L’éternel pari du million d’emplois

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  • L’éternel pari du million d’emplois | Charlie Hebdo
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    Hollande veut stimuler l’offre des entreprises en baissant le coût du travail. C’est un paradoxe, car en baissant le coût du travail on baisse la demande potentielle. Il faut donc faire l’hypothèse que, baissant le coût du travail, les producteurs français vont conquérir des marchés extérieurs, donc rapporter de l’argent extérieur, qu’ils distribueront aux locaux. Et, conquérant des marchés extérieurs, ils vont accroître la taille de leur entreprise, donc embaucher des locaux. S’il n’en est pas ainsi, la baisse des dépenses publiques, censée compenser la baisse des charges sociales sur le travail (en l’occurrence les cotisations familiales, de l’ordre de 30 milliards d’euros, tout simplement annulées de la facture des entreprises — ce qui est énorme : plus de la moitié de l’impôt sur les sociétés, qui tourne autour de 50 milliards), aura un effet dépressif sur l’économie. C’est ce qu’on appelle le multiplicateur récessif : tu baisses la dépense publique de 10, mais ce faisant tu déprimes l’activité, et au bout du compte tu baisses les recettes de 15 ; tu croyais avoir baissé ton déficit de 10 et tu l’as augmenté de 5.
    Le pari de Hollande est que la baisse des charges sociales (d’environ 6%) aura pour effet de doper l’embauche. On peut toujours rêver (les patrons préféreront, qui sait, consolider leurs marges, rembourser leurs dettes ou se distribuer des dividendes). On peut ajouter aussi que, pour les entreprises industrielles, cela n’aura pas d’effet. François Lenglet a sorti sous le nez de Michel Sapin un graphique particulièrement vicieux. Sur le coût de fabrication d’une voiture (où le travail ne représente que 20% du prix total), l’effet sera dérisoire. Ce n’est pas ça qui fera vendre des voitures françaises plutôt qu’allemandes. Mais sur les entreprises grosses utilisatrices de main-d’oeuvre (le bâtiment, les supermarchés), l’effet sera fort. Leclerc va embaucher. Il l’a dit.

    Déjà, les entreprises ont les allégements de charges sur les bas salaires (25 milliards, jusqu’à 1,6 smic) et la promesse du CICE (Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi), qui baisse de 20 milliards de plus, jusqu’à 2,6 smic. La nouvelle promesse sera fondue avec le CICE (20 milliards du CICE, auxquels on ajoutera 10 milliards). Or le CICE était calculé après paiement de l’impôt sur les sociétés. La baisse des charges accroît le résultat brut et, mécaniquement, l’impôt : ce qu’on donne d’une main, on le reprend de l’autre. Il faut donc aussi abaisser l’impôt sur les sociétés. Hollande a laissé entendre qu’il le ramènerait au taux allemand (30% au lieu de 35%).
    Sapin dit que cette baisse des charges, contrairement à la TVA sociale, n’aura pas d’effet sur le pouvoir d’achat : faux. Dans une économie atone, la baisse de la dépense publique équivaut à un retrait de liquidités de l’économie et à une baisse équivalente du pouvoir d’achat. Or la baisse de dépense publique va être considérable : 15 milliards en 2014, auxquels s’ajouteront 50 milliards en 2015-2017. Pour que le résultat soit à somme nulle, il faut qu’un bon million de personnes sortent du chômage (calculez ce que fait le salaire d’un million de personnes sur quatre ans : dans les 60 milliards). Un million, c’est beaucoup.


    Conclusion : et les salaires ? Ça viendra si le chômage baisse. Si j’étais patron, je maintiendrais un bon niveau de chômage…L’éternel pari du million d’emploisNota bene : François Lenglet, l’homme qui lit dans les graphiques comme les haruspices lisaient dans la tripaille, présente à Michel Sapin des graphiques particulièrement vicieux et tendancieux ! Le premier (voir plus haut) calcule l’effet des mesures sur le coût du travail dans une industrie où le coût du travail est peanuts : c’est assez salaud. Le deuxième, encore plus vicieux, donne la fourchette du barème de l’indemnité chômage en France ! Entre 600 et 7300 euros. C’est particulièrement dégueulasse, dans la mesure où l’indemnité moyenne du chômeur tourne autour de 1000 euros par mois. Enfin, le troisième identifie le salaire des patrons au salaire des patrons du CAC 40 : en fait, le patron moyen ne gagne guère plus qu’un cadre supérieur. Sacré Lenglet !
    Par : Bernard Maris

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