Une mise en examen comme un « coup de sang »
En mars, au moment de mettre l’ancien président en examen, les juges bordelais ne pouvaient ignorer cette absence de charges suffisantes pour un renvoi. Pourquoi ont-ils décidé de le mettre en examen pour prononcer un non-lieu sept mois plus tard ? Selon un avocat, interrogé par Libération, « cette mise en examen était un coup de sang. Elle ne reposait pas sur des faits nouveaux. Mais Gentil n’a pas supporté, entre autres choses, l’attitude de Thierry Herzog », l’avocat de Nicolas Sarkozy.
Thierry Herzog, comme les soutiens de l’ancien président, n’ont en effet pas ménagé le juge tout au long de la procédure. L’avocat s’est même moqué ouvertement de lui, assurant, au moment du placement de son client sous statut de témoin assisté, que le juge avait confondu Liliane Bettencourt et Ingrid Betancourt dans l’agenda de l’ancien président. Excédé, Jean-Michel Gentil aurait alors décidé de répliquer, avec la mise en examen.
Un accord pour sauver le dossier, attaqué par la défense
Une autre thèse circule dans les couloirs du palais de justice de Bordeaux, selon L’Express. Les juges auraient consenti à exfiltrer Nicolas Sarkozy de la procédure contre la validation d’une instruction attaquée par la défense. Les avocats de la défense reprochaient notamment au juge Gentil d’avoir nommé une proche, Sophie Gromb, pour diriger le collège de cinq médecins chargé de mener l’expertise médicale sur Liliane Bettencourt.
De fait, les magistrats de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Bordeaux ont validé le 24 septembre l’ensemble de la procédure et rejeté la demande de récusation des juges, déposée par certains mis en examen. Et le parquet a décidé, mardi 8 octobre, de ne pas faire appel du renvoi de dix autres mis en examen devant le tribunal correctionnel.
Selon cette théorie, le juge Gentil aurait donc troqué le non-lieu de Nicolas Sarkozy contre le procès d’Eric Woerth, Patrice de Maistre et consorts. Le camp Sarkozy ferait d’ailleurs mieux de ne pas crier victoire trop vite. Avec Eric Woerth, sur lequel pèsent des charges plus solides, la question de l’abus de faiblesse sur Liliane Bettencourt pour financer la campagne de l’ancien président en 2007 reste posée.