• Cachées, à la vue de tous. Les origines autochtones de la démocratie dans les Amériques | Revue du Mauss permanente

    http://www.journaldumauss.net/?Cachees-a-la-vue-de-tous-Les-origines-autochtones-de-la-democratie-

    On nous apprend à être fiers de vivre en démocratie. Et dans le même temps, on nous enseigne de mille manières subtiles que la démocratie véritable est probablement impossible. Assurément, l’histoire de la démocratie est toujours racontée de manière à nous rappeler qu’elle est extraordinairement difficile à atteindre. Elle n’est jamais enseignée comme une histoire d’habitudes (les citoyens régissant collectivement leurs propres affaires) ou de sensibilité (le sentiment que chaque personne a son mot à dire quant aux décisions qui la concernent), mais plutôt comme l’histoire d’un mot : le grec δημοκρατία, le latin democratia ou le français démocratie. Les plus fervents défenseurs de la démocratie, ainsi que ses détracteurs les plus acharnés, affirment tous qu’elle est le produit unique de « l’Occident », une percée conceptuelle — réalisée pour la première fois dans la Grèce antique par le même peuple qui inventa la science et la philosophie « occidentales » — qui ensuite plana pendant environ deux mille ans sur l’Europe comme une potentialité largement inaboutie, jusqu’à ce qu’une bande de génies la fasse revivre au siècle des Lumières en France.

    #David_Graeber et David_Wengrow

  • Logique de la #radicalisation | Revue du Mauss permanente
    http://www.journaldumauss.net/?Logique-de-la-radicalisation

    par-delà les facteurs sociaux, politiques ou religieux, sur quelles opérations mentales repose un imaginaire extrémiste ? Comment une idéologie extrémiste, qu’elle soit à contenu politique, social ou religieux, parvient-elle à prendre le contrôle de la raison ? Au point que des médecins, des ingénieurs, des informaticiens, donc des esprits aguerris à la logique rationnelle, une fois radicalisés, semblent obéir à une toute autre logique que la logique rationnelle.

    En outre, par quelle logique étrange l’homme radical, dans le même temps qu’il adopte une idéologie extrémiste contestant violemment l’ordre établi, fait preuve d’une docilité extrême envers son groupe ?

  • Revenu universel - Sortir des faux débats | Revue du Mauss permanente
    http://www.journaldumauss.net/?Revenu-universel

    Le nom varie – allocation universelle, revenu de base, revenu garanti, revenu universel, etc. – mais l’idée gagne fortement du terrain qu’un revenu minimum devrait être versé à tous inconditionnellement – i.e. indépendamment de toute prestation de travail et de tout niveau de revenu par ailleurs – et sur une base individuelle. C’est cette inconditionnalité et cette individualisation qui font la différence de principe avec les aides sociales actuellement existantes. Les défenseurs du revenu minimum inconditionnel font valoir en sa faveur : 1°) qu’il permettrait une grande simplification du régime de l’aide sociale, devenu d’une extraordinaire complexité, difficile à gérer et coûteux pour l’administration, peu lisible et peu prévisible pour les bénéficiaires ainsi plongés dans une situation d’insécurité. 2°) qu’elle éviterait de stigmatiser ces derniers, puisque tout la monde y a droit. Le revenu minimum ne serait plus une forme d’aumône ou de don, il sortirait définitivement du registre de la charité et du paternalisme pour accéder à celui du droit et du dû.

    #RDB

  • J – 134 : J’ai déjà le titre de cette chronique en tête, et cela depuis le début de la lecture de ce deuxième tome du Journal de la crise de Laurent Grisel. Le titre ce serait Un poète chez les phynanciers .

    De même, depuis ma lecture du premier tome, et en entamant la lecture de ce deuxième tome, je me rends compte que je ne peux pas faire vraiment une chronique d’un tel livre, Laurent est un ami cher, les enjeux de son livre me sont incroyablement familiers, Laurent a en quelque sorte réussi là où j’avais échoué par manque de force et d’opiniâtreté, mais surtout il est allé infiniment plus loin que je n’aurais jamais été capable d’aller. Son courage, sa détermination et son intelligence brillante du sujet rendent d’emblée la chronique impossible. Alors disons que je vais, non pas écrire une lettre ouverte à Laurent, ce serait détestable et aux antipodes de notre dialogue habituel, mais disons partager un certain nombre de choses que je voudrais discuter avec Laurent la prochaine fois que nous nous verrons, en Bourgogne ou à Paris, qu’importe.

    Déjà, je trouve qu’il faut un courage hors du commun pour vouloir en découdre avec la machine à coudre, se fader de telles lectures, tenter de comprendre, et les comprendre, tous ces mécanismes phynanciers qui sont systématiquement présentés comme tellement complexes qu’ils sont en dehors de la portée du commun des mortels, nous avons tous l’intuition qu’il y a là un énorme bobard, mais encore faut-il le démontrer, et donc, pour cela puiser dans la masse indifférenciée de toute cette exégèse obscène de la pensée économique, de la pensée unique. Pour comprendre et décortiquer comment fonctionne le marché des produits dérivés, et là vous comprenez, en un éclair, mais un peu tard, que ces saloperies de calculs de dérivées sur lesquels on vous faisait suer en terminale, ces calculs ont une application en dépit de leur apparente abstraction - et cette application est nocive -, pour comprendre et décortiquer comment la vente et la revente de dettes, que ce soit celle de particuliers qui tentent d’acquérir un bien foncier ou celles d’états, souverains seulement en apparence, n’a qu’une seule vertu, celle de maintenir la tête de l’endetté sous l’eau, de lui donner, de temps à autre, l’illusion d’une possible respiration, de plus en plus espacée dans le temps, jusqu’à la faillite, la mort par noyade phynancière de l’endetté, toutes ces familles américaines qui, en dépit d’avoir payé au moins la part nette de leur emprunt, se voient en fait jetées hors de leur maison et ces états en faillite auxquels, tels la Grèce, on impose de s’endetter davantage, notamment pour pouvoir faire face à leurs dépenses militaires, dont en fait elles n’ont pas du tout besoin - contre qui la Grèce est-elle en guerre, à part l’Allemagne, qui justement vend des armes à la Grèce ?

