séries de résultats expérimentaux en lois, avec une facilité déconcertante qui rappelle les transformations fantastiques que l’on voit dans les dessins animés. Les machines automatiques semblent présenter le modèle du travailleur intelligent, fidèle, docile et consciencieux.
      Quant à la monnaie, les économistes ont longtemps été persuadés qu’elle possède la vertu d’établir entre les diverses fonctions économiques des rapports harmonieux. Et les mécanismes bureaucratiques parviennent presque à remplacer des chefs. Ainsi dans tous les domaines la pensée, apanage de l’individu, est subordonnée à de vastes mécanismes qui cristallisent la vie collective, et cela au point qu’on a presque perdu le sens de ce qu’est la véritable pensée. Les efforts, les peines, les ingéniosités des êtres de chair et de sang que le temps amène par vagues successives à la vie sociale n’ont de valeur sociale et d’efficacité qu’à condition de venir à leur tour se cristalliser dans ces grands mécanismes. Le renversement du rapport entre moyens et fins, renversement qui est dans une certaine mesure la loi de toute société oppressive, devient ici total ou presque, et s’étend à presque tout. Le savant ne fait pas appel à la science afin d’arriver à voir plus clair dans sa propre pensée, mais aspire à trouver des résultats qui puissent venir s’ajouter à la science constituée. Les machines ne fonctionnent pas pour permettre aux hommes de vivre, mais on se résigne à nourrir les hommes afin qu’ils servent les machines. L’argent ne fournit pas un procédé commode pour échanger les produits, c’est l’écoulement des marchandises qui est un moyen pour faire circuler l’argent. Enfin l’organisation n’est pas un moyen pour exercer une activité collective, mais l’activité d’un groupe, quel qu’il puisse être, est un moyen pour renforcer l’organisation.

      #système_technicien
      http://classiques.uqac.ca/classiques/weil_simone/reflexions_causes_liberte_oppression/reflexions_sur_la_liberte.pdf

  • La mairie de Madrid crée un site destiné à signaler les erreurs des journalistes
    http://www.lemonde.fr/europe/article/2015/07/16/la-mairie-de-madrid-cree-un-site-destine-a-corriger-les-erreurs-des-journali

    La mairie de Madrid, dirigée depuis un mois par une plate-forme citoyenne intégrant le parti antilibéral Podemos, a lancé un site Internet qui répertorie les erreurs contenues dans les articles de presse. Une initiative largement décriée par l’opposition conservatrice et par les associations de journalistes, qui dénoncent une atteinte à la liberté de la presse.

    #madrid #espagne #podemos #journalisme

    • Madrid Versión Original es uno de los canales del Ayuntamiento de Madrid que ofrecen información sobre la actividad municipal directamente a la ciudadanía. Esta web, creada por la Dirección General de Comunicación del Ayuntamiento de Madrid, permite a la ciudadanía y a los medios de comunicación encontrar la información original que dio lugar a una noticia que en su recorrido se ha modificado y contiene afirmaciones inexactas o matizables. Se trata de una web basada en datos contrastables y oficiales y por este motivo no está abierta a comentarios ni es un espacio de debate.

      La página está a disposición de todos los grupos municipales con el fin de asegurar una información municipal completa, veraz y transparente. Madrid V.O. cuenta además con la participación ciudadana a través de una dirección de correo a la que se pueden enviar dudas sobre informaciones supuestamente erróneas, aclaraciones y sugerencias (madridvo@madrid.es). Sus contenidos podrán seguirse en Twitter (@MadridVO).

      http://madridvo.madrid.es/index.php/madridvo-que-es

    • Le besoin de vérité est plus sacré qu’aucun autre. Il n’en est pourtant jamais fait mention. On a peur de lire quand on s’est une fois rendu compte de la quantité et de l’énormité des faussetés matérielles étalées sans honte, même dans les livres des auteurs les plus réputés. On lit alors comme on boirait l’eau d’un puits douteux.
      Il y a des hommes qui travaillent huit heures par jour et font le grand effort de lire le soir pour s’instruire. Ils ne peuvent pas se livrer à des vérifications dans les grandes bibliothèques. Ils croient le livre sur parole. On n’a pas le droit de leur donner à manger du faux. Quel sens cela a-t-il d’alléguer que les auteurs sont de bonne foi ? Eux ne travaillent pas physiquement huit heures par jour. La société les nourrit pour qu’ils aient le loisir et se donnent la peine d’éviter l’erreur. Un aiguilleur cause d’un déraillement serait mal accueilli en alléguant qu’il est de bonne foi.
      À plus forte raison est-il honteux de tolérer l’existence de journaux dont tout le monde sait qu’aucun collaborateur ne pourrait y demeurer s’il ne consentait parfois à altérer sciemment la vérité.
      Le public se défie des journaux, mais sa défiance ne le protège pas. Sachant en gros qu’un journal contient des vérités et des mensonges, il répartit les nouvelles annoncées entre ces deux rubriques, mais au hasard, au gré de ses préférences. Il est ainsi livré à l’erreur.
      Tout le monde sait que, lorsque le #journalisme se confond avec l’organisation du mensonge, il constitue un crime. Mais on croit que c’est un crime impunissable. Qu’est-ce qui peut bien empêcher de punir une activité une fois qu’elle a été reconnue comme criminelle ? D’où peut bien venir cette étrange conception de crimes non punissables ? C’est une des plus monstrueuses déformations de l’esprit juridique. Ne serait-il pas temps de proclamer que tout crime discernable est punissable, et qu’on est résolu, si on a en l’occasion, à punir tous les crimes ?
      Quelques mesures faciles de salubrité publique protégeraient la population contre les atteintes à la vérité.
      La première serait l’institution, pour cette protection, de tribunaux spéciaux, hautement honorés, composés de magistrats spécialement choisis et formés. Ils seraient tenus de punir de réprobation publique toute erreur évitable, et pourraient infliger la prison et le bagne en cas de récidive fréquente, aggravée par une mauvaise foi démontrée.
      Par exemple un amant de la Grèce antique, lisant dans le dernier livre de Maritain : « les plus grands penseurs de l’antiquité n’avaient pas songé à condamner l’esclavage », traduirait Maritain devant un de ces tribunaux. Il y apporterait le seul texte important qui nous soit parvenu sur l’esclavage, celui d’Aristote. Il y ferait lire aux magistrats la phrase : « quelques-uns affirment que l’esclavage est absolument contraire à la nature et à la raison ». Il ferait observer que rien ne permet de supposer que ces quelques-uns n’aient pas été au nombre des plus grands penseurs de l’antiquité. Le tribunal blâmerait Maritain pour avoir imprimé, alors qu’il lui était si facile d’éviter l’erreur, une affirmation fausse et constituant, bien qu’involontairement, une calomnie atroce contre une civilisation tout entière. Tous les journaux quotidiens, hebdomadaires et autres, toutes les revues et la radio seraient dans l’obligation de porter à la connaissance du public le blâme du tribunal, et, le cas échéant, la réponse de Maritain. Dans ce cas précis, il pourrait difficilement y en avoir une.
      Le jour où Gringoire publia in extenso un discours attribué à un anarchiste espagnol qui avait été annoncé comme orateur dans une réunion parisienne, mais qui en fait, au dernier moment, n’avait pu quitter l’Espagne, un pareil tribunal n’aurait pas été superflu. La mauvaise foi étant dans un tel cas plus évidente que deux et deux font quatre, la prison ou le bagne n’auraient peut-être pas été trop sévères.
      Dans ce système, il serait permis à n’importe qui, ayant reconnu une erreur évitable dans un texte imprimé ou dans une émission de la radio, de porter une accusation devant ces tribunaux.
      La deuxième mesure serait d’interdire absolument toute #propagande de toute espèce par la radio ou par la presse quotidienne. On ne permettrait à ces deux instruments de servir qu’à l’information non tendancieuse.
      Les tribunaux dont il vient d’être question veilleraient à ce que l’information ne soit pas tendancieuse.
      Pour les organes d’#information ils pourraient avoir à juger, non seulement les affirmations erronées, mais encore les omissions volontaires et tendancieuses.
      Les milieux où circulent des idées et qui désirent les faire connaître auraient droit seulement à des organes hebdomadaires, bi-mensuels ou mensuels. Il n’est nullement besoin d’une fréquence plus grande si l’on veut faire penser et non abrutir.
      La correction des moyens de persuasion serait assurée par la surveillance des mêmes tribunaux, qui pourraient supprimer un organe en cas d’altération trop fréquente de la vérité. Mais ses rédacteurs pourraient le faire reparaître sous un autre nom.
      Dans tout cela il n’y aurait pas la moindre atteinte aux libertés publiques. Il y aurait satisfaction du besoin le plus sacré de l’âme humaine, le besoin de protection contre la suggestion et l’erreur.
      Mais qui garantit l’impartialité des juges ? objectera-t-on. La seule garantie, en dehors de leur indépendance totale, c’est qu’ils soient issus de milieux sociaux très différents, qu’ils soient naturellement doués d’une intelligence étendue, claire et précise, et qu’ils soient formés dans une école où ils reçoivent une éducation non pas juridique, mais avant tout spirituelle, et intellectuelle en second lieu. Il faut qu’ils s’y accoutument à aimer la vérité.
      Il n’y a aucune possibilité de satisfaire chez un peuple le besoin de vérité si l’on ne peut trouver à cet effet des hommes qui aiment la vérité.

      #éditocrates
      http://classiques.uqac.ca/classiques/weil_simone/enracinement/weil_Enracinement.pdf

    • Ah tiens, ça fait penser à cet article du figaro lu hier,
      http://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/2015/07/16/25001-20150716ARTFIG00240-la-laborieuse-consultation-du-patrimoine-des-parl où des journalistes qui essaient d’accéder au patrimoine des parlementaires, en l’occurence Balkany, qui effectivement y arrivent mais n’ont pas le droit d’en parler !!
      Voila, c’est assez comique de voir la mairie de Barcelone taxée en quelque sorte du fascisme orwellien du #ministère_de_la_vérité quand on voit que l’inversement des valeurs n’est bien entendu pas du côté de ceux qui sont critiqués mais de ceux qui se servent de la démocratie pour forcer le pouvoir. Ici les parlementaires français qui votent une loi de transparence sans aucune transparence. #transparence_mon_cul

      Ce salopard de Staline fait payer cher l’amalgame de son fascisme communiste avec l’organisation politique du peuple.

