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  • J – 143 : Je ne sais pas vous, mais cela fait des années qu’il m’arrive de mettre de côté un ticket de caisse ou l’autre, tant, chaque fois, à la relecture du dit ticket, je suis pris d’un peu de vertige à la liste de mes dépenses quand je fais les courses par exemple, mais aussi à tout le texte qui entoure, décore même, le ticket en question, le fait que je sois servi par une personne dont le prénom est indiqué, ce qui chaque fois me fait penser que ce n’est pas très respectueux de la personne en question, l’identifier par son prénom, elle qui ne pourrait jamais m’appeler par le mien et qui n’oserait pas le faire si elle le connaissait, par exemple en l’apprenant de la lecture de mon nom sur ma carte de crédit, ou encore que c’est par le prénom de cette personne, celui qui lui a été donné par ses parents dans ce qui reste un acte d’amour, que ce soit par ce prénom que l’on puisse remonter à elle pour toute réclamation, même polie et je me doute bien que l’employeur peut également tenir une manière de comptabilité de ces réclamations, ou encore que le ticket regorge de formules de politesse qui ne sont effectivement pas pensées, Bonjour !, Merci ! À bientôt ! Bon retour ! Et que naturellement tout ceci est enrobé par les formules de marketing et de slogans publicitaires de la société auprès de laquelle j’ai donc engagé des frais : et vos envies prennent vie, tous les jours sauvons la terre avec la banque d’un monde qui change. Et cela fait des années que je finis toujours pas jeter ces tickets amassés, certains même annotés ou à moitié triés, jamais sans une pensée pour Robert Heinecken pour lequel je triais des pages et des pages de magazine, et certaines fois en les faisant passer au-dessus d’une table lumineuse pour voir si des fois la superposition du recto et du verso ne donnait pas une forme tierce qu’ensuite je devais soumettre à sa considération, et alors après une quinte de toux, soit un désaccord, le plus souvent, soit un accord et le lendemain j’aurais à produire quelques tirages de lecture sur du Cibachrome . Oui, on doit pouvoir faire feu de tout bois, sauf que des fois cela demande un talent que je n’ai pas. Et pour ce qui est des tickets de caisse je continue de me dire qu’il faudrait quand même qu’un jour je trouve autre chose à en faire que ce que j’avais commencé à en faire, des boulettes que je scannais, mais j’ai vite été lassé. J’en concevrais une certaine gêne, de la honte presque, les tickets de caisse sont dans la tombe et me regardent et me demandent qu’as-tu fait de ton talent ? Pas grand-chose.

    Je suis désormais libéré des accusations tentaculaires des tickets de caisse qui lorsqu’ils rejoignent la corbeille me lancent ce regard accusateur que je n’aime pas du tout. Et j’en suis sauvé par un écrivain, Emmanuel Adely qui lui a su. Et a su de très belle manière.

    Dans Je paie , Emmanuel Adely reprend dans un invraisemblable détail l’intitulé in extenso de tous ses tickets de caisse sur les dix dernières années, et il ne fait presque que cela. Et vous avez déjà compris que tout est dans ce presque. Presque c’est-à-dire qu’il nous dit que certaines dépenses par exemple sont pour solal dont on comprend que c’est son fils, que les croquettes sont pour un animal domestique du nom de bartelby, de même certaines dépenses automatiques, prélèvements sont dûment répertoriés, et d’autres plus anecdotiques, telle danse dans un club gay au Québec, finissent par tisser un autoportrait assez curieux dans lequel tout est absolument avéré, je dépense tant pour un recommandé au Juge des tutelles pour ma mère, je paie les droits d’inscription de mon fils à tel concours d’entrée, mais dans lequel il est assez difficile de se faire une idée de la personne qui écrit toutes ces lignes de comptabilité, ce qui n’est pas sans rappeler Autoportrait d’Édouard Levé, ainsi la personne ici représentée n’est pas fondamentalement différente de telle ou telle autre, n’était-ce une inexplicable inclination pour le Freixenet et parfois un certain laisser-aller pour ce qu’il importerait qu’une alimentation pour un jeune homme, solal, soit autrement plus équilibrée et pas essentiellement constituée par des repas à réchauffer, l’homme aime bien les ravioles aussi, après tout, pour ma part, je goûte beaucoup les gnocchis, un homme que l’on sait partagé entre deux maisons, peut-être même deux sexualités, mais la comptabilité des tickets de caisse et l’enquête à laquelle le lecteur est astreint ne permet cependant pas d’aller jusque dans la description des sentiments. Ce serait déjà très fort en soi.

