2014 | Passeur de sciences

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  • A quoi ressemblerait la Terre sans microbes ?
    http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2014/12/21/a-quoi-ressemblerait-la-terre-sans-microbes/#xtor=RSS-32280322

    Dans une note publiée en 1885 dans les Comptes-rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences, Louis Pasteur s’interrogeait : « Souvent, dans nos causeries du laboratoire, depuis bien des années, j’ai parlé aux jeunes savants qui m’entouraient, de l’intérêt qu’il y aurait à nourrir un jeune animal (lapin, cobaye, chien, poulet), dès sa naissance, avec des matières nutritives pures. Par cette dernière expression, j’entends désigner des produits alimentaires qu’on priverait artificiellement et complètement des microbes communs. Sans vouloir rien affirmer, je ne cache pas que j’entreprendrais cette étude, si j’en avais le temps, avec la pensée préconçue que la vie, dans ces conditions, deviendrait impossible. »

    Sans doute Pasteur devait-il cette « pensée préconçue » au constat que les (...)

  • La malédiction de la tartine beurrée expliquée par la physique
    http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2014/12/14/la-loi-de-la-tartine-beurree-expliquee-par-la-physique/#xtor=RSS-32280322

    Mais pourquoi « Crash Toast » ? Après la publication, il y a un mois, de ma première vidéo – intitulée « Le grand bobard du voyage vers les étoiles » –, plusieurs d’entre vous se sont posé des questions au sujet de la nouvelle chaîne Youtube que cette vidéo inaugurait. Crash Toast est née de la rencontre entre la société de production Pernel Média et l’auteur de ces lignes. Nous avons fait ensemble le constat que, sur la gigantesque plate-forme de films en ligne qu’est devenue Youtube, on ne trouvait pas vraiment l’équivalent francophone d’une chaîne de vulgarisation anglo-saxonne telle que Vsauce, laquelle compte aujourd’hui plus de 8 millions d’abonnés. Ce constat n’est pas neuf et j’ai souvent dénoncé la place de parent pauvre ou de cinquième roue du carrosse que les médias français attribuent en général (...)

  • A quoi ressemblerait la Terre sans #microbes ?
    http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2014/12/21/a-quoi-ressemblerait-la-terre-sans-microbes

    En l’absence des #procaryotes, toute la #chaîne_alimentaire imploserait.

    Commençons par le bas. Sans les #bactéries, qui jouent un rôle essentiel dans la fixation de l’#azote par les #plantes, la #photosynthèse cesserait dans l’année qui suivrait. L’humanité pourrait néanmoins parer le coup en nourrissant ses cultures avec des engrais azotés que l’on sait produire à bas coût. Mais pourrait-on également apporter ces compléments à toutes les grandes zones végétales sauvages du monde, à toutes les #forêts tropicales, à la #taïga, à la #savane, etc. ? On en doute. Passons à l’étage supérieur, celui des #herbivores et en particulier des ruminants qui nous fournissent leur #viande et leur #lait. Si nous ne voulons pas dire « adieu, veaux, vaches, moutons, chèvres », il faudra là encore, expliquent Gilbert et Neufeld, avoir recours au talent des chimistes humains pour que ces animaux se passent des services des bactéries et archées qui aident notre bétail à digérer la #cellulose des plantes.

    Ce n’est là que le début des problèmes. Il faudrait par exemple penser à donner à tous les animaux du monde (et notamment au #phytoplancton) de la vitamine B12 qui nous est fournie grâce à l’activité bactérienne. Cette dernière joue aussi un rôle important dans le recyclage de la biomasse. Ainsi, sans les bactéries, le #phosphore qui existe en quantité limitée à la surface de la planète et qui est contenu dans les êtres vivants, ne pourrait plus, une fois ceux-ci passés de vie à trépas, être restitué à la nature et viendrait progressivement à manquer, en particulier dans les #océans qui cesseraient de produire de la vie en quelques décennies, sauf à se dire que nos chimistes joueraient de nouveau les pompiers et ensemençant toutes les mers du globe en phosphore...

    Même en imaginant que nous puissions, par notre chimie, empêcher la chaîne alimentaire de s’effondrer complètement, il est un domaine où l’absence de bactéries finirait par se faire cruellement sentir : celui de l’#oxygène que nous respirons. Sa production serait déjà bien entamée par la disparition prévisible d’une bonne partie des écosystèmes végétaux, terrestres ou marins, mais le phénomène serait aggravé parce qu’une partie de cet oxygène provient directement des #cyanobactéries ! Nous pourrions vivre sur les réserves probablement pendant plusieurs centaines de millénaires, calculent nos deux biologistes, mais celles-ci finiraient par s’épuiser.

    Il est de toute manière fort probable qu’avant d’arriver à l’asphyxie finale, l’humanité n’aura pas survécu à des périodes prolongées de famine et de guerres pour la nourriture dignes de certaines fictions apocalyptiques. Les auteurs soulignent que, même si la disparition subite des bactéries n’entraînait pas dans la foulée celle des plantes et animaux, « la survie à long terme des eucaryotes serait douteuse ». Bel euphémisme. Cette expérience de pensée a le mérite, en décortiquant la multitude de processus dans lesquels les #micro-organismes sont impliqués, de mettre en lumière à quel point ces minuscules êtres, que l’on regroupe un peu par dédain sous le terme de « microbes », sont en réalité les véritables maîtres de la #vie sur #Terre.

  • Iron Man bientôt sur le champ de bataille ?

    http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2014/11/23/iron-man-bientot-sur-le-champ-de-bataille

    L’idée principale consiste à insérer le guerrier humain à assistance robotique dans une armure à l’épreuve des balles. Pas question pour autant de revenir au Moyen-Age en couvrant le corps d’une coque rigide et lourde ou d’imiter Sigourney Weaver, manœuvrant dans Aliens (1986) un robot gigantesque amplifiant ses mouvements : le « l » de Talos signifie « léger ». Il a ainsi été évoqué un uniforme assez souple contenant une sorte de céramique liquide à changement d’état hyper-rapide. Lorsqu’un projectile atteint ce matériau, les molécules qui le composent se rigidifient instantanément sous l’impact. Il est aussi prévu d’embarquer des mini-caméras pour obtenir une vision à 360° ainsi que des capteurs surveillant l’état de santé du soldat.

