• Avant les élections 2022, Pôle Emploi chargé de faire baisser les chiffres du chômage à tout prix ?
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    Pour le gouvernement macroniste, l’inique réforme libérale contre les droits aux allocations chômage ne suffit pas. Pour pouvoir vanter le « bilan » de macron en matière de chômage avant les élections, l’objectif semble être de faire chûter le nombre de chômeur par tous les moyens, et donc en radier un maximum. Des agents donnent l’alerte : Que se passe-t-il à pôle emploi ? - Lundi, une collègue m’interpelle pour discuter en toute confidentialité. Elle me raconte que plusieurs conseillers l’ont désigné comme (...) #Les_Articles

    / #Le_monde_de_L'Economie, #Politique,_divers

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  • #Gilets_Jaunes : nous sommes le nouveau monde !

    Un objet socialement non identifié, une contestation non prévue et non anticipée, voilà comment apparaît le mouvement des Gilets Jaunes aux yeux des « élites » bourgeoises. Incompréhensibles autant qu’incomprenables, nos douleurs, nos peines, nos désirs et nos joies leur sont étrangères. Ils nous regardent sans nous voir et, depuis tant d’années qu’ils tendent l’oreille et nous épient, ils n’entendent pas monter notre colère. Le mouvement des Gilets Jaunes bouleverse les conventions, il dépasse les lignes et les frontières, quoi qu’il advienne dorénavant, il y a eu un « avant » et il y aura un « après ».

    Ce n’est pas une crise, c’est un mouvement ! Et ce terme de mouvement n’a que rarement été aussi approprié pour qualifier un objet social. Processus en évolution constante, en ébullition plus précisément, il ajoute le paramètre temps à une équation aussi stable qu’injuste. Il la dynamise, la transforme. Il se définit et se redéfinit sans cesse, se découvre lui même, s’apprend, se renforce continuellement. Immanent, c’est un objet complexe où les parties réinventent le plaisir « d’être avec » et de construire ensemble ; c’est un dynamique où les parties se réinventent elles mêmes, avec et pour les autres. Hétéroclite, ceci est un fait, et voici l’un des aspects les plus pertinents de ce mouvement. De cet hétéroclisme naît le globalisme. Nos parcours de vie sont différents, nos histoires singulières mais nous sommes tous confrontés aux mêmes injustices sociales et économiques ainsi qu’au mépris des classes « dirigeantes ». Le mouvement des Gilets Jaunes est une reconstitution de la conscience de classe, une affirmation de la possibilité de trouver collectivement dans l’action et la réflexion des solutions aux problèmes posés à l’ensemble.

    Les grilles de lecture utilisées par les « élites » sont dépassées et inadaptées pour rendre compte du phénomène qui se déroule. Il n’existe pas de calque issu du passé à poser sur ce que nous vivons. Que cela soit dans leurs analyses ou dans leurs pratiques, ils tentent de nous faire rentrer dans les cases, dans leurs cases.

    Malheureusement pour eux, nous avons changé de repères et de référentiels. Les leurs sont euclidiens, les nôtres sont dynamiques, en évolution, relatifs. Que cela soit par peur de l’inconnu ou par calcul afin de préserver leurs privilèges, ils viennent nous polluer avec les scories du passé : racisme, fascisme, communisme, syndicalisme, représentativité, religions...

    Or c’est contre ces fantômes d’outre tombe que les Gilets Jaunes se sont levés et ont décidé de prendre leur destin en main. Les Gilets Jaunes sont des abstentionnistes, des sceptiques, nous sommes ceux que le systèmes méprise, et nous le méprisons en retour. Nous avons appris à encaisser les coups, mais nous avons aussi appris à les donner.

    Aucune théorie ou analyse préexistante ne peut rendre compte de ce que nous sommes, car nous sommes en devenir. Ensemble nous nous émancipons, ensemble nous évoluons. Ne tient qu’à nous de faire table rase du passé et de ses crimes qui ont ensanglanté l’Histoire de l’Humanité. Les élites se proclament progressistes, elles en sont le contraire : réactionnaires, conservatrices et sclérosées, voilà ce que sont ceux qui se targuent de défendre la culture et le progrès.

    Il ne tient qu’à nous de réinventer le monde. Nous sommes le monde de demain, nous somme le monde en devenir

    Article d’@anarchosyndicalisme ! n°163

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  • Résistance Populaire Autonome

    Semaines après semaines, mois après mois, le mouvement des #Gilets_Jaunes continue. Rond-points occupés en semaine, manifestations le samedi et parfois blocages d’entrepôts ou de péages, le mouvement affiche toujours une belle détermination suscitant surprise et interrogations. Qu’est-ce qui motive les Gilets Jaunes, d’où vient leur énergie, que veulent-ils enfin ?

    Depuis plusieurs années, un slogan barre la couverture de notre périodique : « Résistance Populaire Autonome » . Ces trois mots pour signifier notre certitude que seule une mobilisation des populations exploitées, s’effectuant en dehors des partis et des syndicats permettrait de faire barrage à la violence destructrice du système capitaliste et que seule l’action autonome des foules populaires pourrait abattre ce système injuste, inégalitaire et suicidaire.

    Ce slogan, les gilets jaunes l’ont fait leur : ce qui n’était qu’un cri est devenu un fait social, une réalité. Nos conditions de vie sont devenues trop difficiles, trop de mal à boucler les fins de mois, ras le bol des retraites minables alors qu’on a travaillé toute sa vie, des salaires de misère, de la précarité subie, marre des injustices, des salaires et des primes extravagantes versées à des patrons qui délocalisent et licencient à tour de bras, marre de tous ces escrocs donneurs de leçons qui se pavanent à la télé, des politiciens orgueilleux, aussi méprisants que menteurs et tricheurs, marre de toute cette prétendue élite qui, parce qu’elle a fait des études dans des écoles réservées aux riches, se prétend infaillible et veut faire supporter aux couches les plus pauvres de la population la responsabilité des choix catastrophiques imposés par elle en matière d’environnement , d’économie, de politique.

    L’extension de la pauvreté, l’accroissement des inégalités, la pollution des eaux et de l’air, l’artificialisation des sols, la destruction des espaces naturels, l’effondrement de la bio-diversité, le développement des complexes d’armement, la délocalisation des industries, l’épuisement des ressources naturelles, le réchauffement climatique etc... tous ces drames sont la conséquence des choix politiques faits par la classe des possédants et des gouvernants.

    Et ces gens, chefs de multinationales ou politiciens, tous si imbus de leurs personnes, ont fait ces choix uniquement pour satisfaire leur insatiable soif de profits et leur volonté de domination. Leur amour du pouvoir et de l’argent est tel qu’ils en deviennent fous et perdent tout sens de la mesure. Leur seule morale est celle du profit : qu’importent les conséquences sociales, sanitaires ou environnementales d’un projet puisque ça va rapporter.

    Et les conséquences de cette logique, de ce système de corruption généralisée, sont là, visibles par tous. Chacun voit bien que l’affrontement des états obsédés par leur désir d’hégémonie et leur volonté de puissance peut à tout moment déclencher une guerre nucléaire qui serait fatale à l’humanité. Qui songerait à nier que les dérèglements climatiques engendrés par l’industrialisation à outrance et la course aux profits constituent une menace mortelle ?

    Comment demain nourrir la population qui ne cesse d’augmenter alors que les ressources diminuent ? Dans quel monde vivront les générations à venir ?... Les menaces qui pèsent sur notre planète sont effroyablement nombreuses et les sujets d’inquiétude également. Nous vivons dans un monde très angoissant, l’avenir que nous propose ce système de plus en plus injuste et inégalitaire est sombre et c’est cette perspective que les Gilets Jaunes refusent. Alors comment s’opposer ? Qui pour se défendre ?

    A l’évidence les syndicats, les partis politiques, toutes ces institutions dont c’est théoriquement la fonction sont devenus de simples alibis du système. Ils se limitent à faire respecter par les patrons les lois faites pour les patrons. Comment d’ailleurs faire confiance à des organismes qui financièrement dépendent en très grande partie des subsides de l’état et des entreprises ? Gérer les révoltes sociales, les mener dans des impasses est devenu un métier qui s’apprend dans les écoles de commerce. Combien de permanents syndicaux devenus hauts fonctionnaires, ministres ou PDG ?

    Et si une multitude de militants syndicaux de base restent honnêtes et se dévouent corps et âme pour défendre les salariés, ils participent à leur corps défendant au maintien du système en place. Et comment faire confiance aux politiciens ? Chacun voit bien que le pouvoir et l’argent transforment les agneaux en lions, l’histoire nous donne tant et tant d’exemples de simples et honnêtes individus qui se prétendaient défenseurs inconditionnels de la veuve et l’orphelin et qui, une fois élus, se révélèrent de véritables requins.

    Dans un monde où tout s’achète, où tout est marchandise, les opinions et les consciences s’achètent aussi. Fabricant d’opinion, acheteur de conscience ; n’est-ce pas cela qu’on appelle lobbyiste ? Et si la soupe est trop amère, si la digestion est difficile, les médias sont là pour transformer le plus infâme brouet en met délicieux et monter au pinacle le roi des bateleurs.

    Alors, ne faisons confiance qu’à nous-mêmes disent les Gilets Jaunes, agissons-par nous mêmes, redevenons les maîtres de notre vie. Résistons encore, résistons toujours à l’état et aux patrons, discutons entre nous, élaborons ensemble, construisons ensemble.

    Résistance populaire autonome : le futur appartient aux Gilets Jaunes.

    Article d’@anarchosyndicalisme ! n°163

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  • PINGRES et MÉCHANTS

    On ne peut pas satisfaire tout le monde, voilà ce que sera la conclusion du « grand débat ».

    C’est vrai, on ne peut à la fois satisfaire l’avidité des capitalistes et les besoins des travailleurs. Il y a une dizaine d’années de cela, Warren Buffet ce milliardaire américain qui sait que la guerre de classe existe ! l’avait bien dit : pour lui, ce sont ceux de sa classe qui ont gagné cette guerre. Ils se sont enrichis en écrasant les populations sous leurs profits, leurs privilèges et leurs pollutions. La famille Grimaldi ne dira pas le contraire car les grandes messes pro-climat n’ont pas empêché le moins du monde que l’un de ses bateaux:le « Grande America », ne défèque dans l’océan. Sur ce sujet, nous savons seulement que sur les 365 conteneurs coulés avec le navire, 45 contenaient des matières dangereuses dont 100 tonnes d’acide chlorhydrique et 70 d’acide sulfurique. Pour les saloperies transportées dans les 320 autres conteneurs restants (entre autres pour la probabilité de la présence de sources radioactives) prière d’écrire au Prince de Monaco...

    Quant à connaître le prix de tels dégâts, constatons que les médias sont bien moins bavards que lorsqu’il s’agit d’incriminer les coûts des dernières manifestations des Gilets Jaunes. Alors soyons sérieux, si l’on n’indique pas à qui profite ce genre de crime contre la planète, alors marcher pour le climat ne signifie rien, pas plus que de parler doctement de croissance ou de décroissance si l’on ne précise pas qui profite de la croissance et qui en est exclu.

    D’abord parce que ce n’est pas avec un petit millier d’euros mensuels qu’on lutte pour le climat, et ensuite parce que nos efforts personnels n’y contribueraient que de façon infinitésimale, le réchauffement climatique n’est jamais que la résultante du mode de production capitaliste précisément celui que subissent les populations et dont profitent les Buffet, Grimaldi et autres magnats.

    Alors, cessons ces exercices de contrition écologique tout juste bons à faire frémir une classe de CM2 et passons au vif du sujet avec ce que les médias nomment « la crise des Gilets Jaunes ». Il s’agit là d’un euphémisme qui désigne en réalité un épisode historique produit par cet antagonisme social qui s’est accentué au cours de ces 40 dernières années. Cette sous-évaluation est celle d’une bourgeoisie ivre de ses succès, telle un Castaner en goguette, oubliant qu’arrivé à un certain niveau d’injustices sociales, un pays ne peut plus fonctionner normalement et qu’à partir de ce moment-là, tout peut arriver. Eh bien, disons que le mouvement des Gilets Jaunes a très clairement tracé cette limite au-delà de laquelle cette bourgeoisie ne pourra pas sans risques attaquer les travailleurs et c’est en quoi il marquera l’histoire de ce pays.

    Observons maintenant que face à la détermination de ce mouvement de plus en plus conscientisé, le Pouvoir dont le but est de protéger ces système a manœuvré au gré des samedis de mobilisation. Pensait- il que celle-ci était forte, il reculait en cédant quelques miettes, en achetant les consciences à coups de primes pour les uns et d’augmentation pour les autres ; pensait-il qu’il fallait attendre la fin de « l’essoufflement », il temporisait à coup de logorrhées macronesques ; pensait-il que c’était fini, il partait au ski le 16 Mars et remettait sur la table l’attaque contre les retraites.

    Ce comportement, digne de celui d’Harpagon et de sa bourse à élastique, qui s’est accompagné d‘une répression féroce, nous permet de dessiner les contours psychologiques de cette bourgeoisie au pouvoir. Ce sont ceux de la pingrerie, aggravée de cette complication que la seule perspective de perdre un sou lui ferait tuer père et mère. Avec ce genre de profil, pingre et méchant, il est inutile d’espérer une rémission sincère, car ces malades ils l’ont dit et redit ne trouvent leur jouissance ultime que lorsqu’au bout d’un discours catastrophiste à souhait, ils en arrivent à éjaculer leur leitmotiv : « nous faire payer ». Peut-être que l’issue de cette bataille comme ce fût le cas pour toutes les autres de même nature sera impitoyable si les travailleurs en sortent vaincus mais c’est par leur masse et leur esprit à la fois généreux et combatif qu’ils pourront vaincre, vivre mieux et sauver la planète.

    C’est pourquoi la solidarité de classe avec les Gilets Jaunes doit être plus que jamais à l’ordre du jour.

    Article d’@anarchosyndicalisme ! n°163

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  • Feuilleton #AZF : l’enquête et ses protagonistes
    #Toulouse le 13 mars 2018

    Tous les bons romans policiers, tous les bons films à suspense le savent, et la réalité quotidienne nous apporte régulièrement cette maxime qui veut que le diable mais aussi la vérité jaillisse du détail. Celui qui change tout, celui sans lequel tout aurait été différent ou en tout cas pas exactement pareil ou aurait eu lieu un autre jour, à un autre endroit. Dans le procès AZF ce détail porte un nom, un drôle de nom : dichloroisocyanurate, et pour aller plus vite on dit DCCNA, et pour bien comprendre on dit plutôt chlore, eau de javel, pastille de chlore des piscines.

    L’explosion d’une usine qui ravage tout un quartier, usine chimique classée SEVESO 2, et qui cause la mort de ses salariés mais aussi de riverains, relève judiciairement et pénalement parlant, a priori, des mêmes textes répressifs que par exemple… un crime passionnel commis dans un pavillon de banlieue.

