Jaron Lanier : l’Internet ruine la classe moyenne

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  • Jaron Lanier : l’Internet ruine la classe moyenne | Big Picture

    http://clesnes.blog.lemonde.fr/2013/10/22/jaron-lanier-linternet-ruine-la-classe-moyenne

    Une réflexion particulière, je serai curieux de savoir ce que vous pensez de ceci.

    En quoi l’internet détruit-il la classe moyenne ?

    Jaron Lanier : L’automatisation commence à détruire l’emploi, comme si la vieille peur du 19ème siècle devenait réalité. A l’époque, il y avait cette inquiétude énorme que l’emploi des gens ordinaires était menacé par le progrès des machines. Quand les voitures ont remplacé les chevaux, les gens pensaient que cela devenait tellement facile de conduire qu’il n’y aurait plus de raison de payer pour le transport. Tous ceux qui travaillaient avec les chevaux allaient perdre leur emploi. Mais les syndicats étaient puissants. Ils ont imposé qu’il est normal de payer quelqu’un même si le travail est moins pénible et qu’il est plus facile de conduire un taxi que de s’occuper de chevaux.

    Avec l’Internet, les choses deviennent tellement faciles que les gens rejettent cet arrangement payant. C’est une erreur. Cela a commencé avec Google, qui a dit : on vous donne un moteur de recherche gratuit. En contrepartie, votre musique, vos photos, vos articles vont aussi être gratuits. L’idée est que ça s’équilibre : vous avez moins de revenus mais vous avez accès à des services gratuits. Le problème est que ce n’est pas équilibré. Bientôt, les consommateurs vont accéder aux produits grâce aux imprimantes 3D. Graduellement toutes les choses physiques deviennent contrôlées par les logiciels et tout devient gratuit.

    #internet #travail #emploi #société

    • Assez bien vu. Le gars distingue le faux et le vrai pouvoir, ce qui permet de bien mieux comprendre les transferts de fric à l’œuvre en ce moment. Il dit aussi, d’une autre manière, que si c’est gratuit, c’est que c’est toi, le produit. Et en même temps la matière première, ce qui signifie, concrètement, que tu dois être transformé (donc détruit) pour créer de la richesse.
      Il résume bien aussi, l’idée que tout est politique, y compris la technologie et surtout ce que l’on en fait.

    • Dans son raisonnement, il y a quand même un truc occulté : oui on donne sur le web, mais on reçoit aussi beaucoup. Combien faudrait-il payer pour recevoir autant de belles choses dans une économie classique, des partages de photo de la petite nièce en train d’apprendre à marcher, à la vidéo du jeune cousin qui joue du Hendrix à la guitare, au clip qui a ému ma grand-mère, au documentaire économique qui révolte mon beau-père, à la recette de cuisine, le renseignement pour bricoler ceci ou cela, et je ne parle pas de google et wikipédia..

      Vous vous souvenez-vous dans les années 80, j’étais impressionné de voir que tous mes copains avaient chez eux toute la collection des « tout l’univers » payés une fortune à des représentants d’Hachette
      http://fr.wikipedia.org/wiki/Tout_l'Univers, alors que moi j’avais qu’une pauvre « encyclopédie » rikiki pour faire mes exposés en classe... Aujourd’hui, tout ça est dispo gratuitement, de façon infiniment plus puissante..

      Donc bien sûr ceux qui nous mettent toute l’infrastructure matérielle et logicielle pour qu’on surfe ne sont pas des philanthropes, et tout se paie un jour, donc c’est bien d’alerter pour prévenir les internautes trop naïfs, mais de là à dire qu’on serait « ruiné », non je ne suis pas d’accord. On s’enrichit aussi, et pour le moment je vois pas ce que j’ai pu donner à google qui compense ce dont j’ai bénéficié... Par contre l’argent fourni au fournisseur d’accès, là oui, je ne dis pas que c’était gratuit..

  • Jaron Lanier : l’Internet ruine la classe moyenne

    http://clesnes.blog.lemonde.fr/2013/10/22/jaron-lanier-linternet-ruine-la-classe-moyenne

    Il y a une trentaine d’années, Jaron Lanier a été l’un des pionniers de la réalité virtuelle –la création d’univers numériques dans lesquels de vrais humains peuvent se mouvoir et échanger. C’est même lui qui a inventé le terme : « virtual reality ». Il a inventé le jeu video Moondust, développé des prototypes, dont le premier simulateur chirurgical. Il a vendu des start-up à Google, Oracle, Adobe, Pfizer. Fait fortune grâce au Kinect, une caméra en 3D qui a vendu à plus de 18 millions d’exemplaires. Depuis 2006, il est chercheur à Microsoft Research.

