• Municipales : tous villageois ? par Pierre Veltz

    Quels que soient les résultats des municipales, le grand vainqueur est déjà connu : la chlorophylle. Un survol rapide des programmes
    électoraux dans les grandes villes de France dévoile un tableau
    fascinant : ce ne sont que nouveaux jardins, espaces piétonnisés et
    apaisés, fermes urbaines, cantines bio, mobilités douces, etc. De
    l’économie, des inégalités sociales, il n’est plus guère question.
    Seule la sécurité fait exception et vient compléter l’image de cette
    nouvelle Arcadie résidentielle qui semble devenir l’horizon unique de
    la politique urbaine. La référence au « village dans la ville » est
    omniprésente, la proximité exaltée sous toutes ses formes.
    Les candidat(e)s à la mairie de Paris ne sont pas les dernier(e)s dans
    ce mouvement.

    Comme dans d’autres centres urbains, on pourrait voir dans ce verdissement une réponse à la gentrification croissante. Mais
    le mouvement est plus profond. Les Français, qui ont été longtemps à la traîne en matière de conscience écologique par rapport à leurs
    voisins d’Europe du Nord, semblent désormais monter dans le peloton de tête mondial.

    Une très intéressante étude de l’institut de sondage américain Pew Research, datée d’avril 2018, révèle que la France est, avec la Grèce et la Corée du sud, l’un des trois pays du monde les plus inquiets des risques du changement climatique, et celui où la croissance de cette inquiétude a été la plus forte au cours des années récentes (En 2013, 54 % des Français sondés considéraient que le changement climatique était une menace majeure ; ils étaient 83 % en 2018). Et l’étude montre aussi que l’écart très fréquent des opinions
    entre diplômés et non-diplômés sur ce sujet est particulièrement peu
    marqué chez nous.

    Élections de maires ou de syndics de copropriété ?

    La montée des préoccupations écologiques est évidemment une bonne nouvelle. On sait que planter des arbres est un des seuls moyens efficaces de lutter contre les îlots de chaleur urbains, dont les récentes canicules nous ont donné un avant-goût. On sait que la
    qualité de l’air urbain reste un problème majeur de santé publique,
    souvent sous-estimé. On comprend aussi que les citadins stressés
    rêvent de calme et de verdure.

    Et pourtant, la primauté absolue accordée à la dimension résidentielle laisse perplexe.

    En parcourant les programmes municipaux (Paris compris) on ne peut se départir du sentiment que nous sommes appelés à élire non pas des maires, portant la complexité des enjeux de nos sociétés, mais des syndics de copropriété, qui rivalisent de promesses sur le confort et la quiétude résidentielle, laissant les autres enjeux dans une sorte de vide, ou au mieux, d’implicite.

    Or ceci a une cause précise. C’est l’enfermement de l’élection dans le corset étroit d’une échelle municipale qui ne correspond absolument plus à l’espace réel de l’activité, de la vie, des mobilités, des problèmes et des enjeux auxquels sont affrontés nos concitoyens et nos territoires.

    Jean Viard a joliment parlé de « démocratie du sommeil ». Nous élisons les représentants des lieux où nous dormons, mais pas des espaces où nous travaillons, étudions, prenons nos loisirs, etc. Rappelons que, dans la France actuelle, deux salariés sur trois travaillent dans une autre commune que celle de leur résidence (et donc de leur vote). La distance moyenne entre résidence et travail est de l’ordre de 30 km.

    En Île de France, les micro bassins d’emploi qui ont existé jusqu’aux
    trente glorieuses ont complètement explosé. La ville-centre participe
    massivement aux pulsations urbaines quotidiennes, dans le sens sortant et dans le sens entrant, sauf pour une catégorie de privilégiés qui ne passent que rarement le périphérique, mais qui sont surreprésentés dans les médias, le monde culturel et intellectuel.

    Les périmètres des intercommunalités (appelées « métropoles » dans les plus grandes villes) sont en général plus proches de la réalité des bassins de vie.

    En Île de France, ce n’est pas le cas. La dite « Métropole du Grand
    Paris », mise en place sous le quinquennat Hollande, regroupant les
    131 communes des 4 départements centraux de la région, ne constitue en rien un espace pertinent au regard des flux réels de la vie urbaine.

