Pourquoi travaille-t-on ?

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  • Pourquoi travaille-t-on ?
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    Le lundi matin, pourquoi se lève-t-on pour aller au travail plutôt que de rester au lit ? La réponse tient en quelques mots. On travaille pour gagner sa vie, pour exister socialement (être connu et reconnu), voir des gens et enfin pour faire des choses qui nous intéressent : soigner, enseigner, construire ou réparer, faire la cuisine, écrire, etc. 

    Mais chacune de ces motivations a son revers. Gagner sa vie ? Certains ont plutôt le sentiment de la perdre en travaillant. Exister socialement ? Certes, le travail apporte un statut et de la reconnaissance, permet de nouer des liens sociaux, mais génère aussi beaucoup de frustrations, car travailler c’est coopérer mais aussi se heurter aux autres avec tout ce que cela comporte de conflits larvés, de rancœurs et de ressentiments. Enfin, travailler c’est vouloir s’accomplir dans certaines activités enrichissantes : soigner, enseigner, construire, réparer, cuisiner, écrire, plaider, etc. Mais pour une heure de bonheur combien de tâches ennuyeuses, barbantes, pénibles ?

    • Tout d’abord est-il vrai que le travail est consubstantiel à l’existence humaine ? Telle est la thèse défendue par Georg Hegel puis par Karl Marx qui pense que l’être humain est par nature un être de travail. L’espèce humaine se serait affranchie du monde naturel par la technique, l’outil et le travail par lesquels l’être humain transforme la nature et se transforme lui-même. Le travail serait donc ce qui permet à l’humain de s’accomplir… à condition toutefois de supprimer la division du travail qui mutile les individus et l’exploitation qui l’asservit.

      Cette conception du travail comme accomplissement de soi a été contestée par Hannah Arendt. Dans la Condition de l’homme moderne (1958), la philosophe refuse de voir dans le travail le propre de l’humain. Retournant aux penseurs classiques (Aristote notamment), elle rappelle que la vie humaine peut être vécue et pensée sur plusieurs modes. Elle oppose d’abord deux modalités de l’existence, la « vie contemplative » et la « vie active », l’une tournée vers la pensée, l’autre vers l’action, l’une vers la théorie et l’autre vers la « praxis » comme on disait alors. Au sein de la vie active, H. Arendt distingue ensuite trois types d’activité : le travail, la politique et l’œuvre. Le travail est assimilé à une nécessité biologique : c’est une tâche répétitive et animale nécessaire à la survie biologique et qui rive l’existence humaine à la morne reproduction. Il faut dire qu’H. Arendt a conçu son livre dans les années 1950, à une époque où le travail industriel qu’elle a en tête est synonyme de travail à la chaîne et prend le visage du Charlot des Temps modernes, condamné aux tâches abrutissantes et aux cadences infernales. Pour la philosophe, le vrai épanouissement humain ne peut se trouver qu’hors du travail, dans la réalisation d’une « œuvre » dont l’art est le modèle, dans l’action politique ou dans la vie de l’esprit.