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    Retraites : quand on veut noyer ses vieux…

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    La première des questions relatives aux retraites n’est pas de savoir ce que seront en 2050 ou 2060 le rapport retraités/cotisants et le PIB par habitant. Elle est de délibérer de la vie après (et donc pendant) celle du travail « à but économique », tout autant que du sens du travail et des autres activités et moments qui font que la vie vaut d’être vécue. Derrière toute politique publique des retraites, on trouve des représentations conflictuelles de la « valeur » (non économique) de la vie des personnes ayant quitté la sphère du travail économique et des rapports qu’elles entretiennent avec leurs concitoyens de tous âges.

    Pour les grands acteurs du capitalisme financier, c’est simple : les retraites sont une charge et les vieux un fardeau. C’est leur vision de toute la protection sociale – ne parlent-ils pas des charges des entreprises ? – mais aussi des impôts et des taxes, y compris environnementales. Ils abhorrent ces « charges », associées à des biens communs, qui sont pour eux des maux privés et autant d’obstacles à la « libre » exploitation des humains et de la nature. À l’exception des vieux encore rentables selon leurs critères, ou de ceux qui fréquentent leurs conseils d’administration et les institutions politiques plus ou moins sous leur coupe, ils entendent bien faire payer la crise, dont la réforme en cours des retraites, aux retraités AUSSI. En fait, tout le monde va payer, à l’exception des entreprises, qui verront leurs petites hausses de cotisations intégralement compensées par divers cadeaux - religion de la compétitivité oblige - l’essentiel restant de baisser les pensions (le « fardeau ») par divers moyens. Mais tout un travail de propagande s’impose pour y parvenir.

    DES VIEUX TROP NOMBREUX ET TROP COÛTEUX

    Première technique : quand on veut « noyer ses vieux », on en rajoute sur leur nombre à venir (c’est l’aspect démographique) et sur ce qu’ils vont coûter (c’est l’économie de la chose). Pour commencer, démographie fantaisiste à l’appui, on invoque le « péril vieux » devant une opinion qui manifeste souvent une coupable tendresse pour des parents, grands-parents et autres vieux schnoks jugés « improductifs » mais en réalité producteurs de multiples richesses constitutives du bien vivre, à la fois pour les autres et pour eux-mêmes.

    D’où des slogans mensongers sur le plan démographique, mais que les politiques et les affairistes reprennent en boucle. C’est le « fléau du vieillissement » de Valérie Pécresse, c’est Le Monde assurant que « les vieux sont en passe de devenir majoritaires ». Autant de fantasmes politiquement orientés : même en 2060, où l’on devrait atteindre la proportion maximale de plus de 60 ans, il y aurait selon l’Insee un tiers de moins de 30 ans, un tiers de 30-60, et un tiers de plus de 60 ans.

    La cause est-elle entendue ? Non, car nous disent les prêtres de LA réforme, ce qui compte c’est le « fardeau » financier que les « actifs » vont devoir supporter pour entretenir ces incorrigibles retraités s’obstinant à vivre aux crochets des premiers. Et c’est là qu’ils vous sortent avec gourmandise l’implacable ratio retraités/actifs, ou son cousin, dont l’appellation est tout un programme d’enfumage symbolique, le « ratio de dépendance vieillesse », défini comme le rapport entre le nombre de personnes âgées de plus de 65 ans et la population en emploi.

    #retraites
    #paupérisation ( organisée )
    #ratio
    #PIB

    • En réponse à votre hastag #jeunisme, il me semble que vous avez occulté les gains de productivité qui sont passés de la productivité ( gains de production) -> vers le capital.
      Une petite vidéo en brosse les contours http://sco.lt/7Prv2P .

      Quand passe-t-on de jeune à vieux ?

      ce petit texte de Cavanna ( Esquisses )
      « Vous saviez çà, vous ? Quand un type est ramassé, sur la voie publique ou ailleurs, à la suite d’un malaise, les flics ou les pompiers l’emportent dare-dare vers l’Hôpital le plus proche. Eh bien, de deux choses l’une. Ce type a atteint ou n’a pas atteint l’âge de soixante-cinq ans. S’il ne l’a pas atteint, on va l’aiguiller vers le service adéquat : traumatologie, poumons, coeur, ou il faut, quoi. Bien. Maintenant, si le type a dépassé les soixante-cinq printemps, il est automatiquement viré en gérontologie ( ou gériatrie, je laisse le choix).
      Autrement dit, au-delà d’un certain âge, il n’existe plus qu’une maladie ; la #vieillesse. ) » ... la suite de ce texte « exquis » dans Charlie Hebdo du 4 septembre n°1107

      je vous propose un autre hastag #Âgisme ? .

    • Agisme me convient bien, c’est ce que je voulais dire avec le terme jeunisme, c’était l’idée de l’âge comme critère de discrimination.
      Je ne vois pas le lien avec les gains de productivité en revanche.

      Mais je suis d’accord. Ça fait 6 mois que j’essaie de mettre en forme un article dans lequel je milite pour qu’on arrête d’essayer de défendre ce système de retraite par répartition individualisée, dont l’assiette de financement repose sur la masse salariale des entreprises (c’est à dire que les boites qui réduisent leur masse salariale (licenciements, précarisations, délocalisations..) sont favorisées par rapport à celles qui au contraire privilégient l’emploi). Je milite pour que les « charges sociales » des entreprises soient calculées désormais non plus sur la masse salariale, mais sur leur excédent brut d’exploitation (un peu comme l’impôt sur les sociétés en fait, mais moins en bout de chaine quand même). Ainsi on retrouverait la philosophie de la fiscalité présentée dans la constitution, où les contributeurs participent aux efforts de solidarité nationale (allocations retraites, maladie ou chômage) à hauteur de leurs capacités financières, et non selon une approche individualiste où chaque travailleur est sensé cotiser pour sa pomme façon chaine de Ponzi et dans laquelle on taxe son salaire pour financer les besoins du moment, et qui fait que les boites ont tout intérêt à réduire leurs dépenses salariales pour s’en foutre plein les fouilles...)