    Mais, en plus, à partir de la vingtième page de ce livre qui en compte sept cents, quelques ajouts d’abord très brefs, puis de plus en plus développés, l’évolution de l’écriture à l’intérieur du projet vieux de dix ans n’est pas la moindre des qualités de ce livre, des extraits de l’actualité du jour précèdent la liste des dépenses, ces extraits étant écrits d’une façon assez détachée, quelques traces d’ironie l’émaillent, mais le ton est journalistique, à la limite du copié collé si ce n’est de la transcription d’une annonce radiophonique ou télévisuelle.

    Très étonnant éclairage que celui, par exemple, des montants des sommes en jeu dans les actualités, notamment au moment du krach boursier de l’automne 2008, en comparaison ensuite du détail des dépenses d’un quidam pas spécialement argenté. Ou encore décalage absolu entre les dépenses de tous les jours et le détail par le menu, jour après jour de la progression de la catastrophe nucléaire de Fukushima, la vie continue, il faut bien, deux nouvelles bouteilles de Freixenet et quelques légumes pour les jours suivants, du riz même, pendant que celui de la région de Fukushima est irradié, les autorités ne peuvent plus le nier.

    Toutes les nouvelles qui sont donc mentionnées dans cet éclairage nous les avons lues, la plupart nous reviennent en mémoire, d’autres nous surprennent pour leur date, comme les signes avant-coureurs de cette fameuse crise boursière que personne ne pouvait prévoir mais que tout le monde avait sous les yeux, ou encore de constater qu’en 2005 et 2006 on se noyait déjà beaucoup en Méditérannée, n’en déplaise à Maryline Baumard, on ne l’apprend pas de son seul reportage interactif, je m’excuse, je ne peux pas m’en empêcher, de même que l’économie mondiale ne semble pas non plus aller vers un meilleur dix ans plus tard, c’est dans la lecture panoptique de ces dix dernières années que l’on réalise à quel point nous sommes sous l’avalanche, et la répétition, d’une part des sommes astronomiques et, d’autre part, des petites dépenses du quotidien d’un écrivain qui sillonne la France pour lire là un texte, là une pièce de théâtre, là encore signer les dédicaces d’un roman, ou encore là, aller présenter son dernier livre devant les représentants commerciaux de son distributeur à Arles, à quel point nous sommes dérisoires en regard de la mécanique folle du monde.

    solal a grandi, certains frais, de bricolage notamment, sont toujours partagés avec fred, le jambon du Rozier à l’épicerie des trois Causses, je vois bien quel goût il a, et il est fameux, la crise continue de faire rage, les réfugiés continuent de se noyer dans la Méditerranée, la guerre fait rage, elle fait désormais quelques victimes en Occident et c’est également entre les lignes que l’on lit que l’auteur a des revenus moindres, qu’il a un peu diversifié son alimentation, que ses lectures sont toujours aussi éclectiques, qu’il passe désormais plus de temps chaque année au Rozier, à la confluence du Tarn (froid) et de la Jonte (glaciale) et de plus en plus nombreux sont les jours, tels une résistance, une délivrance, une émancipation, pour lesquels il peut noter, triomphalement, presque, je n’achète rien.

    Tout cela pour 23,90€.

