CIP-IDF > Un coup de poing dans tes chiffres
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Hier, et encore aujourd’hui, c’était les intermittents qui étaient traités de privilégiés, chômeurs exorbitants du droit commun, incapables de vivre de leur art, assistés vivants aux dépens des travailleurs et des entreprises privées. On exhibait les déficits abyssaux que leur entretien enlevait aux autres, aux vrais chômeurs. La Cour des comptes annonçait des calculs aberrants, supposés démontrer combien le sort des artistes et techniciens était préférable à celui des travailleurs intérimaires [1] .
Et voilà que, soudain, ce sont aussi les intérimaires qui se retrouvent passer, comme par magie, du côté des profiteurs, des destructeurs de la solidarité nationale, des responsables de la dette publique. Pourquoi ? « Il y a un nombre croissant de nos concitoyens qui, en réalité, préfèrent l’intérim : meilleure rémunération, primes d’heures supplémentaires, une forme de liberté, et optimisent leur trajectoire avec une alternance d’intérim et de chômage. Disons les choses clairement : ce n’est pas toujours une stratégie subie. Il y a un déficit croissant de cette part d’assurance chômage, et ce n’est pas supportable. » Hervé Mariton, député de la Drome. Chargé du pôle projet de l’UMP, au 7/9 de France Inter, le 19 février 2014.
Monsieur Mariton dit, à mots encore couverts, sa vérité : le scandale est, à son sens, que quelqu’un puisse choisir son emploi. Décider pour qui on accepte de travailler, dans quelles conditions, à quel tarif, à quel moment, voilà qui est, pour ce député, non pas un droit, mais un privilège. N’est-ce pas une certaine manière de dire, dans une novlangue néolibérale, que les droits sont réservés à certains citoyens particuliers, entreprenants, serviteurs utiles du marché, d’autant plus concurrentiels ou asservis que terrorisés à l’idée de perdre leur droit, comprendre leur travail ou leurs bénéfices ? Aux autres, les incapables, les assistés, - on disait la canaille, on dit la racaille - on laisse la précarité. C’est à dire, de vivre non pas de leurs droits, mais de ce que la charité publique, le RSA veut bien leur abandonner [2]. En effet, l’humanité recommande de ne pas les laisser sans subsistance, et la prudence le commande surtout : sans revenus et désespérés, ne risqueraient-ils pas d’être tentés par le révolver et l’incendie ?
L’ennemi, c’est le taux de chômage (entendre le nombre de chômeurs). M. Gautier-Sauvagnac (négociateur du Medef pour l’assurance-chômage en 2003) l’avait dit en son temps à propos des intermittents : le problème ce n’est pas le déficit, c’est le nombre. Le problème de M. Gautier-Sauvagnac (condamné depuis à un an de prison pour gestion d’une caisse noire patronale destiné à « fluidifier le dialogue social », c’est à dire en français, corrompre des syndicalistes) n’est pas le nombre de personnes sans emploi, mais le nombre de chômeurs indemnisés. Nous disons depuis que ce que nous défendons, nous intermittents, nous le défendons pour tous. C’était un slogan qui, aujourd’hui, s’éclaire bien plus crûment : hier, les intermittents, aujourd’hui, les intérimaires, demain, à qui le tour ? On le voit bien, ce qui est insupportable - idéologiquement insupportable - à ces fanatiques de l’équilibre prétendu des comptes, c’est que d’autres que les privilégiés de l’économie libérale, les nouveaux rentiers, puissent jouir des mêmes droits qu’eux, bref de disposer de temps libre, de choisir ses activités et de se réjouir de son travail.