• Comment simplifier les coups de bâton

    Publié par Charlie Hebdo le 29 janvier 2014

    Les socialos veulent abattre au nom de la simplification des normes des pans entiers de la protection par la loi. Dans le viseur, les (vrais) écolos et le code du travail. Vivement la gauche !

    Ami lecteur, peut-être auras-tu entendu parler de la grande entreprise nationale connue sous le nom de #simplification. Elle a été confiée au député Thierry Mandon, qui suivra la réalisation de 200 mesures, dont la disparition de certaines régions. Mais ça, c’est l’écume. Reste la vague, et par précaution, sache qu’une calculette te sera utile pour lire la suite. Nous prendrons aujourd’hui le cas du porc, qui est un animal très chieur. Or la Bretagne en « fabrique » 14 millions par an, soit 57 % du total national sur 5 % du territoire. Oui, ça pue.

    Sachant que les pollutions provoquées par un seul animal équivalent à celles de trois humains, sachant que le caca des cochons produit chaque jour au moins 133 millions de milliards de bactéries E.coli (1), et que pour le moment on balance tout dans les champs et donc dans les rivières, sauras-tu aider François Hollande à libérer l’entreprise entravée ?

    Jean-Marc Ayrault, qu’on prenait pour une simple andouille, est en fait un grand travailleur. Pendant que l’on festoyait d’huîtres et de champagne, le Premier ministre faisait passer en loudecé (JO du 28 décembre 2013) un décret qui permet d’ouvrir une porcherie de 2 000 têtes sans enquête publique ni étude d’impact. La veille au soir, il ne fallait pas dépasser 450 porcs.

    Voilà un exemple de grand progrès explicitement présenté comme une réussite exemplaire de « simplification » des procédures. Mais avant d’entrer dans le détail, signalons de suite que le projet n’est pas né des dernières emmerdes de Hollande avec son scooter. Première sortie en public de ces messieurs avec le rapport Boulard-Lambert. Dès décembre 2012, Hollande demande à Jean-Claude Boulard, maire socialo du Mans, et à Alain Lambert, ancien ministre divers droite du budget, un beau texte sur « l’inflation normative ».

    À première vue, il s’agit d’enfoncer une porte ouverte, car il y a vraiment trop de #normes inutiles, confuses, contradictoires. Comme on en parle depuis Balzac et peut-être même Homère, personne ne prête attention à ce qui est, d’évidence, un plan. Le rapport Boulard-Lambert laisse entrevoir sa vérité profonde en racontant « l’histoire édifiante du scarabée pique-prune, de l’hélianthème faux alyson et de l’escargot de Quimper ». Pour ne rappeler que le premier, la présence du scarabée a retardé un chantier d’autoroute pendant dix ans. Nos deux compères s’en prennent directement à « l’intégrisme normatif » des associations écolos, soutenus par les Dreal, c’est-à-dire l’#administration d’État. Aux chiottes l’État !

    Depuis cette date, pas une semaine ne passe sans une déclaration martiale. Le 2 janvier, loi sur la « simplification et la sécurisation des entreprises », qui crée des « zones d’intérêt économique et écologique » sous l’autorité des préfets. Il s’agit de réduire et si possible interdire tout recours contre une installation industrielle en confiant au passage à l’entreprise le soin de faire le plan d’aménagement. Avis sans frais à ceux de Notre-Dame-des-Landes ou de la Ferme des 1000 vaches.

    Et puis Mandon. Personne n’a trop fait gaffe, mais dans sa conférence de presse du 14 janvier, Hollande a commencé par citer Ayrault, puis très vite derrière Thierry Mandon, jusqu’ici obscur député de l’Essonne. Ce dernier est chargé de piloter des ateliers de simplification en compagnie d’un certain Guillaume Poitrinal, patron bon teint. Ce n’est pas insulter Poitrinal que de rappeler sa belle carrière entrepreneuriale chez Morgan Stanley, une banque d’affaires américaine poursuivie en justice pour son comportement dans la crise des subprimes.

    Rien à voir ? Évidemment ! Mais pour se rassurer complètement, on conseillera le visionnage d’un petit film où l’on voit les deux amis sur le plateau de BFM Business (2). Comme la journaliste, enthousiasmée par ses invités, demande à Poitrinal s’il compte s’en prendre au code du travail, celui-ci répond avec une prudence très méditée : « On cherche tous les points de complexité ».