    On rappellera pour les béotiens que la justice pénale est une justice « à part » réservée aux faits les plus graves, non seulement au regard des conséquences entraînées par les faits, mais aussi de leur caractère volontaire, intentionnel et au minimum conscient de règles d’interdiction ou de prudence que sont les règles de sécurité posées dans des contextes de danger. Et ceci même si la gradation est importante entre un tribunal de police et une cour d’assise, qui sont les trois types de tribunal pénal : le PV infligé pour une conduite trop rapide relève autant du pénal qu’un crime intentionnel… mais ils ne sont pas invités devant les mêmes tribunaux : police pour l’un, assises pour l’autre. Au milieu on trouve le tribunal Correctionnel, véritable juridiction à géométrie variable où se retrouve la conduite en état d’ivresse ou de cannabis même sans accident et les trafics internationaux de stupéfiants, où sont encourues les peines les plus « chères ». C’est aussi là que se retrouvent les violences de toutes sortes ; c’est devant cette juridiction que le « volet pénal » après la fin de l’instruction s’est joué et risque, encore, de se jouer. En effet, depuis le dernier ARRÊT du 31 Octobre 2017, la filiale de TOTAL a engagé un nouveau pourvoi et tente de faire casser cette décision qui l’a condamné auprès du directeur de l’usine, Monsieur BIECHLIN .

    Les faits les plus graves donnent lieu à une enquête, ordonnée par le procureur et conduite par les services de police judiciaire (police nationale ou gendarmerie). Les droits de la défense permettent au « suspect » d’en contester tous les termes, d’apporter des contrépreuves, d’exiger que les preuves produites par l’accusation soient certaines, solides, inattaquables parce que le doute doit toujours profiter à l’accusé. Et qu’on ne confonde pas l’innocence pénale et l’indemnisation qui doit toujours être versée par le responsable civil à une victime (par exemple si TOTAL a indemnisé les victimes de l’explosion c’est en tant que gardien de l’usine donc d’un point de vue civil qu’ils étaient responsables, un peu comme n’importe qui est responsable du dommage causé par la chute d’un pot de fleurs sur la tête d’un passant ; et, puisque l’exemple est bon, disons que si le pot est tombé suite à un coup de vent c’est du civil, il faut indemniser « seulement ». Donc ce ne sera pas la conséquence du fait mais bien le pourquoi du comment, donc le résultat de l’enquête, qui va permettre (en l’occurrence au tribunal qui jugera après) de dire si oui ou non on se trouve dans un cas pénal…

    Et les mots ont leur importance, dans un cas on parle de responsabilité, dans l’autre de faute pénale et de culpabilité (« responsable mais pas coupable » avait justement relevé un jour une Ministre).

    Les voyous chevronnés, en général mieux informés que le vulgum pecus sur les droits de la défense (constat non réversible et ne signifiant pas que l’exercice éclairé des droits de la défense signerait une présence chevronnée de voyou) savent qu’en France la preuve par aveu est préférée à la démonstration rationnelle et déductive et ont quelques règles d’or comme par exemple : 1) « faire le ménage (des preuves) », 2) ne jamais avouer.

    Mais dira-t -on : quel rapport entre l’explosion d’une usine et un délit « normal », par exemple un trafic de stups, un crime passionnel ou rouler à contresens sur une autoroute ?

    Depuis l’explosion, soit le 21 Septembre 2001 à 10H17, et après une instruction de huit années trois jugements sont intervenus :

    – Jugement de relaxe (« le doute profite à l’accusé » ) du Tribunal correctionnel de Toulouse du 19 Novembre 2009 - Arrêt de condamnation de la Cour d’Appel de TOULOUSE du 24 Septembre 2012 ( Pour le directeur 3 ans de prison dont 1 an ferme, mais sous le régime de la semi liberté et amende de 45 000 €. Pour la société Grande Paroisse du groupe TOTAL le maximum de l’amende prévue par la loi, soit 225000,00 € ). Cet Arrêt a été annulé le 13 Janvier 2015 par la Cour de Cassation sur Pourvoi de TOTAL, qui a réussi à discuter la neutralité des juges au motif que l’un des assesseurs de la Cour de TOULOUSE était vice président (bénévole et es qualité) d’une association de victimes.

    – Arrêt de condamnation de la COUR D’APPEL de PARIS du 31 Octobre 2017 ( 15 Mois d’emprisonnement avec sursis et 10 000 ,00 € d’amende pour le directeur ; l’amende légale dont le maximum culmine à la somme ridicule pour le groupe TOTAL de 225 000,00 € ,mais aussi la peine complémentaire de diffusion du communiqué de la condamnation dans divers journaux locaux et nationaux.

    Et c’est donc dans la capacité de dénégation, capacité démultipliée par des moyens financiers hors normes et même ultra-humains, puisque c’est d’un groupe de société et non d’une personne physique qu’il s’agit, que l’on va trouver le point commun entre la défense de la filiale du groupe et disons « la clientèle habituée des commissariats ».

    Et au-delà c’est aussi, à défaut de « faire le ménage », la capacité de prendre de vitesse les enquêteurs du SRPJ qui marque un autre trait commun. Car si, sur une scène de crime « habituelle », les services de police sont seuls maîtres à bord et prioritaires pour réaliser toutes sortes d’investigations qu’ils ont le droit d’imposer à tous, il n’en va pas de même sur un site industriel, lieu de travail, fabriquant des produits chimiques.

    Plusieurs enquêtes sur le site :

    – Entendu devant le tribunal correctionnel comme témoin afin de décrire l’événement et les consignes et ordres qu’il avait pu donner, Monsieur FOURNIER préfet en titre le jour de l’explosion a donné ordre à Monsieur DONIN, colonel des pompier, de prendre le commandement des opérations de secours et particulièrement sur le site de se charger de la recherche des corps et des victimes, charge qui a été occupée immédiatement et qui a pris fin le lundi 24 en milieu de journée. Pendant ces 3 premiers jours le site a « appartenu » prioritairement aux services de secours.

    - A la préfecture une cellule de crise coordonnait les opérations de sécurisation du site (conduites de gaz, câble électriques proximité de la SNPE et son phosgène..). Des spécialistes et responsables des entreprises du site chimique se croisaient.

    - Le Service Régional de Police Judiciaire, immédiatement saisi par le procureur dans le cadre d’une enquête de flagrance, organisait un dispositif en deux branches. L’une sur le terrain autour du commissaire SABY assisté du LPST (Laboratoire de police scientifique de Toulouse) chargé du repérage des lieux, de la mesure de l’immense cratère trouvé à l’emplacement du hangar 221 d’où était partie l’explosion ; l’autre autour du commissaire MALON, chargé des auditions de témoin ; Mr Van Schendel missionné par le parquet allait rédiger une première note datée du 28 septembre 2001, allant dans le sens d’une cause accidentelle de l’explosion liée aux mauvaises conditions de stockage du Nitrate déclassé entreposé dans le hangar 221. Le premier rapport de synthèse du SRPJ qui allait être déposé quelques mois plus tard en juin 2002 orientait dans le même sens ses conclusions après avoir fermé toutes les autres portes : de l’acte volontaires ou malveillant, à un événement extérieur (arc électrique, chute de météorite...).

    – S’agissant d’un accident du travail, et d’un accident grave causant la mort de 21 personnes sur le site, la Direction du Travail de l’emploi et de la Formation Professionnelle de Haute Garonne diligentait une enquête confiée à une inspectrice du travail assistée d’une ingénieure de prévention. Leur rapport qui visait à mesurer l’écart existant entre le réel de l’usine et le prescrit aboutissait au relevé de plusieurs atteintes aux prescriptions. Elles entendaient plusieurs salariés et prenaient des notes qui ont été retrouvées en fin d’instruction dans les scellés.

    – Le CHSCT se livrait aussi à son enquête, mais proche de l’employeur était orienté sur de mauvaises pistes malgré son appel au CIDECOS, cabinet d’expertise qui visualisait assez vite où se trouvaient les facteurs de risque dans l’entreprise.

    – Dés le 21 Septembre Thierry DESMAREST, PDG de TOTAL annonçait la constitution d’une commission d’Enquête Interne (CEI) qui allait déposer ses rapports en Mars et Novembre 2002. Issue de l’Industriel, composée d’ingénieurs du siège de Grande Paroisse et d’ATOFINA et ne comptant en son sein que des personnes ayant immédiatement accès aux informations les plus sures et précises. Bref ayant plusieurs longueurs d’avances sur les autres enquêtes, elle ne se privait pas de retenir toute information auprès des services qui pourtant l’interrogeait, y compris les services de police. Il s’est agit très vite pour elle, plus tard pour les autres de découvrir qu’existait un autre bâtiment, le 335 dit « demi-grand » qui n’était rattaché à aucun service (et partant inconnu et jamais visité par les instances de contrôle, de la DRIRE, aux CHST et CE) qui ne contenait rien moins que des restes de produits venus des zones Nord (nitrate) ou sud (chlore) donc incompatibles entre eux. Le bâtiment n’étant de surcroît géré que par le sous traitant chargé de l’enlèvement des déchets.

    Mais, au-delà, il apparaît que dans le cadre de ses investigations oh combien privilégiées, la CEI qui avait pourtant repéré la première les facteurs de risque de l’usine et particulièrement la production sur le site, sans barrière étanche ni organisationnelle de produits explosifs entre eux, n’a pas craint d’en tout cacher, purement et simplement, n’hésitant pas à ne rendre publics jusqu’à ce jour, que des écrits faisant fi de ce danger évident.

    A coté de ces enquêtes contenues dans le dossier pénal, deux autres enquêtes d’envergure, publiques et nationales ont été menées :

    – L’enquête de l’I.G.E (Inspection Générale de l’Environnement ) du Ministère de l’Aménagement du Territoire, auxquelles étaient jointes diverses contributions techniques de l’INERIS (Institut National de l’Environnement Industriel et des Risques) déposée le 24 octobre 2001, qui relevait des éléments facteurs de risques (insuffisance de formation des entreprises sous traitantes, absence de traçabilité des produits stockés dans le 221…

    – L’enquête parlementaire déposée le 29 janvier 2002 (ne se prononçait pas sur les causes).

    La Commission d’enquête interne, ou quand l’accusé mène l’enquêté. Imaginons que dans la maison où se trouverait le corps d’un homme retrouvé mort, ce soit l’épouse, seule témoin et présente au moment de la mort suspecte qui soit chargée de faire l’enquête au motif qu’elle doit répondre de ce qui se passe dans sa maison. On répondrait assez vite qu’il est fautif de tenter le diable à ce point et que l’on ne peut pas humainement attendre d’une personne peut être coupable de ne pas être tenté par disons, la dissimulation des preuves, au hasard du flacon administrée dans la tisane de Raymond. C’est pourtant ce qui se passe en matière industrielle où il est demandé à l’industriel de rendre un rapport sur la cause de l’accident lorsqu’il s’en produit un dans le périmètre concerné.

    Tel a donc été l’objet de la CEI et que croit-on qu’il se passât ? Comme il est donc « humain » de l’imaginer, la CEI a assez vite et avant tout le monde compris ce qui s’était passé parce que ses membres ont tout simplement trouvé dans le 335, celui la même où l’ouvrier qui avait déchargé la dernière benne précédent l’explosion avait lui-même rempli ce contenant de son produit, le fameux DCCNA. Ce DCCNA, ce chlore produit dans la zone sud et qui jamais n’aurait du se trouver dans la zone nord, et qu’il ne fallait absolument pas mélanger à l’azote des nitrates du 221 ; et qu’il fallait d’autant moins le faire que le nitrate du 221 était pour partie du nitrate industriel ; que de plus, en ce 21 septembre 2001 le vent d’autan avait chargé l’air d’un taux d’humidité suffisant pour que se forme un gaz maléfique, le Trichlorure d’azote, dit NCL3 qui allait jouer en quelque sorte une fonction de booster et se propager jusqu’au cœur du tas de 300 tonnes et le faire violemment exploser.

    En 2002, les services de police ont perquisitionné le siège de TOTAL et ont trouvé les 6 pré rapports cachés précédant le rapport officiel présenté publiquement par l’industriel en mars 2002, dont est absent le sac de DCCNA pourtant trouvé dans le 335. Si une mention en est faite c’est pour suggérer que ce sac a été déposé après l’explosion soit « par hasard soit par acte de malveillance ».

    Ainsi les pré rapports (ou brouillons) de la CEI rédigés dans un cadre rigoureux de travail mené par des professionnels de haut niveau de l’industriel ont-ils été précédés d’inventaires des sacs contenus dans le 335 et le premier de ces brouillons daté du 28 septembre 2001 suggère de se livrer à une analyse des substances transportés depuis le 335 dit aussi : « la sacherie à éliminer » susceptibles « d’induire une décomposition exothermique pouvant engrainer une détonation ».

    Le dernier de ces pré rapports contestés par la suite par la filiale de TOTAL est-il encore plus précis en indiquant, s’agissant de produits chimiques contenus dans le 335, que « certains n’auraient du aucunement s’y trouver ... ».

    Il est donc établi que TOTAL et Grande Paroisse n’ignoraient rien de leur responsabilité, mais que le choix a été fait de nier, nier et nier encore sans crainte de lancer les rumeurs les plus infamantes et de nourrir des préjugés sur de pauvres ouvriers dont certains comme Hassan Jandoubi n’auront eu comme sépulture qu’un conteneur de chez TOTAL.
    (...)

    Article d’@anarchosyndicalisme ! n°160 sept.-oct. 2018
    http://cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article923

  • Pourquoi nos enfants ne nous appartiennent pas

    Pour le plus grand bonheur des marchands de tests génétiques, pas un jour ne se passe sans que quelque média nous donne à voir un enfant conçu par #PMA à la recherche de son vrai père, entendons par là ce père biologique que fût le donneur de spermatozoïdes. Si le langage courant désigne de vrais pères c’est que en creux les autres seraient des faux. Les autres, ces parents non biologiques qui se sont occupés de l’éducation, seraient donc des fakes, comme dirait l’époux de Brigitte. Voilà donc réintroduite dans notre techno société une hiérarchie inattendue. Ne nous étonnons pas dès lors du peu de critiques face par exemple aux propos de Sylvie Vartan dénonçant le testament de Johnny comme ayant désavantagé les enfants issus de son « propre sang » au profit d’enfants adoptés. Tout se passe comme si l’enfant biologique avait quelque chose de plus et méritait mieux qu’un enfant adopté.

    Aboutissement momentané de cette soif de classification, citons la politique scandaleuse d’un dirigeant d’un centre d‘#adoption, lequel réservait les enfants qu’il jugeait typiques aux couples adoptifs hétérosexuels et ceux qu’il jugeait atypiques aux couples adoptifs homosexuels. Puisque déjà il est admis qu’il y a les vrais enfants et les faux, cet homme s’était contenté de considérer que, parmi les faux, il y avait encore les typiques et les atypiques [1]. En parfaite cohérence avec cette histoire de transmission de son sang, une autre qualité est venue s’ajouter à l’enfant biologique ; puisqu’on lui a transmis son sang il serait plus à soi qu’un enfant non biologique. Tous ces éléments expliquent pourquoi, que l’on soit catholique pratiquant ou lesbienne radicale, athée, musulman ou juif, on peut également vouloir son enfant vrai issu de son sang à soi. On peut penser que ce désir soit naturel, mais que dire de l’argumentaire qui le soutient ?

    Ce désir de posséder « son enfant « est un désir ancien, par exemple au moyen âge on pensait que le patrimoine se transmettait intégralement par le sang et la semence du père. Ainsi « le sang bleu » qualifiait-il la noblesse. On croyait que l’identification parents/enfants était obligatoirement inscrite dans l’injection du liquide masculin dans le la matrice féminine considérée comme un réceptacle passif. Par conséquent toute la société s’organisait autour de la filiation légitime, de la pureté du lignage et de la transmission de la propriété. Toute sortes de concepts qui, comme on l’a vu dans un précédent article, ont consolidés le patriarcat. La version technologique de cette pensée féodale remplace le sang par la molécule d’ADN, désignée comme porteuse du patrimoine génétique...