    #qui_ca

  • J – 144 : Aujourd’hui j’ai vécu dans un film de science-fiction très étonnant, de la science-fiction proche, disons une période, très prochaine donc, où l’on viendrait tout juste d’inventer la téléportation. Un matin vous vous levez un peu plus tôt, et vous vous dires tiens aujourd’hui j’irai bien déjeuner en terrasse de seiches a la plancha sur les bords du Rhône à Arles. Nous sommes en décembre, ni une ni deux, vous montez dans un tube d’acier avec votre éditeur et vous voilà propulsé en un tour de main sur la place du forum, mais une drôle de place du forum pas du tout celle que vous connaissez pour être l’endroit de la récompense partagée avec Madeleine après avoir visité au pas de charge les soixante expositions de photographies des Rencontres Internationales de la Photographie à Arles, en une seule journée, une bonne glace triple boules pour Madeleine, une simple pour vous chez Casa mia, une place du forum noire de monde et envahie par les terrasses concurrentes de tous les restaurants de la place, non, une place déserte, on pourrait presque y jouer au toucher (rugby sans placage, pour défendre vous devez toucher le porteur du ballon des deux mains, touché ! et il doit poser le ballon par terre), de même dans les petites rues inondées d’un soleil rasant et sur les murs desquelles ricoche un petite bise fraîche et pas un bruit dans les rues dont les magasins arborent dans les vitrines de surprenantes processions de santons — les santons élément indispensable à tout récit de science-fiction qui se respecte.

    La téléportation n’en est qu’à ses débuts, l’effet n’est pas immédiat, mais une conversation à rompre du bâton avec votre éditeur et c’est vraiment le sentiment que la Bourgogne et la vallée du Rhône ont été rayées de la carte par du givre et du brouillard et donc traversées dans un clignement d’œil. Et le changement subreptice de décor dans les rues familières d’Arles vous laisse à penser qu’en plus de téléportation il y a potentiellement eu voyage dans le temps ce qui vous est confirmé en visitant l’intérieur d’une maison où chaque bout de ficelle dans une boîte est à sa place, et cela depuis deux cents ans, un arrière-arrière-grand-père a même son portrait photographique des années 60 du dix-neuvième siècle qui trône, non pas sur le manteau d’une cheminée mais sur une pile de livres d’un autre âge celui des années septante mais, cette fois, les années septante du vingtième siècle. Vous avisez même les tranches de quelques collections de polar de cette époque dont vous jureriez disposer de quelques exemplaires des mêmes, eux serrés, dans les rayonnages de votre propre maison de famille, dans les Cévennes, à deux heures de route, plus au Nord donc.

    Arrive une heure fatidique, celle qui a motivé l’effet balbutiant, mais réussi, de téléportation, vous pénétrez dans le hall d’un hôtel de luxe assez minable, pensez les décorations intérieures ont été confiées à une petite frappe locale, c’est kitsch et draperies nouveaux riches à tous les étages, rendez-moi vite la poussière des rayonnages de la vieille maison de famille arlésienne, on vous fait patienter dans la cour carrée d’un ancien cloître, vous en profitez pour chiper quelques feuilles de sauge dans les parterres au cordeau et puis on vous appelle et vous pénétrez dans une grande pièce de salon, les représentants commerciaux de votre éditeur-distributeur-diffuseur — je n’ai pas entièrement suivi les explications ferroviaires de mon éditeur — sont fort polis et une trentaine de bonjours anisochrones vous viennent aux oreilles.

    Vous avez dix minutes.

    Le livre dont on vous demande de parler, il vous a fallu une bonne douzaine d’années pour l’écrire, puis pour l’oublier, pour le réécrire, puis le relire, le corriger, le réécrire, le relire et le corriger à nouveau encore et encore. Vous avez dix minutes qui connaissent le même phénomène d’accélération que lors de la téléportation et vous laissent finalement chancelant sur les bords du Rhône pour une dernière promenade avant d’attraper le téléporteur du soir, la lumière du couchant en hiver sur le fleuve est orgiaque, rien à voir avec cette matraque froide du plein jour en été, là où vous photographiez, chaque année ce coude que le Rhône fait, tel une génuflexion devant la majesté du musée Réattu.

    Dans le train, vous lisez la fin de Je Paie d’Emmanuel Adely. Le soir en arrivant chez vous, dans le Val de Marne, donc pas exactement limitrophe des Bouches du Rhône, vous trouvez dans votre boîte aux lettres le deuxième tome du Journal d’une crise que votre ami Laurent Grisel vous a envoyé, et vous constatez, amer, que le matin même vous aviez oublié de refermer la fenêtre de votre chambre en partant, la chambre est parfaitement ventilée certes, mais glaciale, comme la maison des Cévennes quand on la rouvre à Pâques après l’hiver.

