Vivement 2050 ? | Jean Zin

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  • Après avoir épluché le petit manuel de la transition, Jean Zin, le philosophe du Quercy règle ses comptes avec #ATTAC ...

    Le petit manuel de la transition d’ATTAC | Jean Zin
    http://jeanzin.fr/2013/12/09/le-petit-manuel-de-la-transition

    Après avoir beaucoup travaillé ces derniers temps à revenir à une forme de matérialisme historique rénové contre les illusions de la politique, les dangers du volontarisme, de l’extrémisme, de l’idéalisme et du moralisme, le temps est venu des travaux pratiques et de porter la critique sur les propositions qui se donnent comme alternatives, puisqu’il ne s’agit pas seulement de comprendre la transformation du monde mais bien d’essayer de le changer réellement pour mieux s’y adapter.

    On ne parlera pas ici de tous ceux pour qui l’alternative se limite au retour du nationalisme, du protectionnisme, des nationalisations, à la sortie de l’Euro, au rejet des immigrés, à la fermeture des frontières pour pouvoir s’isoler du reste du monde et se retrouver « entre-nous » (fantasme d’Emmanuel Todd qui en connaît pourtant les disparités familiales et alors même que 50% des salariés travaillent pour des multinationales) ! Les interventions africaines actuelles nous rappellent comme cette Nation tant vantée avait une dimension coloniale, d’où viennent les immigrés d’aujourd’hui (comme les Pakistanais vont en Angleterre). La mondialisation nous l’avons faite les armes à la main. On ne parlera pas non plus de ceux qui rêvent de l’expropriation des capitalistes et de la collectivisation de l’économie comme au bon vieux temps. Tant qu’à faire, autant s’attaquer à ceux qui se présentent comme altermondialistes, et dont j’ai été le plus proche, en regardant ce qu’ils proposent comme « Petit manuel de la transition » pour toutes celles et ceux qui aimeraient mais doutent qu’un autre monde soit possible !

    Beaucoup d’espoirs avaient été mis dans ATTAC à sa création mais il faut bien dire que l’essentiel de son intérêt, en dehors de la taxe Tobin elle-même, venait de René Passet plus que de son organisation en réseau comme on le croyait à l’époque. On l’a bien vu lorsqu’il est parti, l’organisation dégénérant très vite, reprise en main par des marxistes plus ou moins orthodoxes. On m’avait demandé de participer à des discussions sur le revenu garanti opposé alors à la réduction du temps de travail mais je n’étais pas du tout dans la ligne de Michel Husson qui avait la haute main sur l’économie dans le « conseil scientifique » d’ATTAC : considérant que nos positions étaient trop éloignées pour donner lieu à une discussion constructive, il dissout donc tout simplement le groupe de réflexion ! Il est d’autant plus étonnant que malgré tous ces doctrinaires, cela aboutisse à des propositions si inconsistantes, pas vraiment alternatives et bien peu matérialistes, où, comme le dit Denis Clerc, « les auteurs confondent souvent envisageable et possible ». On a donc plus un catalogue de bonnes intentions même si, pour se prouver le contraire, chaque chapitre comporte de très artificielles sections « c’est possible dès demain » (décret gouvernemental) et « nous pouvons le faire sans attendre » (actions militantes).

    Il y a six grands thèmes :
    1. Mettre au pas la finance.
    2. Refuser la menace de la dette, l’austérité et la
    compé­­titivité.
    3. Engager la transition écologique.
    4. Relocaliser !
    5. Aller vers la justice sociale et l’égalité réelle.
    6. En finir avec l’oligarchie, étendre et approfondir la
    démocratie.

    ... et nous propose de ne pas trop nous la raconter concernant les perspectives pour les décennies à venir :
    http://jeanzin.fr/2013/12/17/vivement-2050

    Cette fois, on peut dire qu’on a affaire quasiment à la version officielle de l’alternative, du moins pour les pays riches, celle de l’ONU (du PNUD) dans la suite du rapport Meadows sur les limites de la croissance (rapport de Rome). Si ce n’est pas beaucoup plus convaincant, on verra que ce n’est pas tellement éloigné des propositions d’ATTAC même si leur démarche, qui privilégie le consensus sur la confrontation, s’appuie beaucoup plus sur les nécessités matérielles que sur la combativité militante. Le titre reprend pourtant le leitmotiv de rendre désirable un monde sans croissance, comme si le monde était le résultat de nos désirs et de notre subjectivité, comme si on décidait de la société dans laquelle on vit, illusion tenace. Comme la plupart, ils s’imaginent en effet qu’il s’agirait de « parvenir à s’entendre sur un projet de société soutenable et désirable » (p65) alors qu’il serait bien sûr impossible d’accorder nos désirs, ce n’est que sous la menace bien réelle qu’on resserre les rangs dans l’urgence.

    Quelques liens pour documenter :
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Cycle_de_Kondratieff
    http://www.lespetitsmatins.fr/collections/vivement-2050-pour-une-economie-soutenable-et-desirable