Une autre approche de la banlieue totale, dont parlait Bernard Charbonneau » [Article] Le…

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  • La feuille Charbinoise
    http://www.lafeuillecharbinoise.com

    Les voisins c’est pas toujours la fête.
    Quelques considérations acides sur la délocalisation des citadins à la campagne

    Ce n’est pas un hasard si je choisis le terme de « délocalisation » dans mon titre. Je voulais éviter toute confusion entre les personnes dont je vais parler et les véritables « néo-ruraux » qui sont bien souvent les acteurs dynamiques du renouveau de la vie dans nos campagnes. Non… ceux que je vais quelque peu égratigner dans ce billet, ce sont ces gens qui sont égarés dans le paysage rural, ces citadins auxquels on a fait croire que la vie en plein air c’était les barbecues à tout va, les virées en quad à gogo et autres loisirs culturels à base de moteurs pétaradants. Ils sont venus vivre à la campagne parce que « c’est moins cher » et parce qu’on leur a fait miroiter la liberté des grands espaces. Tout ce qui était difficile à gérer dans un T2 à cause – notamment – du voisinage, ne pose plus aucun problème du moment que plus personne n’habite en dessus ou en dessous. Tant pis si votre terrasse n’est qu’à trois mètres cinquante de celle de votre voisin. Tant qu’on aime les sardines grillées, il n’y a pas de soucis. Ces nouveaux arrivants colonisent peu à peu l’espace agricole par le biais des lotissements que les promoteurs peu scrupuleux font éclore à droite comme à gauche (dans tous les sens du terme). « Vous ne pouvez pas refuser une proposition aussi mirobolante, M’sieu le maire. Grâce à la construction du lotissement « les fleurettes », votre « trou », non pardon votre charmante bourgade, va gagner trois cent habitants d’un coup. Faites leur risette de temps à autre, et hop ! un bon lot de voix gagné aux prochaines élections ! Ça ne coûtera presque rien à la commune bien sûr. Tout est précisé dans le dossier de 647 pages que je vous ai remis… »

  • Images non contractuelles
    http://carfree.fr/index.php/2014/11/07/images-non-contractuelles

    Les histoires racontées par les promoteurs immobiliers ont ceci d’intéressant qu’elles évacuent largement la voiture. Dit autrement, l’automobile ne fait pas vraiment partie du fantasme. En fait, on rêve tous plus ou moins d’un quartier tranquille, arboré, sans voitures omniprésentes car on sait, au plus profond de nous-même, que la ville est envahie de voitures polluantes et menaçantes.

  • Comment la France est devenue moche - Le monde bouge - Télérama.fr
    http://www.telerama.fr/monde/comment-la-france-est-devenue-moche,52457.php

    Un hypermarché Leclerc s’installe au bout de la nouvelle voie express qui se cons­truit par tronçons entre Brest et Rennes. Puis viennent La Hutte, Conforama et les meubles Jean Richou... 300 hectares de terre fertile disparaissent sous le bitume des parkings et des rocades. Quelques maisons se retrouvent enclavées çà et là. La départementale devient une belle quatre-voies sur laquelle filent à vive allure R16, 504 et Ami 8. Un quartier chic voit le jour, toujours en pleine nature, qui porte un nom de rêve : la Vallée verte...

    C’est à ce moment-là que ça s’est compliqué pour les parents de Jean-Marc. Avec l’élargissement de la départementale, ils sont expropriés d’un bon bout de terrain et ne peuvent plus emmener leurs vaches de l’autre côté de la quatre-voies. Ils s’adaptent tant bien que mal, confectionnent des produits laitiers pour le centre Leclerc, avant de se reconvertir : la jolie ferme Quentel est au­jourd’hui une des salles de réception les plus courues de Bretagne.

    Les fermes voisines deviennent gîte rural ou centre équestre. La Vallée verte, elle, se retrouve cernée de rangées de pavillons moins chics : « Nous, on a eu de la chance, grâce à la proximité de l’aéroport, les terres tout autour de la ferme sont restées inconstructibles. » Aujourd’hui, quand il quitte son bout de verdure préservé pour aller à Brest, Jean-Marc contourne juste la zone de Kergaradec, tellement il trouve ça moche : « C’est à qui fera le plus grand panneau, rajoutera le plus de fanions. Comme si tout le monde hurlait en même temps ses messages publicitaires. »

    Ça s’est passé près de chez Jean-Marc, à Brest, mais aussi près de chez nous, près de chez vous, à Marseille, Toulouse, Lyon, Metz ou Lille, puis aux abords des villes moyennes, et désormais des plus petites. Avec un formidable coup d’accélérateur depuis les années 1982-1983 et les lois de décentralisation Defferre. Partout, la même trilogie – infrastructures routières, zones commerciales, lotissements – concourt à l’étalement urbain le plus spectaculaire d’Europe : tous les dix ans, l’équivalent d’un département français disparaît sous le béton, le bitume, les panneaux, la tôle.