    Exercice #50 de Henry Carroll : Faites de l’exposition une métaphore

    #qui_ca
    #une_fuite_en_egypte

  • J – 145 : Je ne sais pas vous, mais pour moi, ce genre de rendez-vous est une plaie : votre conseiller bancaire souhaite vous rencontrer pour faire un point annuel sur votre situation et étudier avec vous l’opportunité de vous présenter quelques une de nos nouveau produits. Je pense que je suis parvenu à user la patience de mes deux précédents conseillers qui ont fini par laisser tomber et ne plus ni m’appeler ni tenter vainement d’attirer mon attention sur ceci ou cela.

    Ma nouvelle conseillère, elle, s’est montrée d’un opiniâtreté à la fois courtoise et très opérante et je suis désormais assis tel un gibier que l’on a réussi à attirer vers la clairière voulue, d’une humeur aussi maussade que vous pouvez imaginer, mais ma nouvelle conseillère n’est pas tout à fait nouvelle, elle est derrière le comptoir d’accueil de l’agence de la banque depuis une dizaine d’années, aimable et elle entend bien étrenner comme il se doit ses nouvelles responsabilités de conseillère, je veux bien lui accorder cela, cette dame a toujours été aimable et compétente, va pour le rendez-vous pour faire le point sur votre situation.

    Par exemple, je vois, Monsieur De Jonckheere, que d’après les informations dont je dispose à votre propos, vous n’avez qu’un seul enfant, Madeleine, détentrice, elle-même, d’un compte chez nous or je vous ai déjà vu au restaurant d’en face avec d’autres enfants, opiniâtre et observatrice. Je tente une sortie façon, mais vous savez que ma banque et son service informatique que je connais un peu (il se trouve que j’y travaille en qualité d’ingénieur informaticien depuis un peu plus de quatre ans maintenant) ignorent tout de ce genre de choses ne me choque pas plus que cela, on peut même dire que cela me donne du contentement. Oui, mais Monsieur De Jonckheere, quand la direction m’embête pour que je vous embête parce que vous êtes à découvert, je ne sais pas si cela arrive, si je sais que vous êtes père de famille nombreuse alors que je vois que vous êtes aussi célibataire, je me dis que je peux vous aider et vous protéger un peu. Non ? Sourire de ma conseillère qui vient de marquer un essai, en coin, tout en finesse, ma conseillère 5, moi zéro. Vous voulez dire que vous pouvez éventuellement m’épargner le sempiternel cours de morale qui a le don de m’énerver, surtout quand les dépassements de découvert que j’ai pu avoir par le passé étaient en grande partie dus au fait que je ne pouvais pas ne pas faire face aux frais engendrés par les soins de mon enfant autiste ? Je recolle au score suite à une pénalité, ma conseillère cinq, moi trois.

    Votre fils est autiste ?

    Oui.

    Mon petit frère était autiste. Il est mort il y a une vingtaine d’années, dans son sommeil, on n’a jamais su de quoi.

    Je suis désolé, il se trouve que je sais aussi un peu ce ce que c’est que la perte d’un petit frère.

    Vous aussi.

    Mêlée au centre, introduction qui revient à ma conseillère.

    Et donc, je vois très bien votre situation, c’était celle de mes parents, alors je ne vais vraiment pas vous embêter, je vous pose deux ou trois questions pour être sûre que votre situation est bien à jour et je vous relâche je sais que dix minutes un quart d’heure sont des biens précieux dans la vie d’un parent d’enfant autiste. Essai sous les perches de ma conseillère, ma conseillère douze, moi trois.

    Vous avez un remboursement d’emprunt pour la maison ?

    Oui, jusqu’en juillet 2021

    A quel taux ?

    Aucune idée.

    Est-ce que vous voulez vous renseigner pour savoir si des fois on ne pourrait pas vous proposer mieux chez nous ?

    Non.

    Et là autant vous dire que le comportement normal d’une conseillère c’est de vous harceler et ne pas comprendre que vous puissiez ignorer, du tout au tout, le taux de votre emprunt

    J’aurais fini de payer en juillet 2021, c’est tout ce que je sais.