    Plus d’un million d’actifs traversent tous les jours la frontière de
    cette entité artificielle qui regroupe 7 millions de franciliens sur
    12. En province, les intercommunalités qui existent à l’échelle de
    l’agglomération sont davantage pertinentes et elles jouent un rôle
    essentiel. Mais comme la désignation de leurs dirigeants n’est faite
    qu’au second degré, les élections municipales sont bien souvent
    l’occasion rêvée de réaffirmer l’identité de chaque clocher, contre
    les logiques « dominatrices » des villes-centre. Il est sans doute
    inévitable que l’élection municipale marque l’apothéose du
    municipalisme. Mais c’est aussi le moment où les effets pervers de
    cette situation apparaissent de la manière la plus éclatante. J’en
    retiens trois principaux.

    L’écologie, comme les problèmes sociaux, appelle l’échelle supra-communale

    Premièrement, l’écologie, même si elle est omniprésente, ne trouve pas son compte dans l’addition des politiques municipales.
    L’écologie version résidentielle ou villageoise donne une vision bien rétrécie des mutations nécessaires. Les mesures de verdissement à l’échelle communale sont utiles du point de vue de l’adaptation, de
    l’atténuation des effets du changement climatique. Si l’on cherche des mesures contribuant effectivement à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et à la préservation de la biodiversité, on voit bien qu’il faut changer d’échelle.

    La réduction des mobilités carbonées, par exemple, est très dépendante des grands choix d’organisation urbaine, choix surtout implicites résultant de l’addition incontrôlée de politiques municipales.

    La multiplication de lotissements communaux dans les grandes périphéries urbaines, au sein de municipalités souvent dénuées des services collectifs que seule permet une masse critique d’habitants, a ainsi conduit à un modèle spatial dysfonctionnel : couteux pour la collectivité (en termes d’infrastructures), pénalisant pour les ménages qui paient souvent en transport plus que ce qu’ils économisent en termes de logement, et néfaste en termes environnementaux. Verdir massivement les espaces
    urbains ne peut pas faire de mal, mais ne changera strictement rien à
    ces problèmes structurels.

    La réalité est que presque tous les problèmes urgents de la mutation écologique - énergie, mobilités, biodiversité, pollutions - ne peuvent être traités qu’à des échelles qui sont au minimum celles des aires métropolitaines, et allant même au-delà de ces aires, en incluant les espaces ouverts, naturels ou agricoles, qui entourent les nappes urbaines.

    Or, sur ces échelles métropolitaines, le silence des campagnes électorales est aujourd’hui assourdissant.

    Dans les programmes de Paris-centre, quand le Grand
    Paris est évoqué, c’est au titre de la proximité immédiate, des
    portes, des communes limitrophes, ou alors sous l’angle de
    partenariats entre communes volontaires. Combien de temps faudra-t-il pour que les habitants des rivages enchantés de la Seine centrale
    comprennent que leur sort est lié à celui des 10 millions de personnes qui vivent au-delà du périphérique, et que des décisions fortes sont nécessaires à l’échelle de l’agglomération, qui est aujourd’hui, sur beaucoup d’aspects stratégiques, un lieu de pouvoir vide ?

    Le deuxième aspect problématique est le sentiment d’irréalité sociale
    que dégagent ces programmes vantant le retour à l’ultra-proximité
    verte et joyeuse. Où sont passés les SDF, les migrants, les réfugiés,
    les vieux, les malades ? Quelle est la place des femmes de ménage qui partent avant l’aurore pour nettoyer les bureaux chics, avant
    l’arrivée des jeunes cadres cyclistes ? Des infirmières qui ne peuvent
    plus se payer les logements de Paris centre, où sont encore concentrés tous les grands hôpitaux ? Qui représente les salariés des centres logistiques égrenés le long des autoroutes périphériques,
    inaccessibles autrement qu’en voiture, après des trajets souvent
    harassants de grande banlieue à grande banlieue ? Sait-on que les
    cadres aujourd’hui utilisent plus les transports en commun que les
    ouvriers, tout simplement parce qu’ils habitent des communes bien
    desservies, donc plus chères ?

    Les inégalités les plus fortes dans la France actuelle sont celles que l’on trouve au sein des agglomérations urbaines, et non dans cette pseudo-division qui opposerait des métropoles soi-disant prospères et des périphéries rurales soi-disant oubliées.

    Or ces inégalités sont croissantes, particulièrement en Île
    de France, où n’existe aucun mécanisme de péréquation autre que
    symbolique entre les territoires. Là encore, pour répondre aux
    problèmes de ces millions de vie qui s’organisent transversalement aux découpages communaux, l’addition des politiques municipales, aussi bien intentionnées soient-elles, ne fournira pas les réponses.