    Lorsque apparaissent les premiers supermarchés, au début des années 60, la France ne compte que 200 kilomètres d’autoroutes, un morceau de périphérique parisien, aucune autre rocade, pas le moin­dre rond-point... et un architecte-urbaniste visionnaire, Le Corbusier ! Celui-ci a compris très tôt l’hégémonie à venir de la voiture, à laquelle il est favorable. Dès 1933, avec des confrères qu’il a réunis à Athènes, il a imaginé de découper les villes de fa­çon rationnelle, en quatre zones cor­respondant à quatre « fonctions » : la vie, le travail, les loisirs et les infrastructures routières.

    L’Etat s’empare de l’idée, on entre dans l’ère des « zones », ZUP, ZAC, etc. (1) Et puis il faut « rattraper » l’Allemagne et son insolent réseau d’autoroutes ! Du pain bénit pour notre illustre corps d’ingénieurs des Ponts et Chaussées. La France inscrit dans la loi (loi Pasqua, 1998) que tout citoyen doit se trouver à moins de quarante-cinq minutes d’une entrée ou d’une sortie d’autoroute ! Des itinéraires de contournement des villes sont construits, le territoire se couvre d’échangeurs, de bre­telles et de rocades. Vingt ans plus tard, les enfilades de ronds-points à l’anglaise, trop nombreux et trop grands, parachèvent le travail : ils jouent, constate Mangin, « le rôle de diffuseurs de l’étalement dans le nouveau Meccano urbain qui se met en place ».

    « Pourtant, le pavillon, c’est avant tout un choix contraint », constate David Mangin. Les centres-villes étant devenus inabordables, les familles pas très riches – elles sont la grande majorité – sont condamnées à l’exil périurbain. Et elles le resteront tant que manquera une bonne offre résidentielle collective. Alors, comme l’a observé l’urbaniste Bruno Fortier, « on tartine du lotissement au kilomètre », c’est facile et pas cher. Conçue par un promoteur-constructeur, la maison est un « produit », à commander sur catalogue. Où que l’on aille, le marché ne sait fournir que des lotissements avec des rues « en raquette », des parcelles de même taille, des maisons posées sur leur sous-sol de béton ; tant pis pour le raccord visuel avec la ville ancienne. Les plantes des jardins sont achetées en promotion à la jardinerie du coin ; tant pis pour la flore locale et le paysage.

    #banlieue_totale #urbain_diffus #ruralité #transports #voiture #habitat #écoumène #empreinte_écologique #grande_distribution

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  • Les grandes surfaces en quête d’un supplément d’âme

    « Nous sommes les Karl Marx de l’immobilier commercial », par Julien Brygo (avril 2013)
    http://www.monde-diplomatique.fr/2013/04/BRYGO/49010

    Hideusement fonctionnels, leurs ancêtres ont ravagé le paysage des périphéries urbaines. Les nouveaux centres commerciaux, eux, se veulent des « lieux de vie », écologiques et accueillants. L’Atoll, près d’Angers, est l’un des plus grands d’Europe.

    #2013/04 #Ville #Travail #Commerce #Urbanisme #Environnement #France

    • J’ai été obligée de faire des courses en GMS hier. J’étais à Dax, il faisait un temps de chien. La plupart des gens ne poussaient pas de caddie, ne faisaient pas vraiment les courses, ils se rencontraient, discutaient, observaient les autres. C’était comme la place du village d’il y a un demi-siècle : le lieu de socialisation. D’ailleurs, il y a des cafés, des pâtisseries où les gens s’abreuvent, les galeries où ils traînent. Les jeunes y restent au chaud. Ils se réunissent sous les haut-vents des entrées monumentales pour fumer une clope avant de retourner dans le printemps inaltérable des néons.