    Soit dit en passant ce retour dans le passé coïncide avec celui d‘un discours sur les racines ou la défense des traditions, car ici encore nous touchons à la question de l’identité et du développement des sentiments narcissiques et xénophobes. Comme le dit cette publicité pour Gentest, une marque de test génétiques :

    « Le fait de connaître sa propre origine est un besoin humain de base. Les tests ADN offrent des outils fiables et précis pour la recherche de vos racines. »

    Pourtant, depuis les expériences de K. Lorenz nous savons que l’identification parent/enfant n’est pas une question de transmission biologique mais de proximité, c’est ce que les éthologistes ont désigné par l’imprégnation. Citons l’exemple le plus connu et que tout le monde peut trouver sur Wikipédia, celui des oisons (petit de l’oie) « qui, peu après l’éclosion, suivent le premier objet mobile qu’ils voient : il se crée un lien indéfectible avec cet objet qu’il conserve indéfiniment, d’où le terme d’empreinte. Cet objet est l’objet d’approche, puis de contact (ou de recherche de contact) qui provoque un bien-être, un apaisement et une réduction du stress du petit ».

    Si on parle de nature, il faut alors dire que le lien parental est absolument indépendant du lien biologique et qu’il est d’autant plus fort que l’adulte est proche de l’enfant. Ceci explique que tous les cas peuvent exister, que le monde animal nous offre des exemples aussi nobles que celui d’adoptions d’orphelins par la collectivité animale, fût elle d’une espèce différente, que les supposés liens biologiques ne sont pas corrélés aux liens affectifs et enfin pourquoi Johnny a déshérité ses « vrais » enfants au profit d’enfants adoptés.

    Par conséquent dans une famille, comme plus largement à l’intérieur d’un groupe d’individus, les relations de propriété sont toujours des relations construites par l’ordre sociétal alors qu’en réalité les relations entre les êtres vivants, entre hommes et femmes, entre adultes et enfants, n’ont pour seule base naturelle que les liens sentimentaux. Ainsi, et contrairement à ce que nous assène la propagande, l’être vivant a-t-il plus besoin d’affection, d’amitié ou d’amour que de connaître ses racines.

    Un petit pas pour l’humanité un grand pas vers le #transhumanisme

    Jusqu’à il n’y a pas très longtemps les droits étaient de nature sociale, droit à la santé, droit au travail, droit au logement, droit à l’éducation. Ce n’est que récemment que sont apparus des droits sociétaux, droit à l’adoption et droit au mariage pour tous... Ici le fait nouveau, est que le droit à l’enfant biologique, n’est pas simplement un droit sociétal, il ne va pas concerner qu’un coup de tampon d’une administration quelconque c’est un #droit_physiologique soutenu par un désir légitimé par la supposé supériorité de l’enfant biologique sur l’enfant non biologique. Ceci nous indique vers quoi la société post-moderne, de plus en plus inégalitaire sur le plan social, tend à s’organiser. Un droit physiologique est un droit qui va concerner un état physiologique, qui est un état soumis à des limites naturelles (état qu’il faut absolument différencier d’un état pathologique dont le champ juridique reste le droit à la santé), être enceinte ou être âgé, ce sont des états physiologiques.

    Chez l’être humain dans des conditions naturelles on ne peut pas procréer en dessous ou en dessus d’un certain âge, pas plus qu’on ne peut enfanter si on est de sexe masculin, mais la science peut maintenant nous « libérer » de telles limites, comme c’est la cas pour des mères qui ont passé l’âge de la ménopause ou comme cela pourrait l’être avec un utérus masculin. Il n’est pas nouveau que les avancées scientifiques permettent de défier la nature, c’est même là leur rôle historique. Mais, jusqu’à récemment, ce type de défi était contenu par un débat. Au long des siècles le mythe prométhéen, le « science sans conscience n’est que ruine de l’âme » de Rabelais et les grandes questions écologiques furent autant d’illustrations d’une saine méfiance de l’homme vis avis de ses propres réalisations. Cette réflexion absolument salutaire cours le risque d’être neutralisée par la force de la loi.

    Avec le droit à l’enfant biologique, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, nous pourrions voir s’inscrire en tant que Droit la possibilité automatique de pouvoir utiliser des ressources technologiques existantes pour dépasser nos limites physiologiques. Autant dire qu’on ouvre ainsi la porte à la légalisation de bien d’autres fantasmes. Pour rester dans le domaine du droit à l’enfant biologique, ce droit sera extensible à d’autres exigences. On ne voit pas en quoi une fois ce droit entériné il ne serait pas soumis aux évolutions jurisprudentielles telles que le droit à un enfant en bonne santé avec par suite le choix d’autres critères quand à sa beauté ou à son intelligence... Toutes choses à la portée du marché du génome humain. [2]

    [1] Adoption : en Seine-Maritime, les « enfants dont personne ne veut » réservés aux couples gayshttp://www.leparisien.fr/societe/des-couples-homosexuels-veulent-adopter-en-seine-maritime-uniquement-pour

    [2] http://www.lepoint.fr/science/connor-premier-bebe-aux-genes-parfaits-30-07-2013-1709829_25.php

    Article d’@anarchosyndicalisme ! n°160 sept.-oct. 2018
    http://cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article929

  • Double jeu

    Faire une série de retours sur l’histoire de la #FNSEA, nous permet de mieux comprendre la dose de violence et d’impunité consentie par l’État aux agriculteurs. La FNSEA a toujours eu un comportement ambigu ; d’un côté, elle attise la colère des agriculteurs, et de l’autre, elle se pose en médiatrice incontournable entre eux et l’État pour régler les crises à sa façon ; quitte à se faire huer par sa base comme ce fut le cas à Paris en septembre 2015 pour Xavier Beulin, homme d’affaires et capitaliste notoire(1) et président de ladite FNSEA.

    Dès sa fondation, en 1946, la FNSEA domine le paysage syndical. Par la suite, ni le MODEF(2) (d’orientation socialiste), ni le CNJA (centre national des jeunes agriculteurs) ne pourront sérieusement menacer le monopole de la FNSEA. Depuis le début, ce leadership convient parfaitement à l’État dont c’est l’unique interlocuteur. La France agricole de l’après-guerre vit une profonde mutation puisque en moins de vingt-cinq ans se met en place un modèle d’agriculture intensive qui fera de l’État français l’une des premières puissances agricoles d’Europe. La FNSEA a toujours soutenu cette orientation et, pour parvenir à ses fins, elle a, dès 1961, mis en œuvre l’emploi de la violence en organisant des manifestations particulièrement musclées dont les premières du genre se déroulèrent en Bretagne. Cette politique se révéla payante car les pouvoirs publics y cédèrent sur une série de revendications majeures.

    Dans les décennies suivantes, au gré des crises (surproduction, sécheresse, etc), caillassages de préfectures, blocus de gares, descentes dans les supermarchés, etc deviendront monnaie courante. Le paroxysme sera atteint en 1976, quand des viticulteurs en colère tueront un commandant de CRS à la carabine approvisionnée en munitions pour gros gibier et en blesseront 28 autres. L’enquête n’aboutira jamais, conformément à une tradition d’impunité solidement ancrée et qui resurgira avec les bonnets rouges .

    En 2013, la FDSEA(3), encouragée par son président, Thierry Merret, met en mouvement les légumiers de Bretagne mécontents des contraintes fiscales et administratives. Ils incendient le centre des impôts et les locaux de la MSA de Morlaix ; ils vont jusqu’à retarder l’arrivée des pompiers par un ballet de tracteurs et en leur déversant des tonnes d’artichauts sous les pieds. Ils ont droit alors aux plus vives félicitations de Thierry Merret (alors qu’au regard du droit, certains faits sont d’une extrême gravité). Trois jours plus tard, conjointement rédigé par le syndicat et la chambre d’agriculture de Bretagne, un communiqué hypocrite tout à la fois regrettait « le recours à des actions violentes » et les justifiait en affirmant que « La profession tout entière n’encourage pas à l’excès, mais elle ne sait plus comment se faire entendre afin que des mesures efficaces et rapides soient prises ! ». En fait, notre impression est qu’elle sait trop bien comment se faire entendre ! Malgré l’enquête, Thierry Merret ne sera pas inquiété et les forces de l’ordre feront mine de ne pas pouvoir identifier les auteurs des faits.

    A l’image de feu X. Beulin, les dirigeants FNSEA sont des notables souvent de droite, maires de leurs villages, administrateurs de coopératives, de la MSA et/ou du crédit agricole. Malgré que les manif’ organisées par la FNSEA aient causé des centaines de millions FF de dégâts, François Guillaume, après de bons et loyaux services (1979 à 1986) comme président de la FNSEA, devient ministre de l’agriculture sous Chirac, entre 1986 et 1988. Cette nomination est un signal clair en direction de la FNSEA et de ses méthodes. C’est une reconnaissance pure et simple, par l’État, de ses actions violentes ; pour le passé et l’avenir.

    Au fur et à mesure, la FNSEA s’est professionnalisée et aujourd’hui son expertise est appréciée jusqu’à Bruxelles. Elle est devenue une entreprise capitaliste plus soucieuse de ses parts de marchés et de ses profits que du monde agricole et des agriculteurs. Si les agriculteurs de la Fédération nationale des jeunes exploitants familiaux (FNJEF), liée au Modef, déclarent : « Si le système ne fonctionne pas, il faut changer le système » et que la Confédération paysanne déclare que « les plans d’allégements des charges ne changent rien car on ne s’attaque pas aux racines du mal », nous savons qu’ils sont uniquement motivés par une volonté de s’assurer des privilèges. Si nous sommes d’accord sur le principe qu’il faut changer de système, nous ne sommes pas, pour autant, d’accord avec les objectifs corporatistes poursuivis par les différentes organisations d’agriculteurs.

    Adhérer à la FNSEA, c’est aussi bénéficier de réductions diverses, façon comité d’entreprise, avec la « carte moisson » (réductions pour matchs de foot, pour décathlon, etc), y compris chez… le grand ennemi (carrefour & co). Les fédérations encaissent, au passage, un pourcentage sur les ventes ; ce qui revient à pratiquer ce que la FNSEA, elle-même, dénonce, à savoir, les marges arrières. Bien entendu, les exploitants agricoles ne se doutent pas des rétrocessions au profit des FDSEA.

    Lors de la grande grève du lait de 2009, la FNSEA dénonce à grand fracas les marges exorbitantes de la grande distribution. La réalité est toute différente. Entre 2005 et 2009, la marge des transformateurs (mise en boîte du lait, fabricants de beurre ou yaourt) a beaucoup plus augmenté que celle des distributeurs. Selon le ministère de l’agriculture, sur le prix de vente au public d’une brique de lait, la grande distribution s’octroie 18 %, le producteur reçoit moins de 30 % et le transformateur en prend la moitié ! Or, ce qui est le « plus amusant », c’est que si, parmi ces transformateurs, il y a des industriels, il est à noter qu’il y a aussi de nombreuses coopératives tenues par des organisations membres de… la FNSEA ! Par exemple, la plus importante de France, la société SODIAAL, avait comme président de son conseil d’administration Damien Lacombe, fils d’un Raymond du même nom qui fut président de la FNSEA de 1986 à 1992 !…

    Ce double jeu ayant été éventé, nombre d’agriculteurs quittèrent la FNSEA et continuèrent à livrer leur lait à des coopératives laitières qui, en fait, adhèrent à la FNCL (Fédération nationale des coopératives laitières) qui n’est autre qu’une antenne de la FNSEA qui, à l’évidence, centralise le pouvoir. Ce mécontentement, palpable chez les producteurs, se traduisit par quelques déboires électoraux avec la perte, par exemple, du contrôle d’une chambre d’agriculture au profit de la coordination rurale. Cependant, le monopole de la FNSEA demeure solide ; d’autant plus que cette dernière sait se rendre indispensable sur le front juridique et bancaire. Beaucoup d’exploitants agricoles sont empêtrés dans des situations difficiles, criblés de dettes et de problèmes juridiques. Coincés, ils sont souvent obligés d’adhérer à la FNSEA malgré leur aversion car c’est elle qui octroie prêts et « facilités ». La baisse continuelle du nombre d’agriculteurs depuis un demi siècle est la preuve d’une politique délibérée d’asservissement et d’une guerre d’usure contre les petits paysans. La FDSEA n’hésite pas à les mobiliser contre leurs intérêts tout en les manœuvrant dans des actions spectaculaires afin d’entretenir chez eux l’illusion d’actions efficaces, sauf que l’efficacité est, en définitive, destinée à promouvoir une politique de grands propriétaires. La FNSEA est, également, bien implantée au niveau des commissions d’installation ce qui lui permet de favoriser ceux qui y adhèrent ; obligeant ceux qui souhaiteraient rester indépendants ou qui voudraient se tourner ailleurs, à la rejoindre.

    Le nombre d’exploitants agricoles ayant été divisé par quatre entre 1955 et 2015, il est aujourd’hui inférieur à 500 000. C’est là le résultat de la politique agricole menée par l’État et la FNSEA qui s’est faite au bénéfice des agriculteurs les plus riches, dirigeants ou membres importants de ce syndicat. Ces dirigeants sont les gagnants de cette politique car ils ont pu moyennant les aides du Crédit Agricole (où ils ont leurs entrées) agrandir leurs propriétés en rachetant les terres abandonnées par leurs anciens collègues et en même temps s’enrichir en profitant, en tant que notables, du formidable développement du système coopératif agricole. Le crédit agricole, au niveau bancaire, et les coopératives, au niveau de l’agro-industrie, sont des puissances économiques de premier ordre.

    Malgré les manifestations fréquentes et spectaculaires, il y a une profonde identité de vue entre l’État et la FNSEA sur un objectif à long terme, connu sous le terme de PAC et fixé par la loi de modernisation de l’agriculture française de 1962 : Bâtir une agro-industrie puissante, centralisée et fortement capitalisée. Si la FNSEA doit prendre quelques libertés avec les règles en chemin pour protéger et développer ce secteur, qu’elle les prenne. Les pouvoirs publics ferment les yeux. Dans une confusion des genres, Bernard Lannes de la Coordination rurale (proche de l’extrême-droite), concurrente de la FNSEA, dénonçait : « … la FNSEA [qui] organise des pseudo-manifestations pour râler contre des décisions prises en cogestion avec l’État ».

    @Anarchosyndicalisme ! n°158 / Mars - Avril 2018
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    Notes :

    ₁ En 2011, Xavier Beulin soutenait la proposition de loi du sénateur Christian Demuynck (UMP) visant à transposer un règlement européen de 1994 destiné à protéger les obtentions végétales et dont la conséquence pour les agriculteurs est que, s’ils veulent ressemer leur propre récolte, ils doivent verser une « rémunération aux titulaires des certificats d’obtention végétale » que sont les semenciers. Xavier Beulin était non seulement à la tête de la FNSEA, mais dirigeait également le groupe Sofiproteol qui détient des participations dans plusieurs grands groupes semenciers français (Euralis Semences, Limagrain, RAGT Génétique, Serasem
    – groupe InVivo)

    ₂ Mouvement de défense des exploitant familiaux

    ₃ Fédération Départemental des Syndicats d’Exploitants Agricoles

  • Les manifs’ de la #FNSEA

    Manifester est un droit fondamental qui est gravé dans la déclaration des droits de l’Homme. En régime de démocratie représentative, les citoyens peuvent ainsi affirmer publiquement leur opposition ou leur soutien à des projets. Parce qu’il offre la possibilité à des groupes de personnes d’affirmer une volonté collective en dehors des instances légales, tous les pouvoirs ont de tout temps cherché à interdire ou a limiter fortement ce mode d’expression. En France, le droit de manifester est strictement encadré par la loi qui fixe les modalités et les limites de son usage. Si comme la constitution l’affirme tous les citoyens sont égaux devant la loi, l’État se devrait de traiter toutes les manifestations de la même façon, guidé par le principe d’égalité ; les forces de l’ordre devraient adopter des comportements identiques face à tous les manifestants. Pourtant, il n’aura échappé à personne, pas même à l’observateur le plus étourdi, qu’il n’en est rien et c’est enfoncer des portes ouvertes que de dire qu’en France les forces de l’ordre adoptent un comportement très différent en fonction du type de manifestants qu’elles ont en face d’elles.