    Un déni de démocratie

    Enfin, j’ai évoqué les intercommunalités, qui, sauf en Île de France,
    ont repris, en réalité, l’essentiel des fonctions de la gestion
    territoriale.

    Mais on bute ici sur la troisième dimension problématique de l’élection, la plus choquante. C’est le déni de démocratie qui résulte du fonctionnement au deuxième degré, faisant élire les dirigeants par les élus municipaux et donc reposant in fine sur des arrangements opaques entre ces derniers. Ces arrangements
    occultent aux yeux des citoyen(ne)s de base la véritable structure
    décisionnelle de leurs territoires de vie. Ils conduisent à confier à
    des entités de style technocratique les véritables choix politiques.
    Sans parler des coûts de transaction de la négociation permanente, qui explosent en l’absence d‘un pouvoir d‘arbitrage suffisamment légitime.

    Ce double niveau contribue aussi, sans surprise, à éloigner l’objectif
    de parité : il y a beaucoup moins de femmes présidentes
    d’agglomération que de femmes maires. Or la réponse à ces problèmes, véritable nœud gordien du pouvoir local, est connue.

    Quasiment tous les observateurs la partagent depuis des décennies. Il faut passer à l’élection au suffrage universel direct d’une ou d’un maire d’agglomération. C’est simple et cela changerait tout. On pourrait alors multiplier les parcs urbains sans escamoter les questions décisives pour l’avenir de nos villes et de nos sociétés, y compris les questions écologiques.

    https://www.telos-eu.com › societe › municipales-tous-villageois

  • Trump ou l’art de déchirer le rideau - Telos
    http://www.telos-eu.com/fr/vie-politique/trump-ou-lart-de-dechirer-le-rideau.html

    Mais cette figure répulsive n’est pas un extrémiste hors champ, une incarnation du fascisme. Il est le révélateur de la politique contemporaine et l’un des meilleurs traducteurs de la vie sociale américaine. C’est l’une des raisons de son pouvoir de conviction, presque aussi fort que le rejet qu’il suscite. Délaissant les gestes et les paroles apprêtés des professionnels de la politique, il révèle et exprime ce qui vient directement à l’esprit de l’homme de la rue. Alors que l’Occident, confronté à la folie des terroristes islamistes, envisage avec prudence et à travers moult procédures d’infléchir ses pratiques et ses règles, Trump abolit la distance entre parole et action. Il évoque ainsi les rois médiévaux, qui décrétaient eux-mêmes la peine de décapitation.

  • Débats marocains sur les inégalités devant l’héritage
    http://www.telos-eu.com/fr/societe/debats-marocains-sur-les-inegalites-devant-lherita.html

    On débat de plus en plus, au Maroc, de l’inégalité des femmes et des hommes devant l’héritage : non seulement, les sœurs héritent-elles moitié moins que leurs frères, mais, si elles n’ont pas de frères, ce sont in fine les fils du frère de leur père qui héritent d’une part importante de son patrimoine. De ce point de vue, le droit de l’héritage contrevient à deux principes majeurs des Modernes : la non-discrimination et le désengagement vis-à-vis des solidarités secondaires fondées sur le sang. Préférer les garçons aux filles établit une discrimination évidente, quelles que soient les raisons que l’on avance afin de la justifier ; quant à faire des collatéraux des héritiers privilégiés par rapport aux descendants, c’est se référer à un stade prémoderne des liens familiaux. Il ne s’agit pas d’un jugement moral mais d’un fait : la famille d’évidence, pour la majorité des gens, c’est, au Maroc comme ailleurs, la famille parentale. Il en découle que nombre de parents ne trouvent pas normal que leurs neveux héritent aux détriments de leurs filles. Le fait que les partisans de cette forme d’héritage ne la justifient que par rapport à ce qu’ils considèrent être le prescrit divin en dit long sur son étrangeté par rapport à l’évolution de la famille, et tout simplement aux sentiments des gens. De fait, de plus en plus de parents n’ayant que des filles inscrivent ce qu’ils peuvent de leurs biens à leur nom, autrement dit détournent la loi.