    Les explications de Laurent Grisel sont parfois difficiles à suivre et il faut parfois faire le chemin que lui a fait, de reconstituer certains fonctionnement sur du papier libre, jusqu’aux deux tiers du livre où le lecteur accepte désormais que ce poète aventureux dans cette vallée de vautours et de fonds éponymes ne nous raconte pas d’histoires, au contraire de ceux dont la voix est omniprésente - pour nous expliquer que ouh là là ma bonne dame c’est pas du tout aussi simple que cela, laissez-moi vous expliquer les tenants et les aboutissants du marché obligataire - en faveur de la pensée et de la parole uniques. Et puis, de temps en temps, quelques passages, qui étaient nettement plus nombreux dans le premier tome, et qui avaient ma faveur - au point que je dédicace Qui ça ? à Laurent : « Pour mon ami Laurent Grisel, ce journal, comme un anti-journal, inspiré en négatif de son Journal de la crise. Laurent, ce qui compte dans ton Journal de la crise, c’est beaucoup plus la narration de tes faits propres, tellement plus immenses que ceux que nous peinons à retenir en dépit qu’ils nous soient rabâchés et qu’on ferait aussi bien, au contraire, d’oublier. » - dans lesquels on suit, donc, le travail de tous les jours de Laurent quand il est qui il est, un poète, et pas des moindres, et qui consent ce sacrifice insigne de plonger au cœur même de la broyeuse pour nous avertir de ses dangers.

    En cela la stratégie de Laurent Grisel ressemble fort à celle d’un Paul Jorion, souvent cité dans le livre au même titre que Pizzigati, ainsi, quand Laurent Grisel lit ceci ans le journal du MAUSS ( http://www.journaldumauss.net ) :

    « Il faut appeler un chat un chat, le libéralisme est la philosophie spontanée du milieu des affaires : laissez-moi poursuivre mon intérêt particulier et l’intérêt général en bénéficiera. De fait, paradoxalement, cela marche toujours, jusqu’à un certain degré, parce que même l’exercice d’une avidité égoïste oblige celui qu’elle motive à consacrer une partie de ses efforts à maintenir en état de marche le contexte général au sein duquel elle s’exerce. C’est ce qu’évoque Adam Smith avec la "main invisible". Si l’on veut jouer au football avec l’intention ferme de gagner, il convient quand même de se mettre d’accord avec les autres joueurs pour savoir qui louera le terrain, qui s’occupera d’entretenir le gazon. L’être humain est social, quoi qu’il en pense, et même son intérêt égoïste exige la collaboration, la coopération »,

    il en conclut sans mal cette transcendance remarquable : ce qui marche dans le capitalisme, c’est le communisme.

    Un des autres grands mérites de ce livre est aussi de nous donner une vision rétrospective d’une valeur assez égale à celle, elle panoptique, qu’Emmanuel Addely nous donne, dans Je Paie , des dix dernières années, et qui montre que, non seulement les choses ne s’améliorent pas, Laurent Grisel lui, montre qu’au contraire elles se tendent et que le choc à la rupture n’en sera que plus violent : y aura-t-il de la guerre avant Noël ? C’est un rappel utile, en effet, de constater que, contrairement à ce qui est rabâché sans cesse à propos de la crise financière actuelle, les choses ne datent pas de 2008, en ayant pris tout un chacun par surprise, non, elles sont largement antérieures, elles sont visibles, dans leur caractère systémique, dès 2006, et en 2007, elles ne sont plus remises en question, par personne du milieu, la seule question étant de savoir, apparemment c’est un jeu fréquent de la profession, jusqu’où il peut être trop tard pour sauter de ce train lancé pleine vapeur contre une montagne sachant que le train est de toute manière sorti des rails depuis fort longtemps. Nul doute qu’à ce jeu, façon Rebel without a cause de Nicholas Ray, les plus malins ont sauté depuis longtemps, sont déjà la recherche d’un autre train à dévaliser, et que par ailleurs le train condamné transporte de très nombreux passagers, en fait, l’humanité entière.

    Cela fait vraiment un bien fou de lire tout cela en pleine clarté, et je me dis que j’ai enfin trouvé quelqu’un pour répondre à cette question qui me taraude depuis 2008 : lorsque le gouvernement étatsunien a levé 2000 milliards de dollars pour renflouer ces banques hors-la-loi, sans aucune contrepartie, sans aucun exigence, et pareillement dans le reste du Monde, pourquoi est-ce qu’il n’a pas fait transiter ces milliards par les créanciers de ces banques voleuses, le coup était double, les particuliers restaient en possession de biens qu’ils avaient malgré tout, peu ou prou remboursés, et les banques scélérates étaient renflouées.

    La réponse à cette question, seul un poète pouvait me la donner. La réponse c’est : « parce que. »

    Et quelle tendresse j’ai pour mon ami en lisant ce passage qui conclut un très âpre paragraphe à propos des produits dérivés et leur enfer :

    « Samedi 10 février 2007. Grand anniversaire de l’ami M., notre voisin. Beaucoup de monde, de musique, la grande est pleine et joyeuse. Pas un seul à qui parler de l’enquête en cours, pas un qui ait l’air de se douter du grand effondrement… »

    Exercice #57 de Henry Carroll : Photographiez un son

    Ce qui est peu ou propu le principe de l’Image enregistrée . ( http://www.desordre.net/bloc/image_enregistree/index_arthrose.htm )

    #qui_ca

  • Des #sacrifices humains | Revue du Mauss permanente
    http://www.journaldumauss.net/?Des-sacrifices-humains

    Comme on peut évaluer -dans la mesure du possible- que les victimes de la #chasse-aux-sorcières représentent quelque 10% de celles des sacrifices humains mésoaméricains, on conviendra que ceux européens sont quantitativement bien moindres ; mais ces derniers n’en réunissent pas moins, comme ci-dessus proposé, les principaux caractères qualifiant les sacrifices humains. Aussi le terme ’chasse’ paraît une douce litote pour désigner deux siècles d’assassinats religieux programmés pour contenir, entre autres, une féminité guère moins redoutée du christianisme que la judéité : la présente note visait donc à souligner que sur le plan anthropologique, le sacrifice humain n’est en rien propriété d’un autre-bout-du-monde ’sauvage’ -ce dont témoignent à l’envers des mots qui, bien qu’habillant des pratiques sociétales très comparables, traitent, spontanément et comme toujours, nos latitudes avec indulgence et les univers exotiques avec acrimonie.