    • J’ai lu hier que pour avoir accès au détail du patrimoine des parlementaires, #c'est_pas_de_la_tarte
      http://rue89.nouvelobs.com/2015/07/16/defi-lete-aussi-consultez-les-patrimoines-elus-260305

      Les parlementaires ont réussi à échapper à cette publication : leurs déclarations ne sont que consultables. Gare à celui qui en divulguera la teneur ! Il risque 45 000 euros d’amende.

      Comment savoir ce que possède votre député ou sénateur ? Vous pouvez d’abord consulter le site de la HATVP pour s’assurer que sa déclaration est disponible. Il vous faut alors appeler le numéro de téléphone de la préfecture concernée.

      Après avoir bravé le répondeur téléphonique (« Pour la carte grise, tapez 1 »), vous prendrez rendez-vous avec une personne (généralement du bureau des élections) en donnant la liste des élu(e)s dont vous souhaitez examiner les déclarations. Il vous faudra alors justifier de votre identité (pièce d’identité) et de votre inscription sur les listes électorales. Cela peut se faire avec une carte d’électeur (l’original) ou une attestation d’inscription sur les listes électorales que vous pouvez demander à votre commune.

      Qu’allez-vous trouver ? Le patrimoine se compose de biens immobiliers, des valeurs mobilières, des comptes bancaires, des assurances vie, des véhicules, et enfin des emprunts et dettes. Attention, on ne plaisante pas, il est interdit de « reproduire, photographier ou copier » le document consulté.

      Pour en revenir à la Mairie de Madrid, puisque ce sont des journalistes qui sont visés, il y a une presse de gauche dans laquelle la maire ou ses sympathisant·es doivent pouvoir s’exprimer pour rétablir la vérité. Sur @seenthis nous sommes tout un tas d’individus aux parcours distincts qui trions, relayons, croisons et confrontons les infos récoltées ici et là pour essayer d’approcher au mieux la « vérité » en donnant une large place au débat. Personnellement je trouve ça nettement plus sain et démocratique que de l’institutionnaliser (la vérité, sans possibilité de débattre).

    • Oui @odilon, pour ton parallèle, car seenthis permet par exemple de #sourcer ou de resituer le contexte, B.A.BA du journalisme ou de la sociologie pour savoir qui parle et d’où, cf l’article de libé qui omet de dire qui est Jeffrey Sachs ! http://seenthis.net/messages/390400#message390440 mais surtout de croiser de façon créative des perspectives, ce qui fait que nous pouvons sortir de l’aspect informationnel (cf #information=ordre chez Deleuze http://seenthis.net/messages/367172 ).

      Au final, ce qui est sous jacent c’est que le #journalisme continue de perdre son crédit à force de n’être qu’un transmetteur sans réflexion. #dépêches

      Mais attaquer le site de la mairie de barcelone sous prétexte de liberté de la presse, je doute de l’argument. A chacun, comme toujours, de se faire son idée, tant que la censure n’est pas à lœuvre pour interdire une parution, ce n’est qu’une source supplémentaire pour croiser des dires.

    • Merci @touti pour ce dernier lien que je n’avais pas vu. Je suis bien d’accord qu’il ne s’agit pas d’atteinte à la liberté d’expression, le compliment pourrait d’ailleurs être retourné. Et je comprends bien la tentation. Mais je ne sais pas si c’est le rôle d’une collectivité locale de se lancer dans ce genre de dénonciation quand par ailleurs, la ville doit avoir déjà son site et son journal d’infos pour exposer ses projets en toute transparence. Je ne suis pas convaincue que ça rende le journalisme bas de gamme plus éthique. Bon, je reste réservée :)

  • « Elle avait 17 ans et elle a été violée par 40 soldats »
    http://www.liberation.fr/societe/2015/05/15/elle-avait-17-ans-et-elle-a-ete-violee-par-40-soldats_1310075

    Disparus de la mémoire de la Libération, les viols de masse commis au printemps 1944 par les troupes françaises restent une plaie ouverte dans le cœur des Italiens du Latium. Sept décennies plus tard, la France ne s’est jamais excusée et les victimes n’ont pas oublié. Source : Libération

  • Ernest Renan : un antisémitisme savant

    Parler d’Ernest Renan c’est évoquer l’une des figures du panthéon intellectuel français, un de ces personnages dont on donne le nom à des établissements scolaires ou à des rues. C’est dire qu’il n’est pas facile de parler de Renan, surtout pour présenter certains des aspects les plus contestables de ses idées. À Renan, dont la production intellectuelle a été très abondante, on doit certains grands textes, comme la célèbre conférence « Qu’est-ce qu’une Nation ? » prononcée à la Sorbonne, le 11 mars 1882, et que l’on cite encore aujourd’hui, entre autres à cause de la célèbre formule qui définit la nation comme« le désir de vivre ensemble ». Malheureusement, on lui doit aussi les textes dont je parlerai ici et qui, anachronisme mis à part, tomberaient sans doute sous le coup des lois réprimant le délit de « provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence raciale »...

    1. L’antisémitisme de Renan a un fondement complexe

    Son fondement n’est pas simplement « épidermique » comme l’est celui du racisme vulgaire. Il est bien plus sophistiqué. Ce racisme est, si l’on peut risquer l’expression, un « racisme ethno-linguistique » : c’est l’appartenance à une famille linguistique donnée qui constitue la vraie signature de l’appartenance
    raciale...

    2. L’antisémitisme de Renan est « hiérarchique ».

    Renan n’oppose pas en bloc une « race supérieure », la race aryenne à l’ensemble des autres races humaines globalement considérées comme « inférieures ». Ce racisme, donc, ne se contente pas d’établir entre les peuples une partition disjonctive. La division qu’il postule est hiérarchique, en sorte que l’on peut connaître entre deux races distinctes des proximités, voire des affinités qui les séparent des autres races...

    3. L’antisémitisme de Renan est « systématique »

    Le premier chapitre de Histoire générale des langues sémitiques est intitulé « caractère général des peuples et des langues sémitiques ». Dans ce chapitre, Renan s’efforce de mettre en évidence des traits qui, selon lui, sont partagés par tous les peuples « sémitiques » (à travers le temps et l’espace), donc des traits « inhérents » à ces peuples. Mais, et c’est là que réside l’aspect « scientifique » de l’entreprise, il va s’efforcer de relier tous ces traits les uns avec autres ET avec les propriétés des langues sémitiques. Il s’agit de montrer que tout cela « fait système ». Dans la foulée, et bien que le titre de l’ouvrage ne l’annonçât pas, il va faire de même pour les peuples et les langues indo-européennes (et parfois pour d’autres langues, notamment le chinois). Ce qui rend concevable cette entreprise remarquable c’est la thèse, centrale dans la pensée de Renan, selon laquelle la langue, la psychologie, le système cognitif, les conceptions artistiques, politiques et religieuses, tout cela est en étroite interdépendance...

    4. L’antisémitisme de Renan permet des prédictions.

    L’image extrêmement « typée » et systématique que Renan se fait de ce que sont les Sémites et leurs cultures lui permet de formuler diverses prédictions sur ce que l’on peut identifier, a priori, comme étant un quelconque de leurs avatars.

    5. L’antisémitisme de Renan est « fixiste », c’est-à-dire a-historique

    Le système de Renan repose crucialement sur le fait que les caractéristiques d’une « race » (langues, culture, organisation sociale) sont données une fois pour toutes. Il n’y a pas de processus de constitution progressive des langues, processus qui permettrait de supposer une évolution des idiomes avec le temps pouvant conduire à un changement profond de leur « nature »...

    Djamel Kouloughli

    https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00295114/document

    #renan
    #antisémitisme
    #islamophobie

    • sans lien direct avec le sujet mais à propos de Renan et du concept de nation :
      http://classiques.uqac.ca/classiques/weil_simone/enracinement/weil_Enracinement.pdf