    Quand il s’agit de manifestations de salariés exprimant leur opposition à des fermetures d’usine, à des projets de loi ou luttant pour améliorer leurs conditions de vie et de travail, elles ne manquent jamais, au moindre débordement (jets de canettes ou de pierres, dégradations quelconques), de faire preuve de la plus grande intransigeance : interventions musclées (jets de grenades lacrymogènes, matraquages) et interpellations brutales de manifestants qui seront condamnés par la suite à des peines de prison. Ce sont là des pratiques habituelles. Tout le monde se souvient de l’interpellation par la police de militants syndicalistes qui, pour s’être opposés à un plan social destructeur d’emplois et avoir déchiré la chemise d’un cadre de leur entreprise lors d’une bousculade, ont été condamnés à des amendes et à de la prison avec sursis.

    Quand il s’agit de manifestations s’opposant à la destruction de milieux naturels ou à des projets absurdes, elles sont féroces : les opposants de Sivens, de Bure, de Notre-Dame-des-Landes et d’ailleurs savent ce qu’il en coûte de s’opposer, même pacifiquement, à des décisions technocratiques destinées uniquement à satisfaire des intérêts privés. Pour les réprimer, les forces de l’ordre utilisent une débauche de moyens, tant humains que matériels. Clairement, l’objectif poursuivi est de, à la fois, instaurer l’effroi chez les opposants et d’empêcher un soutien massif de la population, en les faisant passer pour des délinquants. La conséquence de cette stratégie répressive est que, à chaque manifestation, il y a de nombreux blessés parmi les manifestants ; le comble de l’horreur ayant été atteint, encore une fois, avec le décès de Rémi Fraysse, victime d’un tir de grenade par un gendarme. Lors de ces manifestations, la police multiplie les interpellations et la justice, qui par ailleurs s’obstine à considérer la mort de Rémi Fraysse comme un simple accident, montre alors sa vraie nature en condamnant lourdement les interpellés : prison ferme pour des jets de canettes, des bris de vitrines ou de mobilier urbain. Les media font preuve, quant à eux, d’une belle complicité ; ils dénoncent les casseurs en attirant l’attention du public sur le coût pour la collectivité de leurs agissements.

    Pour les manifestations initiées par la FNSEA ou la Coordination Rurale, l’attitude des forces de l’ordre est, totalement différente. Dans la région toulousaine, nous avons vu des compagnies de gardes mobiles assister passivement au déchargement de bennes de purin et de fumier sur des lieux publics par quelques paysans surexcités et ne pas réagir quand ces mêmes paysans incendiaient des stocks de vieux pneus sur des voies de circulation, couvraient de merde les murs d’une préfecture, dégradaient du mobilier urbain, bloquaient des rocades, des carrefours, des voies ferrées, avec d’énormes tracteurs valant des dizaines de milliers d’euros, perturbant ainsi gravement l’activité économique de toute une région.

    Ainsi, ces représentants de l’État, prompts à sanctionner une petite vieille ayant laissé pisser son chien sur un trottoir, une voiture mal stationnée ou un jeune excité, font preuve d’un laxisme et d’une bienveillance remarquables à l’égard de gens qui causent au total des centaines de milliers voire des millions d’euros de dégâts. Le plus extraordinaire est que ces actions se répètent d’année en année, et que, de plus en plus, elles s’amplifient et durent de plus en plus longtemps (déjà 2 semaines en ce début 2018 en région toulousaine). Ici, l’État d’habitude si soucieux de se faire respecter laisse bafouer son autorité et son prestige. Étrangement, toutes ces actions délictueuses ne sont suivies d’aucune interpellation ni mise en accusation par la justice. La même presse, qui habituellement dénonce les grèves de fonctionnaires comme une prise en otage des français, fait mine de ne rien voir ou minimise les faits. Quant aux hommes politiques, sans doute soucieux de ne pas heurter l’électorat rural, ils apportent, de façon unanime, leur soutien aux revendications des agriculteurs casseurs.

    Cette différence de traitement de la part de L’État (pas d’illusions, les forces de l’ordre agissent selon les consignes reçues) méritent une explication. Les statistiques nous disent qu’il y a en France 452 000 exploitants agricoles dont le revenu moyen est de 25 200 €/an. Mais derrière ces chiffres se cachent des réalités très différentes : entre les producteurs de céréales exploitant de vastes domaines, les propriétaires viticoles de grands crus, les propriétaires de grands vergers… et le petit paysan vivant difficilement de ce que produit sa petite exploitation en montagne, il y a un abîme, le même qui sépare un grand patron de son salarié. Mais alors que patrons et salariés sont dans des syndicats différents, dont les objectifs sont en principe opposés, une majorité d’agriculteurs adhère à la FNSEA. Y cohabitent ainsi d’authentiques capitalistes, à la fois propriétaires de vastes domaines, administrateurs de coopératives agricoles ou d’entreprises diverses (crédit agricole, mutuelles, etc) et des petits propriétaires obligés de travailler comme des abrutis pour percevoir un revenu parfois inférieur au RSA ; le seul lien qui les réunit est l’amour infini de la propriété qui les amène à sacraliser la propriété de leur outil de production. Même pauvres, les adhérents de la FNSEA se considèrent avant tout comme des propriétaires et pensent que leurs intérêts sont opposés à ceux des non-propriétaires (les classes exploitées) et leur lutte, à l’évidence, n’est en aucune manière une remise en cause de l’ordre capitaliste existant.

    C’est bien parce qu’ils sont animés par ces sentiments que l’État fait preuve de tant de bienveillance à leur égard ; État qui est d’abord le garant de la propriété privée, de l’ordre établi et le protecteur des classes dirigeantes. Ainsi les adhérents du MEDEF ou de la FNSEA partagent le même penchant pour la richesse, souffrent de la même aliénation et donc des même névroses. Les gros tracteurs (pour l’achat desquels ils s’endettent lourdement) sont à la volonté de puissance des agriculteurs ce que les voitures de luxe sont à la richesse des patrons. A chaque manifestation, ils n’hésitent pas à s’exhiber sur leurs engins, tels des chevaliers sur leurs montures. C’est ce spectacle qu’un certain public urbain apprécie car, dans ce simulacre de défi lancé à l’État et aux forces de l’ordre, ils se présentent comme des révoltés et nombre de personnes sont dupes et les plaignent. En réalité, ce qui motive leurs actions est la recherche du profit, leur amour de l’argent les empêchant d’apprécier toute autre valeur. Les lobbys industriels, malgré qu’ils empoisonnent la planète au mépris de la vie des personnes (amiante, diesel, perturbateurs endocriniens, etc), se battent pour augmenter leurs bénéfices. De la même manière, les lobbys agricoles continuent de se battre pour pouvoir continuer à utiliser des méthodes et des produits aussi nocifs pour les gens que destructeurs pour les équilibres naturels (glyphosate, insecticides, élimination des grands prédateurs, etc). Imprégnés du culte de la propriété, les adhérents de la FNSEA ne se rendent même pas compte qu’ils sont les premières victimes des méthodes de l’agriculture industrielle ; c’est, en effet, parmi les exploitants agricoles qu’il y a une des plus fortes hausses de cancers et de maladies professionnelles. Si cet aveuglement les amène à se tromper d’ennemis, c’est parce que les cadres syndicaux de la FNSEA exercent un parfait contrôle sur leurs troupes. D’un côté, ils les laissent saccager des biens publics, de l’autre ils s’évertuent à les faire épargner les biens privés appartenant aux « exploiteurs » dont il est légitime de se demander si certains d’entre eux n’auraient pas des intérêts communs avec la FNSEA.

    Ainsi, nous avons vu, lors des précédentes manifestations de la FNSEA, des agriculteurs dévaster consciencieusement l’espace public, bloquer des axes de circulation et perturber gravement, pendant plusieurs jours, le quotidien de salariés qui ne sont en rien la cause de leurs problèmes. En revanche, dans les centres commerciaux situés juste à coté, la vie continuait paisiblement, comme si de rien n’était. Les agriculteurs, très respectueux de la propriété privée, n’ont rien entrepris contre ces magasins. Pourtant, ce sont bien ces mêmes enseignes qui, poussées par le jeu de la concurrence, rivalisent de ruses pour acheter toujours moins cher les produits des producteurs et les presser encore plus. D’ailleurs, Leclerc vient de délocaliser sa centrale d’achats en Belgique afin de contourner les récentes lois visant à limiter la pression que la grande distribution exerce sur les petits producteurs car la législation belge est, sur ces points, bien moins contraignante.

    @Anarchosyndicalisme ! n°158 / Mars - Avril 2018
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  • Morale d’une crise endémique

    Si le #capitalisme est tant glorifié par le discours dominant, c’est parce qu’il serait, selon les bourgeois, ce qui se serait fait de mieux jusqu’à présent. Certes, depuis plusieurs décennies, une croissance est au rendez-vous. C’est celle des inégalités sociales qui augmentent dans un monde livré à la cupidité des élites. Notre pouvoir d’achat baisse, nos impôts grimpent et les États endettés se sont mis à la merci des agences de notation qui disposent d’un véritable pouvoir de vie et de mort sur eux, sans que cela ne nous soit profitable en quoi que ce soit. Malgré la crise des années 2007-2008, la finance a continué de grossir et de prospérer en distribuant des bonus et des gratifications toujours plus obscènes à ceux qui la servent. Alors qu’ils en avaient l’occasion, les États ont fait en sorte de ne rien changer et ont tenté de nous vendre des chimères ; promesses de régulation-moralisation… promesses creuses et mensongères. C’est en faisant l’éloge de leur morale que les dirigeants ont fait passer cette pilule amère.

    Lors de cette crise, les dirigeants politiques de tous les pays capitalistes avaient fait mine de s’élever contre les excès du capitalisme, se joignant, à demie voix, à ceux qui réclamaient le scalp des banquiers et, ce, afin d’apaiser la colère des populations. Ce krach a, d’ailleurs, plongé le monde dans un marasme tel que nous sommes, encore maintenant, en train d’en subir les conséquences. Pourtant, les tenants du néo-libéralisme qui, jusqu’alors, prônaient le retrait de l’État ont, unanimement, imploré ce dernier de sauver la finance et l’économie en déroute. Une fois l’orage passé, ils ont abandonné cette position en faisant le chemin inverse, sans peur des contradictions. Hier, il était vulgaire de critiquer la dérégulation, laquelle s’est imposée depuis plusieurs décennies sous le vocable de « mondialisation ». Aujourd’hui, il serait, à les entendre, indécent de douter que ceux qui en étaient les auteurs ont su remettre en ordre le chaos qu’ils ont créé. Cela signifie qu’ils feignent de ne pas comprendre quelles sont les causes réelles de cette crise historique.

    Après la II° guerre mondiale, la menace d’un affrontement entre l’est et l’ouest occupait les esprits et le rapport de forces semblait favorable à la classe ouvrière. Cela imposait aux accapareurs de composer avec l’ambiance générale afin d’avoir le temps de porter un coup d’arrêt au développement des idées socialistes. A cette fin, ils acceptèrent de limiter leurs appétits de profit et ils acceptèrent de financer le développement d’un volet social (sécurité sociale, etc). Le système bancaire et le crédit étaient, alors, au service des politiques économiques et sociales des États. Cette situation paradoxale fut d’une durée suffisamment longue pour qu’elle put apparaître comme définitive. D’autant plus que la reconstruction d’après-guerre contribuait à faciliter les choses et à brouiller les cartes. La collusion entre État et capital fut telle que ce dernier fut amené à ne plus fixer à l’économie des finalités et des limites. Cela se traduit, dans les faits, par une volonté de laisser la finance redevenir le maître de l’économie. Celle-ci n’étant plus bridée, elle n’est plus, à l’évidence, l’instrument d’une logique de renforcement de l’État (qui se recentre d’autant plus dans ses fonctions coercitives – et pour cause), et surtout elle cesse de devoir se justifier d’une quelconque utilité. L’économie, alors subordonnée à la seule idée de profit, ne fonctionne plus qu’en se conformant à l’idéologie marchande. Si les États ont été sommés de mettre leurs moyens au service de la libéralisation des échanges, il faut clairement reconnaître qu’ils ne se sont pas trop faits priés pour le faire.

    A l’origine, il s’agissait de mettre en application la théorie libérale d’Adam Smith. Prenons un exemple succin pour en illustrer l’esprit et la morale : « Ce n’est pas de la bienveillance du boulanger que nous attendons notre pain, mais bien du soin qu’il apporte à ses intérêts. Nous ne nous adressons pas à son humanité, mais à son égoïsme ». Ce sophisme suppose que l’économie trouve en elle-même sa justification morale. En bref, la moralité collective naîtrait de l’immoralité individuelle. Cela justifierait que les marchés n’aient d’autre règle à respecter que la leur – l’appât du gain – rendant ainsi inutile le fait d’être gouvernés et contrôlés. La réalité a démenti le postulat du marché vertueux dont la main invisible réglerait tout. Ce ne sont pas quelques faillites (rançon du système) et des condamnations sacrifiant quelques individus avides et cupides qui peuvent effacer le réel. Celui-ci ayant mis en défaut les émules d’Adam Smith, ces derniers ont tenté, par ce biais, de faire passer les marchés pour les victimes de quelques banquiers et traders indélicats afin d’entretenir le mythe de l’infaillible marché. Même ses partisans les plus farouches auraient dû avouer que le marché livré à lui même a produit le contraire de ce qu’ils proclamaient et qu’il n’est en rien vertueux. En définitive, le dogme de l’infaillibilité du marché a servi à mettre en place des mécanismes structurels et permanents qui contredisent toutes les promesses sur lesquelles il repose. Une récupération de ce pouvoir par les États n’y changerait absolument rien car ce serait leur transmettre le mandat pour poursuivre dans la même voie, car ils ne sont que des instruments au service du capitalisme.

    Depuis lors, c’est une véritable industrie financière qui s’est installée au pouvoir ; les États se réduisant sciemment au rôle complice d’exécutants. S’ils n’interviennent pas, c’est parce que l’interventionnisme a perdu toute légitimité et c’est, principalement, sur les marchés que tous les projets économiques doivent se financer. Comme tout investissement repose sur une contrepartie, c’est sur la spéculation et les critères propres à la finance – telle la rentabilité – que reposent les choix. Ce sont, donc, les intérêts du marché qui prévalent ; et c’est lui seul qui décide de ses intérêts et des moyens nécessaires à leur satisfaction, avec la complicité des États.

    Comme le voulait la doxa libérale, les États laissent les marchés gouverner à leur place. Pour ce faire, toute l’invraisemblable machinerie de la mondialisation économique et financière libère les forces scélérates qui sont d’autant moins contrôlées qu’elles en font l’inavouable prospérité. Le système financier mondial auquel les États ont délégué leur pouvoir de régulation a inventé un « nouveau » concept de gouvernement à l’échelle planétaire : l’anomie. L’anomie est, à la fois, matrice et motrice d’une dynamique de destruction et elle est devenue la condition essentielle de son propre développement.