      Depuis plus d’un an, Leclerc bosse à la construction d’un immense mall à l’américaine sur la rocade de Mont-de-Marsan. Une emprise au sol monstrueuse gagnée sur les pinèdes, et où, en plus du Leclerc, vont se précipiter des tas de grosses enseignes des loisirs. Or, tout ce monde est déjà présent dans des zones commerciales réparties en couronne autour de la ville. Quand Leclerc aura déménagé, son emplacement actuel va devenir une nouvelle et énorme friche industrielle, mais les autres zones commerciales vont aussi dépérir, puisque les enseignes les plus emblématiques ont toutes retenu un ticket d’entrée dans le nouveau monstre. Les franchises vont se renforcer, l’activité commerciale va se concentrer à un seul endroit de la ville - bonjour le casse-tête de la circulation puisque tout le monde va aller au même endroit en même temps, alors que déjà les voies d’accès des différents centres commerciaux qui encerclent la ville sont saturés à l’heure de la sortie des bureaux et une bonne partie du samedi ! - pendant que les commerces indépendants qui prospéraient à l’ombre des géants vont se retrouver paumés dans des zones abandonnées...

      Je vais observer ce machin, mais j’ai dans l’idée que c’est assez symptomatique de la nouvelle révolution commerciale en cours, sachant que l’avant-dernière était le hard-discount et la dernière, le drive.

    • Si, ça continue et c’est assez bien mis en perspective dans le documentaire : la France en face. D’un côté, on hyperconcentre le pouvoir, l’argent, les moyens, les inclus dans des territoires de plus en plus denses (et donc contrôlables et donc vulnérables) et de l’autre, on relègue dans le no man’s land rural les surnuméraires, en passe de devenir une majorité numérique. En fait, les hypercentres vampirisent les campagnes environnantes pour en extraire les ressources nécessaires à leur cohésion et leur développement anarchique. On se rapproche de plus en plus de la vision très cyberpunk de la société, dans la lignée des Monades urbaines.

      La faille, ce sont les flux. Ceux qui coupent les flux auront le pouvoir absolu.

  • Une série d’entretiens avec Augustin Berque, que j’ai découvert il y a quelques années grâce à @Mona http://www.peripheries.net/article184.html, et qui approfondit bien les choses concernant l’#empreinte_écologique dans sa dimension humaine (aspect qui reste dans un angle mort de la plupart des discours écolos).
    Résumé de ce que j’en retiens :

    1. Il ne faut pas réduire le problème à sa dimension écologique http://www.dailymotion.com/video/xfvyhz_il-ne-faut-pas-reduire-le-probleme-a-sa-dimension-ecologique_web


    Les écologistes ne se posent pas le problème de l’#écoumène, cela reste dans un angle mort du mouvement écolo actuel. Or notre relation à la Terre n’est pas uniquement écologique, elle est également écouménale, elle implique aussi des systèmes techniques et des systèmes symboliques. C’est cette dimension technique et symbolique qui fait notre rapport au monde en tant qu’humains. Notre monde humain repose sur les écosystèmes mais il les dépasse également, il nous faut comprendre en quoi notre monde est + que des écosystèmes.

    La technique est bel et bien une extériorisation, qui prolonge notre corporéité hors de notre corps jusqu’au bout du monde ; mais le symbole est au contraire une intériorisation, qui rapatrie le monde au sein de notre corps. Quand le robot Sojourner saisit cette pierre, là-bas sur Mars, il prolonge, grâce à la technique, le geste ancestral de l’Homo habilis, qui, voici deux millions d’années, investit dans un galet aménagé, tenu à bout de bras, une fonction jusque-là uniquement exercée par les incisives au-dedans de la bouche. Mais inversement, c’est avec ma bouche, ici et maintenant, que je parle de Mars et de Sojourner, qui sont loin dans l’espace, et d’Homo habilis, qui est loin dans le temps. Je peux le faire grâce à la fonction symbolique, laquelle, sous ce rapport, consiste donc à rendre présentes au-dedans de mon corps des choses qui en sont physiquement éloignées. Cela, ce n’est pas une projection ; c’est, tout au contraire, une introjection. La trajection, c’est ce double processus de projection technique et d’introjection symbolique. C’est le va-et-vient, la pulsation existentielle qui, animant la médiance, fait que le monde nous importe. Il nous importe charnellement, parce qu’il est issu de notre chair sous forme de techniques et qu’il y revient sous forme de symboles. C’est en cela que nous sommes humains, en cela qu’existe l’écoumène, et c’est pour cela que le monde fait sens

    extrait de « Ecoumène, introduction à l’étude des milieux humains »