    En présentant le projet, William McRaven a expliqué qu’il lui avait été inspiré par la mort d’un de ses hommes, abattu par des talibans après avoir enfoncé une porte lors d’une mission visant à libérer des otages. L’amiral américain espère que Talos « améliorera de manière révolutionnaire la survie et le potentiel des forces spéciales ». Une version bêta est censée arriver dès cette année et le programme, financé à hauteur de 80 millions de dollars, prévoit les premiers équipements pour 2018. Si science-fiction il y a dans ce projet, c’est sans doute dans ces détails qu’elle réside. Certains experts jugent plus raisonnable d’envisager la date de 2026 et un budget... d’un milliard de dollars. Peut-être l’armée américaine, pour financer et fabriquer son Iron Man, devrait-elle frapper à la porte du milliardaire Tony Stark ?

  • Archéologie : les nouvelles merveilles de Teotihuacan | Passeur de sciences
    http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2014/11/02/archeologie-les-nouvelles-merveilles-de-teotihuacan

    Tout a commencé par hasard, un matin d’octobre 2003, après des pluies abondantes tombées sur le site archéologique mexicain de Teotihuacan. A cause de ces précipitations, un trou dans le sol était apparu. Quinze mètres plus bas, les archéologues découvrirent par la suite un tunnel long d’une centaine de mètres, qui s’enfonçait sous le temple du Serpent à plumes. Un tunnel d’offrandes... Les fouilles proprement dites ont commencé en 2010. Quatre ans plus tard, les chercheurs ont dégagé quelque 70 000 objets et fragments d’objets qui disent l’importance symbolique de ce tunnel pour les habitants de Teotihuacan, il y a dix-huit siècles. Les 30 et 31 octobre s’est tenu à Mexico un colloque présentant les résultats préliminaires de ces fouilles. Il faudra des années pour les analyser.

    Avec une galerie de photos.

    Lien direct vers l’INAH (Institut National d’Anthropolie et d’Histoire) mexicain
    http://www.inah.gob.mx/images/stories/Multimedia/Fotogalerias/2014/Octubre/teotihuacan/demo


    Vase zoomorphe
    Foto Héctor Montaño, INAH

    • Que veux-tu dire exactement @bug_in ?

      Je signale ce texte au cas où :
      Portrait d’un biologiste en capitaliste sauvage (Latour, 1984)
      http://www.bruno-latour.fr/sites/default/files/17-K-SAUVAGE-FR.pdf

      Nous le disons fort innocemment, quand nous voulons défendre les sciences contre les attaques dont elles sont parfois l’objet en invoquant alors les droits de la connaissance « pour la connaissance ». Nous croyons innocemment opposer les recherches scientifiques à la cupidité des industriels, or nous disons simplement la même chose que les plus purs capitalistes : la recherche est un cycle de capital, les énoncés comme les situations n’ont pas de valeur propre, seules comptent la reproduction et l’extension du cycle. Quand je disais que Pierre était un capitaliste sauvage !

    • La critique de Latour mène en fait souvent a réfuté quasiment l’intérêt même de la science en terme de possibilité d’accéder a la vérité, pour la réduire a un discours parmi d’autres, une opinion parmi d’autres.
      Le pouvoir de cette dernière sur le social serait ensuite pour ainsi dire uniquement symbolique, psychologique et de reconnaissance des institutions.
      Je pense que c’est bien plus matériel que cela, et que si une parti de la science participe si bien au capitalisme c’est précisément pas seulement parce qu’elle lui donne une sorte de « halo » positif d’opinions, mais bel et bien les moyens pratiques d’agir dans un sens particulier sur la société.
      Ça ne veux pas dire que ce que dit Latour n’a aucun intérêt, toutefois. Je ne sais pas si ce que j’ai écris te semble clair, ou pas, n’hésite pas a me l’indiquer.

    • Ok, merci, je croyais que tu faisais référence à des propos de Latour sur l’évaluation de la recherche en particulier.

      Bon, je ne fais pas autorité sur Latour, mais je ne crois pas que pour lui la science soit une opinion parmi d’autre. Cela supposerait déjà que la science parle d’une seule voix. Or lors d’une controverse scientifique (ce qui l’intéresse), il n’y a pas la Science d’un côté (ayant un accès immédiat aux choses, à la vérité) et l’ignorance, la superstition, etc., de l’autre. Tout l’enjeu des controverses est justement de savoir ce qu’est la bonne science.

      Ce que Latour veut montrer, à mon avis, c’est que pour avoir une incidence sur le social, un fait, une découverte, doivent être acceptés. Il ne suffit pas de prétendre détenir la vérité dans son labo et d’attendre que la raison se répande sur les sceptiques. Si on prend l’exemple du réchauffement climatique, on voit d’une part que les climato-sceptiques sont aussi des scientifiques (aussi ineptes soient-ils quand ils parlent de climat), et d’autre part qu’ils affectent la manière de travailler des climatologues. Ceux-ci se demandent alors comment communiquer leurs résultats ; quels mots utiliser pour convaincre le plus grand nombre ; quelle attitude adopter : faut-il être catastrophiste ou au contraire très mesuré ; faut-il insister sur les incertitudes ou les passer sous silence ; quels sujet suscitant des « blocages » doit-on traiter en priorité, etc. Ainsi, il ne s’agit pas d’opposer le vrai au faux en se réclamant de la Science, mais de savoir comment on produit un fait, une évidence. Comme il le dit ailleurs, « l’indiscutable provient du discuté » : l’évidence n’est d’abord pas évidente, c’est à la fin de la discussion, de la controverse qu’elle acquiert ce statut (et ce n’est pas un processus de tout repos).

