• Tunisie : le salut par le dialogue national ? par Choukri Hmed dans Libération
    http://www.liberation.fr/monde/2013/12/17/tunisie-le-salut-par-le-dialogue-national_967209
    (désolé #paywall)

    C’est dans ce contexte quasi insurrectionnel que l’obsession sécuritaire s’est fait ressentir, sur fond d’interventions internationales de moins en moins discrètes et de dégradations de la note de la Tunisie par les agences de notation. Avec les assassinats politiques non encore élucidés de l’année 2012 et 2013, suivis d’attaques terroristes dont l’armée, la police et la gendarmerie font désormais l’objet, le ministère de l’Intérieur apparaît plus que jamais comme un « Etat dans l’Etat ». Sous la pression des syndicats policiers, l’imposition de l’enjeu sécuritaire a eu pour effet de transmuer les bourreaux d’hier en héros, et ce faisant de jeter aux oubliettes les enjeux liés à la justice transitionnelle et au nécessaire assainissement des ministères de l’Intérieur et de la Justice, ainsi que de l’armée.

    Si le dialogue national débouche, comme cela est prévu, sur la démission du gouvernement actuel, l’adoption de la Constitution et la tenue d’élections libres et transparentes, cela pourrait être un moindre mal. Mais il risque fort de tourner à la confiscation de la parole jusqu’ici libérée. Car derrière l’apparence du pluralisme, c’est bien à une fermeture du champ politique qu’assistent les Tunisiens. La plupart des luttes politiques et sociales, comme celle des martyrs et des blessés de la révolution, portées par des collectifs précaires et éphémères, ne sont pas parvenues à imposer ces enjeux dans le débat public. L’instance du dialogue national entérine de facto l’échec d’une Assemblée à formuler l’intérêt général et ravive les braises de l’antiparlementarisme, déjà ardentes dans un pays qui, paradoxalement, vient tout juste d’expérimenter cette forme de lien politique. Au-delà, cette confiscation renvoie à l’irresponsabilité d’élites politiques incapables de garantir l’institutionnalisation d’un ordre social et politique pacifié et souligne la nécessaire réinvention du lien de représentation, dans un pays qui, a pâti du paternalisme, de la corruption, de la tutelle internationale et de l’injonction au silence, bref : du déni de démocratie.

    #Tunisie
    #EnNahda
    #démocratie
    #UGTT