Notes pour servir à la constitution d’un dictionnaire permanent de la langmol

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  • En tant que citoyen, ce dont j’ai vraiment peur, c’est que nous ne puissions pas inventer les mots de la riposte. C’est à dire que nous nous laissions à ce point débordé par ce mauvais gouvernement, par l’appauvrissement de la langue politique. Dès lors que l’on prend des mots — anciens ou nouveaux peu importe—, lorsque l’on se met de guerre lasse, à employer des mots comme « assistanat », on a perdu. (...) c’est ce qu’il y a de plus politique, et peut-être de plus poétique : inventer les mots du constat.

    Patrick Boucheron dans La grande table du jour, à la toute fin vers 33’30. #citation #langue
    http://www.franceculture.fr/emission-la-grande-table-2eme-partie-gouverner-par-la-peur-ce-qui-a-ch

    Il est assez ironique que le Parti #socialiste continue de faire les frais du discrédit attaché à la gauche, alors qu’il ne ménage pas ses efforts, c’est le moins qu’on puisse dire, pour échapper à cette étiquette infamante. De l’unanimisme qui prévaut désormais, et dont on peut mesurer l’ampleur à la généralisation d’un certain vocabulaire (« assistanat », « victimisation », « angélisme », « culture de l’excuse », « tabous »…), le PS offre évidemment l’illustration la plus caricaturale.

    Il ne faut pas se cacher, cependant, que la #gauche est mal armée pour cela. D’abord, elle répugne à accorder la moindre attention aux formes : cela ne pourrait relever à ses yeux que de la manipulation, de la reddition à l’ennemi, de l’imitation des techniques de « com’ » prisées par la droite et les socialistes. Elle dénonce à raison — comme Éric Hazan dans son livre LQR. La propagande du quotidien — la façon dont la pensée dominante détourne et subvertit le langage à son profit, imposant ses termes, avec l’efficacité que l’on a constatée au chapitre précédent, comme autant de chevaux de Troie de sa vision du monde ; mais elle a tendance à s’enfermer elle-même dans un #langage routinier, dans le ressassement de slogans usés qui se limitent à servir de points de ralliement à ceux qui se revendiquent du côté du Bien, avec un souci de renouvellement à ce point inexistant que, pour ma part, si forts que puissent être mon attachement à l’utopie et mon rejet du libéralisme, je me sens aujourd’hui prête à assassiner quiconque viendrait m’annoncer qu’un autre quoi-que-ce-soit est possible ou que je-ne-sais-quoi n’est pas une marchandise. Elle se berce ainsi d’une autosatisfaction un peu courte et oublie que la qualité et la force du langage sont intimement liées à celles de la pensée ; Annie Le Brun écrivait dans _Du trop de #réalité_ que la richesse de la langue apporte à la pensée « le surcroît d’énergie qui permet à celle-ci de s’aventurer au-delà d’elle-même ».

    @mona http://www.editions-zones.fr/spip.php?page=lyberplayer&id_article=59 (2008) #communication_guérilla