  • Les inégalités démocratiques entre coopératives, mutuelles, entreprises privées et publiques | Revue du Mauss permanente
    http://www.journaldumauss.net/?Les-inegalites-democratiques-entre

    L’économie sociale et solidaire (ESS) est parfois considérée seulement une humanisation du capitalisme, or elle peut permettre une véritable alternative à ce système. Cette mutation relève prioritairement de la démocratisation économique. En effet, tant que cette dernière ne sera pas atteinte, la démocratie politique restera majoritairement dominée par la puissance des élites économiques. Car comme l’expliquait Marx, les infrastructures économiques et les infrastructures de classe déterminent et dominent les superstructures que sont l’État, le droit, les médias, l’école…

    L’idéal de la démocratie est fondé sur l’égalité de tous dans les décisions. En effet, la démocratie chez les Grecs conjugue, le Krâtos le pouvoir, avec celui du Dêmos, le peuple. Abraham Lincoln définissait ainsi la démocratie « Le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ». De même, Bernstein estime que la démocratie « est le régime politique où la souveraineté est exercée par le peuple » [1]. Pour Delannoi, la démocratie est le « gouvernement des citoyens » [2]. Si nous élargissons cette définition à toutes les situations de décision collective, la démocratie est donc la puissance de tous les individus d’un espace commun (un territoire, une organisation…). La démocratie peut donc être définie comme le gouvernement de tous, par tous. Il s’agit d’un idéal inatteignable dès qu’un individu ne vit plus seul. Liberté, égalité et ordre collectif, sont les trois grands principes qui structurent les différents systèmes de politiques économiques. Ces trois principes forment un triangle de forces relativement antagonistes et complémentaires, c’est-à-dire, un « équilibre dynamique ».

    Les coopératives peuvent servir de modèle à une démocratisation de l’économie. Néanmoins, il s’agit de bien analyser le fonctionnement démocratique de celles-ci et surtout leurs limites. Aussi, la question à laquelle nous allons chercher à répondre est celle-ci : quelles sont les conditions de la légitimité démocratique dans une unité de production en particulier dans les coopératives et les mutuelles ? Après avoir définit juridiquement, sociologiquement et philosophiquement, ces différentes formes d’unités de production, nous comparerons la réalité et les conditions nécessaires à leur mise en œuvre de la démocratie interne. Enfin, nous comparerons les différents types de légitimité démocratique au sein des coopératives, des mutuelles, des entreprises publiques et privées.

  • #philippe_corcuff #Todd
    Retour sur les failles scientifiques de Qui est #Charlie ? et sur ses écueils politiques | Blog | Le Club de Mediapart
    https://blogs.mediapart.fr/philippe-corcuff/blog/140116/retour-sur-les-failles-scientifiques-de-qui-est-charlie-et-sur-ses-e

    Une critique purement statistique reste à écrire sur cette ’thèse’, bcp d’éléments peuvent être testées avec des outils simple (comparaison de moyennes d’échantillon, regression linéaire multiple...), le raisonnement manquant totalement d’analyse quanti sérieuse contrairement à ce que ’vend’ son auteur sur les plateaux télé.

    A propos de Philippe #Corcuff, « Les années 30 reviennent et la gauche est dans le brouillard », Textuel 2014 | Revue du Mauss permanente
    http://www.journaldumauss.net/?A-propos-de-Philippe-Corcuff-Les

  • Introduction à la science sociale — Première partie : le triomphe de l’économisme | Revue du Mauss permanente
    http://www.journaldumauss.net/?Introduction-a-la-science-sociale-1262

    À partir des années 1970, la sociologie comme la philosophie morale et politique se mettent à parler le langage de l’économie. Partout triomphe le ’modèle économique’. Mais pour que ce dernier puisse se généraliser ainsi, il lui aura fallu se transformer. Dans ce chapitre, nous nous efforcerons de caractériser ces deux états du modèle économique, standard et standard élargi.

    Quant au cœur du modèle économique en général, Saint Augustin (354-430) n’en avait-il pas dit l’essentiel en racontant l’histoire suivante ? : Un jour, un inconnu parcourt la cité en proclamant : « Ce soir, je vous dirai ce que vous désirez tous. » Le soir venu, la foule est immense. Et notre homme lui dit : « Oui, je sais ce que vous pensez tous. Vous voulez tous acheter au meilleur marché possible, et vendre le plus cher, possible. » Une société est-elle possible, fondée sur de telles prémisses ? Comment, et à quelles conditions ? Avec quels résultats ? Telle est la question centrale posée par la science économique standard jusque dans les années 1960.

  • « Attentifs ensemble », Réflexions sur la gauche, le terrorisme, et ce qu’il convient de faire par rapport à lui, Didier Hanne, octobre 2015
    http://www.journaldumauss.net/?Attentifs-ensemble

    Un effort est indispensable pour que se constitue un rempart intellectuel, militant, citoyen et unitaire contre le terrorisme. Une #gauche lucide et déterminée apportant sa pierre, sans rien renier de ses valeurs mais au contraire les défendant contre ce qui les attaque, est indispensable à son édification. Il faut faire face. Nous revient de démontrer qu’on peut penser et agir contre le #terrorisme sans glisser à droite. (...)

    On nous souffle régulièrement, à l’extrême gauche notamment, mais pas seulement, qu’après tout ce terrorisme n’est qu’une réaction aux guerres infligées par les grands pays capitalistes à la population musulmane dans le monde. Nous aurions, ainsi, la réponse que nous méritons par nos malfaisances anciennes et multiples à l’encontre des musulmans. Pour faire accroire cette analyse, il faut un peu brouiller la chronologie, et légèrement réécrire l’histoire.

    ...les gauches devraient aussi éviter de céder à la tentation des formules choc qui ne font qu’accroître confusionnisme et anachronismes. Ainsi a-t-on vu fleurir les concepts « d’islamo fascisme », de « fascisme vert » ou d’ « islamo-nazisme ». Mis en circulation par Oriana Fallaci en 2002, puis adoptés par BHL, repris ensuite par Fadéla Amara, ils semblent avoir été adoptés par des gens aussi différents que Malek Boutih [29], Noël Mamère ou Alain Badiou. C’est le premier ministre en personne, qui donnait le 16 février 2015 une onction officielle au concept : « Pour combattre cet islamo-fascisme, puisque c’est ainsi qu’il faut le nommer, l’unité doit être notre force. »

    On voit bien le souci tactique dont cela procède pour certains (convaincre la gauche et la jeunesse des quartiers, en stimulant leur supposé réflexe anti fasciste), mais le rapprochement ainsi suggéré entre le terrorisme islamiste actuel et le fascisme ou le nazisme est plus que discutable. On ne peut que relever les différences de contextes et de structures entre des phénomènes dotés de modes d’action et d’objectifs très divergents. Les fascismes étaient des mouvements de masse, pas le terrorisme actuel qui reste très minoritaire. Ils étaient, chacun dans leur pays, unitaires et centralisés, pas le terrorisme actuel caractérisé par son émiettement et sa désorganisation relative, y compris au Moyen Orient. Ils étaient des mouvements païens, dépourvus de religiosité, pas le terrorisme actuel gorgé de références à l’Islam. L’exterminisme était au cœur du projet nazi. Le projet djihadiste ne rechigne certes pas aux massacres, mais comme moyens en vue d’une fin : l’avènement d’une #théocratie intégrale.

