mensuel sur l’actualité économique, l’autre regard sur l’économie et la société

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  • #Sobriété, ça va faire mal ? | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/sobriete-ca-va-faire-mal/00105241

    Longtemps, le mot fut synonyme de grand bond en arrière, d’austérité puritaine, de privations monacales. Seuls les défenseurs les plus inquiets de l’environnement la préconisaient, quitte à endurer les quolibets. Et puis, sous l’effet de la guerre en Ukraine et du chaos qu’elle a provoqué dans les circuits énergétiques, la sobriété est d’un seul coup devenue à la mode, provoquant une curieuse épidémie de cols roulés jusqu’aux sommets de l’Etat.

    A la mode, certes, mais toujours un peu inquiétante, car elle ne s’est pas défaite de sa réputation doloriste. Peut-on être sobre sans trop souffrir ? Faut-il se résigner à vivre dans le froid ? Jusqu’où devons-nous chambouler nos vies et nos modes d’organisation collective ? Que devons-nous cesser de fabriquer, de vendre et d’acheter ? Et comment répartir équitablement l’effort de sobriété pour que ceux qui ont déjà trop peu n’aient pas le sentiment qu’on leur demande de se priver davantage ?

  • Assurance chômage : un rapport religieux à l’emploi |Mathieu Grégoire
    https://www.alternatives-economiques.fr/mathieu-gregoire/assurance-chomage-un-rapport-religieux-a-lemploi/00105161

    « Nous venons d’adopter définitivement la loi réformant l’assurance chômage et le marché du travail à l’Assemblée. Le plein-emploi est accessible ! », s’est réjoui Marc Ferracci sur Twitter.

    Prenons l’exemple d’un salarié qui perd son emploi, rémunéré à hauteur de 2 000 euros brut, et qui se trouve en position de chômage durant 24 mois avant de retrouver un emploi à la rémunération équivalente. Avant la réforme, il aurait bénéficié de 24 mois d’indemnisation à hauteur de 1 140 euros brut mensuels environ.

    Que gagne-t-il avec la réforme ? Si l’on admet les projections de Marc Ferracci, il devrait en moyenne retrouver un emploi entre 18 et 72 jours plus tôt, ce qui représente entre 1 200 et 4 800 euros de salaire.

    Que perd-il avec la réforme ? Six mois d’indemnisation qui représentent 6 840 euros d’allocation. Au final, dans l’hypothèse la plus pessimiste retenue par le rapporteur de la loi lui-même, supprimer six mois d’indemnisation aura donc pour effet de réduire de 18 jours la durée de chômage de ce salarié, de le mettre en situation de chômage non indemnisé pendant 5 mois et 12 jours et de lui faire perdre ainsi 5 640 euros.

    Faire perdre près de 6 000 euros à un salarié pour l’inciter à retrouver un emploi 18 jours plus tôt, voilà donc l’ambition avouée du gouvernement.

    On mesure ainsi la disproportion du prix que le gouvernement, dans un rapport religieux à un plein-emploi devenu totem, est prêt à faire payer aux salariés pour faire baisser le taux de chômage de quelques dixièmes.

    https://seenthis.net/messages/980615

    #chômage #emploi #plein_emploi #chômage_non_indemnisé #chômeurs #droit_au_chômage

    • Intégralité :

      Opinion
      Assurance chômage : un rapport religieux à l’emploi
      Le 22/11/2022
      7 min
      Mathieu Grégoire Sociologue, enseignant-chercheur à l’université Paris-Nanterre (IDHES)

      Le contenu de la nouvelle réforme de l’assurance chômage se précise. La loi, adoptée le 17 novembre par le Parlement, prévoit de donner un blanc-seing de plus d’un an au gouvernement afin qu’il puisse se substituer aux partenaires sociaux pour fixer de nouvelles règles d’indemnisation.

      Il s’agirait, selon les députés de l’opposition, en donnant toute latitude au gouvernement d’instituer de nouvelles règles par décret, d’empêcher un vrai débat à l’Assemblée nationale. Sans leur faire offense, ce sont d’abord les acteurs du paritarisme qui sont mis sur la touche par cette loi. Et on peut penser que c’est contre un autre contre-pouvoir que le gouvernement tente de se prémunir : celui du Conseil d’Etat qui, suite aux recours des confédérations syndicales, a fait de la précédente réforme un calvaire pour Mesdames Pénicaud et Borne qui ont dû gérer le dossier tour à tour de 2018 à 2021 au ministère du Travail.

      On en connaissait le principe général, voilà désormais le détail des changements de règles que le gouvernement entend prendre par décret : moduler la durée d’indemnisation des allocataires en fonction de la conjoncture. Le ministre du Travail a annoncé lundi aux syndicats qu’en deçà de 9 % de taux de chômage, la durée d’indemnisation serait abaissée de 25 %.
      Modulation selon la conjoncture

      Le principe de cette modulation a suscité légitimement beaucoup de critiques. On peut d’abord s’étonner du reniement de la parole donnée que constitue ce choix de diminuer la durée d’indemnisation. Alors ministre du Travail, Elisabeth Borne n’avait eu de cesse d’expliquer que les « allocations ne baissaient pas » car la durée d’indemnisation augmentait pour ceux dont le montant de l’allocation baissait1.

      Manifestement, ce prétendu « marqueur de gauche » de la réforme précédente a fait long feu. Sur le principe, cette modulation soulève d’importantes interrogations en matière de justice sociale. La durée d’indemnisation de celles et ceux qui n’ont pas réussi à trouver un emploi est rabotée au prétexte que d’autres y sont parvenus… En quoi le fait que les chômeurs soient moins nombreux justifie-t-il de diminuer leurs droits ?

