@monolecte, je ne sais pas si les "surnuméraires" (notion promue par un Robert Castel devenu irénique, voir son La « guerre à la pauvreté » aux États-Unis : le statut de l’indigence dans une société d’abondance , Robert #Castel, de 1978, avant son recentrage républicain,
▻►http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=4243 )sont inutiles…
Ainsi la régression du "pouvoir d’achat" du RSA, par exemple, ne signifie pas seulement que l’on ne compte pas sur ces pauvres pour faire tourner l’économie en consommant, ni même seulement que l’on appauvrit ces pauvres pour leur faire accepter les bads jobs dans le cadre d’un plein emploi précaire. La majorité (relative) des chômeurs indemnisés est désormais constituée de 40% de "chômeurs en activité à temps réduit" ; idem, les "RSAstes" sont fort nombreux à occuper un ou des emplois durant l’année… De plus, on ne peut sérieusement mesurer l’activité ou l’utilité au seul critère de l’emploi (une formalisation du travail qui n’en contient pas toutes les modalités, bien loin de là).
Cet appauvrissement me semble aussi avoir pour fonction de fabriquer une figure lisible, évidente, incontestable, de cette déchéance sociale dont nous devons tous nous sentir menacés (ni travail, ni famille, ni patrie, cela doit faire peur). On a vu ces dernières années par exemple de nombreux "sondages" destinés à montrer que de larges fractions de la population craignaient d’avoir à survivre à la rue, vivaient avec la peur plus ou moins forte d’être soumis à un devenir SDF. On est là dans un domaine "symbolique", et pas au sens d’un hochet-repoussoir imaginaire et sans portée, mais bien dans l’affirmation d’un ordre symbolique, de la loi de cette "société de travail" (comme disait Jospin contre les mouvements de chômeurs en 1997/98, cf ►http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=5374), c’est-à-dire de cette société gouvernée par l’argent car fondée sur l’exploitation pour le profit.
Comme dit la chanson, la meilleure des polices ne porte pas d’uniforme… Autant il me parait erroné d’appliquer ad vitam eternam la notion d’"armée industrielle de réserve" à l’analyse du travail et du monde social (…), autant il semblerait judicieux de chercher comment, dans le péplum aux figurants innombrables de la domination capitaliste, des images (de mort sociale) ont a être incarnées afin d’être en mesure de gouverner par la peur, d’affecter de part en part l’intime et par là d’obérer toute possibilité de communauté qui ne soit pas régie par cette peur.
L’autre point que tu soulèves, je le résumerais en disant qu’il existe une disproportion radicale des "empreintes écologiques" des riches et des pauvres (cette disproportion quantitative dit fort bien que l’inégalité qualifie décisivement ce monde ) a fait sur seenthis l’objet de nombreux échanges ces derniers temps, échanges placés sous le signe du refus du #moralisme_écolo.
Que des bourges (déclassés, ont précisé certains) coupables d’avoir de générations en générations détruit massivement des ressources (la vie de ceux qui ont produit pour eux, des matières premières, des biens communs) veuillent expier les comportements prédateurs de leurs ancêtres les plus directs et viennent aujourd’hui expliquer aux pauvres qu’il faudrait être raisonnable avec la planète - et pourquoi pas quitter les achèlèmes et les pavs où nombre d’entre eux ont été parqués avec un chauffage électrique destiné à faire marcher et légitimer et la gabegie et le nucléaire (Guattari et Deleuze formulent, dès 1973, la notion d’ antiproduction capitaliste , cessons de trasher toute "boite à outils" !), me parait abject.
Faire de la #morale, c’est fabriquer du surmoi collectif, et ici c’est celui bien bourgeois de la "responsabilité individuelle". Un sadisme social qui fait l’économie du collectif pour congédier plus encore cette dimension, quitte pour certains à prôner la small collectivité (plutôt que ou en même temps que la "culture de l’entreprise"), celle qui jamais n’aurait à se battre contre l’ordre social, juste à être "supérieure" (plus efficace, plus désirable) à d’autres "formes de vie" ; mais ça marche pas, pas du tout, ainsi qui a cru fuir le monde du capital dans une yourte, ou se mettre à l’abri de la concurrence pour l’emploi et du contrôle avec un pauvre RSA finit par être confronté, après le ressentiment du voisin, aux préfets, aux présidents de conseils généraux, aux agents de contrôle.
Plutôt que de verser dans la culpabilisation de ces "pauvres aliénés", on peut préférer imaginer encore un mouvement de désaliénation. Qui croit à la vertu d’un conflit qui s’enfermerait pas dans l’intériorisation sait user, cherche à user, de quelques points de repères parmi tous ceux qu’une longue histoire DE LUTTE a fourni. Marcher sur la tête des rois, guerre aux châteaux, paix aux chaumières, a-t-il par exemple été dit. On ne trahira ces restes sublimes que pour essayer de les traduire, d’expérimenter leur actualisation. Sinon, c’est déconner.