    Je vois que vous mettez un peu d’argent de côté, est-ce que vous voulez faire des modifications ?

    Non

    Est-ce que cela vous dérange si je fais passer un petit programme sur vos comptes pour savoir si cela correspond bien à ce que vous pouvez mettre de côté pour vous éviter de faire des régulations de temps en temps ?

    Je m’en moque un peu.

    Je ferai cela un autre jour et si je vois qu’il y a une optimisation à faire je vous envoie un petit couriel, je crois que j’ai fini, vous allez pouvoir rentrer chez vous vous occuper de vos enfants.

    Vous êtes très gentille Madame, je crois que l’on va bien s’entendre, j’ai bien vu que vous aviez absolument tout compris.

    Oui, ne vous inquiétez, on va tout faire par courriel. Elle est marrante votre adresse de mail desordre.net ?

    C’est le nom de mon site internet.

    C’est original et qu’est-ce qu’il y a dans votre site internet

    Et bien comme le dit son nom, beaucoup de choses très mal rangées, des photographies, des vidéographies, des dessins, des enregistrements sonores, des textes…

    Des textes que vous écrivez vous-même ?

    Oui

    Que vous publiez ?

    Ben en fait en mars, je vais avoir un roman qui va sortir.

    Oh dites-moi absolument, je vais le noter, j’aime beaucoup lire.

    Une fuite en Egypte.

    Ah un thème biblique très bien.

    Oui, mais enfin vous savez il y a aussi pas mal de scène de sexe notamment

    Léger rougissement de ma conseillère bancaire, cela me permet de marquer un essai en coin, je rate la transformation, ma conseillère, douze, moi, huit.

    Et en ce moment vous travaillez sur un autre roman ?

    Non en ce moment je tente de travailler sur un film documentaire mais c’est très compliqué parce que le sujet de mon film s’est braqué et ne veut plus faire le film avec moi. Et pourtant c’était un beau sujet. Cela parle à la fois de l’occupation allemande en France et de la guerre d’indépendance au Cameroun.

    Ah Monsieur De Jonckheere, je veux tout savoir à propos de ce film

    Vous êtes d’origine camerounaise c’est ça ?

    Non, je suis Camerounaise, je ne veux pas de la nationalité française après tout ce que la France a fait de mal au Cameroun, je refuse de prendre la nationalité française.

    En fait le rendez-vous était censé durer une petite heure, les questions financières, encore que financières pour parler de ma situation bancaire, vous l’aurez compris c’est un peu grandiloquent, mais le reste de la discussion a beaucoup tourné à propos de l’UPC, de Bolloré et des guerres post coloniales de la France, tout à fait le genre de conversation que l’on devrait tout le temps avoir avec sa conseillère bancaire, et ne vous inquiétez pas Monsieur De Jonckheere, je vais regarder vos opérations avec discrétion, si je vois des choses à faire pas compliquées, je vous envoie un petit courriel. Et bon courage avec Nathan, vous allez voir, vous allez vous en sortir, j’en suis sûre.

    Il faut que je me gendarme un peu, un jour je vais avoir envie d’embrasser ma conseillère bancaire.

    Exercice #49 de Henry Carroll : Photographiez la vérité

    #qui_ca

  • J – 147 : Le Client d’Asghar Fahradi

    Et est-ce que la tenue de Qui ça ?, dans cette forme de journal pas vraiment journal qui est le sienne ne devrais pas permettre d’être, de temps en temps, rien de plus, rie de moins qu’une simple annotation, pas nécessairement développée, en fait, une véritable entrée de journal.

    Suis allé voir Le Client d’Asghar Fahradi cet après-midi au Kosmos . Beaucoup aimé. Ou.

    Suis allé voir Le Client d’Asghar Fahradi cet après-midi au Kosmos . Détesté. Ou.

    Suis allé voir Le Client d’Asghar Fahradi cet après-midi au Kosmos , en suis sorti laminé, haletant presque. Je ne pouvais plus supporter l’intensité du suspense à la fin, d’autant moins que je faisais confiance au cinéaste iranien pour faire selon son habitude, laisser la fin terriblement ouverte. Ou.