    Q : Vous êtes devenu anti-technologies ?

    JL : Pas du tout ! J’ai aidé à mettre en place ce truc que je critique maintenant ! Mais il faut regarder les résultats dans le monde réel. J’avais pensé que pendant l’âge de l’Internet on verrait une augmentation fantastique de richesse et d’options. A la place, on voit une concentration intense des richesses. Et c’est un phénomène mondial. Si c’est cela la tendance, si la technologie concentre les richesses, la technologie va devenir l’ennemie de la démocratie, peu importe le nombre de tweets. Je refuse de faire l’autosatisfaction quand je vois tous ces gens ordinaires qui perdent pied alors que leur situation ne devrait faire que s’améliorer grâce aux progrès technologiques.

    • En mettant de côté son idée que LA bonne idée, c’est d’être rémunéré pour toutes les informations qu’on donne sur soi-même (qui me rappelle cet article récent sur ces clochards qui, aux États-Unis, se font du fric en cliquant toute la journée sur des liens pour construire un traffic imaginaire) il y a cela, qui est pas trop mal :

      « Q : Quelles sont ces données qui ont tant de valeur ?
      JL : Les compagnies qui possèdent les gros ordinateurs créent des modèles pour chacun d’entre nous. Google a un modèle de vous. Pareil pour la NSA (agence de la sécurité nationale), Facebook, et même certaines organisations criminelles. Elles collectent des données sur vous et les utilisent pour faire des projections. L’idée, c’est de modifier le comportement.

      Q : Comment ça, manipuler ?
      JL : Les manipulations sont très petites. Cela peut être trouver le moyen de vous faire accepter un prêt qui n’est peut être pas aussi intéressant qu’un autre. Comment vous inciter à faire tel ou tel achat. C’est un système froid, basé seulement sur les statistiques. Il travaille très lentement, comme les intérêts composés. Sur la durée, cela fait beaucoup d’argent. C’est comme cela que Google est devenu si riche : les gens qui paient Google peuvent obtenir un tout petit peu de modification du modèle de comportement. C’est un système géant de modification comportementale.
      Il faut comprendre que c’est différent du modèle traditionnel de publicité. La publicité a toujours été une forme de rhétorique, de persuasion, de style. Ici, il n’est pas question de style. C’est placé au bon moment. C’est purement pavlovien. Il n’y a aucune créativité. C’est une forme de manipulation sans esthétique mais c’est très graduel et très fiable, parce que c’est juste des statistiques.
      Il s’agit aussi du type d’informations vous recevez. Si vous allez en ligne, vous ne voyez plus les mêmes informations que quelqu’un d’autre. Les informations sont organisées spécifiquement pour vous par ces algorithmes. C’est un monde où tout est ouvert et en même temps la plupart de ce que les gens voient est manipulé. Ce qui n’est possible que parce que les gens qui manipulent ont des ordinateurs plus puissants que les gens ordinaires.

      Q : Qui a les plus gros ordinateurs ?
      JL : Personne ne le sait. Ils sont conservés dans des cités gigantesques d’ordinateurs. Ils sont généralement placés dans des endroits isolés près de rivières qui permettent de refroidir les systèmes . Peut-être c’est Google, peut-être la NSA. Personne ne sait. En Europe, la plupart sont en Scandinavie.

      Le problème n’est pas qui a accès à l’information mais ce qu’ils font de l’information. Si vous avez des ordinateurs beaucoup plus puissants, cela ne peut pas créer une société équitable. Au lieu d’essayer de plaider pour la transparence et le respect de la vie privée, nous devrions nous préoccuper de ce qui est fait avec les données accumulées. Nous vivons à une époque où il y a deux tendances contradictoires. D’un côté, tout le monde dit : n’est-ce pas formidable cette décentralisation du pouvoir, grâce à Twitter etc. De l’autre côté, la richesse est de plus en plus centralisée. Comment est-il possible que le pouvoir soit décentralisé et la richesse de plus en plus centralisée ? En fait le pouvoir qui est décentralisé est un faux. Quand vous tweetez, vous donnez de vraies informations aux gros ordinateurs qui traquent vos mouvements »