Jamais le secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah, n’a été aussi direct et explicite dans son analyse de la situation libanaise et régionale. Lors d’une interview de trois heures, accordée hier à la chaine de télévision libanaise OTV, le leader du Hezbollah s’est départi de sa réserve habituelle, accusant l’Arabie saoudite d’être responsable de la poursuite de la guerre en Syrie, du double attentat contre l’ambassade d’Iran à Beyrouth et du parrainage de certaines factions d’Al-Qaïda, partout dans le monde.
Hassan Nasrallah a affirmé que les services de renseignements saoudiens pourraient être impliqués dans l’attaque du 19 novembre, contre la chancellerie iranienne, et qui a été revendiqué par les brigades Abdallah Azzam, liées à Al-Qaïda. Ce groupe, a précisé le chef du Hezbollah, « a un émir, et il est saoudien, et je suis convaincu qu’il est lié aux services secrets saoudiens, qui dirigent des groupes comme celui-là dans différentes parties du monde ».
Sur un plan plus général, Hassan Nasrallah a estimé qu’une grande partie des problèmes régionaux découle du fait que l’Arabie saoudite considère l’Iran comme « un ennemi, et ce depuis la révolution islamique de 1979 ». « Jamais le royaume n’a arrêté sa guerre contre Téhéran », a-t-il dit.
Sayyed Nasrallah a par ailleurs estimé » qu’en intervenant en Syrie, le Hezbollah avait pris une mesure préventive visant à empêcher les groupes extrémistes de prendre le contrôle de la frontière libano-syrienne. « Je vous rappelle que des voitures piégées sont entrées au Liban à partir de Yabroud et de Nabak » dans la région syrienne du Qalamoun, a-t-il précisé. « Nous nous battons en Syrie pour défendre le Liban. Le jour viendra où tout le monde nous remerciera pour notre intervention et on remerciera les jeunes combattants tombés en martyrs », a-t-il ajouté.
Sur le plan interne libanais, Hassan Nasrallah a accusé l’Arabie saoudite de bloquer la formation du nouveau gouvernement, « bien que certaines personnalités du 14-Mars avaient accepté un cabinet sur la basse des 9-9-6 (neuf ministre pour le 14-Mars, autant pour le 8-Mars et six pour les centristes), qui reste la meilleure formule de partenariat ». Le Hezbollah croit à un Liban patrie définitive pour tous ses fils et sait qu’aucune communauté ne saurait gouverner toute seule le pays, a également affirmé sayyed Nasrallah. Il a nié toute volonté d’hégémonie de son parti sur le Liban ou sur la vie politique, et affirmé que l’incident de l’USJ a été sciemment amplifié pour embarrasser son allié chrétien, le général Michel Aoun. « Nous ne fournissons des bourses à aucun des étudiants chiites qui nous sont proches inscrits à l’USJ, a-t-il dit. Ils ont choisi cet établissement pour l’excellence de l’enseignement qui y est prodigué. Quand nous pourrons les égaler, ils s’inscriront ailleurs. »
Le chef du Hezbollah a d’autre part confirmé avoir reçu dernièrement un émissaire qatari, estimant que ce pays « est en train de réévaluer ses positions vis-à-vis des questions régionales ».
Le secrétaire général du Hezbollah a enfin défendu l’accord sur le nucléaire conclu entre l’Iran et les grandes puissances, estimant que « tous les peuples de la région vont en bénéficier ».
Le chef du Courant du futur, Saad Hariri, n’a pas tardé à réagir aux propos de Hassan Nasrallah. Prenant la défense de l’Arabie saoudite, il a reproché au chef du Hezbollah de vouloir saboter les liens du Liban avec les pays arabes en accusant « Riyad de soutenir toutes les guerres dans la région et d’être responsable de l’attentat contre l’ambassade d’Iran à Beyrouth ». Selon l’ancien Premier ministre, Hassan Nasrallah a oublié que « l’histoire de l’Arabie saoudite au niveau de ses rapports avec le Liban est basée sur la bonne foi et la paix ».
J’avais écrit un billet pour Orient XXI après les attentats, pour signaler que les accusations contre l’Arabie séoudite étaient nouvelles. À ce moment, l’Iran et le Hezbollah prenaient soin de ne pas accuser explicitement l’Arabie séoudite :
►http://orientxxi.info/lu-vu-entendu/attentats-contre-l-ambassade-d,0429