    Suis allé voir Le Client d’Asghar Fahradi cet après-midi au Kosmos , en suis resté abasourdi de la puissance politique de ce film. De ce qu’il parvient au travers même de la censure religieuse de traiter du plus profond des problèmes de la société iranienne, celui de la justice. De ses errements, de l’impossibilité d’y avoir recours et de ce que cela conduit les victimes à panser du mieux qu’elles peuvent leurs blessures ou à des hommes intègres d’être tentés par la Loi du Talion, quelle intelligence, quel engagement. Ou.

    Suis allé voir Le Client d’Asghar Fahradi cet après-midi au Kosmos , pour lequel il faudrait que je prenne quelques notes en vue d’écrire une chronique à propos de ce film, commencer peut-être sur le fait que la forme des récit de Farhadi est aussi particulière finalement que celle des frères Dardenne, je ne sais pas si c’est une bonne approche, mais là où les Dardenne se sont donnés pour forme quasi définitive de l’ensemble de leur œuvre cinématographique de suivre une jeune femme dans tous ses déplacements, Farhadi lui s’est donné la forme d’une spirale allant s’accélérant sur la fin, je ne sais pas si je saurais me faire comprendre avec une telle amorce. Ou.

    Suis allé voir Le Client d’Asghar Fahradi cet après-midi au Kosmos , je me suis dit qu’il fallait que je convainque absolument Madeleine d’aller voir la dernière séance mardi soir quitte à aller le revoir avec elle. Et puis, après, peut-être, télécharger une Séparation et le revoir avec elle. Ou bien.

    Suis allé voir Le Client d’Asghar Fahradi cet après-midi au Kosmos , quelle claque ce film et qu’est-ce que cela fait du bien de voir un film dans lequel les personnages ne sont pas faits d’un seul bois, qu’il y a du bon dans les mauvais et de la laideur chez les beaux, et que les uns et les autres puissent évoluer dans le temps, changer de camp, quitte à retourner dans celui dont ils sont issus. Ai repensé à cette trame tellement discrète d’ Aquarius . Ou bien.

    Suis allé voir Le Client d’Asghar Fahradi cet après-midi au Kosmos , ai pensé comme souvent devant pareil chef d’œuvre que l’on pourrait le voir dix fois de suite et continuer de déceler çà et là des détails troublants de construction, à peine visible et dont on peut penser qu’au contraire lors de la première vision du film ce sont ces détails qui à notre insu construisent le film à l’intérieur de nous, par exemple, lors de l’évacuation catastrophe le couple est séparé par la nécessité impérieuse pour Ehmad d’aller aider son voisin handicapé et lorsqu’il regarde derrière lui, pour voir si Rana a bien suivi ses instructions de sortir immédiatement il la voit qui l’attend, ils sont désormais séparés par la cour intérieure du bâtiment, par ce qui représente, en fait, la société, le lieu commun. Tout ce qu’il faut de latent pour préméditer un coup pareil, et faire confiance qu’en dépit du fait que cela ne soit pas souligné trois fois en rouge cela restera opérant même dans l’esprit d’un spectateur inégalement attentif. Ou encore le pansement que porte désormais sur la tête Rana semble la dispenser désormais du port du voile sur ses cheveux, c’est un symbole qui est à la fois extrêmement fort et très discret dans le même temps. Ou bien.

    Suis allé voir Le Client d’Asghar Fahradi cet après-midi au Kosmos , je n’ai pas aimé, j’ai trouvé insipide la symbolique de la pièce de théâtre et cette pièce d’Arthrur Miller, Mort d’un commis voyageur , comment Farhadi peut chausser des sabots aussi bruyants et au contraire être d’une finesse à peine perceptible à d’autres moments ? Ou bien encore.

    Suis allé voir Le Client d’Asghar Fahradi cet après-midi au Kosmos et je peste, de nouveau, à propos du retour chez moi d’une manière de regarder désormais une œuvre, manière que j’avais réussi à abandonner et qui revient donc, celle qui consiste, presque, à prendre des notes à la récpetion de l’oeuvre avec la ferme intention d’en écrire une chronique plus tard et de ne plus être librement saisi par l’œuvre comme j’avais réappris à faire ces cinq ou six dernières années.