      Il n’y aura pas de mouvement ouvrier sain s’il ne trouve à sa disposition une doctrine assignant une place à la notion de #patrie, et une place déterminée, c’est-à-dire limitée. D’ailleurs, ce besoin n’est davantage évident pour les milieux ouvriers que parce que le problème de la patrie y a été beaucoup discuté depuis longtemps. Mais c’est un besoin commun à tout le pays. Il est inadmissible que le mot qui aujourd’hui revient presque continuellement accouplé à celui de devoir, n’ait presque jamais fait l’objet d’aucune étude. En général, on ne trouve à citer à son sujet qu’une page médiocre de Renan.
      La #nation est un fait récent. Au Moyen Âge la fidélité allait au seigneur, ou à la cité, ou aux deux, et par delà à des milieux territoriaux qui n’étaient pas très distincts.
      Le sentiment que nous nommons #patriotisme existait bien, à un degré parfois très intense ; c’est l’objet qui n’en était pas territorialement défini. Le sentiment couvrait selon les circonstances des surfaces de terre variables.
      [...]
      L’#État est une chose froide qui ne peut pas être aimée mais il tue et abolit tout ce qui pourrait l’être ; ainsi on est forcé de l’aimer, parce qu’il n’y a que lui. Tel est le supplice moral de nos contemporains.
      C’est peut-être la vraie cause de ce phénomène du chef qui a surgi partout et surprend tant de gens. Actuellement, dans tous les pays, dans toutes les causes, il y a un homme vers qui vont les fidélités à titre personnel. La nécessité d’embrasser le froid métallique de l’État a rendu les gens, par contraste, affamés d’aimer quelque chose qui soit fait de chair et de sang. Ce phénomène n’est pas près de prendre fin, et, si désastreuses qu’en aient été jusqu’ici les conséquences, il peut nous réserver encore des surprises très pénibles ; car l’art, bien connu à Hollywood, de fabriquer des vedettes avec n’importe quel matériel humain permet à n’importe qui de s’offrir à l’adoration des masses.
      Sauf erreur, la notion d’État comme objet de fidélité est apparue, pour la première fois en France et en Europe, avec Richelieu. Avant lui on pouvait parler, sur un ton d’attachement religieux, du bien public, du pays, du roi, du seigneur. Lui, le premier, adopta le principe que quiconque exerce une fonction publique doit sa fidélité tout entière, dans l’exercice de cette fonction, non pas au public, non pas au roi, mais à l’État et à rien d’autre. Il serait difficile de définir l’État d’une manière rigoureuse. Mais il n’est malheureusement pas possible de douter que ce mot ne désigne une réalité.
      [...]
      Si l’État a tué moralement tout ce qui était, territorialement parlant, plus petit que lui, il a aussi transformé les #frontières territoriales en murs de prison pour enfermer les pensées. Dès qu’on regarde l’histoire d’un peu près, et hors des manuels, on est stupéfait de voir combien certaines époques presque dépourvues de moyens matériels de communication dépassaient la nôtre pour la richesse, la variété, la fécondité,
      l’intensité de vie dans les échanges de pensées à travers les plus vastes territoires.
      C’est le cas du Moyen Âge, de l’Antiquité pré-romaine, de la période immédiatement antérieure aux temps historiques. De nos jours, avec la T. S. F., l’aviation, le développement des transports de toute espèce, l’imprimerie, la presse, le phénomène moderne de la nation enferme en petits compartiments séparés même une chose aussi naturellement universelle que la science. Les frontières, bien entendu, ne sont pas infranchissables ; mais de même que pour voyager il faut en passer par une infinité de formalités ennuyeuses et pénibles, de même tout contact avec une pensée étrangère, dans n’importe quel domaine, demande un effort mental pour passer la frontière. C’est un effort considérable, et beaucoup de gens ne consentent pas à le fournir. Même chez ceux qui le fournissent, le fait qu’un effort est indispensable empêche que des liens organiques puissent être noués par-dessus les frontières.

    • voir également
      http://seenthis.net/messages/313819 http://bougnoulosophe.blogspot.fr/2009/05/derriere-la-nation-francaise-il-y.html
      http://anarsonore.free.fr/spip.php?breve176

      Dans « Qu’est-ce qu’une nation  ? » , conférence prononcée en 1882, il ne se gène pas pour écrire : « L’oubli, et je dirai même l’erreur historique, sont un facteur essentiel de la création d’une nation, et c’est ainsi que le progrès des études historiques est souvent pour la nationalité un danger » . On ne saurait être plus clair...

      http://seenthis.net/messages/53202

    • « La colonisation en grand est une nécessité politique tout à fait de premier ordre. Une nation qui ne colonise pas est irrévocablement vouée au socialisme, à la guerre du riche et du pauvre. La conquête d’un pays de race inférieure par une race supérieure, qui s’y établit pour le gouverner, n’a rien de choquant. L’Angleterre pratique ce genre de colonisation dans l’Inde, au grand avantage de l’Inde, de l’humanité en général, et à son propre avantage » (Ernest Renan, 1872, La Réforme intellectuelle et morale, Paris, Michel Lévy frères, pp. 92-93).

  • Disponible online pendant 3 mois gratuitement sur ARTE

    Face aux salafistes

    Le Salafisme, branche la plus radicale de l’islam connait une expansion considérable en #Europe. Prônant des préceptes pourtant archaïques, il parvient à séduire de plus en plus de jeunes à la dérive qui s’engagent dans une guerre sainte contre les « infidèles ». Comment s’organisent ces réseaux et quels sont les principaux acteurs ? En quoi #internet a-t-il contribué à leur essor ?

    http://www.arte.tv/guide/fr/049281-000/face-aux-salafistes
    #djihadisme #salafisme #islam #radicalisation #film #documentaire #djihad #djihadisme

    • A propos des termes #radicalisation et #fondamentalisme dont les médias français nous bombardent régulièrement ; on dit les jeunes qui se « radicalisent » en parlant de ceux qui vont faire la guerre religieuse en Syrie. « Imams radicaux » pour ceux qui diffusent la haine.
      Le terme « radical » vient de racine, et l’employer au sujet de de ces dérives violentes diffuse l’idée que la haine aveugle est à la racine de cette religion.
      De même le terme « fondamentalistes », « fondamentalisme », donne à croire que la haine aveugle en est le fondement.
      Je crois que ça participe à renforcer l’#islamophobie ambiante.
      http://resurgences.net/a-quoi-nous-sert-les-horizons

      Jacques Maritain voulait un humanisme intégral. Jacques Berque insistait sur la dimension du fondamental. Le premier disait intégral, non pas intégriste. Le second fondamental, non pas fondamentaliste. Aucune tentation, c’est le moins qu’on puisse dire, ni chez l’un ni chez l’autre, de céder à quoi que ce soit qui viendrait s’imposer de force à l’intelligence et à la liberté. Mais l’un et l’autre sentaient notre vision du monde effroyablement étroite. L’un et l’autre comprenaient que la réduction que nous imposons à la réalité fait du réalisme auquel elle conduit un outil inutile, dangereux, aberrant. Que ce prétendu réalisme est un monstre d’irréalisme. Que cette pitoyable caricature conduit plus sûrement la jeunesse au désespoir que l’alcool, que la drogue, que les pires aberrations. Que rien ne peut lui couper plus efficacement les ailes.

    • avec un petit bémol sur Maritain
      http://classiques.uqac.ca/classiques/weil_simone/enracinement/weil_Enracinement.pdf

      Quelques mesures faciles de salubrité publique protégeraient la population contre les atteintes à la vérité.
      La première serait l’institution, pour cette protection, de tribunaux spéciaux, hautement honorés, composés de magistrats spécialement choisis et formés. Ils seraient tenus de punir de réprobation publique toute erreur évitable, et pourraient infliger la prison et le bagne en cas de récidive fréquente, aggravée par une mauvaise foi démontrée.
      Par exemple un amant de la Grèce antique, lisant dans le dernier livre de Maritain : « les plus grands penseurs de l’antiquité n’avaient pas songé à condamner l’esclavage », traduirait Maritain devant un de ces tribunaux. Il y apporterait le seul texte important qui nous soit parvenu sur l’esclavage, celui d’Aristote. Il y ferait lire aux magistrats la phrase : « quelques-uns affirment que l’esclavage est absolument contraire à la nature et à la raison ». Il ferait observer que rien ne permet de supposer que ces quelques-uns n’aient pas été au nombre des plus grands penseurs de l’antiquité. Le tribunal blâmerait Maritain pour avoir imprimé, alors qu’il lui était si facile d’éviter l’erreur, une affirmation fausse et constituant, bien qu’involontairement, une calomnie atroce contre une civilisation tout entière. Tous les journaux quotidiens, hebdomadaires et autres, toutes les revues et la radio seraient dans l’obligation de porter à la connaissance du public le blâme du tribunal, et, le cas échéant, la réponse de Maritain. Dans ce cas précis, il pourrait difficilement y en avoir une.

  • La #Non-violence comme philosophie
    http://www.larevuedesressources.org/la-non-violence-comme-philosophie,2524.html

    Tout un chacun est prêt à reconnaître que notre monde est violent. Mais l’est-il davantage que les époques qui l’ont précédé ? La violence n’est-elle pas constitutive de toute société, comme René Girard l’a démontré ? Comment, dès lors, envisager de ne pas s’y résigner et lutter contre son empire ? Dans un diptyque dont voici le premier volet, le philosophe Jean-Marie Muller nous incite à l’optimisme, au pragmatisme et à la lutte. RP Il nous faut bien reconnaître que la non-violence est étrangère à notre (...)

    #Controverses

    / #Gandhi, #Simone_Weil, #Emmanuel_Lévinas, #Martin_Luther_King, Non-violence

    • http://classiques.uqac.ca/classiques/weil_simone/enracinement/weil_Enracinement.pdf

      Jamais on n’a osé nier l’obligation envers la patrie autrement qu’en niant la réalité de la patrie. Le pacifisme extrême selon la doctrine de Gandhi n’est pas une négation de cette obligation, mais une méthode particulière pour l’accomplir. Cette méthode n’a jamais été appliquée, que l’on sache ; notamment elle ne l’a pas été par Gandhi, qui est bien trop réaliste. Si elle avait été appliquée en France, les Français n’auraient opposé aucune arme à l’envahisseur ; mais ils n’auraient jamais consenti à rien faire, dans aucun domaine, qui pût aider l’armée occupante, ils auraient tout fait pour la gêner, et ils auraient persisté indéfiniment, inflexiblement dans cette attitude. Il est clair qu’ils auraient péri en bien plus grand nombre et bien plus douloureusement.

  • Perspectives sur le #colonialisme à travers L’Enracinement de Simone Weil
    http://www.larevuedesressources.org/perspectives-sur-le-colonialisme-a-travers-l-enracinement-de-s

    (1)« Le problème d’une doctrine ou d’une foi pour l’inspiration du peuple français en France, dans sa résistance actuelle et dans la construction future, ne peut pas se séparer du problème de la colonisation (2). » Par cette constatation, tirée de l’essai « À propos de la question coloniale dans ses rapports avec le destin du peuple français », écrit à Londres en 1943 et donc contemporain de la rédaction de L’Enracinement, Simone Weil fait un rapport très clair entre enracinement – la recherche d’une solution (...)

