• Ceux qui voient l’Ukraine avec les lunettes de la guerre froide
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    La répression qui frappe les manifestants de Kiev suscite une émotion légitime. Il importe avant tout de stopper la violence. Mais cela n’interdit pas de s’interroger sur la façon dont l’événement est raconté.

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    Le premier mot qui vient à l’esprit, quand on pense à l’Ukraine, c’est : assez ! Assez de sang versé. Assez de répression d’un pouvoir qui semble considérer que le char peut remplacer le dialogue. Assez de provocations aveugles - de part et d’autre. De ce point de vue, l’Europe est fondée à demander des comptes au président Yanoukovitch ; l’Onu à demander le retour au calme ; et les grands esprits à prôner la solidarité. Mais à condition de ne pas regarder Kiev avec des lunettes déformantes.

    Or, à lire ce qui s’écrit sur l’Ukraine, tout est simple, trop simple. Il y a les Bons, qui animent la révolte, « pro-Européens », tous forcément animés d’une flamme démocratique éternelle, et il y a les Méchants, ceux d’en face, soutiens du président Yanoukovitch, suspectés d’être des marionnettes de Poutine, l’incarnation du diable.

    Ainsi va l’information binaire et manichéenne, digne de Tintin chez les Ukrainiens. La réalité, comme toujours, est plus complexe.

    Que le président Yanoukovitch – dont on rappellera cependant qu’il a été élu - soit un apparatchik corrompu, nul n’en doute. Comme l’ensemble de l’élite au pouvoir, il a profité de la chute de l’URSS pour devenir l’un de ces nouveaux riches qui ont poussé à l’Est comme champignons après la pluie. On pourrait d’ailleurs en dire autant de ses prédécesseurs, Ioulia Timotchenko et Viktor Ioutchenko, qui animèrent la « révolution orange » de 2004. L’occident les idéalisait alors qu’ils étaient manipulés en sous main par les oligarques et leurs affidés.

    C’est ce pillage en règle qui a mis le pays à feu et à sang et qui a amené le président Yanoukovitch à se tourner vers l’UE pour obtenir de l’aide. En guise de réponse, on lui a proposé une feuille de route économique et sociale digne de la salade grecque. Face à cette provocation, il a demandé l’aide financière de Poutine, tout content d’en profiter pour conserver l’Ukraine dans son orbite. A qui la faute ?

    Mais parmi ceux qui dénoncent avec raison le régime en place à Kiev aujourd’hui, il n’y a pas que les héritiers slaves de la Commune de Paris. A côtés des courageux citoyens qui n’ont que leur poitrine à offrir aux policiers du régime (formés à bonne école), il y a aussi des ultras d’extrême droite qui feraient passer pour de doux rêveurs les manifestants anti « mariage pour tous », des esprits échauffés par la haine anti Russe, des antisémites avérés, des jusqu’au-boutistes prêts à faire éclater un pays historiquement partagé entre son attachement à l’occident et ses racines slaves.

    Cette étrange cohorte a été chauffée à blanc par des stratèges formés à l’époque de la guerre froide. Ces derniers ont voulu faire de l’Ukraine une tête de pont contre la Russie, d’abord en l’arrimant à marche forcée à l’Union Européenne, puis en rêvant d’en faire un nouveau pion de l’Otan, cette organisation militaire dont on se demande au nom de quoi elle continue à exister alors que l’URSS est morte et enterrée.

    Dans ce contexte explosif, il importe donc de garder la tête sur les épaules et de ne pas sombrer dans la surenchère. Car si l’Ukraine part en lambeaux, toute l’Europe en subira les conséquences.

    La seule voie qui peut permettre de sortir du face à face de la place Maïdan, c’est celle du dialogue et du compromis. Cela concerne toutes les forces en présence. L’Europe peut jouer un rôle positif pour faire revenir le pouvoir sur ses lois répressives, faciliter la recherche d’un accord a minima avant d’inévitables élections anticipées, et ne pas faire de la Russie un ennemi éternel.

    Toute autre solution pourrait transformer en Kiev en poudrière en plein cœur du vieux continent, sans que nul ne puisse imaginer les dégâts collatéraux.

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