Je le regarde, assis en contrebas par rapport à lui, tandis qu’il décline son état civil, un micro grotesque emmanché sur un fil de fer roulé autour de son cou, et je serre la main gauche, celle qui est posée devant moi sur le bureau en bois de la Défense, en m’apercevant qu’elle tremble : Ahmed est innocent, je le sais depuis trois ans, je le crois – et je suis celui qui doit le défendre devant la Cour d’Assises : je suis terrifié.
C’est une chose de plaider un acquittement parce que rien dans le dossier, selon vous, ou en tout cas aucune preuve formelle ou inéluctable, ne permet de condamner un homme, parce qu’il y a place au doute, lequel doit profiter à celui que vous défendez, coupable ou innocent ; c’en est une toute autre d’être l’avocat d’un homme dont vous êtes totalement persuadé de l’innocence, la “vraie”, dont vous êtes certain qu’il ne ferait ni n’a jamais fait le moindre mal à personne, dont vous ressentez, cruellement, lourdement, depuis plusieurs années, qu’il est victime de ce qui, déjà, ressemble à une erreur judiciaire …