    #Asies_réelles

    / #Vietnam, colonialisme

  • Simone Weil (1909-1943), Réflexions sur les causes de la liberté et de l’oppression sociale, 1934.

    http://classiques.uqac.ca/classiques/weil_simone/reflexions_causes_liberte_oppression/reflexions.html

    L’oppression procède exclusivement de conditions objectives. La première d’entre elles est l’existence de privilèges ; et ce ne sont pas les lois ou les décrets des hommes qui déterminent les privilèges, ni les titres de propriété ; c’est la nature même des choses. Certaines circonstances, qui correspondent à des étapes sans doute inévitables du développement humain, font surgir des forces qui s’interposent entre l’homme du commun et ses propres conditions d’existence, entre l’effort et le fruit de l’effort, et qui sont, par leur essence même, le monopole de quelques-uns, du fait qu’elles ne peuvent être réparties entre tous ; dès lors ces privilégiés, bien qu’ils dépendent, pour vivre, du travail d’autrui, disposent du sort de ceux même dont ils dépendent, et l’égalité périt.

    Gallimard, Paris, 1955 (rééd. 1998), p. 52-53.

    #Simone_Weil #idées #philosophie #inégalités

    • Pas beaucoup d’espoir et d’optimisme :

      De temps en temps, les opprimés arrivent à chasser une équipe d’oppresseurs et à la remplacer par une autre, et parfois même à changer la forme de l’oppression ; mais quant à supprimer l’oppression elle-même, il faudrait à cet effet en supprimer les sources, abolir tous les monopoles, les secrets magiques ou techniques qui donnent prise sur la nature, les armements, la monnaie, la coordination des travaux. Quand les opprimés seraient assez conscients pour s’y déterminer, ils ne pourraient y réussir. Ce serait se condamner à être aussitôt asservis par les groupements sociaux qui n’ont pas opéré la même transformation ; et quand même ce danger serait écarté par miracle, ce serait se condamner à mort, car, quand on a une fois oublié les procédés de la production primitive et transformé le milieu naturel auquel ils correspondaient, on ne peut retrouver le contact immédiat avec la nature.

    • Pour elle, une des rares limites à l’oppression, vient non pas des gens eux-mêmes, des opprimés, mais des limites matérielles :

      Telle est la contradiction interne que tout régime oppressif porte en lui comme un germe de mort ; elle est constituée par l’opposition entre le caractère nécessairement limité des bases matérielles du pouvoir et le caractère nécessairement illimité de la course au pouvoir en tant que rapport entre les hommes.

      Car dès qu’un pouvoir dépasse les limites qui lui sont imposées par la nature des choses, il rétrécit les bases sur lesquelles il s’appuie, il rend ces limites mêmes de plus en plus étroites. En s’étendant au-delà de ce qu’il peut contrôler, il engendre un parasitisme, un gaspillage, un désordre qui, une fois apparus, s’accroissent automatiquement. En essayant de commander là même où il n’est pas en état de contraindre, il provoque des réactions qu’il ne peut ni prévoir ni régler. Enfin, en voulant étendre l’exploitation des opprimés au-delà de ce que permettent les ressources objectives, il épuise ces ressources elles-mêmes ; c’est là sans doute ce que signifie le conte antique et populaire de la poule aux œufs d’or. Quelles que soient les sources d’où les exploiteurs tirent les biens qu’ils s’approprient, un moment vient où tel procédé d’exploitation, qui était d’abord, à mesure qu’il s’étendait, de plus en plus productif, se fait au contraire ensuite de plus en plus coûteux. C’est ainsi que l’armée romaine, qui avait d’abord enrichi Rome, finit par la ruiner ; c’est ainsi que les chevaliers du moyen âge, dont les combats avaient d’abord donné une sécurité relative aux paysans qui se trouvaient quelque peu protégés contre le brigandage, finirent au cours de leurs guerres continuelles par dévaster les campagnes qui les nourrissaient ; et le capitalisme semble bien traverser une phase de ce genre. Encore une fois, on ne peut prouver qu’il doive toujours en être ainsi ; mais il faut l’admettre, à moins de supposer la possibilité de ressources inépuisables. Ainsi c’est la nature même des choses qui constitue cette divinité justicière que les Grecs adoraient sous le nom de Némésis, et qui châtie la démesure.

  • Défiance généralisée, fraude fiscale, état policier, illégitimité du pouvoir : une longue histoire

    La IIIème République, en France, était une chose bien singulière ; un de ses traits les plus singuliers est que toute sa structure, hors le jeu même de la vie parlementaire, provenait de l’Empire. Le goût des Français pour la logique abstraite les rend très susceptibles d’être dupés par des étiquettes. Les Anglais ont un royaume à contenu républicain ; nous avions une #République à contenu impérial. Encore l’Empire lui-même se rattache-t-il, par-dessus la Révolution, par des liens sans discontinuité, à la monarchie ; non pas l’antique #monarchie française, mais la monarchie totalitaire, policière du XVIIème siècle.

    Le personnage de Fouché est un symbole de cette continuité. L’appareil de #répression de l’État français a mené à travers tous les changements une vie sans trouble ni interruption, avec une capacité d’action toujours accrue. De ce fait, l’État en France était resté l’objet des rancunes, des haines, de la répulsion, excitées jadis par une royauté tournée en #tyrannie. Nous avons vécu ce paradoxe, d’une étrangeté telle qu’on ne pouvait même pas en prendre conscience : une #démocratie où toutes les institutions publiques, ainsi que tout ce qui s’y rapporte, étaient ouvertement haïes et méprisées par toute la population.

    Aucun Français n’avait le moindre scrupule à voler ou escroquer l’État en matière de douanes, d’#impôt, de subventions, ou en toute autre matière. Il faut excepter certains milieux de fonctionnaires ; mais eux faisaient partie de la machine publique. Si les #bourgeois allaient beaucoup plus loin que le reste du pays dans les opérations de ce genre, c’est uniquement parce qu’ils avaient beaucoup plus d’occasions. La #police est en France l’objet d’un mépris tellement profond que pour beaucoup de Français ce sentiment fait partie de la structure morale éternelle de l’honnête homme. Guignol est du folklore français authentique, qui remonte à l’Ancien Régime et n’a pas vieilli. L’adjectif #policier constitue en français une des injures les plus sanglantes, dont il serait curieux de savoir s’il y a des équivalents dans d’autres langues. Or la police n’est pas autre chose que l’organe d’action des pouvoirs publics. Les sentiments du peuple français à l’égard de cet organe sont restés les mêmes qu’au temps où les #paysans étaient obligés, comme le constate Rousseau, de cacher qu’ils possédaient un peu de jambon.

    De même tout le jeu des institutions politiques était un objet de répulsion, de dérision et de mépris. Le mot même de #politique s’était chargé d’une intensité de signification péjorative incroyable dans une démocratie. « C’est un #politicien », « tout cela, c’est de la politique » ; ces phrases exprimaient des condamnations sans appel. Aux yeux d’une partie des Français, la profession même de #parlementaire – car c’était une profession – avait quelque chose d’infamant. Certains Français étaient fiers de s’abstenir de tout contact avec ce qu’ils nommaient « la politique », excepté le jour des #élections, ou y compris ce jour ; d’autres regardaient leur député comme une espèce de domestique, un être créé et mis au monde pour servir leur intérêt particulier. Le seul sentiment qui tempérât le mépris des affaires publiques était l’esprit de parti, chez ceux du moins que cette maladie avait contaminés.

    On chercherait vainement un aspect de la vie publique, qui ait excité chez les Français le plus léger sentiment de loyauté, de gratitude ou d’affection. Aux beaux temps de l’enthousiasme laïque, il y avait eu l’#enseignement ; mais depuis longtemps l’enseignement n’est plus, aux yeux des parents comme des enfants, qu’une machine à procurer des diplômes, c’est-à-dire des situations. Quant aux lois sociales, jamais le peuple français, dans la mesure où il en était satisfait, ne les a regardées comme autre chose que comme des concessions arrachées à la mauvaise volonté des pouvoirs publics par une pression violente.

    Simone Weil, L’enracinement, 1943
    http://classiques.uqac.ca/classiques/weil_simone/enracinement/weil_Enracinement.pdf

  • En finir avec la #fabrique_des_garçons
    http://coutoentrelesdents.noblogs.org/post/2014/11/07/1613

    Élèves dans les escaliers d’une école, France. (Photo : Jeff Pachoud.AFPCreative) TRIBUNE Le problème n’est pas de sauver les garçons, il faut explorer la manière dont familles, école et société projettent sur les « petits mâles » des rêves, des désirs ou … Continue reading →

    #FEMINISME #GENRE #domination_masculine #feminisme #genre #luttes #masculinité #SYLVIE_AYRAL

    • Très jeunes et surtout pendant les années de collège, période où la puberté vient sexuer toutes les relations, les garçons se retrouvent, en effet, pris entre deux systèmes normatifs. Le premier, véhiculé par l’école, prône les valeurs de calme, de sagesse, de travail, d’obéissance, de discrétion, vertus traditionnellement associées à la féminité. Le second, relayé par la communauté des pairs et la société civile, valorise les comportements virils et encourage les garçons à tout le contraire : enfreindre les règles, se montrer insolents, jouer les fumistes, monopoliser l’attention, l’espace, faire usage de leur force physique, s’afficher comme sexuellement dominants. Le but est de se démarquer hiérarchiquement, et à n’importe quel prix, de tout ce qui est assimilé au « féminin » y compris à l’intérieur de la catégorie « garçons », quitte à instrumentaliser l’orientation scolaire, l’appareil disciplinaire ou même la relation pédagogique (qui, ne l’oublions pas, est une relation sexuée). Cette injonction paradoxale traduit celle de nos sociétés contemporaines qui acceptent la coexistence du principe d’égalité entre les femmes et les hommes et d’une réalité fondée sur l’inégalité réelle entre les sexes, dans tous les champs du social.

      Une culture où l’irrespect et la domination de l’autre sont associés à la masculinité et valorisés c’est clairement une #culture_du_viol

    • À propos d’irrespect et de domination de l’autre, et du bain culturel où grandissent les jeunes :

      Comment un enfant qui voit glorifier dans les leçons d’histoire la cruauté et l’ambition ; dans celles de littérature l’égoïsme, l’orgueil, la vanité, la soif de faire du bruit ; dans celles de science toutes les découvertes qui ont bouleversé la vie des hommes, sans qu’aucun compte soit tenu ni de la méthode de la découverte ni de l’effet du bouleversement ; comment apprendrait-il à admirer le bien ? Tout ce qui essaie d’aller contre ce courant si général, par exemple les éloges de Pasteur, sonne faux. Dans l’atmosphère de la fausse grandeur, il est vain de vouloir retrouver la véritable. Il faut mépriser la fausse grandeur.