    Pourquoi, quand le neuf et la différence surviennent, faudrait-il à tout prix leur exhumer un (faux) jumeau dans le passé, comme si l’histoire n’était au fond qu’une succession de répétitions, au risque de méconnaître l’adversaire concret dressé devant nous ? (...)

    Le développement des fondamentalismes musulmans dans un pays comme la France a certainement beaucoup à voir avec la crise de l’intégration, le recul des solidarités populaires et l’absence d’une #contre_société protectrice, - fonction autrefois assumée par un #mouvement_ouvrier désormais disparu - ainsi qu’avec le spectacle consternant donné par les élites amorales. Pour une part, la progression des intégrismes religieux constitue une réplique (hyper conservatrice) aux tendances à l’#atomisation régnant dans les sociétés « modernes ». Mais ces causes politico-culturelles ne remplissent leurs fonctions qu’en rapport avec l’hypercapitalisme financier qui est le cadre où elles peuvent jouer à plein. Celui-ci, en entretenant chômage de masse, précarisation et marchandisation généralisée, dans une dynamique de fuite en avant - train fou dans lequel une partie de la gauche a décidé d’embarquer - multiplie les insécurités sociales, la désappartenance, la fin de la socialisation par le travail, sans solution de remplacement. Engendrant anomie et démoralisation, il ne peut que pousser certains dans la recherche d’une voie religieuse pour trouver un sens à la vie. Pour autant, fanatisme, intégrisme et violences ne sont pas des fatalités de l’engagement religieux.

    Cependant, les causes du terrorisme, même s’il a tendance à s’incruster dans ce terrain favorable - sont à distinguer des causes du fondamentalisme. Elles ont une densité plus faible en facteurs économiques et sociaux identifiables. La diversité des parcours individuels est telle qu’il est délicat de repérer des profils ou de faire des prédictions de comportement par catégories. Mais on le constate, des gens ayant quelque chose à perdre, un travail, une famille, un avenir encore ouvert cèdent aussi à la tentation de l’ultra violence. Ils ne viennent pas tous des rangs du fondamentalisme, et ils ne sont pas tous des enfants de la misère.

    C’est souvent à l’abri du fondamentalisme que les terrorismes, proposent une autre forme d’intégration. Cependant, celle-ci, de type sectaire, demeure qualitativement différente de la socialisation offerte par le fondamentalisme, plus souple et moins susceptible de désocialiser radicalement les individus. Si Malek Boutih n’a pas tort d’affirmer que « le djihadisme doit être conçu comme la partie la plus avancée de la radicalité politico-religieuse de l’islamisme. Non pas dans l’objectif de criminaliser tous ceux qui pensent contre nous, mais pour comprendre et combattre plus efficacement ce phénomène », [34] c’est à condition de se souvenir qu’on on ne lutte pas avec les mêmes moyens et les mêmes objectifs pour contrer l’influence des courants fondamentalistes et pour contrer celle des terroristes.

    En tout cas, face à de tels enchevêtrements causaux, c’est une illusion encore trop répandue à gauche de s’imaginer que le terrorisme pourrait reculer exclusivement sous l’effet de politiques plus sociales ou plus égalitaires. Cela ne veut pas dire qu’il ne faudrait pas les mener, ces politiques. Il y a bien un rapport entre le terrorisme et la façon dont la société moderne s’oriente vers un capitalisme intégral désorientant des multitudes d’individus tout en œuvrant à la déchirure de la socialité. Mais ce lien est tellement compliqué de médiations et de rétroactions multiples, sans parler de cette complication cardinale, l’imprévisibilité d’individus relativement libres, qu’il ne sert presque à rien de le rappeler, lorsqu’on cherche à comprendre et à agir contre le terrorisme.

    Il faut cependant également s’intéresser aux conséquences. On méconnaît, sinon, que le terrorisme n’est pas seulement causé : comme phénomène politico-social, il est également causant.

    Il est urgent de donner les moyens à la société de construire un diagnostic intelligent et réaliste d’un phénomène complexe et changeant. Nous devrions exiger de l’Etat que les nouveaux moyens dévolus à la lutte contre le terrorisme ne soient pas seulement dédiés à la répression, mais qu’ils favorisent également la recherche, la documentation, les débats citoyens. Il est certain en tout cas que la stimulation publique de la recherche sur le phénomène terroriste n’aura pas lieu, ou moins bien, si les chercheurs craignent d’être assimilés à une horrible « machine à punir » qui « construit » son objet et « invente » ses cibles, à moins de se résigner à abandonner ce champ de recherche aux seuls intellectuels ayant quelques prédispositions droitières. Ajoutons que cette recherche doit embrasser l’ensemble du phénomène, et donc ne pas être uniquement polarisée sur les causes, mais travailler aussi sur les conséquences. Sur l’Etat, sur la société, sur les victimes.

    Sujet actif, le terrorisme s’émancipe de ses conditions de possibilité en se dressant au dessus d’elles, et comme tout phénomène politico-social, modifie son environnement, rétroagit sur ses causes, engendre des conséquences qui peuvent à leur tour devenir des causes : il produit de la nouveauté.

  • Le village et ses ambiguïtés | Revue du Mauss permanente
    http://www.journaldumauss.net/?Le-village-et-ses-ambiguites

    Guilluy agace, Guilluy provoque : par ses essais « remarqués », Christophe Guilluy est ce qu’on appelle un « bon client ». Il est vrai que son ouvrage n’est pas avare de formules choc : les banlieues ne sont pas reléguées, elles sont « intégrées » à la mondialisation (p. 42) ; il faudrait « s’affranchir » du concept de « classes moyennes », qui se seraient « effondrées » (p. 17) au profit de la « France périphérique » constituée à 75 % de populations « populaires/fragiles » (p. 31) ; la majorité culturelle serait désormais marginalisée par les minorités visibles (p. 15). D’où une France scindée en trois grands ensembles : les « métropoles mondialisées et gentrifiées », fondées sur « le modèle libéral de la société ouverte » ; « les banlieues ethnicisées » ancrées dans « des valeurs traditionnelles », et relativement bien intégrées ; et cette France périphérique, largement majoritaire, faite de « catégories populaires d’origine française et d’immigration ancienne », délaissée par les politiques. Cherchant à exprimer les minorités visibles et le libéralisme culturel, sur les bons conseils de Terra Nova notamment, la gauche aurait abandonné les classes populaires au Front National.