      Sur la participation des sciences au capitalisme, je suppose que tu veux parler des techniques et de la technologie, non ? Ce que je trouve intéressant dans le texte de Latour ci-dessus c’est qu’il montre que l’activité scientifique peut être elle-même une activité capitaliste (un capitalisme de la connaissance) – et non pas juste être au service du capitalisme. Quand un article n’a plus de valeur en lui-même ou pour les résultats qu’il pourrait à terme produire, mais ne sert qu’à alimenter la machine à publications, l’activité scientifique perd tout intérêt.

      Cela dit je ne suis pas séduit par les propositions d’Ioannidis telles que rapportées dans l’article. Revenir sur la gratuité du processus de review ou évaluer les résultats obtenus à l’aune du financement reçu seraient même pire que le mal à mon avis.

    • C’est bien l’impression que j’ai en agissant de la sorte on réduit la science a un jeu de communication sous prétexte de la diffuser. Je pense qu’il ne faut pas confondre le travail d’un communiquant et celui d’un chercheur.
      Le fait n’est pas produit par le langage, il est produit par la science et les conventions qui ont permis sont apparitions par le truchement d’instruments standardisé.
      Les non-scientifiques, non pas connaissances de ces faits, la, ils ont connaissances de discours, de représentations.

    • Après sur les propositions de l’auteur de l’article, oui, je ne serai pas d’accord non plus. C’est l’analyse qui révèle des difficultés au seins du groupe de travail dit « scientifique » (et dont on voit qu’il excède largement leur controle) que je trouvais intéressant.
      A titre personnel, j’ai toujours parlé de « moratoire invisible » pour désigner les sciences et techniques qui ne pouvais pas être développé parce que le budget de l’État et ou l’industrie, ne les favorisais pas.

    • Le fait n’est pas produit par le langage, il est produit par la science et les conventions qui ont permis sont apparitions par le truchement d’instruments standardisé.

      Certes, mais si ton fait reste dans la laboratoire, tout ton travail ne sert à rien. Tu écris un article pour que ton fait soit repris et qu’il s’impose, qu’il ait un effet (tu ne travailles pas pour rien, tu es passionné par ton sujet et tu veux qu’on en parle). Tu vas présenter ton travail lors de conférences ou répondre à des entretiens pour la même raison. Parler de son travail fait partie de l’activité du chercheur. Un fait qui n’existe que dans ton ordinateur ou ton cahier de notes, pour toi seul, eh ben, on peut dire qu’il n’existe pas au statut de fait. Ce n’est que lorsque tu mets tout sur le papier et que tu décris comment il a été produit qu’il peut commencer à circuler, en attendant que le papier soit validé par le processus de peer review et discuté, remis en question au grand jour.

      En conférence des chercheurs s’écharpent, des camps se forment, c’est à qui présentera son travail de la façon la plus convaincante. On peut le regretter et penser que c’est le règne de la communication, mais c’est à mon sens ce qu’est la science, et ce qu’elle a toujours été.

      Les non-scientifiques n’ont pas connaissances de ces faits-la, ils ont connaissances de discours, de représentations.

      Mais un article scientifique c’est bien du discours, du langage. Et c’est précisément l’article qui fait éclore le fait qui était encore coincé dans ton cahier de notes à l’état d’intuition.

    • De ce que je crois comprendre de ce que tu indiques, je constate juste que nous sommes effectivement pas d’accord. Pour moi le fait existe réellement, même si on est le seul a le percevoir. Si plus de monde peuvent le découvrir, ou en obtenir une vulgarisation tant mieux, mais ça ne fait pas disparaître le réel pour autant.
      Imaginons qu’on est des discours opposés ou juste différents sur la même chose, ceux qui seront le résultat d’un travail scientifique (relus, ré-essayé etc...) ne sont plus simplement des opinions qui font face a d’autres opinions !

    • @bug_in / Florian olivier

      « Le fait n’est pas produit par le langage, il est produit par la science et les conventions qui ont permis sont apparitions par le truchement d’instruments standardisé.
      Les non-scientifiques, non pas connaissances de ces faits, la, ils ont connaissances de discours, de représentations. »

      Je crains fort que les scientifiques, pour penser, concevoir, les phénomènes auxquels ils se confrontent dans leur travail de chercheur, ne puissent s’abstenir d’en passer eux aussi par des représentations, et par ce même langage. Je crains que le fait de travailler comme scientifique ne donne à personne la capacité d’appréhender immédiatement - magiquement serait ici approprié - quelque phénomène que ce soit. Bien que le langage du chercheur se distingue de celui du communiquant - considération qui ne casse pas trois pattes à un canard -. je crains qu’il ne soit des plus fondé et légitime de se risquer à supposer qu’il y a une production du fait par le langage, chez le plus rigoureux et exigeant des scientifiques. (J’en ai été, brièvement, avant de m’en aller voir ailleurs si la curiosité y était un peu moins frelatée. Je me rappelle très bien de ce que mon langage et ma pensée étaient alors comme aujourd’hui, comme le reste de ma personne, irrémédiablement de ce monde. Mais je me rappelle aussi que nombre de mes collègues, sans présager pour autant de leur rigueur ou de leur honnêteté, se trouvaient plus ou moins persuadés du contraire, pour ce qui est de leur pensée au moins : et que ce n’était pas une mince affaire que d’essayer de les amener à commencer de penser de façon exigeante sur pareil sujet ! Ils préféraient de loin s’en tenir à des considérations complaisantes sur l’incapacité, selon eux, des non-scientifiques et des communiquants à aborder la science avec la hauteur de vue requise.)

      Reconnaître cela ne fait pas « disparaître le réel » : cela rend seulement un peu plus conscient des limites des outils dont chacun-e, scientifiques y compris, dispose pour l’appréhender. Je ne crois donc pas que la méthode scientifique, qui, même si elle est un peut trop sacrément épatante, n’en est pas moins une production humaine, et en tant que telle s’inscrit dans une histoire, permette d’atteindre objectivement « au réel ». Cela ne met pourtant pas tout et n’importe quoi « au même niveau que la science », dans un relativisme imbécile - à moins que l’on ne tienne à faire preuve de malhonnêteté intellectuelle, on peut encore essayer de disputer avec discernement des qualités et défauts respectifs des diverses manières dont les êtres humains ont essayé et essaient de s’accommoder du fait et des faits de leur existence, et reconnaître les siens à la science - mais cela évite d’imaginer que celle-ci pourrait jamais être faite depuis Sirius.
      (Pour ma part, le jour où j’aurai accès à un fait objectif, « du point de vue de Sirius », ma première crainte sera alors de « ne plus être de ce monde », comme disaient très vulgairement les plus profanes des non scientifiques, autrefois).