    2. « Ce monde là court à la catastrophe... » http://www.dailymotion.com/video/xgp64m_ce-monde-la-court-a-la-catastrophe_webcam


    On n’a pas qu’un corps animal, on a aussi un #corps_médial, fait de projections et d’introjections. Ce corps n’existe qu’en lien avec le monde. L’humain et le monde que construit l’émergence de l’espèce humaine sont co-dépendants. C’est le rapport entre ces systèmes (techniques et symboliques) extérieurs à notre corps et leur effet en retour sur le corps animal qui explique l’émergence de l’espèce humaine. On humanise l’environnement par nos systèmes symboliques, on l’anthropise par nos systèmes techniques. C’est l’effet retour des symboles et des techniques sur notre corps qui nous fait humains.
    Cette notion de co-dépendance (ou co-suscitation) a été beaucoup plus creusée dans les traditions asiatiques que dans les traditions européennes. On pourrait avoir tendance à les rejeter car ces réflexions (dans les civilisations asiatiques) font aussi appel à des éléments religieux et mystiques, mais on aurait tort de se priver de ces sources-là car elles peuvent être des inspirations utiles pour pouvoir changer de rails.

    3. La pulsion de retour à la « nature » détruit la « nature » http://www.dailymotion.com/video/xgp786_la-pulsion-de-retour-a-la-nature-detruit-la-nature_webcam


    Une des pires façons actuelles d’habiter le monde est ce qu’il appelle « l’#urbain_diffus », ou que d’autres appellent « suburbia », soit vivre loin des centres urbains tout en continuant à avoir avoir un mode de vie urbain, sur le modèle pavillon + #voiture qui est l’idéal de beaucoup de gens. En arrière plan de cet idéal se trouve l’aspiration à vivre près de la « #nature » (même si cette « nature » se traduit factuellement par du gazon et des thuyas). C’est en partie un mode de vie de riches qui s’est plus moins démocratisé avec la société de consommation, qui chez certaines élites anciennes incluait l’observation de la nature, mais excluait (ou forcluait, pour reprendre son terme) le travail #paysan, le travail qui consiste à obtenir une production alimentaire par aménagement de la nature.
    Outre cette « démocratisation », cette aspiration à vivre près de la « nature » provient d’une pulsion très ancienne qui est celle du retour à la matrice originelle (ou nostalgie du sein maternel). Cette pulsion, dans la façon dont elle s’exprime aujourd’hui, a des résultats destructeurs tant au niveau écosystémique qu’humain.

    4. Nous assistons à la transformation de l’humain en cyborg http://www.dailymotion.com/video/xgpcuz_nous-assistons-a-la-transformation-de-l-humain-en-cyborg_webcam


    Le mode de vie campagnard et son rapport particulier à la terre subsistent aujourd’hui à l’état relictuel dans l’occident. Le développement de la société de consommation à partir des années 1950 a engendré l’extinction de la culture paysanne, laissant place à des entrepreneurs agricoles fonctionnant sur un mode civilisationnel urbain.
    L’urbain diffus défait la ville et défait la campagne, par un système mécanique qui se développe selon sa propre logique. Tout se construit en fonction de l’usage de la voiture, qui tue pourtant 1.5 millions de gens par an dans le monde. On adapte nos espaces à l’#automobile plutôt que l’inverse.
    Au-delà de cette omniprésence et ces dégâts humains causés par la voiture, les systèmes mécaniques transforment l’humain en cyborg (être ne pouvant pas vivre sans machine), dans la mesure où on pense le monde en terme de machine (pensée mécaniciste moderne issue entre autres de Descartes).

    5. « Il n’est pas certain que je veuille laisser une épitaphe » http://www.dailymotion.com/video/xgpcyt_il-n-est-pas-certain-que-je-veuille-laisser-une-epitaphe_webcam


    D’après lui il faudra sûrement une catastrophe pour servir de déclic au dépassement de l’idéal pavillon + voiture, au changement de notre rapport au monde.

    Fukushima n’a visiblement pas suffi. Ce serait peut-être bien également de chercher à rendre plus désirable, dans l’imaginaire collectif, l’urbain compact (libéré autant que possible de la voiture), et de cultiver (ou recréer là où il a disparu) le rapport particulier à la terre du mode de vie campagnard.

    EDIT du 08/09/2013 : lien avec http://seenthis.net/messages/173393 et http://seenthis.net/messages/173394