    L’anomie ; cela ne vous rappelle-t-il rien ? En effet, il est souvent parlé de l’anarchisme (on utilise plus souvent le terme anarchie) comme d’un courant dangereux pour la société car laissant libre cours au instincts les plus bas ; un enfer où les prédateurs s’attaqueraient impunément aux honnêtes gens. Cette caricature doit être démentie. C’est l’anarchisme qui, à tort, est accusé de cette anomie qui est l’apanage « exclusif » du capitalisme dans sa plus pure expression. En revanche, l’anarchisme (dans lequel s’inscrit l’anarchosyndicalisme) plébiscite la liberté totale de l’individu et revendique sa participation directe aux prises de décision qui impactent sur son existence et son bien-être ; c’est un de ses fondements. L’anarchisme est la plus haute expression de l’ordre. Si l’individu est libre, la propriété privée est abolie et l’administration des choses et des biens y est strictement encadrée par la collectivité concernée, au profit de tous. Les rapports politico-sociaux sont basés sur la solidarité et l’entraide, sans idée de profit ou de marché, sans qu’ils soient brouillés par des mythes salvateurs et transcendants. L’universalité des besoins y est reconnue et leur satisfaction est la priorité. Il n’y a que dans ces conditions que l’individu pourra s’émanciper et échapper aux comportements névrotiques – qui se retrouvent d’abord dans les sphères du pouvoir – qui se consolident dans un cercle vicieux.

    Depuis qu’il existe, le capitalisme a largement démontré son pouvoir de nuisance, mais cela n’a jamais suffi pour qu’il s’effondre. Seules des forces sociales révolutionnaires sont à même de proposer une véritable « alternative » au capitalisme. Sans ça, les crises succéderont aux crises ; et, la prochaine est déjà annoncée comme plus terrible que la précédente.

    @Anarchosyndicalisme ! n°158 / Mars - Avril 2018
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  • #Économie et #écologie

    Depuis quelques années, le monde prend lentement conscience des dégâts causés par le mode de développement productiviste lié à l’économie capitaliste. Réchauffement climatique, destruction de la biosphère, effondrement de la bio-diversité, épuisement des ressources naturelles, raréfaction des espaces naturels, artificialisation des sols, empoisonnement par des résidus chimiques de l’eau, de l’air et des sols… la liste des menaces qui planent sur l’humanité en ce début de XXI° siècle est très longue et laisse présager un futur très sombre pour les générations à venir.

    Pour autant, malgré que tous ces faits soient scientifiquement établis, malgré que des voix incontestables ne cessent à longueur de tribunes de nous alerter, malgré même que de grandes messes réunissant États, institutions internationales et ONG se multiplient, presque rien ne change. Ainsi on sait que les objectifs pourtant minimes adoptés lors de la COP21 pour limiter l’amplitude du réchauffement climatique ne seront pas tenus, que la production d’hydrocarbures comme celle des biens manufacturés augmente, que les ventes d’armes battent des records, que la destruction des forêts vierges continue, que l’extinction d’espèces d’êtres vivants se poursuit au même rythme infernal, que l’artificialisation des sols progresse et que les surfaces de terres arables diminuent, etc. L’adoption de lois, de règlements, de décrets par la communauté internationale ne change, dans les faits, rien à la triste réalité, l’appât du gain immédiat, la volonté de puissance, les désirs de richesse et de domination sont beaucoup plus forts que la crainte suscitée par d’hypothétiques catastrophes à venir. La grande majorité des politiciens, des financiers, des entrepreneurs est fascinée par l’argent et lui voue un véritable culte. Comme Midas, le légendaire Roi grec qui aveuglé par sa passion pour l’or en vint à se suicider, les dirigeants de la planète compromettent pour la même raison notre futur commun. La seule différence avec le Roi Midas est que lui n’était pas conscient des conséquences de ses actes alors que les dirigeants actuels ne pourront pas dire qu’ils ne savaient pas.

    Leur unique souci est que rien ne vienne mettre en péril le régime capitaliste actuel. Au contraire, leur préoccupation principale est de favoriser la croissance économique en créant de nouveaux besoins et de nouveaux marchés. Il n’y a rien d’humain dans leur credo purement marchand. Énergies renouvelables, voitures électriques, habitats écologiques, agriculture bio, etc. Ce sont autant de nouveaux terrains de jeu pour les multinationales sur lesquels elles vont étancher leur soif inextinguible de croissance et de profits. Tant pis si les nouvelles technologies mises en œuvre se révèlent à leur tour mortifères, si toute cette expansion se fait comme les précédentes au détriment des hommes et de la nature. Au XIX° siècle, la révolution industrielle s’est faite sur l’exploitation insensée du travail des hommes, des femmes et des enfants dans les mines et les manufactures de la vieille Europe, la révolution écologique du XXI° siècle se fait sur l’exploitation du travail des hommes, des femmes et des enfants dans les mines et les usines d’Afrique, d’Asie, d’Amérique du Sud. Les siècles passent, les besoins évoluent. Sans cesse, de nouveaux marchés et de nouveaux biens apparaissent. Seules ne changent pas les formes d’exploitation de l’homme et de la nature par les capitalistes modernes qui retrouvent les accents de leur prédécesseurs pour justifier l’innommable. Récemment, le responsable d’une multinationale exploitant des mines au Congo affirmait à un journaliste américain : « il serait irresponsable d’arrêter le travail des enfants car cela aggraverait la pauvreté dans les régions minières et rendrait encore pire la condition des mineurs locaux ». Pour produire les batteries électriques, les panneaux photovoltaïques, les smartphones, etc, il faut de plus en plus de minerais précieux (cobalt, lithium, etc) de terres rares aux prix les plus bas possibles pour satisfaire tout à la fois la soif de profit des capitalistes et l’appétit de biens des foules « modernisées ». Pour maintenir dans un état d’asservissement volontaire les populations exploitées, les classes sociales dominées, pour que leur état de résignation amorphe persiste et qu’elles acceptent sans trop rechigner leur état de servitude, il faut impérativement que le système puisse continuer à leur fournir leur dose de gadgets innovants, de produits à la mode, de jeux, de spectacles, d’émissions télés. Exploitation outrancière de l’homme et exploitation outrancière de la nature sont les deux fondements du système capitaliste, les deux choses sont étroitement liées et de la même manière que ce système vampirise et détruit la nature, il épuise et détruit les fondements de notre humanité.

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  • La bourse ou la vie

    Évoquer l’#écologie, aujourd’hui, c’est comme quand, jadis, il était question du suffrage universel. Tous les bourgeois et tous les partisans de l’ordre vous diront que vous voulez leur ruine, le triomphe de l’obscurantisme et de l’anarchie. Mais, par la force des choses, quand la pression populaire devient irrésistible, il nous est accordé ce que l’on nous refusait, hier ; mais, fondamentalement, rien ne change (La COP 23 en est un bel exemple).

    La prise en compte des exigences écologiques a déjà ses partisans capitalistes même si beaucoup d’adversaires subsistent au sein du patronat. Et pour cause, si certains voient dans l’écologie une belle occasion de faire de fructueuses affaires, d’autres s’inquiètent de l’incompatibilité de leur business avec un changement dans ce sens-là. L’impasse écologique est une certitude depuis les années 70’. Le capitalisme s’ingénie à intégrer cette contrainte de la même façon qu’il a intégré toutes les autres. C’est pourquoi il est important de se poser la question : Que voulons-nous ?

    Voulons-nous un capitalisme qui s’accommode des contraintes écologiques ou bien une révolution sociale et culturelle qui abolisse les contraintes du capitalisme et qui instaure un nouveau rapport des hommes à la collectivité, à l’environnement et à la nature ?

    Il faut répondre à la question car l’urgence, aujourd’hui, c’est de ne plus saloper la planète au point qu’elle en devienne inhabitable. Il nous faut tenter de définir, dès le départ, pour quoi nous luttons et pas seulement contre quoi. Il nous faut, aussi, essayer de prévoir comment le capitalisme sera affecté et changé par les contraintes écologiques. Expliquons, d’abord, en termes économiques, ce qu’est une contrainte écologique. Prenons par exemple les gigantesques complexes chimiques de la vallée du Rhin. Chaque complexe combine les facteurs suivants :

    – les ressources naturelles (air, eau, minéraux) jusqu’ici gratuites car elles n’avaient pas à être reproduites.
    – des moyens de production (machines et bâtiments) qui sont le capital immobilisé et qui s’use. Il faut, donc, en assurer le remplacement (la reproduction).
    – de la force de travail humaine qui, elle aussi, demande à être reproduite (il faut nourrir, soigner, loger, former le travailleur).

    Dans l’économie capitaliste, la combinaison de ces facteurs au sein du processus de production a pour but principal le maximum de profit possible. La firme, par exemple, ne se demande jamais comment faire pour que le travail soit le moins pénible possible ou pour que l’usine ménage, au mieux, les équilibres naturels et l’espace de vie des gens, ou encore pour que ses produits servent les fins que se donnent les communautés humaines.

    Dans la vallée du Rhin, la concentration humaine, les pollutions de l’air et de l’eau ont atteint un degré tel que l’industrie chimique, pour continuer de croître ou même seulement de fonctionner, se voit obligée de filtrer ses fumées et ses effluents. L’investissement dans la dépollution accroît plus encore la masse des capitaux immobilisés, dont il faut assurer l’amortissement (installations d’épuration) et le produit (la propreté relative de l’air et de l’eau) qui ne peut être vendu. En somme, il y a une augmentation simultanée du poids du capital investi, du coût de la reproduction de celui-ci et des coûts de production sans augmentation des ventes. Par conséquent, ou bien le taux de profit baisse ou bien le prix du produit augmente. La firme cherchera, bien évidemment, à relever le prix de vente, comme le font déjà toutes les autres firmes polluantes (cimenteries, métallurgie, sidérurgie, etc). En définitive, tous chercheront à faire payer le consommateur, car c’est sur son dos qu’ils vivent. La prise en compte des exigences écologiques aura pour conséquence l’augmentation rapide des prix alors que les salaires réels stagnent déjà. Le pouvoir d’achat populaire sera comprimé et le coût de la dépollution sera prélevé sur les ressources dont disposent les gens pour vivre (pour consommer, en langage capitaliste).

    Il faut bien comprendre que l’économie a pour tâche de tout mettre en œuvre, aussi efficacement que possible, afin d’optimiser les facteurs de production pour créer le maximum de richesses avec le minimum de ressources naturelles, de capital et de travail. Prenons, par exemple, la réduction de la force de travail humain dans le milieu ouvrier. La proportion de la population active occupée dans l’industrie est tombée d’environ 40 % en 1970 à environ 30 % en 1990, puis à moins de 20 % en 2000 ; chiffres éloquents.

    Le président Macron, ce grand récupérateur, a décidé de se poser en défenseur du climat et a organisé le 12 décembre 2017 un « sommet climat » qu’il prétend être celui du « sommet de l’action » pour montrer que la dynamique se poursuit, malgré le retrait des États-Unis, autour des questions de finances et de climat. Nous assistons à l’alliance entre les écologistes tiers-mondistes et la grande finance, le tout orchestré par l’Union Européenne sous le regard amusé du géant américain qui a désormais pris congé de toute cette mascarade.

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  • Gros bonnets et bonnets rouges !

    La presse et autres « pro » de la « com » nous présentent toujours le salon de l’agriculture (et pas des #agriculteurs) comme un nec plus ultra ; un événement à ne pas manquer. Qu’à cela ne tienne, Président et présidentiables, ministres, élus et autres notables s’y précipitent ; être filmés, vus, applaudis, remarqués… et être sifflés ou hués, bien loin de les desservir, leur donne une aura de combativité. Tout cela aide la puissante #FNSEA à faire sa petite cuisine.

    Au-delà du salon et de la cuisine, que nous donne-t-on d’autre à voir ? Chambres (agricoles), bureaux ?… ou même étables, bergeries, vergers,… ? Eh, bien, non ! Ce sont leurs poubelles que les exploitants agricoles, bridés par les antennes de la puissante fédération, ont décidé de faire valoir : Bennes de fumiers, de purin, de végétaux invendus ou invendables, etc sont réservés à la population. Et, c’est sans doute motivés par un souci aigu de l’environnement (ou par désespoir ?) qu’ils brûlent des quantités de pneus qui dégagent des fumées extrêmement toxiques et polluantes pour protester contre ce qui leur semble injuste (et nous ne contestons pas le caractère injuste de ce que nombre d’entre eux vivent). Les journaux apprécient et en font leurs choux gras, en accord parfait avec l’ambition capitaliste de l’État et des gros propriétaires. Aucune critique ; ni sur les moyens ou la façon de les employer, ni sur le fond du problème.

    Il est vrai que la grande précarité de beaucoup d’agriculteurs les obligent à considérer leur situation à court terme et ne leur laisse pas trop le choix. Pourtant la baisse drastique du nombre d’agriculteurs, une hécatombe (nombre divisé par quatre en soixante ans environ), devrait les faire réfléchir ; sur leurs méthodes, certes, mais aussi sur leurs cibles et sur la puissante fédération nationale (divisée en FDSEA ou FRSEA) qui régit leur présent et détermine leur futur ; ainsi que sur l’efficacité réelle de leurs spectaculaires actions puisque la baisse ne s’arrête pas. Avec une moyenne de vint-cinq mille paysans par an mettant la clef sous la porte, l’hémorragie est devenue chronique.

    Dans le sud de la France, le délégué d’une FDSEA justifiait le recours à des méthodes musclées en déclarant que la solidarité de la population était essentielle et que leurs actions seraient d’autant plus efficaces que la solidarité serait effective. Grand étonnement de notre part. En effet, nous comprenons parfaitement que l’on nous parle de solidarité mais nous demandons quand même : Où étaient-ils ces exploitants agricoles (pas les gros bonnets, ceux qui triment) lorsqu’il fallait se mobiliser et agir contre la loi « El Khomri » du nom de la ministre qui a donné son nom à cette loi résolument anti-sociale ? Leur absence de solidarité en dit long. Les agriculteurs pauvres en colère semblent, dans une forte proportion, ne pas se rendre compte qu’ils sont instrumentalisés par la « fédé » et que s’il leur est permis de casser, vandaliser et perturber la vie de gens qui ne sont en rien coupables de ce qui leur arrive (lesquels sont souvent dans des situations similaires à la leur), c’est parce que, outre que leurs actions leur donnent l’illusion d’une radicalité et l’impression de faire le maximum, ils servent les intérêts de ceux-là mêmes qui les exploitent. Tant qu’ils n’ouvriront pas les yeux, ils seront, pour beaucoup d’entre eux, irrémédiablement condamnés à disparaître, à plus ou moins brève échéance.

    La solidarité est l’une des armes des exploités ; et, il est indispensable que les agriculteurs concernés – comme d’ailleurs les autres exploités – prennent du recul avec ceux qui s’octroient le droit de les représenter. Les agriculteurs ne pourront changer durablement leur situation, et dans un sens qui soit favorable à tous (à eux et à tous les exploités), qu’à l’unique condition d’acquérir une conscience de classe. Sans cela, sans avoir conscience de la lutte des classes qui se déroule, ils resteront isolés et à la merci d’un système qui rabote par le bas et se développe à leurs dépens. Il nous semble, donc, que les agriculteurs pourraient aller déverser leurs poubelles ailleurs et faire le ménage chez les profiteurs qui les incitent à, uniquement, penser et agir de façon corporatiste.