      En quoi le fait que les chômeurs soient moins nombreux justifie-t-il de diminuer leurs droits ?

      Autre critique intéressante, certains s’inquiètent à juste titre du caractère automatique de la modulation : le remplacement de la démocratie sociale, et plus largement de l’idée même de délibération démocratique, par un algorithme pose question. Faut-il se priver de délibérer des paramètres de l’indemnisation en fonction du contexte comme nous le faisons depuis l’origine du dispositif ?

      Le débat mérite d’autant plus d’être abordé qu’historiquement, ce sont les moments de mauvaise conjoncture et non d’embellie économique qui ont justifié de baisser les dépenses d’indemnisation. A l’image de ce que permettaient les systèmes de retraite par points de type suédois dont les pensions évoluent automatiquement à la baisse quand l’espérance de vie augmente, il s’agit de gouverner de façon automatique sans qu’il soit besoin, comme chez nous, de débattre ou de risquer un conflit social à chaque fois qu’on touche à un paramètre du dispositif.
      Calculs de coin de table

      Enfin, dernier argument mis en avant par certains économistes de gauche, il y aurait derrière cette réforme une intention cachée : celle de mettre la pression sur les salariés – de « réduire leur pouvoir de négociation » – afin qu’ils révisent à la baisse leur prétention en matière de salaire, de conditions d’emploi ou de travail.

      En réalité, malgré la qualité et la justesse de ces critiques, c’est encore en écoutant ses promoteurs que l’on mesure à quel point cette réforme est délétère, mais aussi à quel point le raisonnement qui la sous-tend révèle surtout un rapport totémique à l’emploi.

      Son principal défenseur est le rapporteur de la loi à l’Assemblée nationale, Marc Ferracci, un professeur d’économie orthodoxe, intime du président de la République, ancien conseiller spécial de Muriel Pénicaud qui s’est lancé en politique en devenant député des Français de Suisse et du Lichtenstein. Monsieur Ferracci ne craint pas d’ailleurs, malgré les déboires qu’elle a valus à son camp, de revendiquer d’avoir été « la cheville ouvrière » de la précédente réforme qui en 2019 prévoyait notamment de diviser par quatre – selon une logique que le Conseil d’Etat a jugée aléatoire – le salaire de référence de certains salariés à l’emploi discontinu.

      Il faut donc bien écouter Marc Ferracci. Selon lui, baisser la durée de l’indemnisation n’a pas d’effet sur le pouvoir de négociation des salariés, mais les incite seulement à reprendre un emploi plus tôt :

      « De nombreuses études démontrent un lien entre le taux de retour à l’emploi et les règles d’indemnisation. Par exemple, si on augmente d’une semaine la durée durant laquelle vous touchez votre allocation, vous resterez au chômage entre 0,1 et 0,4 semaine », déclare-t-il ainsi dans Le Journal du Dimanche.

      Faire perdre près de 6 000 euros à un salarié pour l’inciter à retrouver un emploi dix-huit jours plus tôt, voilà le prix que le gouvernement est prêt à faire payer aux salariés pour faire baisser le taux de chômage de quelques dixièmes

      Il y aurait beaucoup à dire d’un point de vue scientifique sur un tel calcul de coin de table. Mais il suffit de s’y pencher attentivement pour en mesurer l’inanité d’un point de vue politique. La disproportion entre les sacrifices opérés et le résultat attendu est patente.

      Prenons l’exemple d’un salarié qui perd son emploi, rémunéré à hauteur de 2 000 euros brut, et qui se trouve en position de chômage durant 24 mois avant de retrouver un emploi à la rémunération équivalente. Avant la réforme, il aurait bénéficié de 24 mois d’indemnisation à hauteur de 1 140 euros brut mensuels environ.

      Que gagne-t-il avec la réforme ? Si l’on admet les projections de Marc Ferracci, il devrait en moyenne retrouver un emploi entre 18 et 72 jours plus tôt, ce qui représente entre 1 200 et 4 800 euros de salaire.

      Que perd-il avec la réforme ? Six mois d’indemnisation qui représentent 6 840 euros d’allocation. Au final, dans l’hypothèse la plus pessimiste retenue par le rapporteur de la loi lui-même, supprimer six mois d’indemnisation aura donc pour effet de réduire de 18 jours la durée de chômage de ce salarié, de le mettre en situation de chômage non indemnisé pendant 5 mois et 12 jours et de lui faire perdre ainsi 5 640 euros.

      Faire perdre près de 6 000 euros à un salarié pour l’inciter à retrouver un emploi 18 jours plus tôt, voilà donc l’ambition avouée du gouvernement.

      « Nous venons d’adopter définitivement la loi réformant l’assurance chômage et le marché du travail à l’Assemblée. Le plein-emploi est accessible ! », s’est réjoui Marc Ferracci sur Twitter.

      On mesure ainsi la disproportion du prix que le gouvernement, dans un rapport religieux à un plein-emploi devenu totem, est prêt à faire payer aux salariés pour faire baisser le taux de chômage de quelques dixièmes.

      1.
      Avec le nouveau calcul du salaire journalier de référence, les allocataires en contrats courts qui percevaient une indemnisation plus forte sur une période plus courte, touchent désormais une allocation plus faible mais sur une période plus longue.

  • Noz uberise le hard discount | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/noz-uberise-hard-discount/00105150

    Malgré leur statut de co-gérants, ces personnes, souvent des femmes, restent finalement dans la même relation de subordination envers leur employeur que si elles étaient salariées.

    « Elles n’occupent en aucun cas des fonctions de gérance. Elles ont des emplois du temps imposés et effectuent exactement le même type de travail que lorsqu’elles étaient en CDD. D’ailleurs lorsqu’on veut se débarrasser d’elles, les lettres qu’elles reçoivent ressemblent à s’y méprendre à des lettres de licenciement », continue Xavier Courteille.

