D’où l’impression étrange pour un spectateur qui a déjà vu l’opéra d’être comme un enfant qui, au sommet d’une armoire ou au fond d’une cave, découvre, remisé dans un carton, le vieux train électrique de son enfance lointaine et un peu oubliée comme le carton. Un jouet quasi intact mais un peu rouillé dont on redécouvre l’éclat des couleurs qui avaient un peu terni dans notre mémoire.
Un train étrange cependant : les passagers, le conducteur semblent être des doublures, voire des clones de ceux qui nous avions connus. Les uns et les autres ont grandi, vécu, aimé, certains sont disparus. Et pourtant, tout est là. Ou presque.
Alors il faut fermer les yeux. Et c’est par le son, la musique de Phil Glass jouée par l’ensemble qui porte son nom (direction musicale : Michael Riesman), les voix des choristes mais aussi le timbre de la voix des acteurs (en particulier la magnifique Kate Morane) que tout revient d’abord. Comme une bourrasque de souvenirs troués qui vient lutter contre ce courant d’air qu’est le présent de la présentation. Laquelle, par ses facéties nouvelles et ponctuelles (sorties tout droit des derniers spectacles de Bob le flambeur), finit par emporter le morceau et mettre en vrille presque quarante ans de ma vie.