Comment les Français sont devenus blancs
"L’amnésie du passé colonial qui a longtemps été de règle en France explique l’agacement de certains devant ce déni du poids de la pensée racialiste - donc de la race - dans l’histoire hexagonale. Dès le XVIIIe siècle en effet, la France étend son empire sur les Antilles, où l’économie de plantation prospère, adossée à la stricte hiérarchisation sociale entre Blancs, Noirs et « mulâtres ». Si la théorie raciale de la supériorité des « Blancs » était établie de longue date dans la pensée française, elle devient alors partie intégrante de la vie politique et sociale française. À la veille de la Révolution et de la Déclaration universelle des droits de l’homme, la France « allait réunir une population disparate et multiraciale, si bien que les problèmes posés par les différences raciales allaient jouer un rôle encore sous-estimé, mais néanmoins réel, dans l’effort de définition de ce que signifiait être français ».
L’identité fantasmée de la France contemporaine prend donc formellement sa source au cours d’une Révolution française plus ambiguë qu’il n’y paraît. Selon le discours national alors élaboré, que Claude Nicolet nomme l’« idéologie républicaine », tout républicain est citoyen et tous les citoyens appartiennent à la « race française ». La nation est une et indivisible, sans distinction aucune. En son nom se met alors en place une contradiction intenable : la proclamation d’un idéal humaniste, assimilationniste et abolitionniste né de la Révolution, et le développement simultané de la domination coloniale - brièvement interrompue- encouragée au nom de la supériorité des Européens qui, peu à peu, en viennent à se définir comme « blancs ».
L’historienne Françoise Vergès relève avec pertinence cette contradiction et en fournit une explication : « De très nombreuses études ont été consacrées à ce phénomène d’unification de la nation française autour de principes universalistes, mais peu ont souligné un de ses aspects : la racialisation de la nation française. En effet, un des éléments "attractifs" de cette politique d’assimilation fut d’associer le statut de "Français" à la couleur de peau blanche. Pour que la couleur blanche construise une unité "spontanée" d’intérêt entre des personnes dont les cultures, les idées et les objectifs pouvaient diverger, il fallait qu’une autre couleur agisse » . Mais la France, à la différence notoire des pays scandinaves et allemands ou des États-Unis, ne s’est que tardivement identifiée à une « race blanche ». Une race, certes, mais française.
Cent soixante-dix ans après la Révolution, le président Charles de Gaulle brossait le portrait de la France. De sa France. Il faisait alors très directement le lien entre les Français et la blancheur :« C’est très bien qu’il y ait des Français jaunes, des Français noirs, des Français bruns. Ils montrent que la France est ouverte à toutes les races et qu’elle a une vocation universelle. Mais à condition qu’ils restent une petite minorité. Sinon, la France ne serait plus la France. Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne. Qu’on ne se raconte pas d’histoires » [cité par Peyrefitte, 1994]. "
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