• Souvenirs d’un accro aux crêpes - Culture / Next
    http://next.liberation.fr/food/2018/02/02/souvenirs-d-un-accro-aux-crepes_1627068

    « Poulet-jambon-oeuf », « merguez-champignons », « Nutella-banane-coco »… à Montmartre ou Pigalle, les festins nocturnes entre potes reviennent à l’esprit. Malbouffe sentimentale.

    Quand il n’y avait plus d’ingrédients, le taulier faisait signe à un petit gars d’aller chercher les Tupperware pleins. Celui-ci se dirigeait vers une pièce obscure et revenait les mains chargées de matière première. La viande hachée : frisée et grise, comme la tignasse de Pierre Perret. Le fromage râpé : à l’œil nu, des boules Quiès. L’anglais du personnel : du « isn’t it » à chaque fin de réplique - avec le fier accent des pays endettés pour toujours auprès du FMI - afin d’impressionner le touriste torché au bon vin. Le patron : un type en Téflon, qui n’a même pas bougé cette fois où du café brûlant s’est renversé sur son orteil velu - il était en tongs. Son regard marron et sa gencive couleur crème anglaise suffisent à raconter le bonhomme : le genre à soigner une conjonctivite avec du Destop. Qu’importe, on l’aimait tous.
    Le restaurant (fast-food, évidemment) était minuscule, l’accueil magistral, les crêpes plutôt bonnes et les prix imbattables : pour 5,50 euros, tu rentrais à la maison avec une bedaine en forme de cartable. A l’intérieur, trois chaises, deux tables, pas de toilettes. Quatre clients au plus pouvaient consommer assis au chaud. Alors tout se passait dehors, en face de l’enseigne. Dans la petite rue, on était des petits groupes venus de différentes périphéries - chacun avait son accent - éclairés par la lumière jaune omelette de l’enseigne. Et l’on tournait en rond dans un petit périmètre en attendant le produit fini, en pleine nuit, quelque part entre Pigalle et la gare Saint-Lazare.

    Autoroute.

    La bonne nouvelle - « poulet-jambon-œuf ? » « Thon-emmental ? » « Nutella-banane-coco ? » « Merguez-champignons ? » - tombait au bout de six à sept minutes maximum. Un index ovale pointait le propriétaire de la mixture, lequel tirait parfois la même gueule qu’un candidat du Juste Prix. Les soirs de grande affluence, le bienheureux avait du mal à se frayer un chemin jusqu’au comptoir pour récupérer son trophée. Alors la crêpe, enroulée dans du papier aluminium et de l’essuie-tout, passait de main en main jusqu’à son destinataire. Des inconnus qui forment une chaîne humaine, des desperados qui sourient de bon cœur, des méchants qui te souhaitent bon appétit, des bouilles de nounours qui se refilent des tuyaux pour des boulots : il y a dix ans mes amis, Nuit debout existait déjà.
    Ados, on écoutait les aînés, assis sur des rondins de bois au milieu des petits immeubles, chanter des odes à la crêpe nocturne. Ce n’était pas tant la gastronomie qui les rendait lyriques, plutôt le rituel. Rouler, rôder, respirer. Le week-end, très tard, ils démarraient leurs caisses et disparaissaient entre les arbres fruitiers, l’Abribus et le supermarché. Dans les vieux téléfilms américains, les lycéens rêvaient de la Route 66 pour admirer les coyotes et les filles en short à Baxter Springs. Nous, on a fantasmé l’autoroute A 13 Paris-Yvelines-Normandie pour bouffer de la pâte mélangée à une tripotée de conneries.

