• Derrière les Mille vaches, un modèle agro-industriel désastreux
    http://www.reporterre.net/spip.php?article5220

    C’est une vieille histoire, et elle est complexe. Mais sans en comprendre l’esprit, on ne peut raisonnablement saisir l’un des sens – peut-être le plus essentiel – du projet de « Ferme des 1000 vaches ». Quand la France sort des ruines de la Seconde Guerre mondiale, son agriculture est encore basée sur la polyculture et l’élevage traditionnels. Le tracteur est resté à la porte de nombreuses exploitations, où dominent toujours le cheval, le bœuf, l’âne. La victoire sur le fascisme bouleverse tout, car derrière les chars américains de la Libération apparaissent déjà les lourds engins agricoles, les pesticides et engrais, l’alimentation animale standardisée, l’industrie. (...) Source : (...)

  • L’affaire du bijoutier de Nice : « Ne commencez pas à souhaiter que la loi du Far West ne s’impose. De peur que votre vœu soit exaucé. »
    http://www.maitre-eolas.fr/post/2013/09/15/L-affaire-du-bijoutier-de-Nice

    La loi ne vise pas à promouvoir des comportements héroïques. Elle peut punir la lâcheté quand il n’y avait aucun risque à agir, mais ce qu’elle vise avant tout c’est l’ordre et la sécurité de tous. Bien sûr, elle ne peut assurer la sécurité absolue de chacun à toute heure. Oui, l’État, qui est le bras séculier de la loi, a failli à protéger ce bijoutier. Cela peut engager la responsabilité de l’État, mais cela ne permet en rien à ce bijoutier de s’affranchir lui-même de la loi. Et regardons ce qu’a fait, objectivement, cet homme.

    Il a 67 ans, âge vénérable, auquel hélas la nature commence a prendre son dû. La vue baisse, la main tremble. Cet homme, sous le coup d’une terrible émotion, mélange de peur, de colère, de douleur, car il a reçu des coups, sort dans la rue, un mercredi matin à 9 heures, à l’heure où les enfants vont aux centres de loisir ou au parc, et il ouvre le feu à trois reprises. En plein centre-ville. Avec une arme détenue illégalement. Sérieusement, vous estimez que c’est un comportement digne d’éloge ? Dieu merci, il n’a blessé aucun passant, il n’y a pas eu de balle perdue. Peut-on conditionner un comportement à son résultat ? Si un enfant se rendant au parc s’était pris une balle perdue, applaudiriez-vous toujours ce monsieur ? Et pourtant, il aurait fait exactement la même chose. La fin ne justifie pas les moyens dans une société civilisée.

    #dura_lex_sed_lex

  • A Nogaro, l’école compte plus de maîtres que de classes - SudOuest.fr
    http://www.sudouest.fr/2013/09/13/plus-de-maitres-que-de-classes-1167073-2536.php

    Une fois leur niveau testé en début d’année, les élèves forment des groupes homogènes pour le français et les mathématiques. « Il ne s’agit pas d’école à deux ou trois vitesses, avertit René-Pierre Halter, directeur académique des services de l’Éducation nationale. Les élèves changent de groupe dès qu’ils progressent. » Alors que certains raccrochent leur wagon à la locomotive, les autres approfondissent leurs connaissances au-delà du programme.

    Pour appliquer cette méthode, il faut des moyens : une maîtresse supplémentaire dans le cas de l’école nogarolienne, afin de répondre à l’idée que chaque enfant a des besoins différents et apprend à son rythme. « Redoubler retarde les élèves pour toute la durée de leur parcours scolaire et universitaire, » explique René-Pierre Halter.

    J’ai beaucoup médité cette info, me demandant pourquoi j’en avais une mauvaise opinion alors que j’aurais du trouver ça cool, cette idée de proposer des enseignements différenciés pour permettre aux plus faibles de ne pas se laisser distancer... et puis j’ai compris, au bout d’un long moment, ce qui était complètement déconnant dans cette recette pédagogique.

    1. Niveaux = hiérarchisation. Il s’agit, en fait, de passer outre à cette pénible hétérogénéité des groupes d’enfants. Le problème, c’est que la différence est la règle et que cette règle, une éducation non pas formatrice, mais dédiée au formatage, forcément, elle s’en accommode mal. Il ne s’agit donc pas de soutenir ou de mettre plus possibilités en direction des élèves en difficulté (ce qui était, en fait, le job des quasi défuntes RASED), mais bien d’installer une ségrégation par niveau, sous-entendu, une classification des élèves plus ou moins réceptifs au type de formation dispensée par l’éducation nationale. Or les différences d’apprentissage entre les enfants ne sont pas des handicaps quand on n’est pas immergé dans une culture de la compétition, de la sélection et du tri, bien au contraire.