      (Pour Latour, je me rappelle vaguement avoir trouvé sa sociologie des sciences stimulante un temps, avant de m’être confronté chez lui à ses limites, il y a quinze ans, sous la forme d’une approche qui m’avait paru tout de même très insuffisamment critique du caractère historique, social, de l’activité scientifique, et des problèmes posés par la technoscience contemporaine. (Le titre du bouquin m’échappe hélas) Je me suis complètement désintéressé du personnage depuis, et je ne recommanderais à personne de s’encombrer de son point de vue, pour élaborer une critique de l’activité scientifique).

    • @martin5 J’ai l’impréssion que la part du langage que tu indiques et pour moi retenu dans ce que j’appelle « les conventions » (comme le propose le conventionnalisme critique de Duhem-Poincarré, en précisant cependant qu’il a certains critères qui chez certains chercheurs peuvent être non-conscient).
      Il n’y a pas un point de vue de Sirius, mais il y a une objectivité construite sur la base de multiple subjectivité qui se sont mis d’accords sur des conventions minimales. Ces conventions ne sont pas arbitraires ou hasardeuses et ce qu’elles permettent de découvrir ne peut pas être retenu comme étant l’équivalent d’une simple « opinion personnelle » (bien que cette dernière puisse parfois aboutir ou être la même que ce qu’a vu la science, mais ce n’est pas systématique).
      Bref, je n’ai pas l’impression que nos avis soit très éloigné sur cette question.

    • Je reconnais volontiers ne pas connaître le « conventionnalisme critique de Duhem-Poincarré », mais j’ai de sérieux doutes quant à la qualité de diversité des points de vue d’une multiplicités de « subjectivités »... de chercheurs. Il me semble qu’il y a là un aveuglement des premiers concernés sur le caractère séparé, pour employer un vieux concept situationniste, de la curiosité et de la connaissance, prétendument incarnées et assumées par l’activité scientifique, dans la société actuelle.

      J’évite par contre pour ma part de penser et formuler ces questions en des termes qui me paraissent aussi propices à contresens et interprétations calamiteuses que « l’opinion personnelle ». Et je ne pourrai dire que « le fait existe réellement, même si l’on est le seul à l’apercevoir ». C’est le regard qui circonscrit le phénomène, le « fait ». Le regard existe, le phénomène qu’il circonscrit existe, et il ne fait pas de doute à mes yeux qu’il existe aussi quelque chose de beaucoup plus vaste, qui dépasse irrémédiablement le champ de vision de chaque regard particulier. Dire que je n’y ai pas accès ne signifie pas en nier l’existence, c’est plutôt ramener mes facultés (ou celles de n’importe qui d’autre) à leur échelle, à leur possible, à leurs limites.

      Ce sur quoi je veux insister, c’est que les conventions, et par exemple ce qui fait le caractère scientifique, ou non, d’une expérimentation, d’une publication, sont justement chargées d’histoire et de socialité, ce qui me suffit à trouver plus que problématique que l’on se risque à parler, partant de là, d’objectivité - même si c’est pour préciser qu’elle est construite. L’opposition objectivité/subjectivité me semble un très grossiers pièges sémantiques dont nous avons intérêt à nous affranchir.
      Dire que ces conventions sont des productions humaines n’est certainement pas sous-entendre qu’elles soient « arbitraires » ou « hasardeuses » : au contraire, c’est mettre l’accent sur le fait qu’elles portent en elles l’empreinte d’une époque et d’une société donnée, que s’y retrouvent à l’oeuvre, plus ou moins intensément, l’essentiel des impensés et des dénis qui caractérisent intimement l’ordre social où ces conventions ont cours, et qu’aucune convention que les êtres humains puissent se donner ne saurait prétendre échapper à ces marques de naissance.

      Que, d’autre part, les limites du vocabulaire conceptuel dont nous disposons nous rend littéralement aveugles à tout phénomène qui ne se laisse saisir avec lui.

      Pour ce que j’ai pu en constater jusqu’ici, au sein du milieu scientifique, comme d’ailleurs au sein n’importe quel autre milieu humain, l’on est bien plus enclin à s’imaginer au-dessus des conditions matérielles qui en conditionnent les consciences, qui conditionnent la pensée et la critique de sa propre pratique que ce milieu peut éventuellement produire, qu’à accepter de les prendre en compte.
      Je n’ai quasiment jamais rencontré de scientifique prêt à admettre qu’une critique sociale conséquente, radicale, matérialiste, de l’activité scientifique était plus qu’indispensable, et à assumer ce que cela impliquait de questionnement quant à sa propre pratique, comme quant la représentation qu’ellil s’en faisait, ou quant à la reconnaissance de l’idéalisme grossier qu’on y retrouve à l’oeuvre à tous les niveaux.

      Je crains donc, pour l’instant, que nos avis ne soient très éloignés sur la question.

