• La dérive de la #prison la plus sécurisée de France
    http://www.lemonde.fr/societe/article/2014/02/17/la-derive-de-la-prison-la-plus-securisee-de-france_4367829_3224.html

    « La structure est top, elle est au point pour des gens très compliqués, explique Jérôme, un premier surveillant de 50 ans. Ils l’ont rendue le plus sécuritaire possible, mais à l’intérieur, il y a des bonshommes, ça leur a un peu échappé. Des types virés de partout, qui sont en guerre contre le système. On a été d’une patience infinie pendant six mois. » Un détenu, à chaque fois qu’on ouvre sa porte, leur jette à la figure ses excréments, un autre, à la moindre contrariété, menace de les frapper.

    « On a été obligé de lâcher du lest, et quand on n’a plus pu dire oui, ils sont passés de l’agression verbale à l’agression physique, raconte Jérôme. On nous demande de nous plier aux détenus, c’est aberrant, parce qu’ils sont ingérables. Il faudrait serrer la vis, le rapport de force est brisé. Pour faire du social, il faut parler. Et on ne peut pas parler avec un couteau sous la gorge. Les gens ne se rendent pas compte à quel point les détenus sont en révolte. »

    Pas tous. Une quinzaine explose régulièrement, les quartiers disciplinaires et d’isolement sont complets. Les autres supportent mal. Emile, 52 ans, est détenu à Condé depuis septembre 2013, assure n’avoir jamais versé une goutte de sang, mais n’a cessé d’essayer de s’évader. De condamnation en condamnation, il a pris 41 ans de prison. Il peut espérer sortir en 2039. « Ici, on est enterré vivant. La structure n’est pas adaptée comme les autres centrales – je les connais, j’y ai passé vingt-cinq ans. Ici, c’est un grand quartier d’isolement. »

    • « Nous ne pouvons concevoir de rencontrer nos clients dans un parloir sécurisé »
      http://www.lemonde.fr/idees/article/2014/02/17/nous-ne-pouvons-concevoir-de-rencontrer-nos-clients-dans-un-parloir-securise

      Plus de sécurité réclamée par les syndicats des personnels, rien de surprenant. Mais de la part des premiers défenseurs des droits des détenus…la demande est inédite. Si la sécurité, tant celle des personnes détenues que des surveillants et des intervenants extérieurs, fait aussi partie des droits attendus, encore faut-il s’entendre sur les moyens d’y parvenir. Le renforcement des mesures de sécurité exclusivement matérielle, comme celle demandée par l’Ordre d’Alençon par la mise en place des dispositifs de séparation lors des parloirs avocat, consacre l’échec de la politique sécuritaire mise en œuvre depuis plus de dix ans et dont la construction des nouvelles prisons est l’émanation récente la plus spectaculaire.

      Idée reçue tenace, la multiplication des mesures de sécurité matérielle pourrait résoudre les problèmes d’insécurité. Ces mesures se multiplient effectivement, mais les problèmes demeurent et s’aggravent. L’atomisation des relations sociales au sein des prisons et l’effacement progressif mais continue de l’intimité des personnes détenues décrivent le mouvement de fond de la gestion déshumanisante des établissements pénitentiaires qui s’accompagne d’une surenchère sécuritaire au détriment de tous. La sécurité intérieure des établissements pénitentiaires est l’ennemi de la sécurité publique, estimait le Professeur Martine Herzog-Evans. Rien de plus vrai ! Profitant d’une architecture devant être ultrasécurisée, la maison centrale d’Alençon n’échappe pas à la règle selon laquelle la gestion des personnes détenues sous l‘angle exclusif de la sécurité exacerbe les tensions et les pulsions de destruction.