    #Edito d’@Anarchosyndicalisme ! n°158 / Mars - Avril 2018
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  • Le manifeste de Sarajevo.

    Contre l’apartheid linguistique.

    Au printemps 2017, à Sarajevo, des croates, des bosniaques, des serbes ainsi que des monténégrins ont lancé un manifeste dans lequel ils affirment conjointement qu’ils parlent "une langue commune". Les quelques huit mille signataires de ce manifeste posent un constat. De Sarajevo à Podgorica, en passant par Belgrade et Zagreb, quinze millions de personnes utilisent le même idiome : une langue qui fut normée aux XIX° et XX° siècle, connue du temps de la Yougoslavie comme le serbo-croate (ou croato-serbe) et écrite tantôt en alphabet latin (croatie et bosnie), tantôt en cyrillique (serbie et monténégro).

    Cette langue est désormais officiellement sans nom. Cependant, dans le monde de l’éducation, de la recherche et au sein des administrations, elle est parfois appelée "BCS" (bosno-croato-serbe), comme au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie à La Haye, ou bien "BCMS" (M pour "monténégrin") ou encore "BHS". Quand ils vivent à l’étranger, les ressortissants des pays où elle est parlée "disent le plus souvent « Notre langue » (ndlr : Nas jezik)". C’est ce que déclare la romancière croate Slavenka Drakulic. Il s’agit d’une langue standard polycentrique, parlée par plusieurs populations d’États différents.

    A contrario, cela pointe le levier linguistique dans l’émergence des nationalismes qui furent à l’origine de la tragédie de l’ex-Yougoslavie. Par conséquent, le manifeste de Sarajevo dénonce l’action des identitaires linguistiques. En effet, encore de nos jours - dans les écoles de ces ex-Républiques yougoslaves - les enfants sont séparés en fonction de leur supposée origine sous prétexte qu’ils ne parleraient pas la même langue. Comme cela arrive souvent, dès que quelqu’un ose critiquer les constructions pseudos-culturelles, mais réellement nationalistes et identitaires ; cette position leur vaut d’être menacés et accusés d’être des parasites ou des traîtres à leurs nations respectives - nations qui sont nées de l’éclatement sanglant de l’ex-Yougoslavie dans les années 90’. Durant cette période, 150 000 yougoslaves sont morts pour que, selon l’expression conne et sacrée, « des langues puissent vivre ». Nous pouvons voir maintenant à quoi et à qui cela a servi.

    Autre constat : depuis l’éclatement de la Yougoslavie, les élites nationalistes n’ont eu de cesse de creuser le fossé linguistique qui est à la source de leurs fonctions et privilèges. Au premier rang de la corporation des distingués linguistes qui, passés les massacres, se sont bâtis de belles carrières, nous ne nous étonnerons pas de trouver la présidente croate Kolinda Grabar Kitarovic. "Cette prétendue langue commune était un projet politiquement mort avec l’ex-Yougoslavie" a-t-elle déclaré. Bien sûr, une réunification lui coûterait son poste. Dans un style plus direct, plus post-stalinien, l’écrivain Davor Velnic a qualifié les anti–nationalistes de "Yougo-intellectuels", d’"apatrides", de "parasites" qui n’ont "jamais accepté le fait qu’il y ait un État croate souverain et internationalement reconnu". Voilà qui fleure bon le poteau d’exécution.

    La linguiste croate Snjezana Kordic a donc essuyé, avec ses co-signataires du manifeste, une violente campagne de presse dans son pays. Son tort ? Dans son dernier ouvrage, « La langue et le nationalisme", publié aux éditions Durieux en 2010, elle a énoncé quelques évidences historiques sur l’utilisation de la langue à des fins nationalistes. Son livre affirme, en effet, que les langues croate, serbe, bosniaque et monténégrine ne sont que les différentes variantes d’une seule et même langue. C’est en Croatie que la pureté de la langue a atteint son paroxysme. Elle y est devenue, depuis vingt ans, une grande priorité ; ce qui est un signe flagrant de la domination du nationalisme. Cela est d’autant plus vrai que les différences imposées par les linguistes croates sont artificielles et que leurs travaux sur la langue sont subventionnés par l’État croate.

    Le fait est que, en Croatie, depuis l’indépendance, l’aéroport n’est plus un « aerodrom » mais un « zracna luka », tandis qu’un porte-parole est un « glasnogovornik » et non plus un « portparol ». La tentative de transformer la "televizija" (télévision) en "dalekovidnica" ("vision lointaine") a, en revanche, fait long feu. Dans ce pays, les films serbes ont un temps été sous-titrés ... jusqu’à ce que les continuelles crises de rire des téléspectateurs ne viennent mettre un point final à cette étrange pratique burlesque.

    D’autres exemples d’artifices linguistiques nous sont également offerts ; mais en Bosnie, cette fois. En effet, les autorités bosniaques, soucieuses de la santé de leurs administrés, ont décidé de diffuser en serbe, en croate et en bosniaque - que « fumer tue ». Cette séparation linguistique, beaucoup la jugent artificielle et dictée par une volonté d’attiser les nationalismes. En réponse à ces contorsions, les bosniaques ont également réagi avec humour. En 2014, lors de manifestations en Bosnie, un slogan était apparu dans les cortèges : « Gladni smo na sva tri jezika ! » ("Nous avons faim en trois langues !"). Quant aux dirigeants du Monténégro, indépendant de la Serbie depuis 2006, ils ont vite fait ajouter deux lettres dans leur alphabet .…

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  • La grande régression d’#octobre_1917

    https://www.facebook.com/notes/cnt-ait-toulouse/la-grande-r%C3%A9gression-doctobre-1917/921520861334082

    60 ans après l’abolition du servage en Russie, les Bolcheviks ont rétabli l’esclavage en condamnant des millions de détenus aux travaux forcés et à la mort lente. Le marxisme-léninisme a la prétention d’être une théorie émancipatrice avec comme finalité d’instaurer une société sans classes où l’exploitation de l’homme par l’homme disparaîtrait à jamais. Hélas, pour réaliser cet idéal, il serait nécessaire, selon les « textes sacrés », de passer par une dictature du prolétariat laquelle se convertirait quasi-instantanément en dictature sur le prolétariat, mais pour une durée assez brève, selon Marx. Dans les faits, elle s’est transformée en une tyrannie absolue pendant plus de 70 ans, en Russie.

    La prise du Palais d’hiver

    La « révolution » de 1917 (prise du Palais d’hiver) a, en fait, accouché d’un État totalitaire dont la spécificité a consisté à mettre en place un système pénitentiaire gigantesque et d’une ampleur inégalée au XX° siècle : la fameuse institution du Goulag (1) qui va maintenir en détention, entre 1930 et 1953, 20 millions de personnes (estimation minimale) plus 6 millions de « déportés » ou « déplacés spéciaux » (2). C’est un des régimes les plus répressifs et sanglants de l’histoire.

    En ces temps de commémoration larmoyante, où le souvenir de la « révolution d’octobre » (soi-disant prolétarienne) fait encore battre des cœurs ingénus (léninistes, trotskistes, maoïstes & co), il est bon de rappeler que cette prise d’armes « blanquiste » fut la confiscation d’un processus révolutionnaire au profit d’une avant-garde soi-disant éclairée dont les agissements contribueront à assombrir et ternir, pour des décennies, l’idée même de révolution.

    Sur les ruines de l’État tsariste, à peine sorti de la féodalité, les Bolcheviks édifient leur magnifique « État ouvrier » dont les réalisations, véritablement pharaoniques, vont reposer en grande partie sur l’esclavage de millions de détenus. Soumis à l’arbitraire, dans des conditions de « travail » épouvantables (Températures allant jusqu’à - 50°C, à la Kolyma), mal vêtus, sous-alimentés, ils sont voués à une mort lente par épuisement et dénutrition. Les Zeks ou ZK (terme désignant les détenus affectés au creusement du canal mer Baltique-mer Blanche, puis les détenus de tous les goulags) sont sans conteste les esclaves dont le régime a besoin pour mener à bien sa politique de grands travaux. C’est une main d’œuvre docile, à très faible coût d’entretien, et qui présente l’avantage d’être aisément renouvelable : il suffit simplement de procéder à de nouvelles vagues d’arrestation pour les remplacer.

    Malgré la publication de nombreux témoignages de rescapés et l’accès désormais possible à une énorme quantité d’archives, l’opinion publique occidentale fait encore coïncider le goulag avec l’accession de Staline au pouvoir. Or, c’est dès l’été 1918 que sont créés les premiers « konsentrasionny lager ». Le décret du 5 septembre 1918 à propos de la Terreur Rouge (publié dans le journal « Izvestia » le 10 septembre 1918), signé de la main de Lénine, stipule que ces camps ont pour fonction de « protéger la république soviétique contre ses ennemis de classe en isolant ceux-ci dans des camps de concentration » .

    Bien que dans cette Russie à peine sortie de la féodalité et peu industrialisée, la bourgeoisie soit numériquement très faible et que l’aristocratie terrienne représente assez peu de monde, la catégorie « ennemis du peuple » (plus tard appelés « éléments anti-soviétiques ») s’accroît de façon vertigineuse jusqu’à englober, au début des années 50’, des dizaines de millions de personnes. Phénomène assez remarquable puisque plus on élimine d’ennemis, plus il en apparaît. Il est donc légitime de s’interroger sur le fait de savoir si ces ennemis ne surgissent pas plutôt du peuple et si, en fin de compte, et vu l’ampleur du phénomène, ce n’est pas la population dans son ensemble qui est l’ennemie du régime.

    Présents dès les débuts de l’instauration du « socialisme », les camps ne sont donc pas une quelconque pathologie, ni une maladie honteuse du système bolchevique, comme voudraient nous le faire croire certaines sectes léninistes ; ils sont un élément constitutif de ce régime. Leur fonction répressive, dissuasive et terrifique se double, en quelques années, d’un rôle économique important, d’autant plus que l’afflux quasi-constant de nouveaux détenus permet à l’administration pénitentiaire de lancer sans cesse de nouveaux projets, toujours plus grandioses et démesurés : mise en valeur de contrées inhospitalières, percements de canaux, construction de routes, villes, voies ferrées, exploitation du pétrole, de ressources minières, etc. A son apogée, en 1950, le Goulag assurera en URSS la totalité de la production de platine et de diamant, 90 % de la production d’or, 35 % des métaux non-ferreux, 35 % du nickel, 12 % du charbon et du bois, etc (3).

    C’est à la police politique, la Tchéka, fondée le 7 décembre 1917, dirigée par F. Dzerjinski jusqu’à sa mort en 1926, qu’est confiée la gestion des premiers camps de concentration. A partir de février 1922, la Tchéka devient GPOU puis OGPOV et enfin NKVD. En ces temps de misère et de rationnement pour la population, les membres de la Tchéka jouissent de privilèges exceptionnels (rations alimentaires supérieures à la moyenne, même à celles des membres de l’Armée rouge, prérogatives quasi-illimitées, etc), privilèges qui attirent toute sorte d’individu à la moralité et aux motivations douteuses. Dzerjinski, dans une lettre à sa sœur, avoue : « je suis entouré de canailles, mais ce sont les seules personnes qui veulent rester » . Comme toutes les gardes prétoriennes de tous les États du monde, la Tchéka se vit accorder une grande liberté d’action pour traquer les « ennemis du peuple », ennemis dont la définition deviendra au fil du temps de plus en plus extensible et en conséquence l’empire pénitentiaire du goulag va, en quelques années, s’étendre sur tout le territoire soviétique, devenant un véritable État dans l’État, doté d’une garde armée, la VOKHR (elle comptera jusqu’à 1 million d’hommes) et de territoires entièrement sous son contrôle. Le plus grand complexe de camps, le Dallstrooï, fondé en 1932 et connu sous le nom de Kolyma, gère 2 millions de détenus. Le Goulag en arrivera à occuper un septième de la surface totale de l’URSS.

    Aux îles Solovki, archipel de la mer Blanche, un camp célèbre pour avoir été le premier fondé par le régime soviétique (entre autres, les marins survivants de Kronstadt y seront détenus), le responsable en chef accueillait les arrivants par ces mots : « Sachez tout d’abord que le pouvoir ici n’est pas soviétique, mais soloviétique (fine allusion aux Solovki). Toutes les lois, toutes les règles, vous les oubliez, ici règne une loi à part » (4). C’est, ajoute N. Werth, l’arbitraire absolu érigé en règle. Si les citoyens soviétiques ne disposent, dans les faits, que de très peu de droits face à l’État, les détenus, eux, n’en ont plus aucun. Aux Solovki, l’encadrement des prisonniers est confié à des droits communs, très souvent des anciens tchékistes condamnés par leur hiérarchie pour des exactions et des abus divers. Le système n’hésite pas à appeler ça « l’autogestion des camps ». D’après Jacques Rossi (ex-communiste français et ex-membre du Kommintern condamné en 1937 à 18 ans de camp et à 5 ans de relégation) qui a collecté, au cours de sa détention et de ses nombreux transferts, de multiples témoignages de détenus « le camp des Solovki est célèbre pour la cruauté bestiale de ses chefs, de certains détenus et des employés de l’OGPOV. Les passages à tabac, parfois mortels, y sont chose courante ainsi que l’exposition à la faim et au froid jusqu’à la mort ; courants, aussi, sont les viols individuels ou collectifs des femmes et des jeunes filles détenues, courants également des supplices comme en été la torture par les moustiques (entièrement nu, le détenu est immobilisé et au bout de quelques heures, recouvert de moustiques particulièrement voraces, il n’est plus qu’une plaie purulente) ou en hiver, aspergés d’eau des prisonniers sont laissés à l’extérieur jusqu’à congélation » .

    Le camp des Solovki servira de modèle à des dizaines de camps édifiés par les ZEK à travers tout le pays. Au total, 35 camps de « redressement par le travail » seront construits. Ces unités pénitentiaires sont souvent des complexes énormes regroupant des camps secondaires et pouvant recevoir de 5000 à plusieurs centaines de milliers de prisonniers (ex. la Kolyma).

    La théorie pénitentiaire bolchevique prétend transformer, « refondre », les détenus en les soumettant au travail forcé pour les amener peu à peu à reconsidérer leurs opinions, à prendre conscience de leurs erreurs, pour participer enfin, avec enthousiasme, à l’édification radieuse du socialisme. La réalité du redressement par le travail est bien sûr toute autre : il s’agit de briser les individus et d’obtenir une main d’œuvre docile. La faim et le froid sont les deux tourments auxquels les ZEKs sont systématiquement exposés.

    Suivant les motifs de leur condamnation, les détenus sont astreints à 8 différents types de régime alimentaire dont le plus sévère équivaut à une condamnation à mourir de faim à petit feu. Si jusqu’en 1923, les « politiques » bénéficient d’un traitement relativement décent, dans les années qui suivent, et jusqu’à la fin du goulag, ils deviennent les plus mal lotis, notamment ceux estampillés KRT (contre révolutionnaires trotskistes, qu’ils le soient réellement ou pas). Les politiques sont les plus mal nourris, jamais amnistiés et très souvent voient leur libération « repoussée jusqu’à nouvel ordre » lorsqu’ils arrivent au bout de leur peine.