    #femmes#droits_des_femmes#maroc

  • Les désillusions de la démocratisation scolaire - Telos
    http://www.telos-eu.com/fr/societe/les-desillusions-de-la-democratisation-scolaire.html
    Pas d’accord avec une grande partie des affirmations, mais quand même…

    Alors, faut-il se résigner à ce que l’#école renonce à son rôle de grand égalisateur des conditions sociales ? Il faut sans doute en rabattre sur l’optimisme qui prévalait dans les années 1960, mais il ne faut certainement pas renoncer pour autant à toute ambition en matière éducative. En effet, les travaux empiriques montrent que, même si les progrès d’ensemble sont lents et modestes, certains pays réussissent beaucoup mieux que d’autres en la matière. Ces pays ont tiré les leçons des quelques constats qui ont été rappelés ici. Ils mettent en œuvre une scolarisation précoce, ils mettent l’accent sur l’acquisition des compétences de base dans les premières années de la scolarité, ils ne limitent pas la tâche de l’école à la transmission de capacités cognitives et conçoivent l’éducation de manière plus large en incluant la formation de la personnalité en lien avec les valeurs qui fondent la société, ils sont très attentifs à la qualité pédagogique des enseignants et à leur formation professionnelle en la matière, ils ont l’obsession de ne laisser personne au bord de la route et mettent en place des procédures de repérage et de soutien des décrocheurs. La mise en œuvre de ces principes et de quelques autres n’efface pas toutes les inégalités sociales devant l’éducation, mais elle permet de les réduire de manière significative. Les pays qui, comme la France, ont pris beaucoup de retard en la matière devraient s’en inspirer.

    #démocratie #éducation #inégalité

  • Un #malentendu : la Directive sur les #secrets d’affaires et la #liberté d’informer - Telos
    http://www.telos-eu.com/fr/societe/un-malentendu-la-directive-sur-les-secrets-daffair.html

    L’inquiétude se justifie peut-être davantage de la part des personnes ne relevant pas de l’exception propre à la presse, à commencer par les sources des journalistes. Ces personnes ne verront écartées les dispositions de la Directive que si elles ont obtenu, utilisé ou divulgué un secret d’affaire « pour révéler une faute professionnelle ou une autre faute ou une activité illégale » à la condition qu’elles aient agi « dans le but de protéger l’intérêt public général » (article 5b). Cela signifie concrètement que la révélation d’informations relatives à des activités licites sera sanctionnée, ce qui recouvre, par exemple, l’hypothèse de la divulgation du secret de fabrication d’un produit autorisé bien que soupçonné d’être toxique.

    #faisans #dissimulateurs

  • #Presse : forces et faiblesses des pure players - Telos
    http://www.telos-eu.com/fr/societe/culture/presse-forces-et-faiblesses-des-pure-players.html

    La réussite de Politico tient à plusieurs facteurs. Tout d’abord, il a fait appel à des journalistes de très bon niveau, empruntés aux principaux titres de la presse écrite et qui ont appliqué les méthodes d’#investigation des journaux les plus prestigieux. C’est ainsi, par exemple, qu’il a lancé en 2013, toujours sur le Web, Politico Magazine, consacré à des enquêtes en profondeur et dirigé par Suzann Glasser, une journaliste expérimentée venant du Washington Post et de Foreign Affairs. Par ailleurs, pour se financer, il a développé Politico Pro, un ensemble de lettres d’information spécialisées, vendues par #abonnement à des tarifs élevés, de l’ordre de 3000 dollars par an.

    Politico n’est qu’un des exemples d’une évolution spectaculaire du monde des médias aux États-Unis. Celle-ci est marquée par l’éclosion d’un certain nombre de sites visant à transposer sur le Web ce qui a longtemps fait le succès des titres de #qualité. Dans une série d’articles publiés en 2015 par la New York Review of Books, le journaliste Michael Massing les passe en revue. Outre Politico, il en existe en effet beaucoup d’autres tels que le Huffington Post, Pro Publica, Vox, Quartz, The Intercept. Et cette liste est loin d’être exhaustive. Chaque branche d’activité, que ce soit l’environnement, la finance ou le renseignement a aussi ses sites spécialisés qui s’efforcent de fournir des informations inédites, non accessibles au grand public.

    Comme pour la presse traditionnelle, celle que les observateurs américains appellent avec un peu de désinvolture les « legacy media », ces sites affrontent le redoutable défi du #financement. Comme le souligne Michael Massing, faire mener des enquêtes en profondeur à une trentaine de journalistes bien formés et compétents a un coût qui est le garant de la crédibilité. Dans la pratique, à l’instar de Politico, ces publications numériques cherchent à s’adosser à un groupe puissant qui acceptera, pendant au moins un temps, d’assumer les pertes en espérant arriver un jour à l’équilibre grâce à l’afflux des lecteurs et des annonceurs.