    • Que notre culture et nos point de vue limite ce que l’on peut percevoir comme pertinent, etc. ça ok. J’adhère d’ailleurs a l’idée que les faits qq.part sont construits (a minima par les conventions).
      Sur ce qui est des limites du vocabulaire pour la captation du réel, je pense que oui, ça pose des problèmes, mais ça ne fait pas disparaitre le réel pour autant. Pour le dire d’une manière triviale, c’est pas parce que j’ai pas le vocabulaire de « porte » que je me la prendrais pas en pleine face car je ne l’aura pas vu... Par contre avoir le vocabulaire « porte » me permettra de désigner la chose plus facilement et que l’on puisse être d’accord sur ce que l’on désigne (le concept se fait alors percept, outil pour la perception).
      Après par contre je ne peu pas produire d’analyses des scientifiques en général sur leur conscience critique de leur domaine, même s’il est vrai que je vois passer peu de critique de leur propre part sur ce que d’autres parmi eux produisent, mais l’on pourrait aussi retourner la question a d’autres domaines que l’on questionne moins souvent. Bref, il faudrait une analyse socio-statistique.
      A mon avis le problème c’est que l’on conçoit que ces derniers ont en fait un pouvoir social bien plus important et que l’on aimerai vraiment effectivement une critique de leur part dans leur participation mais qu’on ne la trouve pas.
      Après que l’on est des avis très éloignés, ou ne serait ce que différent sur une question, ce n’est pas un problème. Je ne pense pas que la diffèrence nécessite des conflits, je suis plutôt contre les rapports de pouvoir :)

    • « Sur ce qui est des limites du vocabulaire pour la captation du réel, je pense que oui, ça pose des problèmes, mais ça ne fait pas disparaitre le réel pour autant. »

      Le problème, c’est qu’un réel dont l’existence n’est pas pensable, faute de disposer de vocabulaire adéquat pour en élaborer une conception, ne"disparaît" pas : parce qu’il n’apparaît tout simplement pas, parce qu’il n’est pas encore apparu. Il se situe au coeur d’une tâche aveugle, et tout se passe exactement comme s’il n’existait pas. Il est voué à y demeurer aussi longtemps que manquera la possibilité, le concept permettant de le distinguer.
      Cela vaut, pour la porte, aussi longtemps qu’il est possible de la contourner : elle existe peut-être bien, mais personne ne la voit, et personne ne se confronte jamais à la matérialité de son existence. Peu importe qu’à ce jeu certains plus que d’autres doivent se râper l’épiderme contre le crépi. Cela peut durer très longtemps. Au moins tant que la trajectoire courbe qui l’évite passe pour la plus courte possible. Et si l’on se la prend quand même dans la figure, ce fait se verra opposer une autre explication que l’existence d’une chose que le concept de porte permettrait de se représenter : une explication cohérente avec un univers où les portes n’existent pas. Pour que la porte existe en tant que porte, et non pas en tant que manifestation inattendue, douloureuse pour ma figure mais dotée d’un autre nom, et prêtée à autre chose, il faudra que je dispose du concept pour la penser en tant que porte, lequel recouvre, je crois, d’autres attributions, d’autres caractéristiques que la simple possibilité de me voir entrer en collision avec elle...

      En matière de révolutions scientifiques, les résistances des chercheurs aux changements de paradigmes sont extraordinairement fortes, bien plus que si les seules qualités scientifiques - capacité à raisonner, etc - étaient requises pour parvenir à les intégrer.
      Max Planck a écrit, en 1947, - à la toute fin de sa vie - à propos d’un de ces changements de paradigmes, qu’il avait fallu attendre que la génération de chercheurs précédente ait disparu, ait été remplacée par une nouvelle, pour que le changement soit possible.

      Je n’ai pas de problèmes avec les divergences de vues, toute discussion comporte le risque d’en constater, et je ne suis intervenu que parce que je pensais bien ne pas être d’accord avec ce qui avait été dit dans ce fil.

      A tout prendre, je préfère creuser les désaccords et les assumer.

    • L’exemple de la porte n’en est qu’un parmi d’autres. Mais on pourrait cité aussi tout un tas de pathologie. Quand on a mal, on ne s’est pas ce que l’on a forcément (des fois c’est pas clair), ça n’empêche pas que l’on soit malade. Le médecin qu’on va voir va dire, vous avez peut-être ça, ou ceci... Ça permettra de mieux saisir le problème, mais il existait avant qu’il soit saisi. Avec le concept on le gère mieux, c’est tout.

      Ça n’empêche pas évidemment que l’on passe aussi a côté de tout un tas d’autres choses que l’on a pas su voir ou entrapercevoir évidemment. C’est peut-être d’ailleurs plus vrai pour les problèmes « psy » ou encore d’autres problèmes plus lié a des questions de symboles. Je pense même qu’on pourrait envisager d’établir des conventions permettant de cerner ce flou potentiel (en tout cas les endroits ou il s’en produira probablement plus qu’ailleurs).

  • Un chercheur dénonce l’inutilité de nombreux travaux scientifiques | Passeur de sciences
    http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2014/10/29/un-chercheur-denonce-linutilite-de-nombreux-travaux-s

    On le comprend d’entrée de jeu, le but de John Ioannidis n’est pas de démolir la #science ni ceux qui la font à grands coups de démonte-pneu. Son objectif consiste à améliorer le fonctionnement de la #recherche car la marge de manœuvre, suggère-t-il, est grande. Dans l’énoncé du diagnostic, le chercheur américain, spécialiste de questions de santé, ne fait pas dans le diplomatique mais plutôt dans le direct. Il a recensé, entre 1996 et 2001, plus de 25 millions d’#études scientifiques publiées, signées par quelque 15 millions de personnes de par le monde. Une quantité phénoménale d’articles, donc, à comparer avec un nombre de #découvertes importantes beaucoup plus modeste.

    #selon_une_étude_récente

  • Il y a aussi des « sages-femmes » chez les singes

    http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2014/10/15/il-y-a-aussi-des-sages-femmes-chez-les-singes

    Il est parfois, dans la vie des zoologistes, des moments où la surprise le dispute à la grâce. On peut résumer ainsi la scène à laquelle ont assisté des chercheurs chinois, qu’ils rapportent dans le numéro d’octobre de la revue Primates. Cette équipe de l’université de Pékin travaille sur la biodiversité dans les collines du Nongguan, à l’extrême sud du pays, et notamment sur une troupe de semnopithèques de Cat Ba, des singes dont l’habitat recouvre la frontière entre la Chine et le Vietnam. L’espèce est en danger critique d’extinction, selon la classification de l’Union internationale pour la conservation de la nature, car moins de 800 individus vivent encore en liberté. Il s’agit d’une des espèces de primates les plus menacées de disparition.