    En effet, dans les courriers de révocation du statut de co-gérant qu’Alternatives Economiques a pu consulter, on leur reproche de ne pas nettoyer suffisamment bien la surface de vente, de ne pas afficher les prix ou de ne pas respecter leurs horaires, comme si elles étaient de simples salariées.

    Enfin, entre le bulletin de salaire et le relevé de rémunération des cogérants venu la remplacer, les paies sont sensiblement les mêmes : à peine au-dessus du Smic.

    « Je n’ai vu aucun avantage à être co-gérante, parfois j’étais même moins payée parce que je n’avais pas les primes. Et je ne décidais de rien », conclut Corinne Lapôtre.

    • Une enquête de Jean-Marie Cunin pour Ouest-France. Octobre 2022
      ENQUÊTE. « Noz m’a détruite » : plongée dans le système brutal du déstockeur « n° 1 en Europe »
      https://www.ouest-france.fr/economie/enquete-noz-m-a-detruite-plongee-dans-le-systeme-brutal-du-destockeur-n
      [paywall] le journaliste indique que le fondateur de NOZ s’est hissé, selon Challenges, parmi les 300 premières fortunes françaises.
      et un autre lien dans son article :
      https://www.ouest-france.fr/economie/entreprises/l-enseigne-de-destockage-noz-ferme-au-moins-20-magasins-f6cc9e16-2f7d-1
      Le champion du hard-discount est anti-syndicaliste.

      Qu’adviendra-t-il des salariés ? Le même courriel précise que des « actions concernant les collaborateurs de ces magasins sont mises en place »​. Difficile cependant de contacter des syndicats, s’ils existent. Selon un délégué syndical de Mayenne, l’entreprise « n’a pas de représentant. Les syndicats ne sont pas les bienvenus »​.
      Le fondateur de Noz a en effet été condamné par le tribunal correctionnel de Laval, puis par la cour d’appel d’Angers, pour, notamment, « entrave à la libre désignation des délégués du personnel »​. Un arrêt cassé par la Cour de cassation en 2018, qui a renvoyé l’affaire devant la cour d’appel de Rennes. Celle-ci avait de nouveau condamné l’entrepreneur, avant que la Cour de cassation ne recasse la décision et ne renvoie l’affaire à Rennes.

  • Paris sportifs : tous perdants, sauf les opérateurs | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/paris-sportifs-perdants-sauf-operateurs/00103292

    Le marché des paris sportifs en ligne a battu des records de croissance en 2021, malgré des dégâts sanitaires et sociaux de plus en plus évidents.

    Par Jérôme Latta

    C’est un secteur qui connaît la crise… au sens où il semble en profiter. Malgré la pandémie et l’arrêt de nombreuses compétitions, le marché des paris sportifs en ligne avait poursuivi en 2020 sa croissance, ininterrompue depuis son ouverture à la concurrence dix ans plus tôt. Et 2021 aura été une année exceptionnelle pour ce marché que se disputent une quinzaine d’opérateurs agréés, presque tous domiciliés à Malte.

    L’an passé, indique le dernier rapport de l’Autorité nationale des jeux (ANJ), ils ont enregistré 600 000 nouveaux comptes joueurs actifs. Les mises ont bondi de 47,4 % pour atteindre 7,84 milliards d’euros, et le chiffre d’affaires (produit brut des jeux, PBJ) de 44,1 % à hauteur de 1,35 milliard – une progression record. Selon les données agrégées par Christian Kalb, consultant spécialiste du marché, la France pointe désormais à la quatrième place mondiale des paris sportifs, derrière la Chine, les États-Unis et la Turquie.
    Paris sportifs : une croissance ininterrompue depuis l’ouverture à la concurrence
    Montant des mises de paris sportifs en France, en milliards d’euros
    Source : Autorité nationale des jeux

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    Le pic est-il derrière nous ? Peut-être pas encore. Les investissements publicitaires devraient augmenter de 7 % en 2022, estime l’ANJ, accentuant l’omniprésence des bookmakers dans le monde sportif. Impossible, en effet, d’assister à la retransmission d’un match de football sans voir défiler les spots des opérateurs, dont les logos s’affichent aussi sur les maillots et les panneaux de bord de terrain. Depuis une douzaine d’années, ce secteur représente une manne considérable pour les clubs et les ligues professionnelles, mais aussi les médias spécialisés et les diffuseurs.
    A lire Alternatives Economiques n°428 - 11/2022
    Retraites : pourquoi il est absurde de reporter l’âge de départ
    Cible : les hommes jeunes de milieux populaires

    Si tous les voyants économiques sont au vert, l’alerte sur les risques sociaux et sanitaires tourne en revanche au rouge. Les publicités des opérateurs sont la cible de critiques croissantes, et même l’objet de la désapprobation de l’ANJ. Celle-ci a ainsi ordonné à Winamax, le 17 mars, de cesser la diffusion de son spot télé « Tout pour la daronne », au motif qu’il « véhicule le message selon lequel les paris sportifs peuvent contribuer à la réussite sociale, entendue comme une ascension sociale ou un changement de statut social ».

    L’Observatoire des jeux définit le profil-type des parieurs sportifs comme « appartenant à des milieux sociaux modestes, ayant un niveau d’éducation et des revenus inférieurs à ceux des autres joueurs »

    Les ressorts mobilisés par les opérateurs sont assez invariables, et flirtent en effet avec les interdits : promesse de gains faciles, paris présentés comme un adjuvant au spectacle sportif (« No Bet, No Game »1, résume le slogan de Betclic), éloge décomplexé du caractère addictif du pari (« Bascule dans le game » – Betclic encore) et ciblage explicite des jeunes des milieux populaires en mobilisant l’imagerie des cultures urbaines et des « quartiers ».