    • Un seul exemple qui permet de comprendre l’aura du Bataclan : une part importante de la jeunesse vit dans un bain musical presque constant, en particulier grâce aux outils (iPods et smartphones) qui favorisent l’écoute de la musique en nomadisme. Cette immersion ne touchait que la moitié des ados il y a vingt ans, aujourd’hui elle s’est généralisée. À cette ouverture « vers d’autres mondes que le mien » que procurent les #industries_culturelles s’ajoutent une pratique accrue des sorties (cinéma, concerts, déambulations entre amis dans les centres urbains), un #culte_de_la_fête (tout se célèbre : les anniversaires, les pendaisons de crémaillères, les diplômes, les départs et les retours), et au total une sociabilité plus intense que jamais. Il y a dix ans, le cercle de sociabilité d’un jeune adulte agglomérait les amis de l’école ou du quartier, puis les amis de l’université ou du travail : aujourd’hui le rejoignent les amis d’amis, dont le contact est favorisé par les réseaux sociaux. Plus globalement la facilité d’accès à l’autre, même total inconnu, s’est intensifiée dans ce contexte du « tout » communicationnel des sociétés occidentales.
      L’aridité de l’insertion professionnelle, modulée certes par le niveau de diplôme, mais touchant pourtant presque tous les jeunes, pose un autre signe distinctif. Dans un tel contexte, la jeunesse a imaginé des stratégies de « survie ». On observe l’essor de l’#économie collaborative, pratiquée soit comme consommateur soit comme offreur de service par une partie grandissante des jeunes adultes. Parallèlement, ceux-ci ont développé la multi activité – la capacité à gérer plusieurs jobs en même temps (les « slashers »), à saisir les opportunités d’aides administratives et familiales, et à jongler entre activités rémunératrices et activités bénévoles pour des engagements de prédilection. Plus globalement, est née une propension à la débrouille et à faire feu de tout bois : pas loin d’un art de vivre et en tout cas un art à résister face aux difficultés posées par le monde économique.

      #sociabilité_intense #bain_culturel #Monique_Dagnaud #Olivier_Galland #Sociologie (de les jeunesses)

  • Inégalités et pauvreté : l’effet solitude - Olivier Galland, Telos
    http://www.telos-eu.com/fr/societe/inegalites-et-pauvrete-leffet-solitude.html

    Les inégalités sont généralement pensées comme étant liées à la position professionnelle : en haut les dirigeants d’entreprises ou les traders, en bas les ouvriers ou les petits employés, au milieu les cadres moyens et techniciens. Cette vision stratificationniste des inégalités conserve bien sûr sa valeur, les inégalités de #revenu entre catégories socioprofessionnelles ou entre salariés et détenteurs de patrimoine et de capitaux restent une question centrale. Pourtant de nouvelles lignes de fracture apparaissent dans la société, qui ne sont plus seulement indexés sur la position professionnelle. Parmi ces nouveaux facteurs de risque, partiellement indépendants du statut social, le développement de la #vie_solitaire tient une place importante. 

    Aujourd’hui en France, d’après le recensement de 2011, 34% des ménages sont constitués d’une seule personne. Dans le nord de l’Europe, ces situations sont encore plus fréquentes : les « #singletons » forment entre 40 et 45% de l’ensemble des foyers ! Mais ce phénomène se développe dans le monde entier. Aux ménages d’une personne stricto sensu, on peut ajouter les familles monoparentales (surtout constituées de femmes vivant avec un ou plusieurs enfants), qui représentent 8,5% des foyers français.

    La progression de la vie solitaire a été spectaculaire : la part des Français concernés (c’est-à-dire vivant dans un ménage de ce type) a plus que doublé de 1975 à 2012 (passant de 8% à 19%). Les #familles_monoparentales étaient quasiment inexistantes en 1975, 8% des Français y vivent dorénavant. Au total, nettement plus d’un quart des Français sont concernés par ces situations. C’est donc loin d’être un phénomène marginal.

    Il y a bien sûr une assez grande #hétérogénéité dans les populations qu’elles touchent. Tous ceux qui vivent seuls ne connaissent pas la #précarité, ni forcément la solitude entendue comme une raréfaction des liens sociaux. Les étudiants, par exemple, qui vivent souvent seuls (40% sont dans ce cas), sont le plus souvent entourés et très fortement aidés matériellement et affectivement par leur famille. Ils ont aussi souvent une vie sociale intense.