    La faim est un vrai supplice en soi, mais il se double de l’épuisement dû aux travaux forcés auxquels les détenus sont contraints. Exemple : l’abattage et le sciage d’arbres avec toujours une « norme » précise à atteindre, en général 10 m³ de bois par jour par équipe de 4, avec pour seul outillage, des scies et des haches. Ceux qui n’y arrivent pas voient leurs rations alimentaires, déjà insuffisantes, baisser encore. Les ZEKs doivent aussi subir le froid intense de régions inhospitalières ; et ils sont couramment victimes de gelures graves et d’amputations de doigts et d’orteils. La gangrène due au manque de soins fait des ravages. Nombre de maladies liées à ces conditions de vie inhumaines frappent de façon endémique la population de détenus : scorbut, tuberculose, et parfois typhus font des ravages. La pellagre (dûe au manque de vitamines et à l’exposition permanente au grand froid) qui se traduit par la perte de tout ou partie de la peau est courante, comme la furonculose, les problèmes ophtalmologiques, etc. Il se crée ainsi une catégorie de détenus dénommés les « crevards », profondément amaigris, squelettiques, qui deviennent inaptes au travail ; leur seule chance de survie est « l’hôpital » du goulag où exercent dans des conditions très difficiles des détenus médecins ou des agents de sécurité formés à la va-vite et qui souvent, avec le peu de moyens dont ils disposent, font preuve d’une grande inventivité pour sauver leurs camarades. Ces efforts sont très souvent vains pour les « crevards ».

    Soumis à l’arbitraire des gardiens pendant des journées de 12h (7J / 7J), les ZEKs une fois rentrés dans leurs baraquements, souvent en mauvais état, tombent sous la coupe de la pègre (les « vori v zvakonie » traduction : les voleurs dans la loi), de réseaux organisés de criminels refusant tout travail mais rançonnant, pillant, terrorisant les autre détenus. Après 1945, l’afflux de centaines de milliers de soldats de l’Armée rouge, condamnés au Goulag pour avoir été pris par les allemands (et donc considérés traîtres à la patrie soviétique) inverse le rapport de forces entre la pègre et les détenus.

    Malgré ces terribles conditions de détention, il s’est trouvé des hommes et des femmes pour résister à l’anéantissement programmé, à l’asservissement. Le système pénitentiaire dispose de différents moyens pour briser les tentatives des ZEKs d’organiser des réseaux de résistance : d’une part, l’incitation à la délation est généralisée et, d’autre part, les détenus sont souvent transférés d’un camp à l’autre. Ces transferts sont un vrai cauchemar pour les détenus qui sont sans cesse obligés de reconstruire leurs réseaux d’entraide. En dépit des risques encourus, un certain nombre de ZEKs vont essayer de faire circuler des pétitions, d’organiser des grèves de la faim, individuelles ou collectives, tenter de s’évader ou de se mutiner. A chaque fois, la répression est terrible : en 1946, 5000 détenus révoltés auraient ainsi été exterminés par épandage de gaz ; en 1947, « une insurrection éclate dans la cale du bateau Kim qui transporte les ZEKs à la Kolyma. Ils sont arrosés avec une lance à incendie. A l’arrivée à Mayadan, on décharge des centaines de cadavres congelés et une foule d’invalides aux membres gelés » ; en 1948, des milliers de ZEKs, échappés du camp de Vorkouta, sont massacrés par l’aviation. Il y aura 42 survivants (5).

    Il faudra attendre la mort de Staline pour qu’un mouvement général de grèves et de mutineries éclate au goulag ; il durera de l’été 53 à 1955. L’annonce de la mort du « petit père des peuples » et de l’exécution de Béria (grand chef des organes de sécurité) plonge les autorités soviétiques dans le désarroi. Les ZEKs, bien conscients de ce flottement général dans les institutions étatiques, en profitent pour se soulever en masse : pour la première fois de leur histoire, les autorités soviétiques sont alors contraintes de négocier avec des mutins ! Dans un premier temps, déconcertés, abasourdis par l’audace et la force du mouvement, les Bolchevicks cèdent sur la plupart des revendications puis, dans un deuxième temps, suivant une tactique bien établie et jouant sur le pourrissement de la situation (camps isolés et peu ravitaillés), ils reviennent sur leurs promesses et dans un troisième temps, entament une répression sanglante. Malgré la défaite finale des mutins, le Goulag a été touché au cœur. Il est devenu trop grand pour être totalement sous contrôle et la peur de la répression ne semble plus suffisante pour arrêter des détenus déterminés.

    Avec le dégel correspondant à l’arrivée au pouvoir de Kroutchev, la décroissance du Goulag s’amorce : 600 000 détenus sont libérés. L’accession au pouvoir de Brejnev relance la machine à broyer, mais les arrestations sont moins nombreuses. Le Goulag change de nom et devient « colonies pénitentiaires ».

    Peu à peu, l’URSS s’est modernisée, industrialisée et les armées de ZEKs, dont on exploitait la force de travail avec les mêmes méthodes esclavagistes qui étaient d’usage dans l’antiquité pour réaliser des travaux gigantesques, ne sont plus aussi indispensables.

    L’URSS des années 70’ entre dans l’ère de la modernité et, signe des temps, les contestataires et les politiques, considérés comme des malades mentaux, seront désormais envoyés dans des asiles psychiatriques.

    Quelques colonies pénitentiaires dureront jusqu’à la fin de l’URSS, et il se murmure que l’ex-tchékiste Poutine conserve, aujourd’hui encore, un certain nombre de bagnes.

    (1) En français, direction centrale de l’administration pénitentiaire.

    (2) Les déportés ou déplacés spéciaux appartiennent soit à une communauté ethnique, linguistique par exemple : Tchétchènes, Kalmouks, Lettons etc. dont tous les membres sont déportés en Sibérie ou au Kasaksthan ; soit à une catégorie sociale par exemple les koulaks (paysans riches , propriétaires terriens). Les détenus, eux sont condamnés à titre individuels pour des manquements aux obligations de l’état.

    (3) & (4) in « Le Goulag » de Nicolas Werth et Luba Jurgenson

    (5) in « Le manuel du Goulag » de J. Rossi

    @Anarchosyndicalisme ! n°157 / Janvier 2018 - Février 2018
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  • #Mouvement_Social
    PREMIER BILAN

    Il est toujours délicat de tenter un bilan d’un mouvement toujours en cours, comme l’est celui dit « Contre la loi travail » ou contre la « loi EL KHOMRI » . On remarquera qu’il n’y a même pas une appellation homogène : tout le monde est conscient que Mme EL KHOMRI, bien qu’elle ait sûrement amélioré ses connaissances, dramatiquement nulles, en droit du travail en lisant « les journals » (sic - voir la vidéo mise en ligne le 20 mars par Les Echos) n’est pas à l’origine de ce texte. Elle n’est qu’une mère porteuse, pratiquant la GPA (Gestation Politique pour Autrui). De même, comment qualifier vraiment de « loi travail » une loi qu’il aurait fallu appeler depuis le départ « loi anti-travailleur » ! Malgré ces difficultés, nous tentons un tour d’horizon national et avançons quelques conclusions.

    Une mobilisation d’ampleur inespérée mais disparate

    Premier constat, celui d’une mobilisation d’ampleur inespérée : sous des pluies battantes, malgré le froid, le vent,… il y a eu le 31 mars plus d’un million de manifestants dans les rues.

    On ne peut pas dire, pourtant, que les centrales syndicales aient fait le maximum : certes, elles avaient lancé un appel national plus ou moins commun, mais, d’un peu partout, nous sont remontés de nombreux cas d’entreprises où les délégués syndicaux n’ont pas fait le moindre effort pour mobiliser (pas d’appel de boîte, pas de tract, même pas une affichette sur le panneau syndical…).

    Malgré cela, le bilan chiffré est là : largement plus d’un million de manifestants. C’était souvent à n’en pas croire ses yeux :

    « Vers 11 h, au croisement des tramways, c’est une véritable marée humaine qui s’apprête à démarrer. Un flot de tous âges s’amoncelle en amont de la rue de Strasbourg. Sommes nous 30 000, 40 0000 ou plus ? » (Nantes).

    A Paris, la foule est immense, l’information, symbolique, saute de rang en rang : « La Tour Eiffel est fermée pour cause de grève » . A Marseille, à Toulouse, ce sont des dizaines et des dizaines de milliers de manifestants. L’onde de choc traverse tout le pays, même des villes qui manifestent habituellement peu (Strasbourg : 8 000 manifestants), même de petites communes (Guéret : 1 500 manifestants, du jamais vu). Partout, c’est la même (bonne) surprise, malgré « l’air du temps », c’est l’affluence :

    « 10h15, Bayonne place St Ursule, venu manifester avec des convaincus de l’injustice de cette loi, grand désespoir. Pluie, vent, froid, et personne ou presque… Et puis, le premier véhicule a démarré avec une banderole, et ils sont tous sortis, des parkings, de la gare, des abris,… ».

    Contrairement à pas mal de mouvements antérieurs, ces manifestants sont essentiellement des salariés. Ainsi, sur le million deux cent mille manifestants que comptent, au plan national, les syndicats, l’UNEF revendique « 200 000 jeunes ». La proportion semble exacte : globalement, plus de 80 % de salariés. C’est assez rare pour être souligné, d’autant que

    « D’habitude les salariés du public sont très largement majoritaires, mais ce 31 mars, les salariés du privé ont également répondu présents à l’appel de la rue. » (St-Etienne).

    Mobilisation assez forte dans le privé donc et dans le secteur des entreprises publiques, bien plus faible parmi les fonctionnaires (où, souvent, les centrales syndicales ont fait une sorte de… service minimum).

    Pour autant, les « jeunes » sont très présents. D’abord, dans « la tête » de beaucoup de manifestants ( « Je suis venu défendre l’avenir des jeunes » a-t-on entendu un peu partout) mais aussi dans les actes : des groupes spontanés de travailleurs, malgré les mots d’ordre de dispersion de leur syndicat, se sont interposés entre les forces du désordre et les manifestants les plus jeunes, pour protéger ces derniers (Toulouse). Et puis, les jeunes sont toujours une force dynamique :

    « Le nouveau mouvement lycéen s’est illustré par sa spontanéité, sa détermination et son originalité. » (Montpellier).

    «  9h30 : Près de 70 lycées bloqués en région parisienne selon la presse bourgeoise. C’est nettement plus que les précédentes journées ! » (Paris).

    « La quasi-totalité des lycées sont désormais bloqués à chaque temps fort du mouvement. Du centre ville à la périphérie, c’est toute une génération qui prend goût à l’école buissonnière et à la révolte. » (Nantes).

    Ces manifestations, si elles ont été multitudinaires, si elles ont eu lieu partout en France, ont connu des «  niveaux de protestation » très contrastés d’une ville à l’autre. Le plus souvent, il s’est agi d’une sorte de « force tranquille ». Parfois des accrochages plus ou moins vifs ont eu lieu. Et, dans certains cas, la plus inepte soumission s’est exprimée : ainsi, à Pau, le cortège – gauche, extrême-gauche et libertaires confondus – a défilé sagement derrière une brochette de politicards du coin :

    « Nathalie Chabanne, député de la 2e circonscription, les conseillers régionaux Jean-François Blanco, Natalie Francq et Michel Minvielle, et aussi le conseiller départemental Margot Triep-Capdeville et le maire de Billère Jean-Yves Lalanne. ».

    Bref, les maîtres devant, le bon peuple derrière, comme le firent les « Benêts rouges » de Bretagne il n’y a pas si longtemps.

    La volonté des politicards de mettre sous tutelle le mouvement social, en prenant la tête des cortèges là où on les a laissé faire, n’est pas la seule manœuvre pour couper l’herbe sous le pied à une force qui pourrait aboutir à de trop fortes remises en cause du système. Les syndicats s’y sont mis, ponctuellement au moins, aussi : « ordre » et «  contrordre », c’est bien connu provoquent le « désordre » ou plutôt la démobilisation. Voici un exemple :

    « La journée commence un peu plus tard qu’annoncé initialement. Le rendez-vous à 5h30 au dépôt de train SNCF a été annulé la veille. La CGT avait décidé (contrairement au 9 mars) de ne pas appeler au piquet de grève, et Sud Rail avait finalement annulé son appel. » (Lille).

    La police avant la police ... et après

    A quoi s’ajoute la volonté de contrôler les cortèges, la sale habitude des « services d’ordre ». A Montpellier, c’est le « SPAM, Service de Protection (tu parles d’une protection  !) des Activités Manifestantes » qui tente de quadriller la manif. A Marseille « le cortège jeunesse, sans doute trop remuants à son goût, se fait gazer par le service d’ordre de la CGT » . A Tours, «  En plus des flics, la manif était encadrée par deux services d’ordre, l’un composé d’étudiants, l’autre de syndicalistes. Un tel dispositif semblait bien excessif compte tenu de la manière dont se déroulent les manifestations et actions contre la loi Travail à Tours. » .

    Le constat est général : pas une manifestation sans que des « petits cerveaux » ne se découvrent une vocation de «  gros bras », sans qu’ils constituent une sorte de « police avant la police », qui, d’ailleurs « travaille » main dans la main avec cette dernière.

    Sur un terrain ainsi préparé, les « forces de l’ordre » se sont fait un plaisir « d’intervenir », alors que les incidents créés par des manifestants ont été minimes (et souvent même, simplement une réaction aux violences policières). Certes, à Nantes « Une barricade de plus de deux mètres de haut est montée en quelques minutes par plusieurs dizaines de manifestants » . A Rennes, quelques « dizaines de jeunes ont lancé des pierres et des bouteilles en verre sur les forces de l’ordre » . A Rouen, « … des jeunes, foulard devant le visage, ont jeté des projectiles et allumé des feux de poubelle. » A Montpellier, le « Tramway a été pris d’assaut » . A Toulouse, la police a trouvé – tremblez, bourgeois - des bombes… de peinture.

    Bref, il y a eu quelques raptus de colère. Rien à voir cependant avec la casse systématique et organisée que pratiquent, avec une régularité de métronome, nos aimables «  exploitants agricoles ». Pour ne donner qu’un seul chif-fre – qui est d’ailleurs un chiffre du ministère de l’Intérieur – nos « exploitants agricoles » ont commis « l’exploit », lors de leurs diverses manifestations de début novembre 2014, de provoquer des dégâts pour un total de plus de 70 millions d’euros (1). A 89 euros TTC le container-poubelle de 240 litres (tarif à l’unité) (2), il aurait fallu que les manifestants du 31 mars brûlent exactement 786 516 poubelles pour atteindre le même montant. On en est loin, très loin. Les quelques poubelles brûlées, les quelques vitrines cassées (3) sont dérisoires comparées à la dévastation qui accompagne les manifestations type FNSEA. Et pourtant, quelle différence de traitement. Traitement médiatique d’abord (4) : alors que les manifestations FNSEA s’accompagnent de reportages pleurnichards sur « Ces pauvres propriétaires terriens qui vivent si mal dans nos campagnes » (comme si les smicards vivaient bien dans leur HLM) et que le terme « casseur » n’est jamais (ou presque jamais) employé à leur encontre quand bien même ils brûlent des portiques, pour les jeunes manifestants du 31 mars, pas de pitié : les incidents sont montés en épingle et ils sont qualifiés de «  casseurs » même s’ils n’ont cassé qu’un simple canette de Coca-cola. L’important, pour les médias, ce ne sont pas les faits, c’est tout ce qu’ils peuvent mettre en scène pour faire peur à « la France qui ne manifeste pas  » et de diviser ceux qui manifestent.