    Et pour cause : 85 % des parieurs sont des hommes, les 18-24 ans et les 25-34 ans en représentent plus d’un tiers chacun, et 90 % des mises sont faites sur terminal mobile. L’Observatoire des jeux (ODJ) définit le profil-type des parieurs sportifs comme « appartenant à des milieux sociaux modestes, ayant un niveau d’éducation et des revenus inférieurs à ceux des autres joueurs, (…) moins actifs que l’ensemble des joueurs et plus fréquemment chômeurs ». Les risques d’endettement et d’appauvrissement ont par exemple été documentés le Bondy Blog.

    Avec le recours massif aux réseaux sociaux et à leurs influenceurs, « les politiques marketing axées sur le numérique ne sont pas sans risque, d’une part du point de vue de l’exposition des mineurs, d’autre part en raison de leur impact non négligeable sur des publics vulnérables, tels que les jeunes de moins de 25 ans et les joueurs excessifs ou pathologiques », s’inquiète l’ANJ. Une étude de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies estime que quatre jeunes de 17 ans sur dix avaient parié au moins une fois en 2019…
    Un arsenal de techniques de manipulation
    « On a fait parier des gens qui ne devraient pas parier », résume Christian Kalb. L’ODJ ne disait pas autre chose, en 2019, en estimant que deux tiers des mises sur le sport sont le fait de joueurs classés « problématiques » (« jeu à risque modéré » et « jeu excessif »), une proportion très supérieure à celle constatée dans les autres jeux de hasard.

    Cette dimension addictive est clairement encouragée par les opérateurs, dans la mesure où ils créent ce que Christian Kalb appelle des « marchés artificiels » dopés par un recrutement intensif. A cette stratégie s’ajoute un effet de contexte : les confinements auraient accru les phénomènes d’addiction, selon plusieurs études.
    Les joueurs à risque sur-représentés dans les paris sportifs
    Part du chiffre d’affaires des paris sportifs en France attribuable aux joueurs problématiques, en %
    Source : Baromètre de Santé publique France 2019 / Observatoire des jeux

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    « Les jeux d’argent sont devenus la référence en matière d’addiction comportementale fabriquée par l’homme », avance le sociologue Thomas Andrieu dans La Fabrique de l’addiction aux jeux d’argent (éd. du Bord de l’eau, 2021). Pour susciter « un désir de jouer sans s’arrêter, en dépit des pertes qui s’accumulent, et entretenir l’espoir de gain », les designers de jeux ont « développé une expertise dans la manipulation cognitive et comportementale des clients ».

    Des enquêtes de Libération et Mediapart ont établi que certains opérateurs repèrent et écartent les parieurs qui gagnent « trop », quand ceux qui perdent beaucoup reçoivent des freebets

    Le chercheur décrit cet « arsenal de techniques » : ciblage et sur-sollicitation des joueurs problématiques via (notamment) les notifications des applications ; incitation à « surévaluer les gains à faible probabilité ou sous-évaluer les pertes à forte probabilité », en particulier avec les paris combinés, trompeusement plus attractifs ; illusion du « quasi-gain » qui incite le parieur à jouer quand il croit passer près du banco ; mise en avant exclusive des gagnants.

    Ajoutons l’illusion d’avoir prise sur le hasard avec la connaissance d’un sport, mais aussi les bonus offerts à l’inscription, jusqu’à 200 euros. Des enquêtes de Libération et Mediapart ont établi que certains opérateurs repèrent et écartent les parieurs qui gagnent « trop », quand ceux qui perdent beaucoup reçoivent des freebets (sommes offertes pour parier). Dans les paris sportifs, seuls les opérateurs peuvent vraiment gagner.

    En dépit d’un cadre réglementaire très dense, qui soumet les opérateurs à agréments, certifications, homologations et obligations, la bataille de la régulation semble perdue d’avance face au pouvoir de séduction du produit et à la puissance de sa promotion. « Inviter le joueur à modérer sa pratique2ou à se montrer raisonnable n’a pas grand sens si dans le même temps tout est mis en œuvre pour l’inciter à jouer toujours plus », relève Thomas Andrieu.
    Une régulation limitée, un marché essoré ?

    En devenant l’ANJ en 2020, l’ex-Arjel a certes gagné des prérogatives, notamment pour invalider les stratégies de communication et les messages publicitaires, mais l’exemple de Winamax en montre les limites : il a fallu attendre que l’Autorité publie en février ses « lignes directrices » pour qu’elle réexamine la communication des opérateurs et décide d’interdire le spot après huit mois de diffusion.

    Taxant les mises à hauteur de 7,5 %, l’Etat récupère plusieurs dizaines de millions d’euros par an, fléchés pour partie vers l’Agence nationale du sport (de quoi assurer 50 % de son budget)

    L’ANJ est plutôt vertueuse par comparaison avec ses homologues d’autres pays, en raison d’un encadrement règlementaire assez étroit, mais sa défense d’un jeu exclusivement « récréatif » ne va pas sans contradictions. Le positionnement des régulateurs est ambigu quand ils se félicitent implicitement des chiffres de croissance du marché, estime Christian Kalb : « Ils ne devraient gérer que l’offre et la demande, pas les intérêts des opérateurs. Une bonne régulation doit parvenir à un équilibre entre l’offre, la demande et les risques, ce qui n’est pas compatible avec une conception extensive de l’offre. »

    L’État est lui-même dans une position ambivalente. Taxant les mises à hauteur de 7,5 %, il récupère fiscalement plusieurs dizaines de millions d’euros par an, qui sont fléchés pour partie vers l’Agence nationale du sport (de quoi assurer 50 % de son budget), et pour partie vers le budget général. Une manne qu’il est tentant de garder…ou de voir grossir encore.