      Simone Weil, L’enracinement (1943)
      http://classiques.uqac.ca/classiques/weil_simone/enracinement/weil_Enracinement.pdf

    • L’accroche de l’article ne vous semble pas un peu... étrange ?

      Quelque chose ne tourne pas rond chez les garçons. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : au collège, ils représentent 80% des élèves #sanctionnés tous motifs confondus, 92% des élèves sanctionnés pour des actes relevant d’atteinte aux biens et aux personnes, ou encore 86% des élèves des dispositifs Relais qui accueillent les jeunes entrés dans un processus de #rejet_de_l’institution_scolaire.

  • Simone Weil (1909-1943), L’Enracinement. Prélude à une déclaration des devoirs envers l’être humain, Gallimard, 1949.

    http://classiques.uqac.ca/classiques/weil_simone/enracinement/enracinement.html

    « L’égalité est un besoin vital de l’âme humaine. Elle consiste dans la reconnaissance publique, générale, effective, exprimée réellement par les institutions et les mœurs, que la même quantité de respect et d’égards est due à tout être humain, parce que le respect est dû à l’être humain comme tel et n’a pas de degrés. »

    #Simone_Weil #philosophie #égalité #idées

  • Claude Hagège: «Imposer sa langue, c’est imposer sa pensée» - L’Express
    http://www.lexpress.fr/culture/livre/claude-hagege-imposer-sa-langue-c-est-imposer-sa-pensee_1098440.html

    Seuls les gens mal informés pensent qu’une langue sert seulement à communiquer. Une langue constitue aussi une manière de penser, une façon de voir le monde, une culture.

    #langues #anglais #domination

    • #langues_sans_frontières

      Le problème est que la plupart des gens qui affirment « Il faut apprendre des langues étrangères » n’en apprennent qu’une : l’anglais. Ce qui fait peser une menace pour l’humanité tout entière.

      Toute l’Histoire le montre : les idiomes des Etats dominants conduisent souvent à la disparition de ceux des Etats dominés. Le grec a englouti le phrygien. Le latin a tué l’ibère et le gaulois. A l’heure actuelle, 25 langues disparaissent chaque année ! Comprenez bien une chose : je ne me bats pas contre l’anglais ; je me bats pour la diversité. Un proverbe arménien résume merveilleusement ma pensée : « Autant tu connais de langues, autant de fois tu es un homme. »

      Il faut bien comprendre que la langue structure la pensée d’un individu. Certains croient qu’on peut promouvoir une pensée française en anglais : ils ont tort. Imposer sa langue, c’est aussi imposer sa manière de penser.

      C’est d’ailleurs un invariant de l’Histoire. Le gaulois a disparu parce que les élites gauloises se sont empressées d’envoyer leurs enfants à l’école romaine. Tout comme les élites provinciales, plus tard, ont appris à leur progéniture le français au détriment des langues régionales. Les classes dominantes sont souvent les premières à adopter le parler de l’envahisseur. Elles font de même aujourd’hui avec l’anglais.

    • « Tout comme les élites provinciales, plus tard, ont appris à leur progéniture le français au détriment des langues régionales. »

      Ce serait donc la faute des provinciaux...

      Les deux dernières questions :

      « N’est-il pas contradictoire de vouloir promouvoir le français à l’international et de laisser mourir les langues régionales ?
      Vous avez raison. On ne peut pas défendre la diversité dans le monde et l’uniformité en France ! Depuis peu, notre pays a commencé d’accorder aux langues régionales la reconnaissance qu’elles méritent. Mais il aura fallu attendre qu’elles soient moribondes et ne représentent plus aucun danger pour l’unité nationale.

      Il est donc bien tard...
      Il est bien tard, mais il n’est pas trop tard. Il faut augmenter les moyens qui sont consacrés à ces langues, les sauver, avant que l’on ne s’aperçoive que nous avons laissé sombrer l’une des grandes richesses culturelles de la France. »

      Il estime donc que le statut actuel des langues régionales correspond à « la reconnaissance qu’elles méritent »... pffff !

    • @irakurri : tu vas un peu vite en besogne et en lecture.
      1) Il parle des élites provinciales, et pas des provinciaux tt court. De même qu’il parle des élites françaises vis à vis de l’anglais et pas des anglais tout court.
      2) il ne dit pas que le statut correspond à « la reconnaissance qu’elle mérite » mais qu’on « commence à accorder » cette reconnaissance. Si donc on commence à accorder, ca veut bien dire que tt n’est pas complet...

    • Tout à fait d’accord Maïeul. Il semble accorder le même intérêt pour les langues régionales. En revanche quand il dit :

      il aura fallu attendre qu’elles soient moribondes et ne représentent plus aucun danger pour l’unité nationale.

      Si on a un raisonnement a contrario le sauvetage des langues régionales entrerait en collision avec l’unité nationale. Ne peut-on pas associer les deux ?

    • @irakurri « c’est donc de la faute des provinciaux ». De la faute Pour partie des élites provinciales en tous les cas. Il faut dire que le français a été la langue de la promotion sociale. Ne pas être suffisamment francophone est rapidement devenu un obstacle dirimant. Je vois toute la différence entre le catalan de Catalogne, où la bourgeoisie n’a jamais abandonné l’usage de la langue, et la Catalogne française (d’où je viens) où le catalan est essentiellement une langue populaire (ce qui n’est pas péjoratif bien entendu) et surtout une langue de vieux.

    • Merci pour ces contributions, mais je ne peux m’empêcher d’avoir une lecture « pessimiste »...
      1- OK effectivement il parle d’ élites provinciales... mais aucune mention, si ce n’est une allusion à la langue des puissants, du rôle joué par l’éducation nationale pour supprimer l’usage des autres langues même en cours de récréation et autre bonnet d’ânes. Donc en résumé, il focalise sur le rôle des élites provinciaux pour expliquer le désintérêt pour les langues régionales, tout en occultant le rôle joué par la « république » contre ces langues...
      2- Par contre, ça reste flou sur le commencement d’une reconnaissance méritée

    • il aura fallu attendre qu’elles soient moribondes et ne représentent plus aucun danger pour l’unité nationale.

      Je n’ai pas commenté ce passage mais sur ce sujet il y aurait aussi beaucoup à dire.

      Quand on a pris l’habitude de considérer comme un bien absolu et clair de toute ombre cette croissance au cours de laquelle la France a dévoré et digéré tant de territoires, comment une propagande inspirée exactement de la même pensée, et mettant seulement le nom de l’Europe à la place de celui de la France, ne s’infiltrera-t-elle pas dans un coin de l’âme ? Le patriotisme actuel consiste en une équation entre le bien absolu et une collectivité correspondant à un espace territorial, à savoir la France ; quiconque change dans sa pensée le terme territorial de l’équation, et met à la place un terme plus petit, comme la Bretagne, ou plus grand, comme l’Europe, est regardé comme un traître. Pourquoi cela ? C’est tout à fait arbitraire. L’habitude nous empêche de nous rendre compte à quel point c’est arbitraire. Mais au moment suprême, cet arbitraire donne prise au fabricant intérieur de sophismes.
      Les collaborateurs actuels [Écrit en 1943 (NdT)] ont à l’égard de l’Europe nouvelle que forgerait une victoire allemande l’attitude qu’on demande aux Provençaux, aux Bretons, aux Alsaciens, aux Francs-Comtois d’avoir, quant au passé, à l’égard de la conquête de leur pays par le roi de France. Pourquoi la différence des époques changerait-elle le bien et le mal ? On entendait couramment dire entre 1918 et 1919, par les braves gens qui espéraient la paix : « Autrefois il y avait la guerre entre provinces, puis elles se sont unies en formant des nations. De la même manière les nations vont s’unir dans chaque continent, puis dans le monde entier, et ce sera la fin de toute guerre. » C’était un lieu commun très répandu ; il procédait de ce raisonnement par extrapolation qui a eu tant de puissance au XIX e siècle et encore au XX e . Les braves gens qui parlaient ainsi connaissaient en gros l’histoire de France, mais ils ne réfléchissaient pas, au moment où ils parlaient, que l’unité nationale s’était accomplie presque exclusivement par les conquêtes les plus brutales. Mais s’ils s’en sont souvenus en 1939, ils se sont souvenus aussi que ces conquêtes leur étaient toujours apparues comme un bien. Quoi d’étonnant si une partie au moins de leur âme s’est mise à penser : « Pour le progrès, pour l’accomplissement de l’Histoire, il faut peut-être en passer par là ? »

      http://classiques.uqac.ca/classiques/weil_simone/enracinement/weil_Enracinement.pdf

  • Mélenchon : Je ne peux plus continuer comme ça - Europe1.fr - Politique
    http://www.europe1.fr/Politique/Melenchon-Je-ne-peux-plus-continuer-comme-ca-2187923/#

    Le coprésident du Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon, qui exprime sa lassitude, aspire à prendre du recul et juge le Front de gauche « en échec », dans une interview à Hexagones, site d’informations en ligne, publiée mardi. « J’aspire à ce que le niveau de pression sur moi baisse. Ça fait cinq ans que ça dure et ce n’est pas bon. On finit par ne plus raisonner aussi tranquillement qu’on le devrait », déclare le responsable politique.

    Ben merdalors !!!

    #burn_out

    • C’est ainsi que Jean-Luc Mélenchon l’explique dans cet entretien : « Je ne peux plus continuer comme ça [...] J’ai fait mon temps à organiser la vie d’un parti ». Une prise de recul étonnante de la part de la figure charismatique du Parti de Gauche (et du Front de Gauche) depuis sa création en 2008. Mais qui s’explique notamment par les polémiques incessantes avec l’allié communiste, notamment lors des dernières élections municipales : « Tout ça a été planté pour une poignée de postes aux municipales ». Allusion transparente à l’alliance du PCF avec le PS dans certaines villes, alliance refusée par le Parti de Gauche.