    #périurbain #géographie #territoires

  • Trouble dans le #Genre et Grandeur d’une Philosophe. À propos de Judith Butler | Revue du Mauss permanente
    http://www.journaldumauss.net/?Trouble-dans-le-Genre-et-Grandeur

    Comme le soulignait à juste titre la professeure Hallensleben, la réflexion critique et la déconstruction des notions et des catégories constitue le coeur de la méthode scientifique. Quant à la distinction entre sexe biologique et genre comme catégorie plastique, socialement et culturellement produite, voilà une distinction somme toute banale qu’appuie une abondante production académique empiriquement fondée. Le ’genre’ ne représente aujourd’hui pas tant une ’théorie’ unifiée qu’un domaine d’études pluriel, bien institué dans les universités les plus importantes de par le monde. Or, que reproche-t-on, au juste, au ’genre’ ? Le lot de courrier reçu pointe vers un noyau dur de propositions certes hasardeuses, mais qui se télescopent de manière à se présenter comme scientifique et à susciter crainte et prise de distance de la part de personnes qui ne font pourtant pas partie des cercles minoritaires depuis lesquels la contestation est issue. Car voilà bien ce qui frappe à prime abord : l’accusation selon laquelle ’le genre’ serait une ’idéologie’ plus ou moins ’dissimulée’, et non un discours ou une théorie scientifique. Et, à rebours, que la contestation de ’l’idéologie du genre’ et de ses porte-paroles, au premier chef desquels Judith Butler, repose, pour sa part, sur la ’science’. Il est remarquable que des personnes tout à fait étrangères à l’université et aux institutions de production du savoir scientifique s’autorisent à revendiquer pour elles-mêmes la scientificité. Les sciences humaines et sociales sont tout particulièrement vulnérables à ce genre de détournement.

  • L’avènement de la #société de #prédation, conséquence du remplacement du #travail de l’homme par la "machine | Revue du Mauss permanente
    http://www.journaldumauss.net/?L-avenement-de-la-societe-de-1217

    Cet article développe trois séries de thèses. La première est que nous allons assister inexorablement et définitivement à un « grand remplacement » du travail humain par les machines et les robots, que ce grand remplacement est déjà bien amorcé et que c’est lui qui explique simultanément l’explosion des #inégalités, la montée du #chômage et celle de la #criminalité. La deuxième soutient que ce premier grand remplacement en engendre un second, le remplacement des activités productives et utiles par ce que David Graeber nomme des « bullshit jobs », traduisons des boulots à la con, des métiers improductifs qui ne servent qu’à assurer le contrôle social. La troisième est qu’il convient de transformer cette malédiction du grand remplacement en une bénédiction de la libération du temps grâce à l’instauration d’un #revenu de base financé par une création monétaire démocratique (une forme de quantitative easing à l’usage du peuple et non des banques). Pour ma part, je ne crois absolument pas en la possibilité d’un financement du revenu de base par la planche à billets, si c’est bien de cela qu’il s’agit in fine. En ce qui concerne la deuxième série de thèses, ll me semble qu’elle souffre d’un usage insuffisamment précis de la notion de travail improductif. En revanche, la première série de thèses m’apparaît malheureusement (ou heureusement ? ) de plus en plus plausible. Or on voit bien l’ampleur des problèmes qu’elle soulève : une grande partie de l’humanité est en passe de devenir inutile, énorme masse d’homme et de femmes « en trop » au regard des normes utilitaristes actuellement régnantes. C’est donc un tout autre monde qu’il s’agit d’inventer. Un monde convivialiste ? A.C.

    #bullshit_jobs

  • Hervé Marchal, « Un sociologue au volant », 2014. | Revue du Mauss permanente
    http://www.journaldumauss.net/?Herve-Marchal-Un-sociologue-au

    L’auteur propose d’« analyser l’importance de l’espace privatif qu’est l’#automobile dans la vie des individus urbanisés, plus particulièrement dans le rapport qu’ils entretiennent avec eux-mêmes, les autres et le monde proche et lointain » (p. 24). Il dégage, dans ses propos liminaires, au moins quatre dimensions qu’il se chargera d’expliciter dans les 6 chapitres qui composent le livre. L’automobile 1/ rend possible le fait de se distinguer de l’autre, de montrer son importance sociale, de visibiliser son pouvoir d’achat, 2/ elle autorise de se poser pour réfléchir à sa vie de sorte qu’elle n’est pas un support de sens au sens strict mais un support qui permet de construire du sens, 3/ elle permet à l’individu contemporain d’être une personne totale en mesure d’investir ou de laisser libre cours à sa personnalité, 4/ enfin elle est un moyen d’être pleinement engagée dans le mouvement du monde #urbain, d’y avoir sa place.

    #analyse #sociologie @carfree

  • Un très long et argumenté article du #MAUSS de 2008, qui fait une vraie critique de certaines idées de la #droite non-libéral (#Alain-de-Benoist) lorsqu’elle s’approche de certaines idées de #gauche. Le tout à base de #Castoriadis.

    On remarquera l’absolue bonne foi de l’auteur, et sa prise en compte des réponses de de Benoist.

    La #Décroissance est-elle #réactionnaire ? | Revue du Mauss permanente
    http://www.journaldumauss.net/spip.php?page=imprimer&id_article=333

    À noter un paragraphe brûlant d’actualité :

    Comme je ne sais rien de ses pensées secrètes, et ne pratique pas ce que Dali nommait la « méthode paranoïaque-critique », je m’en tiens aux pensées formulées dans des textes, seul moyen d’établir si l’ouvrage dont je cherchais à rendre compte n’était qu’une entreprise de « récupération » - terme qui, bien souvent, n’exprime qu’un fantasme, décrit par Castoriadis, il y a quarante ans : « Celui qui a peur de la récupération est déjà récupéré. Récupéré dans son attitude, car bloqué. Récupéré dans sa mentalité la plus profonde, car cherchant des garanties contre la récupération et par là déjà pris dans le piège idéologique réactionnaire : la recherche d’un talisman, d’un fétiche anti-récupérateur. » (Mai 68, la Brèche).

    Les malheureux que dévore cette hantise ne se demandent plus si un livre peut leur apporter quelque chose, si ses thèses sont justes et bien argumentées, mais s’il est « dangereux », dès lors que son auteur serait infréquentable, « trouble » ou « ambigu ». Aussi bien, quand ils lisent un livre dangereux, c’est pour y repérer les traces, ou les stigmates, d’une perversité qu’ils pourront signaler à leurs propres lecteurs.

    • Sérieusement, vu le nombre croissant de gens de plusieurs bords complètement différents, ayant échangé récemment avec lui, sur ses idées actuelles (tout en étant pas d’accord), qui disent qu’il est effectivement de droite mais plus d’extrême droite... je n’en suis plus si sûr. Cela fait maintenant déjà des années qu’il a clairement exprimé des opinions non racistes, contre le nationalisme, contre toute forme de dictature et d’homme providentiel, contre le capitalisme, etc. Ce qui ne l’empêche évidemment pas d’avoir des idées de droite ! (par exemple une critique non-socialiste des Lumières), mais il renie désormais la majorité des choses qui composent le corpus idéologique de ce qu’on appelle l’extrême droite.