    Ceci étant, devant l’évidence croissante des effets néfastes, plusieurs Etats européens ont décidé de siffler plusieurs arrêts de jeu. Le sponsoring des maillots de club a ainsi été interdit en Espagne et en Italie, il est discuté au Royaume-Uni où des restrictions existent déjà quant à la diffusion des publicités. En France, on ne s’embarrasse pas encore de tels scrupules : la Ligue du football professionnel en 2020 et la Fédération française de football, l’année suivante, ont conclu un partenariat de sponsoring avec Betclic…

    Faut-il se donc se résoudre à un raz-de-marée définitivement incontrôlable ? Christian Kalb en doute. Pour lui, les opérateurs « ont essoré la demande » et le marché français va subir une contraction dans les années à venir. Mais les exemples venus de l’étranger n’ont pas de quoi rassurer : les clubs de football en quête de sponsors se tournent déjà vers le nouvel « Eldorado » des cryptomonnaies et des NFT, quasiment pas régulé, et qui risque de faire au moins autant de perdants.
    Jérôme Latta

    #paris_sportifs #santé_publique #addiction #economie_numérique

  • Le mythe du grand retour des exilés fiscaux et 4 autres infographies à ne pas rater | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/mythe-grand-retour-exiles-fiscaux-4-autres-infographies-a-ne/00104945

    A chaque fois qu’un rapport se penche sur les conséquences de la suppression de l’impôt sur la fortune (ISF) et sa transformation en impôt sur la fortune immobilière (IFI) en 2017, c’est le même refrain : les libéraux se félicitent du retour des exilés fiscaux qui auraient auparavant quitté la France pour échapper à des impôts insupportablement hauts.

    Dans le dernier document publié par France Stratégie le 20 octobre sur le sujet, on apprend, il est vrai, que davantage de redevables de l’IFI sont rentrés en France en 2020 qu’au cours des années précédentes. Et que les départs, eux, ont diminué.

    Mais la focalisation sur ces indicateurs fait perdre le sens des proportions. Sur très exactement 143 337 foyers qui ont payé un impôt sur la fortune immobilière en 2020, on dénombre 220 départs (au lieu de 290 en 2019, et 270 en 2018). Cela représente … 0,15 % des ménages assujettis à l’IFI. On compte également 340 retours (après 380 en 2019 et 250 en 2018), ce qui représente une proportion tout aussi faible (0,24 %).

    Pour le reste, « l’évolution des grandes variables économiques – croissance, investissement, flux de placements financiers des ménages etc. – avant et après les réformes ne suffit pas pour conclure sur l’effet réel de ces réformes, explique France Stratégie. En particulier, il n’est pas possible d’estimer par ce seul moyen si la suppression de l’ISF a permis une réorientation de l’épargne des contribuables concernés vers le financement des entreprises ». Dommage, car c’était pourtant l’objectif.

  • La justice environnementale marque un point à Bruxelles | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/justice-environnementale-marque-un-point-a-bruxelles/00104692

    Après de très vifs débats et des années de controverse, le Parlement européen avait fini par voter, le 6 juillet dernier, en faveur de l’inclusion du gaz et du nucléaire dans la « taxonomie verte » européenne, ce classement des activités durables, proposé par la Commission européenne. Fin de l’histoire ? Pas forcément.

    […]

    WWF, Client Earth et l’ONG allemande Bund ont demandé à la Commission de revoir sa copie pour la rendre plus propre et, en tout cas, sans #gaz. Si l’exécutif refuse de répondre favorablement à cette demande de « réexamen interne » – c’est le nom officiel de la procédure – alors les ONG pourront porter le fer devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).

    Cette saisine peut sembler banale à première vue et, pourtant, la possibilité de contester la légalité d’un acte réglementaire de l’UE est une petite révolution dans le monde des ONG environnementales et le fruit d’une bataille de plus de 13 ans, initiée par l’association de juristes protecteurs de l’environnement, Client earth.

    #climat

  • Inquiétudes autour de la #santé périnatale | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/inquietudes-autour-de-sante-perinatale/00104898

    Augmentation de la mortalité néonatale, maintien de la mortalité maternelle, disparités territoriales… les résultats du premier rapport de #Santé_publique #France sur la #santé_périnatale sont alarmants. Les professionnels du secteur pointent une pénurie de personnel qui bouscule le système de santé.

  • Les États-Unis et la Chine sur la voie d’un divorce économique ? | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/etats-unis-chine-dun-divorce-economique/00104790

    Début octobre, Washington a franchi un nouveau cran en prenant tout un arsenal de mesures pour priver la Chine de certains semi-conducteurs avancés, et l’empêcher de les produire. Les entreprises du monde entier ont notamment défense de vendre en Chine des semi-conducteurs utilisés dans l’intelligence artificielle s’ils sont fabriqués à l’aide de technologies ou de matériel américains. Une mesure très puissante, qui avait déjà été employée pour briser le géant des télécoms Huawei.

  • La SNCF débarque trois lanceurs d’alerte | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/sncf-debarque-trois-lanceurs-dalerte/00104755

    La SNCF a-t-elle déraillé en licenciant pour faute grave, le 6 novembre 2020, trois spécialistes des risques psychosociaux ? Tous trois travaillaient jusqu’alors au sein du pôle Dynamique sociale, rattaché à la direction générale des ressources humaines (DGRH). Un service créé en 2010 pour accompagner les équipes managériales et contribuer à la prévention des risques psychosociaux (RPS).

