Ok, retour sur « comment j’ai décidé de faire écrire cet article à Mme Restelli »...
J’ai été invitée par la vice-commandante de la police et par le psychologue de la police a donné cette formation. J’ai accepté connaissant très bien la vice-commandante (mais je ne vous direz pas dans quelles circonstances je l’ai connue...).
J’accepte le défi.
Le soir avant la formation, le psychologue me dit si je veux dormir chez lui, car comme cela « il m’explique une ou deux choses sur le public du lendemain ». J’accepte.
Un gars remarquable, qui a été très militant un temps... un activiste plutôt (voir plus) de gauche...
Je vais à la formation. C’est le psy qui l’introduit. Cela me sert beaucoup à donner le ton. Je l’imite un peu, j’utilise la blague comme il l’a fait, je dédramatise, je joue à leur jeu, mais je les amène quand même un peu où je veux aller.
Les questions deviennent au fur de la demi-journée plus pensées, intelligentes et intéressantes. Les policiers commencent à comprendre que je ne suis pas forcément contre eux, mais qu’il y a des histoires derrière les migrants, qu’il y a des parcours difficiles, que leurs uniformes ne signifient pas forcément pour le migrant ce que le policier pense qu’ils sont.
Il y a deux ou trois personnes derrière, des policiers un poil vieux et un poil aigri qui ne rentrent pas dans ce jeu de compréhension et ouverture. Ils continuent à faire des commentaires très stéréotypés et ne sortent pas de là. Mais c’est pas grave, surtout car il y en a que 3...
Ma plus grande satisfaction c’est quand un policier lève la main pour me dire « madame, je ne comprends pas, vous avez expliqué la différence entre le statut de réfugié et celui d’une admission provisoire ». Pour l’admission provisoire, on ne donne pas un vrai statut, mais les personnes ne peuvent pas rentrer car dans leur pays la situation est trop grave... mais alors pourquoi on ne leur donne pas le statut de réfugié tout court ? On éviterait ainsi beaucoup de problèmes !
BINGO !
Ils ont VRAIMENT compris !
Le jour suivant, je lis l’article paru dans Le Temps et je suis TROP déçue... la journaliste ne s’éloigne d’un poil des stéréotypes sur les policiers et of course elle prend comme exemple que les 3 aigris... Dommage ! Je suis très fâchée, j’écris à la journaliste, qui me dit que « bla bla bla elle a écrit ce qu’elle a ressenti et observé... ». Bon, je laisse tomber.
Je lis l’article dans L’Express qui est décidément mieux, mais qui prend plus de la deuxième partie de la formation, la partie donnée par le directeur d’un centre d’accueil. Un directeur formidable, entre parenthèse, là où Alberto a fait ce projet : ►http://www.asile.ch/vivre-ensemble/regards-de-requerants.
Et le même jour, surprise, je reçois un mail d’une policière :
Madame,
Je me permets de revenir sur l’exposé que vous avez tenu hier à Neuchâtel concernant les réfugiés/migrants, à l’attention de la police neuchâteloise.
En premier lieu, je tiens à vous adresser mes remerciements pour ces éclaircissements face aux situations souvent insoutenables que vivent les réfugiés, état de fait que nous pourrions avoir tendance à occulter pour ne considérer ces individus que dans « l’ici et maintenant ». Par ailleurs, les cartes géographiques présentées ont permis, comme le dit si bien la langue de Shakespeare, « to look at the big picture » et non plus de rester cloisonné dans le carcan helvétique de l’immigration (avec la xénophobie qui va parfois de pair...).
Secondo, je tenais à « excuser » mes camarades dont les propos ont non seulement dévié du sujet initial mais ont également été teintés d’aigreur et de généralisations en tout genre.
En vous réitérant mes remerciements pour la pertinence de vos propos, je vous prie de croire, Madame, en l’expression de mes meilleurs sentiments.
Melisa Restelli, app.
Son message me touche, je m’excuse à mon tour auprès d’elle pour l’article de la journaliste du Temps... Et je lui propose d’écrire un article qu’on publiera dans Vivre Ensemble. Elle accepte. Et quand j’ai lu le résultat, je ne pouvais pas croire à mes yeux !
J’ai adoré son texte et je me suis dite que cela a valu la peine d’avoir peur pour cette formation !