    La scène en question se déroule en mars 2013. Ce soir-là, les singes reviennent à la falaise où ils passent la nuit à l’abri sur d’étroits surplombs rocheux. Sur l’un de ces « balcons », une des guenons attire l’attention des zoologistes à la présence desquels les primates sont habitués puisqu’ils se côtoient depuis 1997. Cette jeune femelle de cinq ans, dont c’est la première grossesse, est prise de contractions et adopte une posture indiquant qu’elle est sur le point d’accoucher.

    Après presque deux heures de travail et plus de 70 contractions, la tête du petit apparaît suivie des épaules. Comme c’est le cas normalement chez ces singes, la guenon se débrouille seule et commence à attraper son rejeton à une main pour faciliter et terminer l’expulsion. C’est alors que l’inattendu survient, observé par les chercheurs chinois qui filment la scène au caméscope. Soudain arrive une autre femelle de la troupe, plus âgée – 14 ans – et aussi plus expérimentée puisque, quelques heures auparavant, elle a donné la vie pour la cinquième fois. Elle surveillait visiblement le travail depuis le début et a décidé d’intervenir en voyant le petit émerger.

    Tout se déroule très vite. Comme on peut le voir sur les photographies ci-dessous, elle se place derrière sa congénère et saisit le bébé singe à deux mains. La parturiente ne montre aucun signe de surprise ou de rejet. Au contraire, comme si elle comprenait l’intention, elle lâche aussitôt son petit pour se cramponner à des saillies rocheuses. L’autre guenon se met alors à tirer et, en seulement 18 secondes, extrait complètement le petit. Plus tard, accomplissant son travail de « sage-femme » jusqu’au bout, elle va même lécher le bébé pendant que sa mère ingère le placenta.

  • La prédiction des #séismes passe-t-elle… par l’#eau ? | Passeur de sciences
    http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2014/09/24/la-prediction-des-seismes-passe-t-elle-par-leau

    Les chercheurs émettent l’hypothèse que les tensions souterraines précédant les tremblements de terre font gonfler et craquer le sous-sol. Ce faisant, deux phénomènes sont susceptibles de se produire : primo, des nappes aux teneurs en deutérium différentes peuvent se mélanger et, secundo, des roches « fraîches » sont exposées à l’eau qui y récolte un surplus d’éléments tels que le sodium et consorts. Les auteurs de l’étude restent néanmoins prudents quant à la portée de leur découverte, sachant que les caractéristiques qu’ils ont mises en lumière pourraient être spécifiques à l’Islande, pays dominé par le volcanisme : « Nous ne prétendons pas être capables de prédire les séismes, écrivent-ils. Nous soulignons plutôt que la composition chimique des eaux souterraines est une cible prometteuse pour de futures études sur la prédiction des séismes », dont l’objectif ultime, rappelons-le, est de sauver des vies humaines.

  • L’explosion démographique ne s’arrêtera pas au cours de ce siècle | Passeur de sciences
    http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2014/09/21/lexplosion-demographique-ne-sarretera-pas-au-cours-de

    Ainsi que le montre clairement le graphique, c’est l’explosion programmée de la #population africaine qui va alimenter la croissance démographique de l’#humanité à la fin du siècle. Actuellement d’un milliard d’habitants, elle s’inscrira très probablement (taux de confiance de 95 %) en 2100 dans une fourchette comprise entre 3,1 et 5,7 milliards d’habitants. Si l’on s’en tient au chiffre médian de 4,2 milliards, cela représente un quadruplement de la population actuelle du continent !

    Ce phénomène est dû à la persistance d’un taux de #fécondité élevé chez la majorité des Africaines. Longtemps les démographes ont prévu qu’il baisserait au même rythme que celui constaté en Asie et en Amérique latine depuis les années 1950, mais ce n’est pas ce qui advient dans la réalité. Même si le taux de fécondité en Afrique baisse depuis un petit moment, les experts ont remarqué récemment que ce déclin ralentissait. Cela s’explique à la fois par un accès aux moyens de contraception compliqué pour un quart des femmes et par la persistance d’un modèle familial avec une norme de 4 à 5 enfants. L’étude donne pour exemple le cas du Nigeria, pays déjà le plus peuplé d’Afrique avec 160 millions d’habitants, qui a 9 chances sur 10 de passer la barre des 500 millions d’ici à la fin du siècle.

    #démographie

  • Les chimpanzés s’entretuent-ils sous l’influence de l’homme ? | Passeur de sciences
    http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2014/09/17/les-chimpanzes-sentretuent-ils-sous-linfluence-de-lho

    Quand, en 1960, celle qui va devenir une primatologue de renommée mondiale, la Britannique Jane Goodall, s’installe sur le site tanzanien de Gombe, au bord du lac Tanganyika, pour étudier les chimpanzés sur le terrain, elle ne se doute pas qu’elle va changer à tout jamais le regard que nous portons sur nos cousins primates. Au fil du temps, ses observations de Pan troglodytes étonnent le petit monde de la zoologie (au point que certains ne la croiront pas) et le rapprochent étrangement d’Homo sapiens : on découvre que les chimpanzés fabriquent des outils, mangent de la viande, rient... et s’entretuent parfois.

    Chez les primates, rares sont les espèces où l’on tue ses congénères. Le comportement meurtrier des chimpanzés a donc troublé les éthologues qui ont échafaudé deux hypothèses pour tenter de l’expliquer. La première nous met en cause, qui dit que les agressions mortelles se développent là où l’homme agresse le singe, soit directement, en le braconnant, soit indirectement, en détruisant son habitat via la déforestation. A Gombe, il a aussi été noté que l’approvisionnement par l’homme des communautés de chimpanzés, action a priori bienveillante, pouvait avoir des conséquences perverses : ne plus avoir à chercher de la nourriture sédentarisait les singes et faisait grimper le nombre d’agressions. La seconde hypothèse est d’ordre évolutionniste. Selon elle, le meurtre serait une tactique grâce à laquelle le tueur accroît à peu de frais son territoire, son accès à la nourriture et à la reproduction.