    Ils ont été licenciés pour des motivations identiques, formulées dans les mêmes termes pour chacun d’entre eux. Le 22 septembre 2022, devant le conseil des prud’hommes de Bobigny, les salariés ont contesté leur licenciement et demandé qu’il soit considéré comme nul, car sans motif réel ni sérieux, prononcé en violation de la liberté d’expression et après deux années d’un harcèlement moral et organisationnel.

  • L’Allemagne desserre la contrainte sur les chômeurs | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/lallemagne-desserre-contrainte-chomeurs/00104622

    Avec l’allocation Hartz IV installée en 2003 par Gerhard Schröder, les Allemands ont eu le temps de voir qu’une mise sous tutelle rigide des chômeurs n’était pas un remède contre le chômage et la pauvreté. Aujourd’hui, ils choisissent de sortir de ce cul-de-sac.

    On en parlait il y a quelques jours déjà.

  • Le train illimité à 9 euros en Allemagne est-il une réussite ? | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/train-illimite-a-9-euros-allemagne-une-reussite/00104454

    Pendant trois mois, l’Allemagne a rendu ses transports en commun quasi gratuits. La mesure a trouvé son public et a remis les alternatives à la voiture au centre de l’attention. Mais, pour le moment, rien ne leur assure un avenir nécessairement radieux.

    Oh, encore une expérience super positive pour l’intérêt général et dont les résultats sont vraiment encourageants.

    Et si on lui préférait un PPP à la place ? Les résultats des PPP sont systématiquement déplorables, qu’on parle des transports, des piscines, des prisons des autoroutes, ou de l’eau, MAIS... on ne voit jamais d’avenir radieux à la (quasi-)gratuité des transports en commun.

    • Aujourd’hui même l’article de la presse locale sur la gratuité des transports en communs pour tout le monde l’année prochaine à Montpellier, c’est sur un ton alarmiste :
      https://www.herault-tribune.com/articles/montpellier-la-gratuite-des-transports-pour-tous-retardee-par-linfl

      Montpellier : la gratuité des transports pour tous retardée par l’inflation ?

      et le chapeau qui laisse planer le doute, parce que le maire « s’est voulu rassurant » :

      Michaël Delafosse s’est voulu rassurant ce vendredi 9 septembre, à l’occasion de la conférence de rentrée de la mairie.

      Alors qu’à la fin de l’article, on lit que le maire n’a laissé aucun doute, et que la question d’un retard lié à l’inflation ne se pose pas du tout :

      “Je confirme publiquement que le calendrier est le même malgré les tempêtes budgétaires liées à l’augmentation du coût de l’énergie, affirme fermement l’élu. Nous aurons une gratuité généralisée des transports en commun fin 2023, reste à savoir si cela aura lieu vers le 26 novembre ou Noel. Il convient de faire de ce lancement un vrai événement, car ce jour-là, soit dans près de 16 mois, nous aurons le plus grand réseau de transports gratuit d’Europe.”

    • La « gratuite » d’un service public ça n’existe pas, si ce n’est pas l’usager qui paie, c’est le contribuable local, qui est imposé et qui ne l’est pas, et selon quel critère : la barre du tableau Excel qui délimite les « bons votants » qui reconduiront la majorité en place. Le crétinisme journalistique est sans fond et sans fin...

  • Sécheresse : la crise de l’#eau ne fait que commencer | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/secheresse-crise-de-leau-ne-commencer/00104296

    Le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, a fait lui-même œuvre de pédagogie sur le lien entre chaleur, #sécheresse et #inondations, expliquant qu’une température élevée de la mer augmente le risque d’orage et que « des orages puissants ne remplissent pas les nappes et conduisent à du ruissellement ».

    Cette mécanique entre hausse des températures, assèchement des #sols et fortes #précipitations s’intensifie, faisant des sécheresses et des inondations les deux faces d’un même risque climatique.

    #climat

  • Le gouvernement soutient le pouvoir d’achat en appauvrissant la #Sécu | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/gouvernement-soutient-pouvoir-dachat-appauvrissant-secu/00104041

    Dans une tribune publiée mercredi par Le Monde, l’économiste Michaël Zemmour estime toutefois que cette stratégie du gouvernement de multiplier les exonérations et de favoriser les primes qui bénéficient de niches sociales traduit une politique des « caisses vides » , consistant à réduire volontairement les recettes pour ensuite mieux justifier, dans un second temps, la baisse des dépenses.

    « Le cas présent n’est pas unique, ni même le plus important. Il est cependant exemplaire, car le même gouvernement, dans l’intervalle de quelques semaines, va priver l’Etat et la Sécurité sociale de quelques milliards d’euros de recettes, avant de proposer une réforme des #retraites – en invoquant notamment la nécessaire stabilité des comptes », conclut-il.

    #France

  • Immigration : Ia politique publique la plus coût-inefficace ?

    Le 24 novembre 2021, au lendemain du naufrage d’une embarcation ayant causé la mort de vingt-sept exilés dans la Manche, le président de la République, tout en disant sa « compassion » pour les victimes, appelait à « un renforcement immédiat des moyens de l’agence Frontex aux frontières extérieures ».

    Alors qu’il dénonçait les « passeurs » qui organisent les traversées vers l’Angleterre, les organisations de droits humains critiquaient au contraire une politique qui, en rendant le périple plus périlleux, favorise le développement des réseaux mafieux. Et, tandis qu’il invoquait la nécessité d’agir dans la « dignité », les associations humanitaires qui viennent en aide aux exilés dans le Calaisis pointaient le démantèlement quasi quotidien, par les forces de l’ordre, des campements où s’abritent ces derniers et la destruction de leurs tentes et de leurs maigres effets.