    2. Le mépris des enfants ou la négation de l’effet feedback. Ça, c’est le point d’achoppement de pratiquement toutes les pédagogies dont j’ai entendu parler jusqu’à présent : dans ce papier comme ailleurs, les principaux intéressés, les enfants, ne sont pas conviés à la fête. On ne leur a pas demandé leur avis et je ne pense pas qu’on le fera. Cette pédagogie leur est donc imposée en partant des nécessités d’efficacité et de résultats quantitatifs des professeurs, des désidératas des parents et ne prend absolument jamais en compte que les enfants ne sont pas seulement les objets des projets pédagogiques, voir les sujets d’expérimentation qu’on en fait le plus souvent à leur corps défendant, mais qu’ils en sont les acteurs conscients.
    Autrement dit, combien de temps, à votre avis, faudra-t-il aux enfants pour traduire ce joyeux exercice d’autosatisfaction flagornant en des termes bien plus concrets, du genre : « merde, je suis avec les nuls, je suis un nul », « youpi, je suis un surdoué comme mes parents me le rabâchent depuis toujours et vos gueules les mongolos du groupe des nuls » ?
    En gros, les enfants savent très vite quels sont les enjeux de l’organisation scolaire et y adaptent leurs propres stratégies adaptatives qui renfoncent ou inhibent le joyeux plan de départ. Il est intéressant qu’une institution chargée de former un groupe social soit à ce point hermétique à l’idée que ce groupe social a conscience de ce qu’on lui administre et soit en capacité de réagir.

    3. Le mensonge originel. On pourrait admettre que le regroupement par niveau, même dans le système d’hypercompétition qu’est l’école, puisse éventuellement servir les intérêts du groupe des décrocheurs. Sauf qu’il suffit d’y réfléchir une seconde pour comprendre qu’il s’agit du groupe qui y a tout à y perdre et que l’objet de la manœuvre est de satisfaire les parents des bons élèves (les parents les plus actifs et présents dans l’institution) quant à la neutralisation des boulets pour font « baisser le niveau » et « ralentissent les progrès » des supposés bons (c’est à dire essentiellement les gosses de profs et de cadres sup) sans être obligé, du point de vue de l’institution, de revenir sur les économies budgétaires qui ont engendré les sureffectifs de classes, lesquels font partis des principaux facteurs de manque d’efficacité de l’école.

    L’article sert le gros cache-misère habituel qui tend à faire croire que la mise en place de groupes de niveau permettra aux « faibles de rattraper leur retard ». Rien que ces concepts de faibles et de retard devraient nous mettre la puce à l’oreille quant à la véritable nature de ce qui se passe ici : à savoir une compétition sans merci, une course de fond, avec une prime aux sprinteurs.
    Pour que les groupes de niveau marchent dans le sens du « rattrapage » hypothétique des mauvais, cela suppose qu’il n’existe qu’une façon d’apprendre, qu’une manière de progresser, qu’avec plus de quantité d’apprentissage, on peut avancer plus vite (et que donc les faibles sont en retard), mais surtout, cela impliquerait que pendant ce temps, les forts seraient conviés à passer de longues heures à faire du macramé, le temps que les faibles comblent leur retard.

    Héhéhéhé : personne ne croit à cette hypothèse qui revient à dire dans le langage et la pensée pédagogique qui sous-tend le concept de groupes de niveaux qu’il suffit de rassembler les 2 CV entre elles pour qu’elles rattrapent le peloton de tête des Ferrari.

    On comprend bien que le but n’est pas le rattrapage du groupe faible, mais bien l’échappée du groupe fort.

    4. La coopération plutôt que la compétition. Ma fille a aimé ses classes uniques avec ces 2 ou 3 niveaux mélangés, précisément, parce qu’ils étaient hétérogènes. Quand elle était chez les petits, elle était libre d’écouter les leçons des grands quand elle en avait envie et quand elle s’est retrouvée chez les grands, elle a tiré une grande satisfaction de son rôle de tutrice envers les plus jeunes. En tant qu’actrice de ses apprentissages, elle a toujours bien compris que ses progrès personnels dépendaient étroitement des progrès de l’ensemble et donc de la part d’elle-même qu’elle pourrait y investir et des bénéfices qu’elle pourrait tirer des interactions avec les autres.
    C’est à dire, tout le contraire des groupes de niveaux

  • Le chagrin et la duplicité - Edito Jean-Claude Guillebaud
    SudOuest.fr

    http://www.sudouest.fr/2013/09/08/le-chagrin-et-la-duplicite-1162218-5137.php

    Étais-je naïf ? (sur l’Irak) À Paris, on me reprocha de raisonner comme un boy-scout. De fait, nos gesticulateurs compassionnels habituels, d’André Glucksmann à BHL, étaient restés silencieux, c’est-à-dire « réalistes ». Ils regardaient ailleurs. Comme nos hommes politiques… L’Irak était notre « ami ». Il nous achetait des armes. Il nous « protégeait » contre les méchants Iraniens.

    Cette semaine, j’ai suivi comme tout le monde la réunion du G20 à Saint-Pétersbourg. J’ai vraiment compati à la solitude de François Hollande, qui a été désavoué par l’Europe elle-même. Cette solitude a blessé le citoyen français que je suis. Mais j’ai surtout été frappé par la réaction hostile des grands pays émergents (Brésil, Afrique du Sud, etc.). Elle me semble très significative. Ces pays de l’ex-Tiers-monde sont bien placés pour se méfier des arguments « émotifs » qu’utilisent les Occidentaux. Ils ont payé pour savoir que cette émotion, même sincère, a trop souvent servi d’habillage à une froide duplicité d’État. Aujourd’hui, nous allons - peut-être - partir en guerre pour punir un « crime chimique » qui ne troublait pas nos décideurs quand son auteur était notre allié. Et notre client. Il faut savoir que nous ne serons ni compris, ni soutenus. Y compris par ceux que révulsent les crimes de Bachar al- Assad.

    #Syrie #Irak