• Les grandes surfaces en quête d’un supplément d’âme

    « Nous sommes les Karl Marx de l’immobilier commercial », par Julien Brygo (avril 2013)
    http://www.monde-diplomatique.fr/2013/04/BRYGO/49010

    Hideusement fonctionnels, leurs ancêtres ont ravagé le paysage des périphéries urbaines. Les nouveaux centres commerciaux, eux, se veulent des « lieux de vie », écologiques et accueillants. L’Atoll, près d’Angers, est l’un des plus grands d’Europe.

    #2013/04 #Ville #Travail #Commerce #Urbanisme #Environnement #France

    • J’ai été obligée de faire des courses en GMS hier. J’étais à Dax, il faisait un temps de chien. La plupart des gens ne poussaient pas de caddie, ne faisaient pas vraiment les courses, ils se rencontraient, discutaient, observaient les autres. C’était comme la place du village d’il y a un demi-siècle : le lieu de socialisation. D’ailleurs, il y a des cafés, des pâtisseries où les gens s’abreuvent, les galeries où ils traînent. Les jeunes y restent au chaud. Ils se réunissent sous les haut-vents des entrées monumentales pour fumer une clope avant de retourner dans le printemps inaltérable des néons.

      Depuis plus d’un an, Leclerc bosse à la construction d’un immense mall à l’américaine sur la rocade de Mont-de-Marsan. Une emprise au sol monstrueuse gagnée sur les pinèdes, et où, en plus du Leclerc, vont se précipiter des tas de grosses enseignes des loisirs. Or, tout ce monde est déjà présent dans des zones commerciales réparties en couronne autour de la ville. Quand Leclerc aura déménagé, son emplacement actuel va devenir une nouvelle et énorme friche industrielle, mais les autres zones commerciales vont aussi dépérir, puisque les enseignes les plus emblématiques ont toutes retenu un ticket d’entrée dans le nouveau monstre. Les franchises vont se renforcer, l’activité commerciale va se concentrer à un seul endroit de la ville - bonjour le casse-tête de la circulation puisque tout le monde va aller au même endroit en même temps, alors que déjà les voies d’accès des différents centres commerciaux qui encerclent la ville sont saturés à l’heure de la sortie des bureaux et une bonne partie du samedi ! - pendant que les commerces indépendants qui prospéraient à l’ombre des géants vont se retrouver paumés dans des zones abandonnées...

      Je vais observer ce machin, mais j’ai dans l’idée que c’est assez symptomatique de la nouvelle révolution commerciale en cours, sachant que l’avant-dernière était le hard-discount et la dernière, le drive.

    • Si, ça continue et c’est assez bien mis en perspective dans le documentaire : la France en face. D’un côté, on hyperconcentre le pouvoir, l’argent, les moyens, les inclus dans des territoires de plus en plus denses (et donc contrôlables et donc vulnérables) et de l’autre, on relègue dans le no man’s land rural les surnuméraires, en passe de devenir une majorité numérique. En fait, les hypercentres vampirisent les campagnes environnantes pour en extraire les ressources nécessaires à leur cohésion et leur développement anarchique. On se rapproche de plus en plus de la vision très cyberpunk de la société, dans la lignée des Monades urbaines.

      La faille, ce sont les flux. Ceux qui coupent les flux auront le pouvoir absolu.