  • Pourquoi l’enfance des humains est-elle si longue ? | Ah ben voilà, on comprend enfin pourquoi l’adolescence est l’âge bête :-)
    http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2014/08/31/pourquoi-lenfance-des-humains-est-elle-si-longue

    A cinq ans, donc, l’encéphale est un vrai gouffre à glucides. Or, c’est aussi à cinq ans que la croissance de l’enfant est la plus ralentie. Depuis sa naissance, un enfant normal grandit toujours, mais de moins en moins vite. Pour le dire autrement, il gagne de moins en moins de centimètres au fil des années, un mouvement qui va s’inverser après ses 5 ans pour atteindre un maximum lors de la poussée pubertaire. L’étude des PNAS montre d’ailleurs que la consommation de glucides par le cerveau commence à diminuer quand la croissance repart, ce qui conforte l’hypothèse du compromis énergétique : le cerveau a moins besoin de calories car le gros du chantier est fait, on peut donc réattribuer des ressources à la croissance (on dirait un économiste qui parle...).

  • Ce #virus inconnu présent chez un humain sur deux
    http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2014/08/01/ce-virus-inconnu-present-chez-un-humain-sur-deux

    Il y a tout un monde dans nos boyaux. Le chiffre est souvent donné tellement il est éloquent : on estime que les cellules composant notre corps sont dix fois moins nombreuses que les cellules des #micro-organismes (bactéries, champignons, protistes, virus) qui peuplent notre système digestif. L’étude du #microbiote intestinal est en plein boom – on envisage par exemple des greffes de flore pour le traitement de l’obésité ou de maladies inflammatoires de l’intestin – mais, pour faire les choses dans l’ordre, cette exploration passe d’abord par l’identification des espèces qui nous colonisent le colon.

    Il faut bien l’admettre, c’est rempli d’inconnus là-dedans ! Au point que les chercheurs les considèrent comme la « matière noire » de la biologie, à l’instar de la matière noire de la cosmologie, cette importante composante de l’Univers dont on déduit la présence mais dont on ignore la nature. Le moyen le plus simple dont disposent les biologistes pour approcher les peuplades intestinales s’appelle la #métagénomique. Cela consiste à prendre un bout de milieu naturel (ici des matières fécales...) et à en cataloguer le contenu à partir des génomes qu’on y trouve. Plusieurs travaux de métagénomique ont déjà été consacrés au contenu des intestins et c’est sur ces précédents que s’est appuyée une équipe internationale qui s’est intéressée en particulier au virome intestinal, c’est-à-dire aux séquences génétiques appartenant aux virus, essentiellement des bactériophages (ou phages).

    Ses résultats viennent d’être publiés dans Nature Communications et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils sont surprenants. Ces chercheurs sont partis d’un tout petit échantillon de douze femmes. Ils ont scruté le matériel génétique présent dans leurs excréments et se sont aperçus que, chez toutes les personnes en question, on retrouvait le génome d’un virus, 97 000 paires de bases ne correspondant à aucune entité connue. Un panel de douze individus n’étant pas vraiment représentatif de la population humaine, l’équipe a ensuite passé au crible d’autres articles de métagénomique ayant œuvré sur des centaines d’Homo sapiens provenant de divers continents et elle a notamment fouillé dans ces résultats de travaux dont on ne sait trop que faire et que l’on range dans le fourre-tout baptisé « Inconnus ». Comme le souligne, non sans une certaine ironie, l’étude de Nature Communications, « tout le monde est d’accord pour dire que les inconnus sont importants, cependant ceux-ci sont en général ignorés »...

    La surprise vient du fait que ce génome de virus était systématiquement présent chez toutes les populations humaines testées. D’après les extrapolations effectuées par les chercheurs, un humain sur deux abriterait ce phage. « Cette observation, dit l’étude, s’élève contre l’opinion communément admise que le virome intestinal est unique à chaque individu et elle suggère que quelques phages pourraient être fréquents chez les humains de par le monde. » Etant donné qu’on ne le trouve pas chez les très jeunes bébés, on suppose que ce virus s’invite dans l’appareil digestif au cours de l’enfance. « Pour autant qu’on puisse en juger, explique l’un des auteurs de l’étude, Robert Edwards, chercheur à la San Diego State University, il est aussi vieux que le sont les humains. » Ainsi que l’explique un autre co-auteur, John Mokili, lui aussi de la San Diego State University, « il n’est pas inhabituel de partir en quête d’un nouveau virus et d’en trouver un. Mais c’est très inhabituel d’en trouver un qui soit commun à tant de gens. Il est étrange qu’il ait échappé si longtemps au radar. »

    Pour le moment, baptisé crAssphage (en référence au programme dit de « cross-assembly » qui a permis de déterminer sa présence), ce virus reste en quelque sorte virtuel. On sait qu’il est là, quelque part dans les intestins de milliards d’humains, mais on n’a pas encore vraiment mis la main dessus. Une fois qu’il sera isolé, les chercheurs espèrent déterminer à quelle bactérie de la flore intestinale il s’en prend et si cette attaque est bénéfique ou pas pour les hôtes.

  • Quel est l’animal le plus dangereux pour l’homme ?
    http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2014/07/17/quel-est-lanimal-le-plus-dangereux-pour-lhomme

    Quelle est la place du loup, celle du requin, dans le palmarès des bestioles assassines ? J’ai trouvé un début de réponse, sous la forme d’une infographie que je reproduis ci-dessous, sur le blog de... Bill Gates.
    http://www.gatesnotes.com/Health/Most-Lethal-Animal-Mosquito-Week

    #animaux

  • La femme à qui un nez poussait dans le dos

    http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2014/07/14/la-femme-a-qui-un-nez-poussait-dans-le-dos

    Cela commence par un accident de la circulation dont est victime cette Américaine, à l’époque âgée de 18 ans. Résultat : colonne vertébrale brisée. La vertèbre dorsale fracturée est remise en place lors d’une opération mais, en raison de la lésion de sa moelle épinière, la jeune femme ne sent plus rien en-dessous de la taille et perd l’usage de ses jambes. Trois ans plus tard, pour essayer d’améliorer son sort voire de vaincre sa paraplégie, elle se laisse tenter par une opération audacieuse proposée par un hôpital de Lisbonne. L’idée consiste à prélever un peu de la muqueuse de sa cavité nasale, laquelle contient notamment des cellules souches de neurones mais aussi des cellules (les cellules engainantes olfactives) qui aident à la croissance des fibres nerveuses, et à insérer cet extrait de muqueuse dans son dos, au niveau de la vertèbre lésée. Les médecins espèrent ainsi régénérer une partie de la liaison nerveuse entre le cerveau et le bas du corps.