    L’association patronale Entreprise et Progrès – 120 membres, dont l’Oréal -, les a déjà trouvés. Elle organisait le 18 novembre passé un petit-déjeuner de presse sur le sujet. Commentaire du président, Denis Terrien, piqué à l’hebdo Challenges : « Le code du travail, c’est 4 000 articles illisibles et impraticables ». On croirait du Thierry Mandon dans le texte.

    (1) Les chiffres sont officiels : http://www.bretagne-environnement.org/Eau/Les-pollutions-et-menaces/Origines-des-pollutions/Les-pollutions-agricoles

    (2) http://www.bfmtv.com/video/bfmbusiness/grand-journal/thierry-mandon-guillaume-poitrinal-grand-journal-09-01-3-4-169292

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    Un traité qui arrange bien François Hollande

    Cet excellent M.Hollande est au moins raccord avec l’Amérique. Et comme il doit rencontrer Barack Obama à la Maison-Blanche le 11 février, cela tombe bien. Car il se négocie en ce moment, dans une opacité complète, la zone de libre-échange transatlantique (transatlantic Free Trade Area, TAFTA), désormais connue sous le nom de Traité transatlantique. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la philosophie de la « simplification » rejoint étrangement celle du traité.

    De quoi s’agit-il ? D’un accord commercial entre les Etats-Unis et l’Europe qui, s’il était signé, comprendrait dans un premier temps 46 % du PIB mondial. Dans un article du Monde Diplomatique (http://www.monde-diplomatique.fr/2013/11/WALLACH/49803) qu’il faut lire et faire lire, l’Américaine Lori Wallach, combattante historique depuis les lointaines négociations du Gatt, détaille le menu, qui craint comme jamais.

    Il ne s’agit pas d’un simple cri, mais d’une déconstruction argumentée de cette immense opération politico-commerciale. Si ces gens gagnent, des transnationales pourront traîner en justice des États qui ne respecteraient pas les normes définies par elles-mêmes. Aussi stupéfiant que cela paraisse, des lobbies à l’américaine, sans aucun complexe, mènent le bal, dans un secret imposé par eux. Wallach cite parmi d’autres la Chambre américaine de commerce et BusinessEurope, d’une puissance inconnue de ce côté de l’Atlantique.

    Que cherchent-ils ? Abaisser ou détruire des normes essentielles dans la sécurité alimentaire, l’#écologie, le droit du travail. Que promettent-ils ? De la croissance, un peu plus de croissance, de télés, de bagnoles, de cancers. Hollande est pour. La croissance. Mais vouloir l’une, c’est avoir les autres. Il est pour.

  • Plus de soixante organisations lancent aujourd’hui la campagne « Non au Grand Marché Transatlantique » (#StopTAFTA) afin de rendre public le contenu des négociations commerciales en cours entre l’Union européenne et les Etats-Unis. Le traité, élaboré dans l’opacité comme déjà l’#AMI et l’#ACTA, vise à constituer d’ici 2015 un grand espace de libre-échange, où le droit des investisseurs prendrait le pas sur celui des gouvernements élus. L’article de Lori M. Wallach, paru en novembre, en détaillait plusieurs aspects.

    http://www.monde-diplomatique.fr/2013/11/WALLACH/49803 (en accès libre) #TAFTA

    En anglais : http://mondediplo.com/2013/12/02tafta
    En portugais : http://www.diplomatique.org.br/artigo.php?id=1522
    En grec : http://www.monde-diplomatique.gr/spip.php?article489
    En allemand : http://www.monde-diplomatique.de/pm/2013/11/08/a0003.text

  • Les négociations sur l’accord de libre-échange entre l’#Union_européenne et les #Etats-Unis ont repris hier et dureront jusqu’à la conférence de presse des négociateurs européen et américain, Ignacio Garcia-Bercero et Dan Mullaney, vendredi. Sécurité des aliments, normes de toxicité, ressources naturelles, formation professionnelle, équipements publics, immigration etc. : dans ce traité jusqu’ici très secret qui promet de consacrer le système « investisseur contre Etat », il n’est « pas un domaine d’intérêt général qui ne passe sous les fourches caudines du libre-échange institutionnalisé ».