      As-tu lu l’article en question ? Parce que là, ta première réaction correspond mot pour mot à ce que critique Jean-Louis Prat en introduction de son article. Ce qui ne l’empêche pas d’argumenter contre les idées ensuite.

    • Je l’ai lu, et ce texte ne me convaincs en rien. DeBenoist a fait beaucoup de dégats au cours des années. Et ses revirements périphériques ne rattraperont pas ce temps passé à revigorer le socle théorique de l’extrême-droite. Par ailleurs, la contagion est une stratégie qu’on aurait appelé entrisme chez d’autres. Quitte à réfléchir, pourquoi ne pas chercher ailleurs les idées non alignées, que chez des anciens thuriféraires de l’apartheid et de l’OAS ? Et ce n’est pas comme si il avançait masqué, voir par exemple son hommage vibrant à Dominique Venner après son suicide. Je ne comprends pas cette propension à se compromettre dans des échanges ou analyses du type « il ne dit pas que des conneries » avec des auteurs ou polémistes de cette veine.

    • @supergeante : on est donc prévenu, on s’en méfiera donc, mais faut il donc le mettre « en quarantaine » ?
      Un mec qui a eu des idées d’extreme-droite est il pollué, contaminé, contagieux à vie ?
      Ne peut-il pas garder des copains fachos même si lui s’est éloigné des idées fachos ?
      Je n’arrive pas à comprendre la pertinence de la mise en place de "cordon sanitaire"autour de nous. J’y attribue même une des causes du déclin de notre rayonnement. A refuser de se frotter aux autres, à suspecter les traîtres, la duplicité, l’entrisme, ça oui on est resté purs, mais de plus en plus isolés... De moins en moins influents.

    • Ça me paraissait pourtant assez clair que le MAUSS n’est absolument pas en train (ni n’était) de « chercher ailleurs des idées non alignés », et encore moins dans le GRECE !

      Ils ont leur propre références intellectuelles, un peu beaucoup cohérentes quand même, et ils critiquent très clairement les idées de de Benoist, mais sans pour autant le traiter de facho.

      Je ne saisis pas ce qu’il y a d’ambigu dans leur position, ni surtout où est la compromission ! : les auteurs du MAUSS sont apparemment sûrs des valeurs qu’ils portent, ce qui ne les bloquent donc pas pour discuter intellectuellement avec des idées opposées si ça se présente.

      Ça fait répétition mais la phrase de Castoriadis citée est assez claire sur les intentions de Prat (qui ne sont donc pas de se compromettre) :

      Celui qui a peur de la récupération est déjà récupéré. Récupéré dans son attitude, car bloqué. Récupéré dans sa mentalité la plus profonde, car cherchant des garanties contre la récupération et par là déjà pris dans le piège idéologique réactionnaire : la recherche d’un talisman, d’un fétiche anti-récupérateur.

      Et moi non plus je ne cherche aucune idée intéressante dans Éléments. Merde à la fin !

    • Mais pour revenir à « Demain la décroissance », les idées de ce livre doivent être discutées, comme si nous ne savions pas qui les a émises

      Non. On ne doit pas faire ça. S’affranchir de l’histoire, et du contexte, pour considérer un texte, c’est une erreur grossière qui pourrait amener par exemple à considérer avec bienveillance un programme politique.

      Et sinon, rasta, tu peux bien t’énerver tant que tu veux, la question de @supergeante reste sans réponse :

      Je ne comprends pas cette propension à se compromettre dans des échanges ou analyses du type « il ne dit pas que des conneries » avec des auteurs ou polémistes de cette veine.

    • @baroug

      1) Mais tu parles de ça de manière complètement abstraite ! Après l’universalisme abstrait : l’anti-fascisme abstrait ! Sans jamais parler de propos concret ou d’écrits précis. En vrai, dans la réalité : où as-tu vu une quelconque bienveillance ou validation d’un programme politique de facho de la part de Serge Latouche, Alain Caillé, Paul Ariès, ou autre ? T’as confondu Serge Latouche et Serge Ayoub ? :D

      2) Pour la question : il n’y a pas de question puisque la phrase part déjà du principe qu’il y a compromission alors que je conteste ce postulat de départ. Faudrait déjà prouver que le MAUSS (pour cette affaire ci) s’est compromis en quoi que ce soit.

    • @fil

      Perso j’espère dépasser un jour l’anti-fascisme de pré-ado qui traite de facho un prof parce qu’il est de droite. Très clairement de Benoist est un intellectuel et universitaire de droite, avec un passé plus extrême, et le MAUSS a fort peu de choses en commun avec lui, ni moi, ni toi, ni grand monde ici. Et je ne dis pas qu’on doit tous se mettre à lire ça : il y a des gens qui ont du temps pour ça et dont c’est le métier, et qui ensuite arrive même à écrire des textes où ils précisent les points de divergences essentielles (comme ici avec la métaphysique de la Nature entre autre). Donc justement heureusement qu’il y a des gens de gauche qui ont le temps et le courage de faire ça.

      Perso je vois une différence entre lire et faire la critique précise d’un théoricien comme de Benoist, qui en plus est apparemment honnête, et appeler à discuter d’égal à égal avec un psychopathe comme Soral. Si tu brouilles ces différences, tu fais du confusionnisme aussi à mon avis.

    • Je réagissais simplement à

      Mais pour revenir à « Demain la décroissance », les idées de ce livre doivent être discutées, comme si nous ne savions pas qui les a émises

      Je n’ai jamais dit que Latouche ou Aries étaient soupçonnables de quoi que ce soit. Et loin de moi cette idée.
      Quand à la question, elle implique que la compromission se situe précisément dans le fait « d’avoir des échanges ou analyses du type « il ne dit pas que des conneries » avec des auteurs ou polémistes de cette veine. » La question est, compromission ou pas, pourquoi faire cela ?

    • Mais parce que c’est le principe même du débat intellectuel ! Ça sert à quoi de débattre uniquement avec des gens du même bord ? (ce qu’il faut faire aussi évidemment, mais pas que) Pour critiquer un livre ou une pensée en acceptant que l’autre réponde et que tu répondes à sa réponse, etc. Évidemment ça ne peut se faire qu’entre gens partageant un même langage, et étant à peu près honnêtes (je ne vois pas comment on peut débattre sérieusement avec un LePen ou un Soral). C’est quand même fou de finir par se poser la question de ça sert à quoi de débattre avec des gens qui n’ont pas du tout les mêmes idées.