      Le PC qui privilégie une posture d’appareil avec tous les compromis possibles n’est plus un parti révolutionnaire.

      Au sein du Front de Gauche, Jean-Luc Mélenchon décrit une situation de fait. Car, dans le mouvement coexistent « deux lignes » bien différentes selon l’ancien socialiste : « Celle qui est portée par la direction du Parti communiste, qui est plus institutionnelle, plus traditionnelle, où on continue à penser que la gauche est une réalité partiaire, organisée et qu’on peut rectifier le tir du Parti socialiste. Et puis, il y a une autre qui pense que ça, c’est un monde qui est quasiment clos, qu’il faut construire et qu’on le fera progressivement à condition d’être autonome ». Résultat, par exemple après les municipales : cette stratégie a « complètement décrédibilisé » le Front de Gauche.

      Et au final, ce constat d’une lucidité effroyable :

      Signe ultime de son mal-être, Jean-Luc Mélenchon reconnaît dans cet entretien du « talent » à Marine Le Pen. Pour lui, la présidente du Front national a même « une chance » de s’imposer lors de la Présidentielle de 2017. Explication : « Parce que la société est en train de se diriger vers le point ’qu’ils s’en aillent tous’. Et quand le point ’qu’ils s’en aillent tous’ est atteint, tout saute en même temps ».

      ( lu sur http://www.franceinfo.fr/actu/politique/article/jean-luc-melenchon-la-j-ai-besoin-de-dormir-537643 )

    • Dès le départ de ce mariage de raison, le PCF s’est comporté en gros con en tirant la couverture à lui et en ne jouant pas du tout collectif. On savait que JLM jouait la carte de l’infrastructure en s’alliant au PCF. Le PCF est un parti sans électeurs (ce que JLM apportait dans la corbeille), mais c’est aussi un parti de militants organisés et structurés, avec une vraie stratégie de terrain, ce dont JLM était totalement dépourvu avec son électorat de dégoutés de la gauche ou de nouvellement convertis à la nécessité politique. Sans le PCF, il lui aurait fallu des années pour être suffisamment organisé au niveau national pour pouvoir faire campagne correctement et être audible.
      Il faut voir les scores des autres formations alternatives ou de « démocratie spontanée » aux européennes pour comprendre.

      Le problème, et tout le monde le savait sur le terrain — comme les gens de la FASE, par exemple — avoir le PCF dans son équipe est toujours casse-gueule, parce que contrairement à ce que son nom laisse penser, le PCF a tendance à jouer très perso.

      Dès les premières réunions, les mecs du PCF ont commencé a vouloir prendre le pouvoir. Pour les premiers tractages — ils sont forts en tractages ! — ils se sont pointés avec des tracs dont le recto était FdG et le verso une gentille invitation à adhérer au PCF, avec logo et tout le bordel. Les autres orgas jouant le jeu de ne pas se mettre en avant, se fondant dans le collectif. Pour eux, le FdG a toujours été une opportunité médiatique de se refaire la cerise en pompant éhonteusement dans ce stock de nouveaux électeurs.

      Avant même que les campagnes soient lancées, ils manœuvraient déjà dans l’ombre pour placer LEURS candidats sur les listes éligibles, squeezant toutes les places qui pourraient être rémunératrices pour réalimenter les pompes de leur parti. Et aux réunions, ils s’agrippent au micro et tordent tout le corpus idéologique du FdG pour qu’il ne soit plus que l’écho de leur propre vision du monde, très rétrograde : productiviste, anti-écolo et très peu portée sur la question des sexismes.

      Bref, de parfaits vampires politiques qui n’ont eu de cesse de reproduire toujours les mêmes sales petites tambouilles en coulisses, celles-là mêmes qui ont dégoutté tant de citoyens impliqués, au point de déserter les partis et de se rabattre sur les collectifs, voire l’abstention.

      Comme beaucoup d’autres gauchistes convaincus, j’ai fini par déserter le FdG pour ne plus me taper les manœuvres du PCF et leur idéologie moisie par la soif du pouvoir. Putain, quand je pense que c’étaient ce parti qui a résisté aux nazis et qui nous a filé l’État providence, ça fout la gerbe de voir ce que sont devenus leurs héritiers !

      Dans leur course aux sièges, il n’y a qu’avec le FN qu’ils n’ont pas fait d’alliance. Et ils n’ont épargné les coups bas à personne.

      On savait que ça gonflait JLM depuis un bon petit moment, mais il estimait que c’était un mal nécessaire, contrairement à beaucoup d’entre nous qui pensons que c’est une erreur stratégique majeure, aussi énorme que celle de Hénin-Beaumont. La sanction est tombée : on préfère rester à la maison plutôt que de voter pour les cocos opportunistes.

      Dans mon bled, les gauchistes les plus enragés tentent de remonter un collectif sans cocos depuis quelques mois, mais du coup, on se retrouve dans la situation anté-FdG, avec 3 pelés et 2 tondus qui se rapprochent dangereusement de la DLC.
      Et perso, j’ai du mal à y retourner quand on sait qu’un des responsables des alternatifs rouge et vert du Gers pour lesquels j’ai littéralement pédalé (http://blog.monolecte.fr/category/journal-d-une-candidate) pour les élections a choisi en loucedé aux dernières municipales de s’allier au PS pour conserver sa place d’élu...

    • En fait @monolecte et @aude_v, vous semblez avoir une certaine expérience en ce qui concerne le PCF. Personnellement, j’avais toujours eu une admiration secrète pour ce parti « historique », un peu comme un phare dans la nuit pour le marin en perdition. Mais les dernières magouilles électorales des municipales m’ont déjà fait douter de leur probité. Quant à tout ce que vous racontez, eh bien me voilà vacciné à jamais.

      JLM avoue simplement ses faiblesses ; en politique, c’est courageux et tout à son honneur. Et puisque c’est de sommeil dont il s’agit, souhaitons à Jean-Luc Mélenchon un repos réparateur. La nuit porte conseil.

    • Arf, c’est affreux, j’ai toujours autant besoin de dormir. Je pensais qu’en vieillissant je gagnerais quelques heures de veille productive, mais que dalle. Il me faut au moins 8 heures pour ne pas être crevée, et souvent un peu plus avec une mini-sieste après déjeuner. Avec ça, je carbure à fond toute la journée.
      Si j’adopte un rythme moderne, c’est à dire de sous-sommeil chronique, je me traine jusqu’à devenir à peu près non opérationnelle.

    • A quoi peut-on bien rêver après de tels échanges ?

      « Ressentir une admiration enfin reconnue pour un parti historique un peu comme un phare dans la nuit » ? puis « carburer à fond toute la journée » ?

    • Utopie : Construction imaginaire et rigoureuse d’une société, qui constitue, par rapport à celui qui la réalise, un idéal ou un contre-idéal.
      Et toi @paulo, à quoi rêves-tu ?

      @monolecte : j’approuve ta définition pour « carburer ». Ton contre-exemple est celui de la mauvaise carburation, celle qui encrasse tout et qui finit par foutre en l’air le « moteur ».

    • Hermano :
      les rêves qui m’occupent de temps à autre ne sont pas politiques, ni utopiques. Je ne conçois pas d’utopie heureuse. Ces domaines ne sont même pas des regrets.
      Seuls les femmes et les hommes -et les enfants, m’impressionnent. Pas leurs opinions, ni les analyses qui les justifient.
      Mes rêves illustrent uniquement le désir de voir les potentialités du passé enfin réalisées et non pas à demi avortées. Les réalités me semblent repoussantes, hormis l’amitié.
      J’ai eu quelques cauchemars « politiques » : violences infinies déchaînées par des brutes obscures mais c’était né des récits de ma famille d’émigrés, si bien que tout ce qui est politique est mauvais pour ce qui me concerne et particulièrement l’expression de colère des gens de gauche. Je les sais, -hélas- capables, comme ceux de droite, de toutes les injustices.
      Les rêves de douceurs sont des rêves nées de femmes aimées.
      Tu vois, rien de neuf.

    • Pour moi, le cauchemar politique il est là :
      http://www.humanite.fr/voici-les-princes-de-lump-apotres-de-lausterite-ils-financent-leur-vie-de-n

      Et c’est contre ces malfaisants que je lutte avec mes modestes moyens.

      Sinon, merci @paulo pour ton éclairage et @koldobika pour ton texte de Simone Weil que je n’ai fait que parcourir en « diagonal ». Des tâches plus prosaïques m’attendent aujourd’hui mais je reviens dès que possible alimenter la discussion.
      Hasta luego, amigos.

    • Ces politiciens sont des larbins, pas des « princes » : terme typique des gens du PC. en guise d’analyse.
      Simples valets, ils reçoivent les miettes ( restes risibles qui peuvent paraître abondants ) de leurs protecteurs qu’à leur tour ils protègent. un pouvoir démocratique ( européen ? ) pourrait balayer cette minuscule caste ploutocrate .
      Quant aux partis, dont le parti « historique » cher aux nostalgiques équipés de mémoire sélective, Mélenchon lui-même se casse les dents dessus, confirmant ainsi le constat de Simone Weil.
      Est-ce que Mélenchon est un homme de parti ? Je le pense, qu’est-ce qu’il serait d’autre ? Il me semble qu’il n’a pas su ( pour l’instant ? ) fédérer les citoyens ni partager leurs pensées. Il a employé les outils et les moyens des partis... Ses fureurs et ses admirations confirment ses choix et ses erreurs.
      Bon, il se met au vert ? ça pourrait aérer ses options, oxygéner ses pensées ?

