• Bruno Latour : « L’apocalypse est notre chance »
    http://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2013/09/20/bruno-latour-l-apocalypse-est-notre-chance_3481862_3232.html

    Il faut imaginer un Etat capable de s’équiper pour savoir que faire d’une situation où il faut simultanément s’occuper des humains, du climat, du climat des autres, pas simplement du sien, et ce en dehors des frontières nationales. Or nous n’avons aucun paradigme de ce que peut être une action politique commune dans une situation révolutionnaire et apocalyptique à la fois

  • Veillée de guerre au Moyen-Orient
    http://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2013/09/06/moyen-orient-paysage-avant-la-bataille_3470784_3232.html
    désolé pour le paywall : je supose http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/09/06/moyen-orient-paysage-avant-la-bataille_3470784_3232.html devrait fonctionner ?

    A la suite de la tribune de Gille Kepel, on trouve un encadré séparé du texte principal, non signé, (et regroupant deux paragraphes sans liens très clairs) qui apparaît comme sa conclusion. Alors que ce texte principal manque précise de définir une position, cet adendum - un effet des ciseaux de l’éditeur - se prononce au contraire clairement contre la position française officielle d’une intervention en Syrie, et accessoirement, semble régler des comptes avec JP Filiu, le promoteur d’une Guerre d’Espagne en Syrie ?

    France : la morale ne fait pas une politique

    Au moment où le monde arabe est en gésine, la France est en peine de trouver les mots adéquats pour dire sa politique. Ce malaise est d’autant plus préoccupant que notre pays compte plusieurs millions de ressortissants et de résidents d’origine arabe, dont les liens avec le Maghreb et le Moyen Orient sont étroits. Et que l’option d’une frappe contre Damas serait à l’agenda.

    François Hollande a prononcé en juillet devant l’Assemblée constituante tunisienne une phrase qui a suscité la perplexité : « La France sait que l’Islam et la démocratie sont compatibles. » En effet, pour la République laïque, il ne saurait exister d’entité « Islam » en soi – idem pour « christianisme », « judaïsme » ou « hindouisme » – dont elle prononcerait la compatibilité ou non avec la démocratie. Cette question est l’affaire des musulmans. Des millions d’entre eux ont manifesté du Caire à Damas que l’établissement d’un régime démocratique était leur seconde libération après qu’ils eussent subi depuis l’indépendance des décennies d’autoritarisme.

    D’autres, comme les oulémas saoudiens, rejoints par les salafistes en pleine expansion, n’ont cure de la « souveraineté du peuple », déviation coupable selon eux de la « souveraineté d’Allah » qui doit se réaliser dans l’application de la charia. On comprend que, prononcée en contexte, cette phrase valait pour les bons sentiments qu’elle exprimait à une assemblée dominée par le parti Ennahda – qui l’applaudit unanimement. Un peu plus tard, Mohamed Brahmi, député laïc de Sidi Bouzid, berceau des révolutions arabes, fut assassiné. Le meurtrier présumé s’avéra un djihadiste, franco-tunisien du groupe Ansar al charia, né à Paris et éduqué à l’école communale des Buttes-Chaumont.

    TRAUMATISME DES IMAGES

    La volonté de « punir » Damas après le traumatisme des images épouvantables de civils, et notamment d’enfants, gazés, est l’expression d’une conscience morale. Suffit-elle pour autant à définir une politique pour la France telle qu’elle est aujourd’hui, puissance moyenne qui lierait son destin à celui des Etats-Unis à travers les nouvelles lignes de faille de l’Orient compliqué ? Les idées simplistes de ceux qui verraient dans la Syrie notre nouvelle guerre d’Espagne ne sauraient guider l’action du chef des armées.

    On ne saurait assez s’inquiéter du divorce aujourd’hui patent entre la technostructure politique et une université française dont les études sur le monde arabe furent encore récemment l’une des gloires, et dont la destruction se poursuit dans l’indifférence. Pourtant, l’allié américain a payé le prix fort, avec la catastrophe irakienne, de la substitution des apprentis-sorciers néo-conservateurs aux universitaires arabisants expérimentés.

  • Bertand Badie dans Le Monde : « La ’diplomatie de punition’ évoque une déviation par rapport à la norme »
    http://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2013/09/04/la-diplomatie-de-punition-evoque-une-deviation-par-rapport-a-la-norm

    le vrai problème est celui de l’opération elle-même, c’est-à-dire sa légalité, sa légitimité et son efficacité. Sur cela, on entend que de vagues propos embarrassés.

    A la base de la prévention, il y a la persuasion et la négociation : il est étonnant de constater que dès l’origine du drame syrien, la diplomatie n’ait eu en tête que le recours à la force ou à la stigmatisation sans jamais réellement créer les conditions d’une négociation entre les partenaires.

    Et une sévère critique de la diplomatie hexagonale (cf. mes interrogations il y a quelques jours : http://seenthis.net/messages/172305)

    j’ai émis l’hypothèse que le nuage du néoconservatisme avait quitté les Etats-Unis et franchi l’Atlantique pour se stabiliser au-dessus de l’Europe.
    Le phénomène semble paradoxalement remarquable quand on considère la France, celle des deux dernières années du mandat de Jacques Chirac, celle de Nicolas Sarkozy et celle, aujourd’hui, de François Hollande. Comme si néogaullisme, libéralisme et social-démocratie se rejoignaient dans une expression en même temps rhétorique et politique, reprenant parfois jusqu’aux termes et aux réflexes d’un néoconservatisme inventé aux Etats-Unis, au tournant du siècle.
    Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? Je crois qu’avec la première décennie du XXIe siècle, la diplomatie française a perdu ses repères. En tant qu’un des plus forts soutiens du multilatéralisme, elle a souffert de l’avilissement de celui-ci durant la présidence Bush. Leader de la politique étrangère européenne jusqu’en 2004, elle a ressenti l’élargissement de l’union vers l’Est comme une perte grave d’influence qui, effectivement aujourd’hui, la prive de son leadership d’hier.
    Le brouillage qui est intervenu dans sa politique arabe et sa politique africaine l’a incontestablement affaibli. Le néoconservatisme est significativement un courant de pensée qui peut autant s’abreuver dans les idéologies de droite que dans celles de gauche, ou plus exactement du centre gauche. Mettant trop facilement en exergue l’exaltation du droit en faveur de causes présentées comme justes, il offre une ligne facile aux diplomaties qui ont perdu de leur identité. Il accomplit sur la scène mondiale une fonction qui ressemble à celle du populisme sur le plan national. Peut-être est-ce là un aspect de la crise que subit notre politique étrangère depuis une petite dizaine d’années.