    • « D’avoir des échanges ou analyses du type “il ne dit pas que des conneries” avec des auteurs ou polémistes de cette veine. » ça a un sens précis : il ne s’agit pas de n’importe quel échange ou de n’importe quelle analyse, mais de ceux qui amènent l’idée que l’interlocuteur a des idées valables que le reste, éventuellement nauséabond, de son corpus idéologique ne dément pas.
      Alain de Benoist n’est pas n’importe qui : que des types, fréquentables eux-mêmes, estiment qu’il « renie désormais la majorité des choses qui composent le corpus idéologique de ce qu’on appelle l’extrême droite » ne suffit pas à l’entériner. Le GRECE existe toujours, et toutes les évolutions que l’on voudra lui accorder ne le rendront jamais légitime… Je suis loin d’en être un spécialiste mais la dénonciation d’un « terrorisme intellectuel » de la gauche est un discours que le GRECE tient depuis sa création, et il me semble que de ce point de vue, toute éructation de son fondateur doit être entendue avec une extrême vigilance.

    • @rastapopoulos : En premier lieu, j’ai tenu à préciser que je ne suis pas d’accord avec le fait de dire que DeBenoist est juste de la droite non-libérale, comme tu l’as présenté. Il fait partie d’une des familles de l’extrême-droite, qui ne sont pas toutes racistes, ou toutes catholiques, royalistes, libérales puisque certaines tendances sont païennes, d’autres facistes, d’autres républicaines par exemple. L’extrême-droite est une famille politique traversée par différents courants dont chacun a une généalogie, des dissenssions et débats. C’est dans ce cadre que s’inscrit depuis toujours les théories de DeBenoist. On peut ergoter sur l’évolution de sa pensée, le fait qu’il se distingue de x ou de y sur tel aspect, ça ne change rien. Et ce n’est pas de l’antifacisme adolescent que de le dire. Fin du premier point.

      Que Prat ait le temps de réfuter des points particuliers de certaines positions de DeBenoist, qui profite de la montée du concept de biorégionalisme pour proposer sa version de la décroissance, grand bien lui fasse, au moins il ne fait pas juste, comme d’autres une critique élogieuse du bouquin de DB, comme des singes savants, c’est vrai. Sauf qu’ il le fait sous contrainte parce qu’il a été critiqué tout comme Latouche de s’intéresser un peu trop près à ce que fait le GRECE. Le vert est donc dans le fruit et Prat est dans la justification de ses choix, comme celui de ne pas inviter à son colloque de réels spécialistes à la fois de la critique du concept de biorégionalisme et de la pensée de la « nouvelle droite » qui seraient plus à même, sans circonvolutions expertes douteuses de tirer les choses au clair. C’est de ça dont il s’agit. Et les tournures réthoriques et les citations érudites qui consistent à d’avance disqualifier les critiques n’y changeront rien. Donc Prat ne me convaincs pas. Fin du second point.

      Pour finir, je dis aussi que ses précautions ne me convainquent pas car il y a aussi d’autres façons de critiquer ces concepts, puisque la tendance réactionnaire de l’écologie est présente chez d’autres auteurs et que ce concept de biorégionalisme est quelque chose qui mérite d’être discuté, afin de savoir ce que recouvre cette notion, au fond, et chez qui. En passer par la fréquentation du GRECE, en opérant ainsi un travail de respectabilisation du mouvement, sous prétexte qu’on trouve tel point interessant tout en précisant qu’on réfute le reste, est tout simplement pitoyable. End of story.

    • @baroug : justement si on avait écouté le GRECE plus tôt, on aurait effectivement pris conscience qu’on fait parfois preuve de « terrorisme intellectuel », qu’on manque d’humilité et je pense qu’on en paie aujourd’hui le prix, car on ne sait plus « convaincre ».

      @supergeante : le terme de « travail de respectabilisation du mouvement » que tu utilises illustre parfaitement notre divergence.
      Pour moi ce n’est pas à nous qu’il incombe de décerner des brevets de respectabilité ou des autorisations de bonnes fréquentations.
      Cette stratégie de diabolisation a montré ses limites : la gauche a perdu le combat idéologique, la population a basculé à droite, ouvrons les yeux !!!
      Combattons de toutes nos forces les idées des mecs d’en face, démontons leurs arguments, mettons leurs discours en pièces.. Mais arrêtons de les diaboliser. C’est tentant, mais je pense que cela révèle surtout qu’on a peur d’eux, on ne s’oppose pas efficacement à leur propagande et au final on perd du terrain...

    • @petit_ecran_de_fumee tu peux choisir de prendre la responsabilité de dédiaboliser ; le FN, qui aujourd’hui d’ailleurs a idéologiquement rejoint la Nouvelle droite sur de nombreux points, profite depuis des années de tentatives similaires.
      C’est précisément ce qui amène des gens respectables à devenir les petits copains de crapules notoires. Je le dis clairement : oui, j’ai peur de ces gens, peur qu’il prenne un ascendant irrémédiable sur nos mouvements déboussolés et éclatés. Il faut être bien orgueilleux pour croire pouvoir rentrer dans une relation « normale » avec des fascistes et que celle-ci ne brouillerait pas les cartes, pour penser qu’on est capable de leur opposer une rhétorique suffisante à les faire changer d’opinion quand ceux dont on parle sont des maîtres en la matière.

    • @baroug : oui je suis d’accord avec ton analyse. Et ça me rassure. Cela montre qu’on s’étripe sur des questions stratégiques et non idéologiques, sur des questions de perception (peur/pas peur) , d’estimation du danger.
      Je ne crois pas être orgueilleux, simplement il me semble qu’en face non seulement ils ne sont pas plus intelligents, ni malins que les autres, mais ils ne sont pas moins divisés et déboussolés que nous.

      Oui ils sont redoutables, et pour moi c’est une effet collectif, que je résumerai juste à un aspect : ils ont actuellement « le vent en poupe » contrairement à nous. L’analogie avec une confrontation sportive et frappante. On est sur la défensive. On ne pense plus que par rapport à eux, on ne bouge plus que par rapport à eux. Oublions les, et développons nos propres offensives (dis-je optimiste)

      La suprématie intellectuelle de la gauche, datant environ de mai 68 et tombée en 1989 à Berlin a laissé la place à celle de la droite.
      C’est un fait aujourd’hui la droite est décomplexée, la gauche est complexée. Y a des histoires de cycles, à nous de les perturber.

    • ils ne sont pas plus intelligents, ni malins que les autres

      Pas tous, évidemment, ça dépend de qui on parle. Mais si l’un des thuriféraires du dialogue pacifié, ici, veut aller discuter avec De Benoist par exemple, il se fera massacrer, ou pire.

    • Ça me fatigue tous ces gens qui veulent aller lire les petits marquis de l’extrême-droite. Ils ont épuisé toutes les bibliothèques de la pensée anarchiste, socialiste, écologiste, féministe, toute la sociologie et ont du temps à revendre ?