    • Aucun des médias n’a relevé que la mise au vert de @jlmelenchon est consécutive de quelques jours à son arrivée sur #seenthis.
      Les médias ont sans doute peur à raison que cela provoque un appel d’air migratoire, que d’autres centaines de politiciens viennent trouver asile sur seenthis et désertent du coup le théatre médiatique :-)

      Un billet de Françoise Simpère sur ce sujet sinon
      http://fsimpere.over-blog.com/article-les-vacances-de-jean-luc-124215064.html

    • Pas d’abonnements ?
      Il est vrai qu’un « homme politique », comme tu dis Hermano, un politicien donc, a la manie de la représentativité. Or seenthis est composé d’individus divers aux opinions très personnelles, même si elles sont « progressistes »... Peu de « représentants » de groupes politiques, des groupes d’opinion, oui, mais pas du gibier électoral. Pas de quoi faire un parti.

      L’absence de ce caractère « représentatif » me paraît d’ailleurs garantie de qualité. Seenthis est ouvert aux brebis galeuses. Du moins je l’espère.

    • Ma réponse pour @paulo sur le thème de l’utopie et de nos rêves/aspirations profondes en général :
      Je suis convaincu de la pertinence des analyses de Marx concernant le monde occidental tel qu’il va depuis son expansion à toute la planète (XVème, XVIème siècles) : lutte des classes, luttes des colonisés contre leurs maîtres, tout cela est « diablement » d’actualité. L’admiration que j’ai pu avoir pour le PC trouvait surtout sa source dans le fait que cette organisation était très structurée mais aussi représentative de la lutte des classes, de la lutte du #prolétariat pour faire valoir ses droits. Rapidement, je reviens sur une des définitions du prolétaire : c’est celui qui n’a que sa force (on pourrait dire potentiel) de travail pour survivre dans nos sociétés en monnayant ce potentiel contre un salaire. Tout comme le paysan qui s’installe est un prolétaire car son outil de travail est pour longtemps la propriété d’une banque, tout comme le petit artisan qui se met à son compte. Et qu’il survienne une crise « économique » (laquelle, soit dit en passant, est consciencieusement entretenue depuis plus de trente ans par des parasites comme Warren Buffet), tous ces prolétaires se retrouvent sur le carreau, les uns au chômage, les autres en faillite.

      Je savais que le PCF était capable de coups bien tordus et j’ai cru que ça changerait avec Marie-George Buffet mais malheureusement, force est de constater que le PCF ne peut se défaire de ses vieux réflexes d’appareil. J’ai cru au Front de Gauche pour l’élection présidentiel de 2012, mais les errements stratégiques de son leader me laissèrent bien désappointé.
      Alors que @jlmelenchon veuille se « mettre au vert » pour faire son auto-critique, c’est son droit et je trouve cette position plutôt louable. Quand il nous dit que « la question pour nous (le FDG) n’est pas de faire un parti révolutionnaire, c’est d’aider à la naissance d’un peuple révolutionnaire » (lu dans un communiqué de BFMTV), je trouve cette perspective fort prometteuse bien qu’étonnante de la part d’un homme d’appareil partisan.

      Les rêves qui m’occupent de temps à autre ne sont pas politiques, ni utopiques. Je ne conçois pas d’utopie heureuse. Ces domaines ne sont même pas des regrets.

      D’accord avec toi, l’utopie n’est pas une clé pour le paradis sur terre. Le monde des hommes n’est pas une mécanique bien huilée et il en sera toujours ainsi. Faut-il pour autant se réfugier dans son jardin secret sans s’occuper de ce qui se passe hors les murs, et partant, se condamner soi-même à subir les décisions que prennent les oligarques pour « notre bien à tous » ? Rassure-moi : tu n’es pas sans savoir que « si tu ne t’occupes pas de politique, la politique, elle, s’occupe de toi », et que « la résignation est un suicide permanent ».

    • Non, Hermano, pas de résignation. On s’occupe de la politique, on s’en méfie et on défend ceux qui sont les victimes du Pouvoir, c’est inévitable, mais je ne crois ni à « un peuple révolutionnaire » ( qui me ficherait plutôt la trouille ) ni à une situation politique durable qui soit satisfaisante et juste envers les sacrifiés et toutes les victimes de la hiérarchie sociale. Non.
      Seules me semblent accessibles des victoires provisoires.

    • @koldobika @paulo @sombre, j’ai fait quelques recherches sur Simone Weil (qu’on pourrait confondre avec Simone Veil), ses ouvrages sont accessibles et téléchargeables depuis un site en sciences sociales quebecquois. Deux ouvrages sont souvent cités quand on parle d’elle :

      Ecrits de Londres :
      http://classiques.uqac.ca/classiques/weil_simone/Ecrits_de_Londres/Ecrits_de_Londres.html

      L’enracinement :
      http://classiques.uqac.ca/classiques/weil_simone/enracinement/enracinement.html

      – tous les ouvrages :
      http://classiques.uqac.ca/classiques/weil_simone/weil_simone.html

      Ecrits de Londres contient le texte de la Note sur la suppression générale des partis politiques. J’ai jeté un oeil rapide à L’enracinement ( L’enracinement - Prélude à une déclaration des devoirs envers l’être humain ) et il m’a laissé une très forte impression.

      Il y a aussi quelques vidéos sur Youtube qui parlent d’elle.

    • Deleuze encore :
      « Dans le devenir, il n’y a pas de passé ni d’avenir, ni même de présent, il n’y a pas d’histoire. Dans le devenir, il s’agit plutôt d’involuer : ce n’est ni régresser ni progresser. Devenir, c’est devenir de plus en plus sobre, de plus en plus simple, devenir de plus en plus désert, et par là-même peuplé ».
      Dialogues. Paris Flammarion, 1977, p 92

      Ou comment savoir accueillir . Ce que pas un parti n’a su ni ne saura jamais faire.

    • Aude V disait, à propos du PCF : " D’abord il y a un sens de l’engagement, du service aux autres ou à la Cause, que je prise plus que le « moi je viens en réu pour me marrer » petit-bourge. Comparant ainsi les mérites d’un appareil avec le comportement " petit-bourge". On voit les limites de cet exercice.
      Quant à la Cause , depuis 1918 jusqu’à 1989, je n’arrive pas à comprendre comment on peut encore la soutenir. Je ne dis pas cela de façon offensive, c’est simplement l’étonnement qui me fait réagir. Le but ? Les lendemains qui chantent ? soit. Et les moyens ? les massacres du peuple russe ? les massacres dus aux partis frères ? et jusqu’aux misérables et ultimes magouilles d’un PCF éternellement à l’agonie ? Qui ne connait pas cette histoire épouvantable ? Qui ne comprend pas encore que les partis ne cherchent que le pouvoir pour l’exercer ?

    • @aude_v tu as bien raison. Je pense que pour Simone Weil ça devrait pas poser trop de problemes de trouver ses ouvrages dans les bibliothèques et dans les librairies, sachant qu’il s’agit d’une auteur contemporaine et que les premières impressions de ses ouvrages ont été réalisées par Gallimard assez récemment, dans les années 90 il me semble - l’auteur n’avait publié aucun ouvrage de son vivant, et je trouve ça juste incroyable.

      Je trouve important que des ouvrages puissent se retrouver un jour ou l’autre dans le domaine public, car il garantit l’accès libre et égal à tous, et même rend possible la réimpression d’ouvrages « épuisés », sans avoir à obtenir l’autorisation d’ayants droits ou de maisons d’éditions. Je pourrais donner le lien vers une très bonne conférence de James Boyle (en anglais non soutitré) au sujet de l’importance (et de l’Histoire) du domaine public si ça intéresse quelqu’un.

    • On the Abolition of All Political Parties.
      ( de l’abolition de tous les partis politiques)
      Simon Leys, mort hier en Australie, commentait Simone Weil...

      On the Abolition of All Political Parties
      Pub date : January 2013
      RRP : $16.99
      ISBN : 9781863955881
      Imprint : Black Inc.

  • Les origines rurales du socialisme
    http://offensive.samizdat.net/spip.php?article461

    Les prolétaires de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle étaient d’une espèce bien particulière. Pensant sans entraves, manifestant une énergie naturelle et spontanée, mécontents de la perte de leur indépendance, ils avaient hérité leurs valeurs d’un monde artisanal disparu, de l’amour de la terre et de la #solidarité communautaire. C’est là que prend sa source l’esprit révolutionnaire des mouvements #ouvriers, depuis les barricades de juin 1848 à Paris, où une classe ouvrière formée en grande partie d’anciens artisans a brandi les drapeaux rouges de « la sociale », jusqu’aux barricades de mai 1937 à Barcelone, où une classe ouvrière socialement encore plus consciente levait les drapeaux rouges et noirs de l’#anarcho-syndicalisme. Ce qui a si remarquablement changé aujourd’hui et dans les décennies qui suivirent ce siècle d’agitation et son projet révolutionnaire, c’est la composition sociale, la culture politique, l’héritage et les buts du #prolétariat. Le monde agraire et les tensions culturelles avec le monde industriel qui nourrissaient la ferveur révolutionnaire sont tombés dans l’oubli de l’histoire, mais aussi les individus, le type de personnalité même, qui incarnaient ce passé et ces tensions. La classe ouvrière actuelle s’est complètement industrialisée, au lieu de s’être radicalisée comme l’espéraient pieusement les socialistes et les anarcho-syndicalistes. Elle n’a plus le sens du contraste, ne connaît plus l’affrontement des traditions ni les attentes millénaristes de celle qui l’a précédée. Non seulement les #mass_media l’ont complètement récupérée et définissent ses attentes (une explication commode si l’on veut tout renvoyer à la puissance des médias modernes), mais, en tant que classe, le prolétariat est devenu le partenaire de la bourgeoisie et non plus son antagoniste inflexible. […] Nous ne pouvons qu’assister non seulement à l’échec de la classe ouvrière comme « agent historique » du changement révolutionnaire, mais aussi à sa transformation en un produit fabriqué par le #capitalisme dans le cours de sa propre évolution.