    En réalité deux phénomènes ont surtout favorisé le développement de la vie solitaire et contribué à en faire un nouveau problème social : la hausse de la divortialité et le vieillissement démographique associé à la mortalité différentielle des hommes et des femmes. La première cause est bien connue et explique en grande partie qu’un nombre important d’hommes et de femmes dans la force de l’âge vivent seuls (avec ou sans enfants). Si la vie en solo touche les deux sexes, hommes et femmes ne sont pas égaux devant elle. Au début de la maturité (entre 30 et 40 ans) ils sont certes touchés également (20%). Mais progressivement, à mesure qu’elles avancent en âge, les femmes sont de plus en plus surreprésentées dans le contingent des personnes seules. Sans doute les hommes, même relativement âgés, ont-ils plus de facilités à reformer un couple, éventuellement avec des femmes plus jeunes.

    Par ailleurs, en se séparant, les femmes conservent le plus souvent la garde des enfants et il est fréquent alors que leur situation économique devienne précaire. Le taux de #pauvreté des enfants vivant dans une famille monoparentale est de 40%. Autre chiffre spectaculaire : en 2014 28% des allocataires du #RSA sont des personnes seules avec une ou des personnes à charge (le plus souvent des enfants) dont 92% sont des femmes. Parmi les allocataires du RSA socle la proportion de personnes seules avec enfant(s) est encore plus élevée : 34%. Mais les effets délétères de la vie solitaire ne concernent pas que les femmes vivant avec un ou plusieurs enfants : pour preuve 40% des mêmes allocataires du RSA sont des personnes seules sans enfants dont 64% d’hommes. Au total 68% des allocataires du RSA vivent seuls (86% des allocataires du RSA socle) contre seulement 24% de l’ensemble des personnes de 18 à 64 ans ! Il n’est pas besoin de beaucoup d’autres démonstrations pour montrer le lien entre la vie solitaire et la pauvreté. (...)

    On peut légitimement se demander comment une personne seule (si elle n’a pas fraudé dans sa déclaration bien sûr) peut vivre avec 500 euros par mois. Quant aux jeunes sans ressources, ils étaient jusqu’à peu totalement exclus du dispositif. ...

    ...il faudrait aller vers une uniformisation et une individualisation du système d’#allocations de solidarité, voire vers une allocation sociale unique qui diminuerait les coûts bureaucratiques et les #fraudes et assurerait un #revenu décent _aux plus #pauvres_ .

    #bureaucratie #contrôle #tri_des_pauvres

  • #syriza et l’UE après la première longue bataille : bilan des négociations - Telos
    http://www.telos-eu.com/fr/syriza-et-lue-apres-la-premiere-longue-bataille-bi.html

    Une analyse de cette guerre d’usure, entre les pays de l’Eurozone, les institutions européennes et le gouvernement grec. Prenez le temps de la lire jusqu’au bout : on est loin des raccourcis et des slogans

    via Isabelle Durant(Permalink)

    #grèce #économie #europe #politique

  • La pensée magique de la mixité sociale
    Olivier Galland / 23 mars 2015
    http://www.telos-eu.com/fr/societe/la-pensee-magique-de-la-mixite-sociale.html

    Diluer la pauvreté dans l’espace a peu de chances de la réduire.

    Cependant il y a une autre face de la question, la face positive de la mixité sociale. Elle repose sans doute sur l’idée intuitive que le mélange de populations d’origines et de niveau socio-culturel différents est positif, notamment par un effet d’attraction « vers le haut » des personnes défavorisées.

    Des effets de ce type ont été très étudiés en sociologie de l’éducation dans le domaine des effets de pairs sur la réussite scolaire (l’impact des interactions entre élèves à l’école). Le résultat d’ensemble qui se dégage de ces travaux est qu’il existe un effet de pairs sur les comportements, moins sur les aptitudes, que cet effet se détecte surtout dans les classes et qu’il s’exerce à la fois par un effet négatif des moins bons élèves et un effet positif des meilleurs.

    Mais à l’échelle d’un quartier ou d’une ville ces effets restent très incertains, surtout si la « politique de peuplement » consiste dans des transferts relativement massifs de population défavorisée (résultant de l’application de la loi SRU) dans des communes plus favorisées. Il est très peu probable qu’à l’échelle locale une véritable mixité, c’est-à-dire des interactions régulières entre habitants de différentes origines, se mette naturellement en place. Il suffit pour s’en convaincre de faire le constat des stratégies d’évitement scolaire de certains parents qui craignent pour leurs enfants les conséquences néfastes d’un environnement social défavorisé.