    2003 ou 2004 : première crêpe vers le Faubourg-Montmartre, à Paris, après minuit, avec trois camarades. Un peu moins d’une dizaine d’euros. On découvre, on savoure, on abuse : une salée, une sucrée, une boisson chacun. Une fois l’affaire réglée, on traîne un peu dans le coin. Des amoureux se bécotent, des faux bourgeois enquillent des expressos à 7 euros et nous, on se demande s’il y aura assez d’essence dans la voiture pour rentrer - jeunes, repus et fauchés. Sur le chemin, assis sur le siège passager, un pote ne décolle pas ses mains de ses poignées d’amour. Il pousse et masse des deux côtés pour éviter que le cartable écrase un organe vital.
    De retour chez toi, tu te rends compte que le gras sur les doigts, même après avoir frotté au savon, t’empêche de saisir des objets du premier coup. Paniqué, ton cerveau imagine un plan d’urgence : enfiler des mitaines pour tenir la brosse à dents dans ta paume. Au fil des minutes, tu comprends également que ta motricité a pris un sale coup. Le poulet, le Nutella, le fromage, le poivre : pourquoi tout cela ? C’est trop tard de toute façon. Pour te rassurer, tu tentes un petit talons-fesses dans la salle de bains. Tu morfles sévère. Les gouttes de sueur qui ruissellent de ton front sentent le sirop d’érable.

    Transhumance.

    En 2007 ou 2008, un fin gourmet conseille à nous quatre le spot pas trop loin de Pigalle. Moins de monde, plus de goût, moins cher, plus d’amour dans la fabrication : la malbouffe avec des sentiments. Assurément, le taulier miaulerait du fond du cœur s’il apprenait que son thon couleur mauve avait provoqué de quelconques lésions. Quoi qu’il en soit, le coup de foudre est immédiat : c’est décidé, on ne changera plus de crêperie. Dans le coffre de la voiture, on prévoit désormais une bouteille de flotte pour se laver les pognes. Dans les poches, du liquide parce que l’établissement emmerde profond la finance - les cartes bancaires ne sont pas acceptées. Dans un coin de la tête, l’évidence : tu jettes cette crêpe dans la Méditerranée, celle-ci se transforme dans la seconde en jacuzzi. Mais Bon Dieu, que c’est bon.
    De temps à autre, on y croise des voisins proches ou lointains. Souvent, on se fait l’accolade comme si nous venions tous de recevoir le même recommandé de la faucheuse. L’air de la capitale resserre les liens. Ironie : quand on se voit par chez nous, on se dit simplement « bonjour » de loin, avec le menton et « ça va bien ? » sans attendre de réponse.

    Au fil des mois, on prend du plaisir à y aller de plus en plus tard. Parfois, un affamé de la bande envoie un SMS à 1 h 15 du matin. « Crêpe ? » Les smileys n’existaient pas. Impossible de refuser ça. Un quart d’heure après, tu déboules sur le parking en vrac : jean délavé fashion et veste en cuir et en dessous, short de foot du FC Bruges et marcel violet avec la gueule de Johnny Hallyday au niveau du téton.
    Un dimanche matin d’hiver, ta mère a mis un petit coup de poing dans ton sandwich au pain de mie. « Pourquoi tu sors à 2 heures du matin ? Qu’est-ce que tu trafiques ? » Acculé, tu lui as parlé des 70 kilomètres aller-retour pour croquer dans une crêpe Nutella-coco ou, dans les périodes de détresse, une thon-emmental bien poivrée, tout cela en plein hiver. L’amour maternel venait de prendre un sale coup : combien de dîners exquis as-tu séchés pour ces vacheries ? Elle compara le concept à une transhumance sataniste. Après cette discussion, il a fallu des semaines pour qu’elle cesse de te vouvoyer et de te réveiller en poussant ton corps avec un bâton, comme si tu étais devenu un bouc.

    Pastrami.
    Ta copine t’a traîné dans une crêperie traditionnelle parisienne quelques mois après l’élection de François Hollande. Les ingrédients ne tentaient pas d’emporter une dent avec eux dans l’intestin, le fromage n’avait pas de reflets cuivrés et les cuistots avaient des lacets à leurs chaussures : c’était comme découvrir la direction assistée ou le Pento. Succulent. Pourtant, à chaque bouchée, tu n’as pensé qu’à la crêpe fast-food et sa forme de fer à repasser quand celle-ci est inclinée à 90 degrés. Ce n’est pas tant avaler sa mixture qui t’a manqué, mais ce foutu folklore. Les 70 bornes dans une voiture balafrée au compteur assoupi, les discussions en arpentant le périphérique, les détours par des nationales quand l’autoroute était fermée. Pour des raisons inconnues, Paris la nuit nous rendait prolixes, profonds, poétiques et la crêpe colle à l’arrière-train ce souvenir-là.