    D’après l’étude, la greffe de la muqueuse nasale est bien parvenue à créer les fibres nerveuses recherchées mais c’est bien son seul résultat positif. Non seulement ces neurones ne se sont pas reconnectés comme espéré mais cette greffe a aussi conduit à la production de cellules nasales non désirées. C’est un peu comme si toutes les composantes d’un nez s’étaient installées, dans le désordre le plus total, sur la colonne vertébrale de cette femme. Et ce nez interne, comme tous les nez, était doté d’une fonction excrétrice et fabriquait du mucus...

    On peut aussi aller plus loin. Par leur capacité à régénérer des tissus abîmés (ou des cellules détruites dans le cas du diabète de type 1, par exemple), les cellules souches ont fait naître des espoirs énormes et certains patients sont prêts à tenter des traitements expérimentaux qu’on leur présente comme révolutionnaires ou prometteurs mais dont les résultats demeurent imprévisibles. On a beaucoup entendu parler du scandale italien de la méthode Stamina, un protocole très controversé qui n’a pas empêché le décès de plusieurs personnes. D’autres thérapies à base de cellules souches ont abouti à la mort des patients. On sait moins que se développe un tourisme des cellules souches, notamment en Chine, où parfois pour des dizaines de milliers d’euros, des malades misent leurs derniers jetons de vie sur des traitements hasardeux non validés par la recherche et sur des médecins peu scrupuleux.

  • Dans le commerce, un chercheur découvre des #champignons inconnus | Passeur de sciences
    http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2014/07/10/dans-le-commerce-un-chercheur-decouvre-des-champignon

    Et pourtant, résument Bryn Dentinger et sa collègue Laura Suz dans l’étude qu’ils viennent d’écrire, disponible sur le site de pré-publications scientifiques Peer J Pre Prints, grande est la probabilité que des espèces dont on ignore tout entrent dans la chaîne #agro-alimentaire. Or, en matière de champignons, il n’est pas anodin de savoir à quoi on a affaire quand on sait que, pour la seule France, on compte chaque année un millier d’intoxications.

    Revenons donc au sachet de cèpes, importé de Chine, du couple Dentinger : à quelles espèces ses quinze morceaux appartenaient-ils ? Pour le savoir, les chercheurs ont procédé à l’analyse d’un fragment de leur ADN. La nouvelle rassurante, c’est qu’il s’agissait bien à 100 % de cèpes et que tous étaient comestibles. L’information plus étonnante est que, sur les trois espèces de Boletus représentées, aucune ne correspondait à une espèce connue ! Bryn Dentinger s’est donc empressé de les décrire et de leur trouver un nom.

    #taxonomie

  • Une nouvelle arme contre les superbactéries

    http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2014/06/25/une-nouvelle-arme-contre-les-superbacteries

    Dans le communiqué de presse de l’OMS qui a accompagné ce rapport, on peut notamment lire : « La résistance au traitement de dernier recours contre les infections potentiellement mortelles causées par une bactérie intestinale courante, Klebsiella pneumoniae, – les carbapénèmes (une classe d’antibiotiques, NDLR) – s’est propagée à toutes les régions du monde. Klebsiella pneumoniae est une cause majeure d’infections nosocomiales telles que la pneumonie, les infections hématologiques ou les infections contractées par les nouveau-nés et les patients des unités de soins intensifs. Dans certains pays, du fait de la résistance, les carbapénèmes sont inefficaces chez plus de la moitié des patients traités pour des infections à Klebsiella pneumoniae. »

    Cette dernière, avec d’autres, fait désormais figure de superbactérie, grâce à un mécanisme de défense connu sous le nom de NDM-1, pour New Delhi (car il a été identifié pour la première fois en Inde) métallo-bêta-lactamase. Son principe est assez simple. Les antibiotiques tels que les carbapénèmes, la pénicilline et les céphalosporines, tirent leur efficacité d’une particularité de leur structure chimique, le noyau bêta-lactame : il empêche la fabrication de la paroi cellulaire d’une bactérie qui se reproduit. Mais les micro-organismes ont trouvé la parade avec la NDM-1. Grâce au zinc qu’elle contient, cette enzyme parvient à briser le noyau bêta-lactame et à rendre la molécule d’antibiotique inopérante.

    Ainsi que le résume Gerry Wright, enseignant-chercheur à l’université McMaster de Hamilton (Canada), la NDM-1 « est l’ennemie publique numéro un. Elle est sortie de nulle part, elle s’est répandue partout et elle a grosso modo tué notre dernière ressource d’antibiotiques, la dernière pilule sur l’étagère, celle dont on se sert pour traiter les infections graves. » Gerry Wright dirige un laboratoire spécialisé dans les résistances aux antibiotiques. Son équipe et lui annoncent, dans le numéro de Nature daté du 26 juin, avoir découvert que l’aspergillomarasmine A (AMA), une substance tirée du champignon Aspergillus versicolor, est capable de réduire la NDM-1 au silence. Pour arriver à ce résultat, ces chercheurs ont passé au crible de nombreuses molécules en en cherchant une qui soit attirée par le zinc sans toutefois être dangereuse pour l’organisme. C’est le cas de l’AMA : présentant la particularité de se coller aux ions de zinc, elle occupe ceux que porte la NDM-1 et les empêche de s’en prendre aux antibiotiques qui ont le champ libre pour agir sur la paroi des bactéries !