    De semblables logiques sont à l’œuvre en Méditerranée, autre cimetière marin, dont les victimes sont bien plus nombreuses, et même littéralement innombrables, puisque le total de 23 000 morts comptabilisées par l’Office international des migrations est une sous-estimation d’ampleur inconnue. Bien que Frontex y conduise des opérations visant à « sécuriser les frontières » et « traquer les passeurs », l’Union européenne a largement externalisé le contrôle des entrées sur son territoire.

    Le don par le ministère des Armées français de six navires aux garde-côtes libyens, afin qu’ils puissent intercepter et ramener dans leur pays les réfugiés et les migrants qui tentent de rejoindre l’Europe, donne la mesure de cette politique. On sait en effet que les exilés ainsi reconduits sont emprisonnés, torturés, exploités, à la merci de la violence de l’Etat libyen autant que de groupes armés et de bandes criminelles.

    Une répression qui coûte très cher

    Au-delà des violations des droits humains et des principes humanitaires, la question se pose de l’efficacité de cette répression au regard de son coût. Un cas exemplaire est celui de la frontière entre l’Italie et la France, dans les Alpes, où, depuis six ans, le col de l’Echelle, puis le col de Montgenèvre sont les principaux points de passage entre les deux pays. Chaque année, ce sont en moyenne 3 000 personnes sans titre de séjour qui franchissent la frontière, hommes seuls et familles, en provenance du Maghreb, d’Afrique subsaharienne et du Moyen Orient et pour lesquels la France n’est souvent qu’une étape vers l’Allemagne, l’Angleterre ou l’Europe du Nord.

    Jusqu’en 2015, le poste de la police aux frontières avait une activité réduite puisque l’espace Schengen permet la circulation libre des personnes. Mais le contrôle aux frontières est rétabli suite aux attentats du 13 novembre à Paris et Saint-Denis. Les effectifs s’accroissent alors avec l’adjonction de deux équipes de nuit. Il y a aujourd’hui une soixantaine d’agents.

    En 2018, à la suite d’une opération hostile aux exilés conduite par le groupe d’extrême droite Génération identitaire et d’une manifestation citoyenne en réaction, un escadron de gendarmes mobiles est ajouté au dispositif, puis un deuxième. Chacun d’eux compte 70 agents.

    Fin 2020, après une attaque au couteau ayant causé la mort de trois personnes à Nice, le président de la République annonce le doublement des forces de l’ordre aux frontières. Dans le Briançonnais, 30 militaires de l’opération Sentinelle sont envoyés.

    Début 2022, ce sont donc 230 agents, auxquels s’ajoutent un état-major sous les ordres d’un colonel et trois gendarmes réservistes, qui sont spécifiquement affectés au contrôle de la frontière.

    En novembre dernier, une commission d’enquête parlementaire présidée par le député LREM Sébastien Nadot avait fourni dans son rapport une évaluation des coûts, pour une année, des forces de l’ordre mobilisées dans le Calaisis pour y gérer la « présence de migrants ». Suivant la même méthode, on peut estimer à 60 millions d’euros, soit 256 000 euros par agent, les dépenses occasionnées par les efforts pour empêcher les exilés de pénétrer sur le territoire français dans le Briançonnais. C’est là une estimation basse, qui ne prend pas en compte certains frais spécifiques au contexte montagneux.
    Une politique inefficace

    Au regard de ce coût élevé, quelle est l’efficacité du dispositif mis en place ? Une manière de la mesurer est de compter les non-admissions, c’est-à-dire les reconduites à la frontière. Il y en a eu 3 594 en 2018, 1 576 en 2019 et 273 au premier semestre 2020. Mais, comme l’explique la préfecture des Hautes-Alpes, ces chiffres indiquent une activité, et non une efficacité, car de nombreux migrants et réfugiés tentent plusieurs fois de franchir la frontière, et sont comptabilisés à chaque arrestation et reconduite.

    Bien plus significatives sont les données recueillies à Oulx, en Italie, où le centre d’hébergement constate que presque toutes les personnes renvoyées tentent à nouveau de passer, quitte à emprunter des voies plus dangereuses, et à Briançon, où le refuge solidaire reçoit la quasi-totalité de celles qui ont réussi à franchir la frontière. Elles étaient 5 202 en 2018, 1 968 en 2019 et 2 280 en 2020. Les chiffres provisoires de 2021 montrent une augmentation des passages liée surtout à une arrivée de familles afghanes.

    Les policiers et les gendarmes en conviennent, non sans amertume : tous les exilés finissent par passer. On ne saurait s’en étonner. Beaucoup ont quitté plusieurs années auparavant leur pays pour échapper à la violence ou à la misère. Les uns ont parcouru le Sahara, vécu l’internement forcé en Libye, affronté au péril de leur vie la Méditerranée. Les autres ont été menacés en Afghanistan, enfermés dans un camp à Lesbos, battus et dépouillés à la frontière de la Croatie. Comment imaginer que le franchissement d’un col, même en hiver, pourrait les arrêter ?

    Le constat est donc le suivant. Malgré un coût considérable – auquel il faudrait ajouter celui, difficilement mesurable, de la souffrance, des blessures, des amputations et des décès causés par les risques pris dans la montagne – la politique visant à interdire à quelques milliers d’exilés l’entrée sur le territoire français a une efficacité proche de zéro. Elle est probablement la plus coût-inefficace des politiques publiques menées par l’Etat français, sans même parler des multiples irrégularités commises, à commencer par le refus fréquent d’enregistrer les demandes d’asile.