    Le traité transatlantique, un typhon qui menace les Européens, par Lori M. Wallach (novembre 2013)
    http://www.monde-diplomatique.fr/2013/11/WALLACH/49803

    Engagées en 2008, les discussions sur l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne ont abouti le 18 octobre. Un bon présage pour le gouvernement américain, qui espère conclure un partenariat de ce type avec le Vieux Continent. Négocié en secret, ce projet ardemment soutenu par les multinationales leur permettrait d’attaquer en justice tout Etat qui ne se plierait pas aux normes du libéralisme.

    #2013/11 #paywall #APT #OMC #OCDE #ZLEA #Accord_multilatéral_sur_l’investissement #Banque #Finance #Économie #Industrie #Entreprise #Mondialisation #Multinationales #Groupe_de_pression #Commerce_international

  • Le traité transatlantique, un typhon qui menace les Européens, par Lori M. Wallach (novembre 2013)
    http://www.monde-diplomatique.fr/2013/11/WALLACH/49803

    Engagées en 2008, les discussions sur l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne ont abouti le 18 octobre. Un bon présage pour le gouvernement américain, qui espère conclure un partenariat de ce type avec le Vieux Continent. Négocié en #secret, ce projet ardemment soutenu par les multinationales leur permettrait d’attaquer en justice tout Etat qui ne se plierait pas aux normes du libéralisme.

    #APT à ne pas confondre avec #TPP

    • Sous un tel régime, les entreprises seraient en mesure de contrecarrer les politiques de santé, de protection de l’environnement ou de régulation de la finance mises en place dans tel ou tel pays en lui réclamant des dommages et intérêts devant des tribunaux extrajudiciaires. Composées de trois avocats d’affaires, ces cours spéciales répondant aux lois de la Banque mondiale et de l’Organisation des Nations unies (ONU) seraient habilitées à condamner le contribuable à de lourdes réparations dès lors que sa législation rognerait sur les « futurs profits espérés » d’une société.

      Même lorsque les gouvernements gagnent leur procès, ils doivent s’acquitter de frais de justice et de commissions diverses qui atteignent en moyenne 8 millions de dollars par dossier, gaspillés au détriment du citoyen. Moyennant quoi les pouvoirs publics préfèrent souvent négocier avec le plaignant que plaider leur cause au tribunal. L’Etat canadien s’est ainsi épargné une convocation à la barre en abrogeant hâtivement l’interdiction d’un additif toxique utilisé par l’industrie pétrolière.

      La ractopamine est un médicament utilisé pour gonfler la teneur en viande maigre chez les porcs et les bovins. Du fait de ses risques pour la santé des bêtes et des consommateurs, elle est bannie dans cent soixante pays, parmi lesquels les Etats membres de l’Union, la Russie et la Chine. Pour la filière porcine américaine, cette mesure de protection constitue une distorsion de la libre concurrence à laquelle l’APT doit mettre fin d’urgence.

      « Les producteurs de porc américains n’accepteront pas d’autre résultat que la levée de l’interdiction européenne de la ractopamine », menace le Conseil national des producteurs de porc (National Pork Producers Council, NPPC). Pendant ce temps, de l’autre côté de l’Atlantique, les industriels regroupés au sein de BusinessEurope dénoncent les « barrières qui affectent les exportations européennes vers les Etats-Unis, comme la loi américaine sur la sécurité alimentaire ». Depuis 2011, celle-ci autorise en effet les services de contrôle à retirer du marché les produits d’importation contaminés. Là encore, les négociateurs de l’APT sont priés de faire table rase.

    • L’Allemagne, le Danemark et les Pays Bas ne veulent pas, contrairement à la France, rendre public le mandat de négociations confié à la Commission Européenne, en vue d’un accord de libre-échange avec les USA, après celui qui a été signé avec le Canada. Pourtant des parlementaires et des médias ont dffusé ce document.
      http://www.arretsurimages.net/breves/2013-11-11/Europe-USA-libre-echange-omerta-sur-le-mandat-de-negociations-id1638