    En réalité, la politique d’habitat social sous forme de quotas de logements sociaux, comme l’impose la loi SRU, a toutes les chances de recréer à l’échelle locale de petits ghettos.

  • Les ressorts de la défiance - Telos
    http://www.telos-eu.com/fr/societe/les-ressorts-de-la-defiance.html

    Il y a pourtant des signes de confiance dans la société française – on cite souvent, à juste titre, la démographie. Si la défiance collective domine, ce n’est pas une fatalité : c’est du fait d’une combinaison particulière d’injustice sociale, d’insécurisation économique et de poussées identitaires, lesquelles fragilisent la coopération et la projection dans l’avenir. Cette combinaison en forme de cercle vicieux a été malencontreusement accélérée et amplifiée par les hausses d’impôts associées à la politique de réductions des déficits publics menée depuis 2011 – une année qui est aussi le point de départ du « nouveau » Front national de Marine Le Pen.

    #défiance

    • Le premier constat est celui d’une défiance mutuelle, qui signale un monde de moins en moins commun. Appartenir à un monde commun n’exclut pas des divergences d’intérêts et de valeurs. Il permet néanmoins d’intégrer les intérêts, pour trouver des compromis. Un monde commun empêche ou contient la guerre de tous contre tous – expression ultime de la défiance mutuelle. Or, sans que nous soyons au bord de la guerre civile, ce consensus social minimum est mis à rude épreuve, subissant les coups de boutoir du corporatisme et de l’individualisme, mais aussi de l’obsession identitaire, individuelle ou collective.

      Texte intéressant mais un peu consensuel... A l’origine, c’est quand même l’individualisme dopé au libéralisme qui a engendré cette « dissociété » pour reprendre le terme de J. Généreux. S’il y a une spécificité française, c’est peut être que du fait de notre grand attachement historique à la notion d’égalité (et effectivement de certaines dérives corporatistes du coup), on est particulièrement en souffrance vis à vis de cet individualisme inégalitaire qui nous rend paranos...

      sur ce thème défiance/confiance au niveau socio-économique, y a aussi ça
      http://seenthis.net/messages/268132

  • UMP et FN : une alliance inévitable ? - Telos
    http://www.telos-eu.com/fr/vie-politique/ump-et-fn-une-alliance-inevitable.html

    Le « ni ni » rejetait la formule du « Front républicain » contre les « fascistes ». Mais il ne disqualifiait pas nécessairement le PS de même manière que le #FN. La nouvelle ligne de l’#UMP établit cette équivalence dans l’égale intensité du rejet de l’un et de l’autre. La peste et le choléra en quelque sorte. La disqualification du FN perd ainsi son caractère singulier. En rejetant dans les mêmes termes PS et FN, l’UMP réintègre ainsi ce dernier dans la communauté nationale et politique. À partir de là, et même si elle s’en défend, elle s’engage dans un processus qui la mènera inéluctablement à une #alliance avec le FN, au moins électorale, si celle-ci lui apparaît vitale dans l’avenir. Or, une telle éventualité ne peut être exclue. Bien au contraire. Pourquoi ?

  • Egypte, Syrie : le désarroi de l’Occident - Telos
    http://www.telos-eu.com/fr/globalisation/politique-internationale/egypte-syrie-le-desarroi-de-loccident.html

    Enfin le conflit syrien semble être entré dans une nouvelle phase depuis cet été avec l’affirmation par les autorités syriennes de leur prochaine « victoire » suite à plusieurs succès militaires et surtout l’utilisation massive d’armes chimiques le 21 août dans la périphérie de Damas contrôlée par les rebelles. Là aussi, les Occidentaux sont déroutés car s’il est avéré que la fameuse « ligne rouge » a bel et bien été franchie par le régime de Bachar el-Assad du fait de son recours à des armes chimiques, ils seront tenus de réagir d’une manière ou d’une autre, y compris éventuellement sur le plan militaire. Or, les expériences précédentes d’interventions dans le monde arabe – guerre en Irak en 2003, intervention en Libye en 2011 – montrent que le but recherché (renversement des régimes de S. Hussein et de M. Kadhafi) peut être atteint, mais au prix d’un chaos sécuritaire pour ces pays et de dommages collatéraux ailleurs, comme ce fut le cas au Mali. Les risques sont d’autant plus grands dans le cas syrien que Bachar el-Assad a menacé d’utiliser ses armes chimiques en cas d’intervention occidentale, que les rebelles sont extrêmement divisés et que figurent parmi eux des groupes djihadistes proches d’Al-Qaïda que personne n’a envie de voir au pouvoir à Damas dans un pays menacé de partition ethnique.