    Mais, peut-être l’efficacité n’est-elle pas à évaluer en matière de passages empêchés et de personnes non admises. Ce qui est recherché relève plutôt de la performance face à l’opinion. Il s’agit, pour l’Etat, de mettre en scène le problème de l’immigration irrégulière et de donner le spectacle de son action pour l’endiguer.

    Dans cette perspective, la militarisation de la frontière a bien alors une efficacité : elle est purement politique.

    https://www.alternatives-economiques.fr/didier-fassin/immigration-ia-politique-publique-plus-cout-inefficace/00102098

    #efficacité #migrations #inefficacité #Didier_Fassin #coût #budget #Briançon #frontières #Italie #France #Hautes-Alpes #frontière_sud-alpine #PAF #contrôles_frontaliers #militarisation_des_frontières #gendarmerie_mobile #opération_sentinelle #état-major #performance #spectacle #mise_en_scène

  • Grâce à la #biomasse, la #Lituanie se passe de l’#énergie russe | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/grace-a-biomasse-lituanie-se-passe-de-lenergie-russe/00103884

    En se coupant du gaz et du pétrole russe, la Lituanie va faire face à de nouveaux défis à l’approche de l’hiver. Même s’il elle s’était préparée en partie, par la construction de nouveaux pipelines et d’un terminal à GNL, on peut s’interroger sur la gestion de la ressource forestière en cas de demande accrue.

    Dans l’article susmentionné, les chercheurs de l’institut LAMMC agitent « l’existence de problèmes fondamentaux ou de risques potentiels à l’utilisation intensive de la biomasse forestière pour la production d’énergie ». Ils insistent sur la nécessité de respecter les sols et la biodiversité et appellent à poursuivre les efforts en faveur d’une gestion de la forêt durable.

    Pour eux, le plus gros point noir du marché de la biomasse est le recours aux copeaux de bois de Biélorussie, qui représente environ un tiers du marché régional d’échange de biomasse Baltpool. Le pays a récemment augmenté ses exportations en menant des coupes de bois d’ampleur, que l’Agence Internationale de l’énergie qualifie de « grandes #déforestations ».

  • #Uber_files : des #économistes à vendre | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/laurence-scialom/uber-files-economistes-a-vendre/00104014

    On ne peut qu’être frappé par la similitude entre les pratiques d’#Uber de grassement rémunérer des économistes reconnus pour produire des études allant dans le sens de leurs intérêts, et les méthodes des marchands de doute, ces #chercheurs rémunérés par l’industrie du tabac ou de la chimie pour tenter de masquer les effets délétères des produits des entreprises qui les rémunèrent.

    Dans les deux cas, la confidentialité des données sur la base desquelles les études sont produites entrave toute possibilité de réfutation par les pairs. D’une certaine manière les économistes concernés « vendent » leur réputation dans cette opération – ce qu’Uber a bien compris comme le soulignent les échanges de mails révélés dans la presse – mais, plus grave, ils éclaboussent la réputation de leur institution de rattachement.

    La collusion entre certains économistes nord-américains célèbres et le monde de la #finance, révélée avec la crise des crédits subprime et mise en scène dans le fameux documentaire Inside Job sorti à l’automne 2010, a alimenté un vif débat aux #Etats-Unis sur l’endogamie malsaine entre la communauté des économistes et les milieux d’affaires.

    Ce débat si important a été largement éludé en France, si l’on excepte la parution de l’ouvrage de Laurent Mauduit Les imposteurs de l’économie. Les Uber Files pourraient donner à notre communauté d’économistes l’occasion d’enfin prendre à bras-le-corps cette question essentielle.

    #recherche

  • Comment renforcer la durabilité des produits en Europe | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/laetitia-vasseur/renforcer-durabilite-produits-europe/00103753

    Plusieurs récents rapports décèlent, un an après l’entrée en vigueur de la mesure, des biais à corriger en France et à ne pas reproduire en Europe pour éviter de faire de cet outil prometteur un simple gadget de #greenwashing. En particulier, les associations relèvent que les critères essentiels à la réparation comme la disponibilité des pièces, le coût des pièces et la démontabilité sont sous-représentés dans la note finale, à cause d’un jeu de compensation entre l’ensemble des critères. Il est, par exemple, possible d’obtenir une bonne note de réparabilité sans avoir de pièces détachées disponibles ! Pire encore, l’Europe semble vouloir évacuer un pilier fondamental pour les clients : le critère prix. Un fabricant pourrait alors communiquer une bonne note de réparabilité, alors que les pièces détachées nécessaires sont inabordables.

    Par ailleurs, l’Union européenne propose des mesures en faveur de la protection des consommateurs, qui paraissent positives, comme le renforcement de la transparence sur les garanties commerciales et l’obligation d’assortir des preuves à tout affichage écologique (afin d’éviter le greenwashing). Toutefois, ces bonnes intentions peuvent s’avérer contre-productives. Si vouloir mieux « informer » le consommateur mène à éviter de réguler directement les pratiques des fabricants, la Commission pourrait légitimer les pratiques d’#obsolescence au lieu d’y mettre un terme.

    En effet, les textes interdisent notamment le fait d’« omettre d’informer le consommateur de l’existence d’une caractéristique d’un bien introduite pour limiter sa durabilité ». Or, cette formule laisse penser que si le fabricant communique, plus ou moins visiblement, sur des pratiques d’obsolescence, celles-ci seraient alors légales ! Une logique aux antipodes de la volonté du législateur français de simplifier le délit d’obsolescence programmée depuis 2021 pour le rendre plus facilement applicable. A contre-courant aussi du défi environnemental qui attribue au renouvellement accéléré des produits une immense responsabilité quant au réchauffement climatique, au déclin des métaux et ressources premières, sans même évoquer l’accroissement des #déchets.

    #climat
    #ue