    Le lendemain, tu as déboulé en solo chez ton fournisseur habituel. Le taulier en Téflon était là, assis sur le trottoir, en face de son honorable enseigne, clope à la bouche, mine fatiguée. Pas un client. La concurrence est rude, tout fout le camp.

    2017 : les crêperies fast-food sont arrivées en périphérie. Les enseignes sont colorées, les sauces portent des noms de nationalité et le choix est pachydermique - ce n’est plus une bouffe, mais le concours Kangourou (jeu-concours sur les mathématiques). Elles proposent du pastrami, des condiments et même des bonbons dans la mixture. Elles restent ouvertes jusque tard la nuit et filent une petite machine qui clignote dès lors que la commande est prête. A quoi bon traîner sa carcasse jusqu’à Paris, quand celui-ci vient à vous ? Magie.
    De notre bougre installé entre Pigalle et Saint-Lazare, nous savons simplement qu’il a déjà entamé une révolution. Aux dernières nouvelles, il proposait un supplément pomme de terre. Et surtout, il avait ajouté une chaise.
    Ramsès Kefi

    J’adore les articles de ce journaliste quand ils portent sur ses souvenirs, la vie du quartier, son rapport à la bouffe ou ce qu’il raconte sur ses parents. Il me fait beaucoup rire ce Ramsès :-)
    Par exemple le passage :

    L’air de la capitale resserre les liens. Ironie : quand on se voit par chez nous, on se dit simplement « bonjour » de loin, avec le menton et « ça va bien ? » sans attendre de réponse.

    c’est d’une pertinence. Quand tu croises quelqu’un de la cité dans le centre ça fait tout drôle et il y a comme une connivence qui s’installe directement, comme si on n’était pas à notre place là, qu’on vivait le même exil temporaire lol

    #quartiers_populaires #malbouffe #crêpes

  • Dans la future administration Trump, un ancien de Goldman Sachs au Trésor, un pétrolier à l’Énergie et un lobbyiste climato-sceptique à l’Environnement ?
    http://multinationales.org/Dans-la-future-administration-Trump-un-ancien-de-Goldman-Sachs-au-T

    Donald Trump a construit une grande partie de sa victoire surprise à l’élection présidentielle américaine sur un discours de rejet des élites de Washington et de Wall Street. Une stratégie gagnante qui lui a permis d’attirer une grande partie des classes populaires blanches, au détriment des Démocrates. Mais ceux qui ont pris au sérieux sa rhétorique anti-libérale, et sa dénonciation du libre-échange, des délocalisations et des excès de la finance, risquent fort de déchanter. Donald Trump se prépare en (...)

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    / #États-Unis, #Lobbying, #Énergies_fossiles, #influence, #changement_climatique, accords de commerce et (...)

    #accords_de_commerce_et_d'investissement
    « http://www.politico.com/story/2016/11/who-is-in-president-trump-cabinet-231071 »
    « http://next.liberation.fr/food/2016/11/07/presidentielle-americaine-mcdo-soutient-donald-et-fayote-aupres-d-hi »
    « http://www.motherjones.com/environment/2016/09/which-candidate-does-big-ag-support-president »
    « https://theintercept.com/2016/11/08/trump-transition-lobbyists »

  • 2016, Année internationale des légumineuses | 2016 International Year of Pulses
    http://www.fao.org/pulses-2016/fr

    La soixante-huitième Assemblée générale des Nations Unies a proclamé 2016 Année internationale des légumineuses (AIL)(A/RES/68/231).