    Traitement policier ensuite : alors que les industriels de l’agriculture se permettent toutes les exactions qu’ils veulent au nez et à la barbe des « forces de l’ordre » , sûrs d’une impunité quasi totale, les manifestants du 31 mars ont été réprimés avec sauvagerie dès qu’ils sont sortis des clous de quelques millimètres (et, parfois, même sans qu’ils en sortent). Et après la police, c’est la justice, qui, sans sa traditionnelle lenteur, a commencé à les « aligner ». Le déchaînement de violence policière, injustifié et inapproprié a été tel que quelques journalistes se sont retrouvés aux urgences, avec, point positif à souligner, un effet direct sur leurs commentaires. Ainsi, Le Nouvel Obs’, nous offre-t-il ce titre vengeur  : « Manifestation violente ? Les jeunes victimes d’un traitement discriminatoire » . C’est que, si chez le tout-venant, un grand coup de matraque sur la tête provoque la fermeture réflexe des yeux, la physiologie du journaliste offre cette particularité intéressante que ce même grand coup, à l’inverse, lui rend, ainsi qu’à quelques uns de ses congénères, la vue sur la réalité des violences policières.

    Une lame de fond

    Que retenir de tout cela ? Certainement que nous sommes en face d’une sorte de lame de fond dont on aurait tort de ne pas saisir la puissance. Cette mobilisation massive de travailleurs du privé et du public, montre que ceux qui étaient censés continuer à ne rien comprendre et à garder la tête enfoncée dans le guidon ont compris.

    En effet, les centaines de milliers de travailleurs qui se sont mobilisés l’ont fait parce qu’ils ont compris que les discours distillé par le pouvoir (« Modernité contre archaïsme », « Serrez-vous la ceinture, ça ira tellement mieux après », « Ceux qui travaillent pas, c’est qu’ils ne veulent pas travailler », « Il faut alléger les charges des entreprises »…) sont une escroquerie. Ils ont la compréhension sourde (et, hélas, tardive) d’avoir été menés en bateau, depuis longtemps. Beaucoup de ceux qui ont manifesté, s’ils ont voté, l’ont fait pour… Hollande et sa clique. Ils espéraient ainsi se trouver, ne serait-ce qu’un peu, protégés. Ils se voient livrés, pieds et poings liés. Comment ne se sentiraient-ils pas plus que trahis, profondément blessés, humiliés ?

    Une partie, moindre, des manifestants perçoit aussi le jeu exact des centrales syndicales, bien tardivement aussi. Elles ne sont plus des mouvements homogènes. Le temps ou toute la CGT suivait comme un seul homme est révolu. Mais, quelle que soit la volonté des militants de terrain, leur détermination, leur honnêteté, le dernier mot reste toujours à la direction, laquelle a pour principal souci ses intérêts. De la capacité des directions syndicales à gérer la crise - en maintenant un savant équilibre entre la colère de la base et les intérêts du pouvoir (d’où, de successifs coups d’accélérateur et de frein) - dépend l’avenir de chaque boutique concurrente et, par voie de conséquence, les carrières personnelles de leurs dirigeants. Et c’est ça qui leur importe le plus.

    Il y a donc un fort ressentiment dans la population ouvrière, parmi les salariés en général, mais il y a aussi beaucoup de perplexité et même d’écœurement.

    Ressentiment, perplexité, écœurement, c’est la porte ouverte à tout, au meilleur comme au pire.

    Le meilleur, de notre point de vue, bien évidemment, c’est le constat que, les idées que développe la CNT-AIT rencontrent, dans ce contexte, une écoute et un intérêt inhabituels. Nous en avons fait le constat dans les cortèges où nous avons diffusé nos documents (en particulier, des numéros spéciaux de « Un autre futur » ). Il n’en faudrait pas beaucoup pour qu’une véritable réflexion démarre de façon massive. Il y a en ce moment une sorte de perméabilité aux idées.

    Mais cela, nous ne sommes pas les seuls à l’observer ; les nouveaux aspirants au pouvoir aussi. On les trouve déjà à l’œuvre, en particulier dans le conglomérat « Nuit debout » qui vient se plaquer sur le mouvement social et qui, loin de le renforcer, le parasite. En effet, pour être massif, le mouvement social n’en est pas moins fragile. S’il peut, ce que nous souhaitons, se renforcer, il est aussi susceptible de s’effondrer rapidement en laissant encore plus de désespoir et d’acrimonie (laquelle conduit souvent au lepénisme). C’est pourquoi le grand objectif du moment doit être d’affermir le mouvement sur ses propres bases. Or, au lieu de chercher à mobiliser le plus largement possible en vue d’une grève reconductible contre la loi El Khomri, au lieu de chercher à renforcer la compréhension de la lutte des classes par les travailleurs, ce sont des propositions interclassistes qui tiennent le haut de ces débats de nuit.

    On notera, parce que c’est toujours très significatif, que les médias font une belle publicité à « Nuit debout » .

    Alors qu’ils ont été relativement discrets sur la journée du 31 mars (par exemple, sur France-Info, c’était presque anecdotique, une information comme une autre), et sur d’autres événements très forts – comme la grève des dockers du Havre cette semaine, pratiquement passés sous silence - « Nuit debout » qui mobilise bien moins de gens bénéficie de reportages multiples à la télé et fait la une des journaux (par exemple, la couverture du gratuit national « 20 Minutes »). France Inter lui a même consacré une soirée spéciale, une sorte de micro en libre service. Cette convergence médiatique montre que le pouvoir se satisferait très bien de l’émergence de quelque nouveau parti politique – fût-il «  podémiste  » ou «  syriziste  » - si cela doit permettre de tuer le mouvement social. L’essentiel, pour lui, en ce moment est d’augmenter les bénéfices des détenteurs de capital en faisant passer la loi EL KHOMRI. Et pour cela, ce n’est pas la première fois qu’il est prêt à nous raconter plein d’histoires à dormir debout.

    1.- Voir « @Anarchosyndicalisme ! » n°142. Décembre 2014 – Janvier 2015. http://cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article716

    2.- http://www.magequip.com/conteneur-2-roues-240-l.html

    3.- A 2 500 euros la vitrine - tarif moyen ( https://travaux.mondevis.com/vitrine-de-magasin/guide ), il aurait fallu détruire 28 000 vitrines pour arriver à la même somme.

    4.- Le traitement médiatique d’une question est toujours un très bon indicateur de la position du pouvoir.

    Article d’@anarchosyndicalisme ! n°149 Avril-Mai 2016

  • L’immeuble Messager
    Prochaine victime de la politique de destruction massive des logements sociaux

    Messager, ce sont 250 appartements spacieux. Ce sont des appartements de qualité, conçus par l’architecte Candilis (disciple de Le Corbusier). Lors de la construction, dans les années 70, le quartier avait même reçu les « Lauriers d’or de l’habitat ».

    L’immeuble abrite à la fois des ouvriers retraités, devenus souvent propriétaires de leur appartement au terme d’une vie de travail et des locataires, souvent des jeunes familles. Le quartier s’est appauvri au fil des ans et connaît donc des problèmes liés à la pauvreté. Mais détruire un immeuble de plus ne rendra pas le quartier plus riche et cela coûtera une fortune. La destruction est estimée à 17 millions d’euros (auxquels s’ajouteront probablement d’énormes
    « surcoûts », habituels dès qu’il s’agit de travaux publics). La seule question qui se pose est : n’y aurait-il pas mieux à faire avec cet argent ? La réponse est oui, franchement oui, et nous allons le démontrer.

    A Bordeaux, il existe un immeuble plus vétuste que Messager, deux fois plus grand (530 appartements). Il s’agit du Grand Angle dans le quartier du Grand Parc. Le Grand Angle ne sera pas détruit. Il sera réaménagé, intelligemment. La surface de tous les logements va même être augmentée d’environ 20 mètres carrés, grâce à « …une charpente métallique extérieure greffée aux façades existantes » . La performance énergétique globale des bâtiments deviendra comme ça excellente. Maintenant, parlons argent, puisque c’est la seule chose qui intéresse les politiciens. Le coût de la rénovation bordelaise sera de 28 millions d’euros, soit environ 52 830 euros par appartement. Le coût de la destruction toulousaine sera de 17 millions d’euros, soit 68 000 euros par appartement. Pour ces tarifs, à Bordeaux le patrimoine sera maintenu et même amélioré ; et à Toulouse, on aura un tas de gravats.

    Pour en savoir plus : voir @anarchosyndicalisme ! n°141 http://cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article701

    #Un_Autre_Futur supplément d’@anarchosyndicalisme ! n°146
    ---- Edition spéciale #logement ----------------

  • @anarchosyndicalisme ! n°146 /// Octobre - Novembre 2015
    http://cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article768

    Le code du travail remplacé par des « négociations » patrons / salariés ?
    http://seenthis.net/messages/410332

    Notre dossier Apprentissage

    Les apprentis, de plus en plus maltraités
    http://seenthis.net/messages/410384
    Ne dîtes plus mon petit patron, dîtes mon petit bousier
    http://seenthis.net/messages/410388
    Publicité (d’Etat) mensongère
    http://seenthis.net/messages/410390
    Apprentissage, une formation douteuse
    http://seenthis.net/messages/410392

    Accidents du travail : 1 277 morts par an, combien de minutes à la télé ?
    http://seenthis.net/messages/410393

    Eoliennes et désastres climatiques
    http://seenthis.net/messages/410472

    Non à la Charte des langues
    http://seenthis.net/messages/410509
    La preuve par l’expérience : l’anglais pour les riches, le patois pour les pauvres
    http://seenthis.net/messages/410511

    Réfléchir au soleil
    http://seenthis.net/messages/410529

    Lettre ouverte à France Culture et aux autres
    http://seenthis.net/messages/410646

    Syriens

    Face à l’exode, mobilisons-nous !
    http://seenthis.net/messages/410649
    Les Syriens, oubliés depuis si longtemps ...
    http://seenthis.net/messages/412350
    Du lait pour les enfants Syriens réfugiés à Toulouse
    http://seenthis.net/messages/410367

    Télécharger gratuitement @anarchosyndicalisme ! n°146
    http://cntaittoulouse.lautre.net/IMG/pdf/A_146.pdf

  • Sur le post-modernisme

    Jordi Vidal a abordé un sujet mal connu du grand public mais d’une importance capitale, puisqu’il s’agit de l’idéologie dominante de la société mondialisée du XXI° siècle, le postmodernisme, un courant qui ne se caractérise pas tant par ce qu’il revendique que par ce qu’il dénigre.

    Nous sommes, désormais, de plain-pied dans l’époque de la falsification. Non pas que tout soit faux, mais tout n’étant donné que comme discours et interprétation, le vrai n’existerait pas ; c’est ce qui confirmerait qu’il n’y a pas de vérité absolue.

    Partant d’un tel sophisme, l’idéologie postmoderne a beau jeu de relativiser à outrance et de permettre l’émergence de toutes les idées farfelues, mais aussi de faciliter le retour d’idées beaucoup moins anodines et aux effets bien plus dramatiques. Le retour de l’obscurantisme religieux [1], le fatalisme de la misère économique et sociale sur fond de crise, le plébiscite de l’esprit sécuritariste avec la reprise des affaires militaro-industrielles, le retour des lois scélérates… nous en apportent des preuves tous les jours. Cette série de falsifications est portée par ce que J. Vidal nomme « un flux médiatique constant » où l’émoi provoqué par la dernière information reçue s’efface pour, aussitôt, être remplacé par l’émotion suivante ; tout cela dans le flux exalté d’une image qui chasse l’autre. Ce flux a pour vocation d’empêcher toute prise de recul et, de ce fait, il échappe à la raison logique. Cette trame de l’aliénation contribue à une démission généralisée au sein d’une société dorénavant mondialisée. Le flux médiatique remplace la connaissance ; et ce qui en tient lieu méconnaît que c’est l’ignorance de masse qui se développe et que celle-ci est l’arme véritable du pouvoir temporel

    http://cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article760

    #postmodernisme #genre #féminisme #laïcité #art #critique_sociale

  • DISCUTER POUR AVANCER ENSEMBLE


    Edito d’@anarchosyndicalisme ! n°144 Avril - Mai 2015
    http://cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article745

    Ce numéro d’Anarchosyndicalisme ! est largement consacré à des débats de fond. Le débat est, de notre point de vue, une nécessité permanente et encore plus dans le contexte actuel. Ce contexte, justement, outre le grignotage du pays par des politiciens fascistoïdes qui s’accélère année après année, outre la difficulté de mener des luttes sociales sur le terrain, est fait du refus de tout débat de fond au niveau de la société (quand, par exemple, avons-nous été consultés sur le nucléaire ?).

    A notre surprise, ce refus a gagné les milieux libertaires. Au lieu de débats francs, loyaux et même vigoureux –nos propres écrits ayant souvent une certaine vigueur, parfois même quelque verdeur, nous ne saurions la refuser aux autres - on assiste à des bombardements d’anathèmes et d’injures, à des catégorisations immédiates en général sur la base de logiques binaires. On nous rejoue les « bons contre les méchants » de notre enfance, comme s’il n’y avait que deux points de vue possibles, et qu’on doive se reconnaître impérativement dans l’un ou l’autre. Ainsi, on ne pourrait être que « machiste » ou « féministe », « végétarien » ou « carnivore », « négateur de toute révolution dans le monde arabe » ou « partisan d’une intervention de l’OTAN », « pro-Hamas » ou « islamophobe », « régionaliste » ou « jacobin »… La lecture des quelques forums libertaires sur internet est éloquente. Pire encore, nous avons vu apparaître ces derniers mois, dans certains squats, dans des milieux proches des zadistes, bref, dans des mouvements que l’on souhaiterait pour le moins progressistes, des « groupes non-mixtes » (réservés aux femmes), des groupes « non-blancs » (c’est-à-dire interdits aux personnes de « race » blanche - le pire étant que ceux qui s’y enferment n’en voient pas le caractère racial, voire raciste). A l’extrême, on tombe dans la pensée unique : pour certains, il n’y aurait qu’une et une seule façon de s’organiser....

    Pourtant, les réponses à apporter aux questions qui se posent sont bien plus diverses. Celui qui écrit ces lignes, par exemple, est ovo-lactovégétarien, c’est-à-dire ni « carnivore » ni « végétarien », il possède un assez joli répertoire de chansons languedociennes tout en rejetant l’« occitanisme » et le « jacobinisme ». On pourrait multiplier les variantes à l’infini.

    Que l’on soit un individu ou une organisation, il est légitime de prendre des positions, de les défendre. Ce qui est ridicule et nocif, c’est de clore le débat avant qu’il ne commence ! C’est se refuser (et refuser aux autres) la possibilité de modifier son point de vue et donc d’avancer dans la réflexion et dans la pratique.

    Alors qu’aujourd’hui, dans nos milieux, certains remettent en cause la liberté d’expression et la liberté de pensée de l’individu dans le groupe, diffusent des stéréotypes, lancent des imprécations, accumulent les non-dits et les manoeuvres souterraines, bloquent toute discussion sur les stratégies possibles ; nous affirmons au contraire que seule la libre discussion, l’échange d’idées pourra soit acter, sur des arguments solides, des différences qui auront leur raison d’être, soit, nous l’espérons, améliorer l’inter-compréhension, conduire à des regroupements sur des positions claires, faire émerger collectivement de nouvelles positions.

    C’est donc un appel au débat, sur toutes les questions du jour, que nous lançons avec ce numéro. Lecteurs, militants divers et variés, n’hésitez pas à y participer.

    Télécharger gratuitement @anarchosyndicalisme ! n°144
    http://www.cntaittoulouse.lautre.net/IMG/pdf/A_144.pdf