    Le désarroi des pays occidentaux apparaît donc très grand face à l’évolution du monde arabe car, dans l’état actuel des choses, ils semblent être dans une impasse puisqu’ils ne peuvent ni intervenir directement sur le cours des événements, ni rester indifférents au sort des populations réprimées.

    #Egypte #Syrie

  • Faut-il un conseil de la presse en France ?
    http://www.telos-eu.com/fr/societe/faut-il-un-conseil-de-la-presse-en-france.html

    Verra-t-on bientôt la création en France d’une instance déontologique autonome capable de faire la lumière sur les pratiques journalistiques douteuses et de stimuler les bonnes ? La crise actuelle de la presse s’avèrera-t-elle un contexte plus favorable que les grands moments de l’histoire du journalisme où le projet a déjà été débattu, en 1881, 1918, 1935 ? La profession réussira-t-elle à passer enfin à l’acte ? Les politiques sauront-ils rebondir, par voie législative s’il le faut …

    #www.telos-eu.com

  • Dailymotion ou le patriotisme numérique
    http://www.telos-eu.com/fr/politique-economique/dailymotion-ou-le-patriotisme-numerique.html

    C’est dans le registre picaresque qu’il faut à présent trouver ses mots pour parler de politique industrielle. Ainsi, le vaillant chevalier Montebourg a fait barrage de son corps pour empêcher les vils prédateurs anglo-saxons qui, avec l’aide des pleutres collaborateurs de France Telecom, entendaient ravir clandestinement cette rare pépite technologique issue du génie national : Dailymotion.

    Un contre-point à ce que l’on peut lire un peu partout.

    #www.telos-eu.com

  • A quoi sert Twitter ?
    http://www.telos-eu.com/fr/societe/nouveaux-medias/a-quoi-sert-twitter.html

    Pourquoi se couler dans ce flux autant décousu que continu ? Faire connaître, se faire connaître, participer à ce tourbillon qui insuffle l’air du temps : aucune de ces motivations n’exclut l’autre. Les propos sont à la lisière du public et du privé, et les dévoilements intimes, rares.

    #www.telos-eu.com

  • Consécration pour François #Chérèque : il peut enfin assumer d’être au service du #patronat !

    Voici ses nouveaux employeurs :

    http://www.tnova.fr/les-partenaires

    Fondation Total
    Ernest and Young
    Groupe Acticall
    Air France
    Vivendi
    Groupe Casino
    Sanofi
    Microsoft
    SAP
    H. H. Développement
    GDF - Suez
    Mutualité français
    Caisse des dépots
    CDC Climat
    SNCF
    EDF
    RTE
    MAIF

    Les mécènes de Terra Nova assurent le financement de nos activités à hauteur de 80 %. Acteurs dans les secteurs de l’immobilier, de la finance, des centres de contacts, de l’énergie, de l’informatique…, ce sont eux qui, par leurs dons, assurent la production de nos propositions et la diffusion de nos idées au plus grand nombre. Comme nous, ils ont à cœur l’élévation de la qualité du débat public : aussi nous font-ils bénéficier de leur soutien pour nous assurer d’une totale indépendance politique. Notre démarche est précisé dans la Charte éthique de Terra Nova.

    #cfdt

  • De la démocratie dans l’eurozone - Telos
    http://www.telos-eu.com/fr/de-la-democratie-dans-leurozone.html

    Au cours de la crise de l’eurozone, les citoyens ont été de plus en plus écartés des processus de prise de décision, tandis que les dirigeants du Conseil ont assuré la plupart des choix. Cette altération de l’équilibre « démocratique » de l’UE (qui préconise un équilibre relatif entre les principaux acteurs institutionnels de l’UE) a mis à l’écart le Parlement européen (PE) tout en reléguant la Commission européenne au niveau d’un secrétariat voué à la supervision technocratique de règles automatiques émanant de pactes qui imposent des contraintes destinées à assurer la stabilité fiscale. De plus, les parlements nationaux n’ont eu d’autre rôle à jouer que d’entériner les traités intergouvernementaux au risque, s’ils échouaient, d’être sanctionnés par les marchés ou bien, dans les cas des pays emprunteurs soumis à des restrictions budgétaires de la part de l’eurozone ou du FMI, de ne plus pouvoir se financer.