    L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a été désignée pour faciliter la mise en œuvre de l’Année internationale des légumineuses en collaboration avec les gouvernements, les organisations compétentes, les organisations non gouvernementales et autres parties prenantes concernées.

    L’AIL 2016 vise à sensibiliser l’opinion publique aux avantages nutritionnels des légumineuses dans le cadre d’une production vivrière durable, à l’appui de la sécurité alimentaire et nutritionnelle. La célébration de cette Année sera une excellente occasion de favoriser des rapprochements dans toute la chaîne de production de manière à mieux exploiter les protéines issues des légumineuses, à renforcer la production de légumineuses à l’échelle mondiale, à tirer un meilleur parti de la rotation de cultures et à trouver des solutions aux problèmes qui se posent dans le commerce des #légumineuses.

    M’enfin, l’ail c’est pas une légumineuse !

  • Etats-Unis : les amoureux du fromage bientôt privés de comté ? | France info
    http://www.franceinfo.fr/actu/monde/article/etats-unis-les-amoureux-du-fromage-bientot-prives-de-comte-496257
    http://www.franceinfo.fr/sites/default/files/styles/asset_image_full/public/asset/images/2014/06/comte.jpg?itok=GBGwLX9l

    Comté, beaufort, parmesan, cheddar... Tous les fromages affinés sur une planche de bois sont menacés par l’Agence américaine de l’alimentation, pour des raisons d’hygiène. Une pétition est ouverte depuis dimanche.

    Décidément, les relations entre les Américains et le fromage sont complexes. Le roquefort est périodiquement visé, la mimolette mise au ban... Cette fois, ce sont les fromages affinés sur une planche de bois qui sont dans le collimateur des services d’hygiène. Et mine de rien, ça concerne un certain nombre de fromages : le comté ou le beaufort français, le cheddar britannique, le parmesan italien... et tout un tas de fromages du cru, américains donc.

    L’affaire est prise très au sérieux. Elle a commencé voici quelques mois, dans l’Etat de New York, au nord-est du pays. L’Agence américaine de l’alimentation, la FDA, a reproché à des fromagers de déposer leurs fromages sur des planches de bois pour les affiner. Une responsable de la FDA a rappelé une ancienne réglementation, qui stipule que le fromage doit être affiné sur une surface « que l’on peut nettoyer correctement » - pas le bois, donc selon elle......

    #Santé
    #États-Unis
    #FDA
    #comté
    #beaufort ...
    #parmesan ....
    #cheddar

    toujours partant pour le #TAFTA ?

  • Tant que le profit sera le critère absolu de l’économie, les hommes et les bêtes seront traités comme de simples forces de production, exploitables et jetables. Les salariés seront licenciés dès que leur entreprise ne sera plus rentable, ce qui, dans une logique exclusivement centrée sur le profit, arrive vite. Les petits abattoirs fermeront les uns après les autres. On réformera les vaches laitières ou les truies gestantes de plus en plus tôt, obligeant les autres animaux d’élevage à produire toujours plus.

    André Gorz a dit que le capitalisme est incompatible par nature avec l’écologie, car il va de pair avec une surproduction de biens qui, dès qu’ils sont accessibles au grand nombre, sont remplacés par des biens plus sophistiqués, plus chers et plus gourmands en énergie. Ces biens créent à ler tour des besoins toujours nouveaux et toujours frustrés, et produisent une montagne de déchets. On peut aller plus loin : le capitalisme est inconciliable avec la prise en compte du bien-être animal, quoi qu’en disent les zootechniciens formés à prétendre le contraire.

    Aucun livre de philosophie et aucune déclaration politique ne changeront quoi que ce soit tant que l’on ne placera pas le respect des êtres au cœur de l’économie et que l’efficacité sera pensée indépendamment du type de biens ou de services considérés. Il faut donc innover. Cela veut dire aussi que les animaux ont le pouvoir de nous réveiller.

    Corine Pelluchon (Professeure de philosophie à l’université de Franche-Comté) in Le Monde.fr « Jamais la condition des animaux n’a été aussi misérable »

    #écologie #capitalisme #souffrance-animale