    Murray Bookchin, Une société à refaire. Vers une écologie de la liberté, traduction de C. Barret, Montréal, Écosociété, 1993, p.191-194.

    je fais aussi le lien avec ces deux magnifiques bouquins de Simone Weil, La condition ouvrière http://classiques.uqac.ca/classiques/weil_simone/condition_ouvriere/la_condition_ouvriere.pdf et L’Enracinement http://classiques.uqac.ca/classiques/weil_simone/enracinement/weil_Enracinement.pdf notamment la partie « #déracinement ouvrier »

    et aussi #industrialisation et #système_technicien

  • La propriété collective

    La participation aux biens collectifs, participation consistant non pas en jouissance matérielle, mais en un sentiment de propriété, est un besoin non moins important [que la propriété privée]. Il s’agit d’un état d’esprit plutôt que d’une disposition juridique. Là où il y a véritablement une vie civique, chacun se sent personnellement propriétaire des monuments publics, des jardins, de la magnificence déployée dans les cérémonies, et le luxe que presque tous les êtres humains désirent est ainsi accordé même aux plus pauvres. Mais ce n’est pas seulement l’État qui doit fournir cette satisfaction, c’est toute espèce de collectivité.
    Une grande usine moderne constitue un gaspillage en ce qui concerne le besoin de propriété. Ni les ouvriers, ni le directeur qui est aux gages d’un conseil d’administration, ni les membres du conseil qui ne la voient jamais, ni les actionnaires qui en ignorent l’existence, ne peuvent trouver en elle la moindre satisfaction à ce besoin.
    Quand les modalités d’échange et d’acquisition entraînent le gaspillage des nourritures matérielles et morales, elles sont à transformer.
    Il n’y a aucune liaison de nature entre la propriété et l’argent. La liaison établie aujourd’hui est seulement le fait d’un système qui a concentré sur l’argent la force de tous les mobiles possibles. Ce système étant malsain, il faut opérer la dissociation inverse.
    Le vrai critérium, pour la propriété, est qu’elle est légitime pour autant qu’elle est réelle. Ou plus exactement, les lois concernant la propriété sont d’autant meilleures qu’elles tirent mieux parti des possibilités enfermées dans les biens de ce monde pour la satisfaction du besoin de propriété commun à tous les hommes.
    Par conséquent, les modalités actuelles d’acquisition et de possession doivent être transformées au nom du principe de propriété. Toute espèce de possession qui ne satisfait chez personne le besoin de propriété privée ou collective peut raisonnablement être regardée comme nulle.
    Cela ne signifie pas qu’il faille la transférer à l’État, mais plutôt essayer d’en faire une propriété véritable.

    Simone Weil, « L’Enracinement », 1943
    http://classiques.uqac.ca/classiques/weil_simone/enracinement/weil_Enracinement.pdf
    #communs

  • Quelques extraits de « L’Enracinement » (1943), de Simone Weil, qui ne sont pas sans rappeler « L’Etat », de Bernard Charbonneau
    http://classiques.uqac.ca/classiques/weil_simone/enracinement/weil_Enracinement.pdf

    Il y a eu en France ce paradoxe d’un patriotisme fondé, non sur l’amour du passé, mais sur la rupture la plus violente avec le passé du pays. Et pourtant la Révolution avait un passé dans la partie plus ou moins souterraine de l’histoire de France ; tout ce qui avait rapport à l’émancipation des serfs, aux libertés des villes, aux luttes sociales ; les révoltes du XIVe siècle, le début du mouvement des Bourguignons, la Fronde, des écrivains comme d’Aubigné, Théophile de Viau, Retz. Sous François Ier un projet de milice populaire fut écarté, parce que les seigneurs objectèrent que si on le réalisait les petits-fils des miliciens seraient seigneurs et leurs propres petits-fils seraient serfs. Si grande était la force ascendante qui soulevait souterrainement ce peuple.
    Mais l’influence des Encyclopédistes, tous intellectuels déracinés, tous obsédés par l’idée de progrès, empêcha qu’on fit aucun effort pour évoquer une tradition révolutionnaire. D’ailleurs la longue terreur du règne de Louis XIV faisait un espace vide, difficile à franchir. C’est à cause d’elle que, malgré les efforts de Montesquieu en sens contraire, le courant de libération du XVIIIe siècle se trouva sans racines historiques. 1789 fut vraiment une rupture.

    Le sentiment qu’on nommait alors patriotisme avait pour objet uniquement le présent et l’avenir. C’était l’amour de la nation souveraine, fondé dans une large mesure sur la fierté d’en faire partie. La qualité de Français semblait être non pas un fait, mais un choix de la volonté, comme aujourd’hui l’affiliation à un parti ou à une Église.
    Quant à ceux qui étaient attachés au passé de la France, leur attachement prit la forme de fidélité personnelle et dynastique au roi. Ils n’éprouvèrent aucune gêne à chercher un secours dans les armes des rois étrangers. Ce n’étaient pas des traîtres. Ils demeuraient fidèles à ce à quoi ils croyaient devoir de la fidélité, exactement comme les hommes qui firent mourir Louis XVI.
    Les seuls à cette époque qui furent patriotes au sens que le mot a pris plus lard, ce sont ceux qui sont apparus aux yeux des contemporains et de la postérité comme les archi-traîtres, les gens comme Talleyrand, qui ont servi, non pas, comme on l’a dit, tous les régimes, mais la France derrière tous les régimes. Mais pour eux la France n’était ni la nation souveraine, ni le roi ; c’était l’État français. La suite des événements leur a donné raison.
    Car, quand l’illusion de la souveraineté nationale apparut manifestement comme une illusion, elle ne put plus servir d’objet au patriotisme ; d’autre part, la royauté était comme ces plantes coupées qu’on ne replante plus ; le patriotisme devait changer de signification et s’orienter vers l’État. Mais dès lors il cessait d’être populaire. Car l’État n’était pas une création de 1789, il datait du début du XVIIe siècle et avait part à la haine vouée par le peuple à la royauté. C’est ainsi, que par un paradoxe historique à première vue surprenant, le patriotisme changea de classe sociale et de camp politique ; il avait été à gauche, il passa à droite.

    [...]

    L’État est une chose froide qui ne peut pas être aimée mais il tue et abolit tout ce qui pourrait l’être ; ainsi on est forcé de l’aimer, parce qu’il n’y a que lui. Tel est le supplice moral de nos contemporains.

    C’est peut-être la vraie cause de ce phénomène du chef qui a surgi partout et surprend tant de gens. Actuellement, dans tous les pays, dans toutes les causes, il y a un homme vers qui vont les fidélités à titre personnel. La nécessité d’embrasser le froid métallique de l’État a rendu les gens, par contraste, affamés d’aimer quelque chose qui soit fait de chair et de sang. Ce phénomène n’est pas près de prendre fin, et, si désastreuses qu’en aient été jusqu’ici les conséquences, il peut nous réserver encore des surprises très pénibles ; car l’art, bien connu à Hollywood, de fabriquer des vedettes avec n’importe quel matériel humain permet à n’importe qui de s’offrir à l’adoration des masses.

    [...]

    Le régime de Louis XIV était vraiment déjà totalitaire. La terreur, les dénonciations ravageaient le pays. L’idolâtrie de l’État, représenté par le souverain, était organisée avec une impudence qui était un défi à toutes les consciences chrétiennes. L’art de la propagande était déjà très bien connu, comme le montre l’aveu naïf du chef de la police à Liselotte concernant l’ordre de ne laisser paraître aucun livre sur aucun sujet, qui ne contînt l’éloge outré du roi.

    Sous ce régime, le déracinement des provinces françaises, la destruction de la vie locale, atteignit un degré bien plus élevé. Le XVIIIe siècle fut une accalmie. L’opération par laquelle la Révolution substitua au roi la souveraineté nationale n’avait qu’un inconvénient, c’est que la souveraineté nationale n’existait pas. Comme pour la jument de Roland, c’était là son seul défaut. Il n’existait en fait aucun procédé connu pour susciter quelque chose de réel correspondant à ces mots. Dès lors il ne restait que l’État, au bénéfice de qui tournait naturellement la ferveur pour l’unité – « unité ou la mort » – surgie autour de la croyance à la souveraineté nationale. D’où nouvelles destructions dans le domaine de la vie locale. La guerre aidant – la guerre est dès le début le ressort de toute cette histoire – l’État, sous la Convention et l’Empire, devint de plus en plus totalitaire.

    [...]

    Si l’État a tué moralement tout ce qui était, territorialement parlant, plus petit que lui, il a aussi transformé les frontières territoriales en murs de prison pour enfermer les pensées. Dès qu’on regarde l’histoire d’un peu près, et hors des manuels, on est stupéfait de voir combien certaines époques presque dépourvues de moyens matériels de communication dépassaient la nôtre pour la richesse, la variété, la fécondité, l’intensité de vie dans les échanges de pensées à travers les plus vastes territoires. C’est le cas du Moyen Âge, de l’Antiquité pré-romaine, de la période immédiatement antérieure aux temps historiques. De nos jours, avec la T. S. F., l’aviation, le développement des transports de toute espèce, l’imprimerie, la presse, le phénomène moderne de la nation enferme en petits compartiments séparés même une chose aussi naturellement universelle que la science. Les frontières, bien entendu, ne sont pas infranchissables ; mais de même que pour voyager il faut en passer par une infinité de formalités ennuyeuses et pénibles, de même tout contact avec une pensée étrangère, dans n’importe quel domaine, demande un effort mental pour passer la frontière. C’est un effort considérable, et beaucoup de gens ne consentent pas à le fournir. Même chez ceux qui le fournissent, le fait qu’un effort est indispensable empêche que des liens organiques puissent être noués par-dessus les frontières.

    [...]

    Quand on parle de souveraineté de la nation, aujourd’hui, cela veut dire uniquement souveraineté de l’État. Un dialogue entre un de nos contemporains et un homme de 1792 mènerait à des malentendus bien comiques. Or non seulement l’État en question n’est pas le peuple souverain, mais il est identiquement ce même État inhumain, brutal, bureaucratique, policier, légué par Richelieu à Louis XIV, par Louis XIV à la Convention, par la Convention à l’Empire, par l’Empire à la IIIe République. Qui plus est, il est instinctivement connu et haï comme tel.

    #histoire #patriotisme #peuple #gauche #droite #souveraineté #Etat #frontières #totalitarisme