      C’est pour s’encanailler ?

      Quand je sais qui est quelqu’un -ou parfois ce qu’il est devenu-, je ne perds plus mon temps avec lui. Tellement d’autres manières de le faire.

      De Benoist est un facho de la pire espèce, celle qui ne se salit pas les mains. Depuis Éléments , sa stratégie a TOUJOURS été d’entretenir la confusion pour amener les gens discuter sur son terrain. On a plus de 40 ans de recul sur ses pratiques et ses tactiques.

  • « Temps, travail et domination sociale » un livre Majeur de Moishe #Postone professeur au département d’histoire de l’université de Chicago
    http://www.journaldumauss.net/spip.php?article791

    Voici un ouvrage extrêmement important, traduit en français seize ans après sa publication aux Cambrigde University Press sous le titre Time, Labor and Social Domination avec et un sous-titre, non repris dans l’édition française : A reinterpretation of Marx’s Critical Theory. Il est important au moins pour trois raisons. D’abord, il constitue une interprétation – une ré-interprétation souligne précisément le sous-titre de l’édition américaine, insistant ainsi sur la nouveauté de celle-ci – de l’oeuvre de Marx. Pourquoi une ré-interprétation : parce que l’ouvrage tout entier propose une lecture de l’œuvre de Marx radicalement opposée à celle que Postone attribue au « marxisme traditionnel ». L’ensemble de l’ouvrage constitue en effet un démontage en règle de l’interprétation classique, voire officielle, de la pensée marxiste, qui nous fait découvrir un Marx radicalement nouveau, un Marx profondément actuel. C’est le second atout de cet ouvrage : le Marx ici présenté est débarrassé de ce qui gênait beaucoup d’entre nous : le productivisme dont il semblait faire montre dans beaucoup de ses écrits - appelant au développement sans frein des forces productives et semblant n’accorder qu’un intérêt extrêmement réduit à la question de la finitude des ressources naturelles -, la dimension souvent prométhéenne de sa conception de l’histoire, tous ces éléments qui semblaient peu appropriés aux questions auxquelles nous sommes aujourd’hui pleinement confrontés, sont réintégrés dans une explication qui révèle un Marx non productiviste. « A cet égard, confirme Postone, la reconstruction de la théorie critique du Marx de la maturité entreprise ici ouvre la voie à une critique du paradigme productiviste dans la tradition marxiste » (p. 35). Enfin, et ce n’est pas le moindre mérite de l’ouvrage, Postone ne perd jamais une occasion de rappeler que la démonstration à laquelle il s’attelle ne relève pas de la pure érudition mais est au contraire mise au service de l’élaboration d’une théorie critique de la société convaincante, nous permettant de comprendre l’essence du capitalisme et, partant, les moyens d’échapper à l’emprise de celui-ci : « j’espère contribuer ici, écrit Postone, à la reconstitution d’une théorie sociale critique systématique du capitalisme » (p. 38). Au centre de la démonstration, et constituant le cœur de celle-ci, le problème de la nature du travail traverse tout l’ouvrage. C’est donc principalement de lui qu’il sera question ici.

    #Marxisme #Productivisme #Philosophie #Libéralisme #Travail

  • Le champ intellectuel français aujourd’hui | Revue du Mauss permanente
    http://www.journaldumauss.net/spip.php?article976

    Vers la fin du XXe siècle, dix ans après la fin de la Guerre froide et la victoire planétaire du libéralisme économique, l’intellectuel – qui s’était dédié à la critique savante du scientisme comme cause d’une dérive dangereuse – est lui-même critiqué comme ennemi du progrès. Le règne de l’expert spécialisé s’impose. Cependant, depuis les années 2000 et sa série de crises mondiales aggravées par la puissance technique – et non prévues par les experts –, l’intellectuel est de nouveau sollicité pour « comprendre » et « proposer »

    #intellettuale #francia

  • Du mésusage de l’habitation au réapprentissage de l’habiter | Daniel Pinson (Revue du Mauss permanente)
    http://www.journaldumauss.net/spip.php?article947

    Si nous devons, comme tout l’indique, nous acheminer vers un état de « prospérité sans croissance » (Tim Jackson), de croissance qualitative plutôt que quantitative, ou encore, de décroissance, alors une pièce essentielle du scénario, presque jamais mentionnée et traitée, est celle qui a trait au type d’habitat et d’habiter nécessaire. D’où l’importance des réflexions de Daniel Pinson qui attirent notre attention sur cette question cruciale. Source : Revue du Mauss permanente

  • Du mésusage de l’habitation au réapprentissage de l’habiter | Daniel Pinson (Revue du Mauss permanente)
    http://www.journaldumauss.net/spip.php?article947

    Si nous devons, comme tout l’indique, nous acheminer vers un état de « prospérité sans croissance » (Tim Jackson), de croissance qualitative plutôt que quantitative, ou encore, de décroissance, alors une pièce essentielle du scénario, presque jamais mentionnée et traitée, est celle qui a trait au type d’habitat et d’habiter nécessaire. D’où l’importance des réflexions de Daniel Pinson qui attirent notre attention sur cette question cruciale. Source : Revue du Mauss permanente

  • La question syrienne | Revue du Mauss permanente
    http://www.journaldumauss.net/spip.php?article923
    par Akram Kachee et Jérôme Maucourant
    Excellent papier qui se donne pour but de relire et dépasser Seurat, en allant au delà d’une fascination pour le Proche-Orient pensé trop exclusivement en termes confessionnels au détriment d’une lecture des changements dans ces structures.

    Ce récit devenu canonique sur la Syrie n’est certes pas sans intérêt, mais il reste évidemment prisonnier du préjugé selon lequel le présent de ce pays serait un long passé, et dans lequel la vérité politique serait à chercher dans la géohistoire des confessions. Tout se passe comme si, depuis vingt ans, la mondialisation avait ignoré la Syrie, et comme si l’élite politique était restée une simple élite militaire. Or, la bourgeoisie sunnite s’est, pour l’essentiel, mêlée aux intérêts dominants. L’analyse du pouvoir de la classe dominante selon une grille confessionnelle est ainsi devenue obsolète. Le récit de Seurat et de ses épigones ne rend donc pas compte du fait que le régime défend les intérêts de ceux qui se sont enrichis, toutes communautés confondues. Tout se passe comme si l’analyse confessionnelle avait pour vertu de masquer le simple fait de la lutte des classes. L’heureux intérêt de cette occultation permet aux orientalistes et aux commentateurs de ramener la conflictualité sociale en Syrie comme en Orient à un différend essentiellement culturel et religieux, ce qui permet à certains de valoriser la spécificité de leur objet d’étude et à d’autres de se perdre dans l’exotisme.