Affaire Leonarda : l’esprit et la lettre des textes en vigueur piétinés

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    http://www.mediapart.fr/journal/france/161013/affaire-leonarda-lesprit-et-la-lettre-des-textes-en-vigueur-pietines

    Vincent Peillon a rappelé que l’école devait être « sanctuarisée » et qu’il y avait « des règles de droit » et « des principes » à respecter, après la vive émotion suscitée par l’expulsion de Leonarda. Une procédure qui contrevient à tous les textes en vigueur sur le sujet dans l’éducation nationale et place le ministère dans une position délicate.

    Rue de Grenelle, l’expulsion en pleine sortie scolaire de la jeune Leonarda passe mal. Interrogé ce mercredi à la sortie du conseil des ministres, Vincent Peillon a vertement réagi. « Nous demandons qu’on sanctuarise l’école », a-t-il déclaré, visiblement très agacé. Le ministre, qui a affirmé attendre les résultats de l’enquête administrative diligentée par Matignon, a ainsi assuré qu’il y avait « des règles de droit » et « des principes qui sont ceux de la France. La sortie scolaire, c’est de la scolarité. Et notre règle c’est qu’on n’intervienne pas lorsqu’il y a scolarité ». Après avoir pris connaissance, lundi, du cas de l’expulsion de la collégienne Kosovare, le ministre s’était entretenu avec Manuel Valls dès le lendemain en marge des questions au gouvernement pour obtenir des explications.

    Sur le principe d’une école-sanctuaire, les textes qui se sont accumulés ces dernières années sont très clairs. Ils ont d’ailleurs été rappelés dans les trois circulaires [http://www.mediapart.fr/journal/france/140912/scolarisation-des-primo-arrivants-des-circulaires-attendues-depuis-longtem relatives à la scolarisation des enfants « allophones nouvellement arrivés », des Roms et des enfants du voyage, rédigées par le ministère de l’éducation nationale l’été dernier. « L’école doit être vécue comme un lieu de sécurité pour ces enfants souvent fragilisés par leur situation personnelle », affirme en préambule la circulaire n° 2012-141 du 2-10-2012 [http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=61536]. « Assurer les meilleures conditions d’accueil » de ces enfants est « un devoir de la République », dans un « objectif d’intégration sociale, culturelle et à terme professionnelle », souligne l’une d’elles.

    Le droit à la scolarisation est inconditionnel, conformément aux articles L. 111-1, L. 122-1, L. 131-1 du code de l’éducation, c’est-à-dire qu’il ne peut dépendre de la situation administrative des enfants ou de leurs parents.

    La continuité de la scolarité doit être autant que possible préservée, comme pour tous les autres élèves : « Tout élève admis dans un cycle de formation doit pouvoir parcourir la totalité de ce cycle dans l’établissement scolaire, sous réserve des dispositions réglementaires relatives aux procédures disciplinaires », affirme la circulaire de mars 2002 [http://www.education.gouv.fr/botexte/sp10020425/MENE0200681C.htm], toujours en vigueur, relatives aux modalités d’inscription et de scolarisation des élèves de nationalité étrangère des premier et second degrés.

    Le rapport du défenseur des droits de mai 2013 [http://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/upload/rapport-roms-2013-06-25.pdf] qui évaluait l’application de ces circulaires a montré que plusieurs tribunaux se sont appuyés sur la scolarisation pour différer des évacuations, afin qu’un cycle scolaire ne soit pas interrompu.

    Par ailleurs, après plusieurs affaires ayant ému l’opinion, et abouti à la création du Réseau éducation sans frontières (RESF), une circulaire de Nicolas Sarkozy du 31 octobre 2005 [http://www.gisti.org/doc/textes/2005/INTD0500097C.pdf] stipulait, déjà, qu’il fallait éviter les « démarches dans l’enceinte scolaire et à ses abords ». Elle a été depuis abrogée. Reprenant l’esprit du texte de 2002, le ministre de l’intérieur précisait aux préfets de « ne pas mettre à exécution avant la fin de l’année scolaire l’éloignement des familles dont un enfant est scolarisé depuis plusieurs mois ».

    Aujourd’hui, l’interpellation de la jeune Leonarda piétine et l’esprit et la lettre de tous ces textes.

    Depuis un an et demi, la rue de Grenelle semble d’ailleurs constamment en porte-à-faux avec le ministère de l’intérieur. Les dernières sorties de Manuel Valls sur l’impossibilité consubstantielle à s’intégrer des Roms avaient semé plus que le malaise au ministère de l’éducation. George Pau-Langevin, ministre déléguée à la réussite éducative en charge précisément de la scolarisation des Roms et des élèves « nouvellement arrivés en France », avait rappelé dans un discours prononcé à l’Assemblée nationale, le 27 septembre dernier, que « les particularismes sociaux et culturels ne sauraient justifier le non-respect de nos principes fondamentaux et de nos engagements internationaux comme la Convention internationale des droits de l’enfant ».

    Moins frontale que la sortie de Cécile Duflot, la mise au point n’en était pas moins nette. Vincent Peillon, la veille, avait également rappelé, en substance, que la France n’avait rien à gagner à s’enfermer dans un repli identitaire. La phrase prononcée lors d’un colloque de l’Afev (Association de la fondation étudiante pour la ville) [http://www.afev.fr/] n’avait pas été reprise puisque pratiquement aucun journaliste n’était présent ce jour-là, invités qu’ils étaient au même moment à un point sur le budget de l’éducation dans le projet de loi de finances. L’affaire Leonarda a donc fait sortir mercredi le ministre de sa relative réserve.

    #Valls #RESF #Peillon