    Alors qu’il suffirait peut-être d’une simple entrée dans mon journal, si j’en avais un, suis allé voir Le Client d’Asghar Fahradi cet après-midi au Kosmos . Forte impression.

    Exercice #48 de Henry Carroll : Prouvez nous que la terre est plate.

    #qui_ca

  • http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/coltrane_blue_train.mp3

    J-148 : Je me demande si je n’ai pas fini par obtenir la preuve ultime de la malhonnêteté des maisons de disques qui pendant des années nous ont vendu leurs galettes au prix de l’or ou du platine, non pas d’ailleurs que j’avais besoin d’une telle preuve pour savoir cette profession unanimement voleuse.

    http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/coltrane_good_bait.mp3

    Good bait avec Red Garland

    Le vendredi soir, en sortant du travail, c’est souvent que je vais à la librairie, je m’y achète un livre ou deux, de quoi étancher ma soif de lectures pour le week-end, et bien souvent également, je m’achète un vieux vinyle pour ce plaisir de le faire tourner tout le week-end, en général ce sont des rééditions, de très bonne qualité, de Blue note , des grands classiques de la fin des années 50, début des années 60, parfois ce sont des disques que j’ai enregistrés sur cassette au siècle dernier et que je retrouve avec plaisir, d’autres fois ce sont des disques que je ne connais pas encore, du Wayne Shorter d’avant la rencontre avec Miles et bien avant Weather Report , du Dexter Gordon, tel disque de Herbie Hancock avec un thème à tout casser - Watermelon man - en premier morceau de la première face, et naturellement c’est mon plaisir du samedi matin, je remets un peu d’ordre dans la maison, j’enchaîne les cafés, je bouquine pendant que la galette tourne et retourne.

    http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/coltrane_countdown.mp3

    Countdown de John Coltrane avec un Cedar Walton un peu dépassé par son soliste

    Depuis quelques temps mon libraire se désespère de ne plus pouvoir me procurer ces galettes, apparemment le catalogue de Harmonia Mundi est indisponible pour des questions judiciaires auxquelles je n’ai pas compris grand-chose, cela fait plusieurs mois que le libraire me dit que cela va revenir, force est de constater que les galettes ne reviennent pas, le bac est vide, littéralement.

    http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/coltrane_oleo.mp3

    Oleo , John Coltrane au ténor, Ray Draper au tuba qui dépote

    Du coup j’ai jeté un œil nonchalant, et pas très motivé, sur les CD, sauf que les CD, j’ai fait serment de n’en plus acheter qu’à la sortie des concerts notamment aux Instants Chavirés , parce que c’est un excellent moyen de découvrir de nouvelles choses, d’extrapoler dans des directions que l’on a appréciées en concert, sans compter que c’est presque comme de les acheter directement aux musiciens, d’ailleurs c’est que j’ai fait récemment en échangeant avec Axel Dörner et lui achetant deux de ces disques - et c’est littéralement dans les mains de ce trompettiste de génie que j’ai remis les vingt euros pour les deux disques, là on se dit qu’il n’y a pas tromperie, c’est direct du petit producteur au consommateur, si vous me passez l’expression -, un de ces deux disques d’Axel Dörner est une merveille, parmi les plus beaux de ma discothèque.

    http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/coltrane_wabash.mp3

    Wabash , Julian Cannonball Adderley et John Coltrane, Wabash, du nom d’une rue de Chicago où se trouvait un magasin de produits photo ( Central camera ), où j’ai acheté des kilomètres carrés de papier photo le vendeur était un sosie de Cannonball et cela le faisait rire que moi, blanc, je le sache.

    Des CD j’en ai acheté beaucoup, il y a une vingtaine d’années. En mai 1995, à la suite d’un pari idiot, mais à l’enjeu diabolique, avec mon père — mon père s’appelle Guy — j’ai arrêté de fumer. A l’époque je fumais un peu plus d’un paquet par jour. Cela a été une libération. J’avais fini par accepter de jouer et de parier avec mon père un dimanche soir où j’avais perdu deux heures, peut-être même plus, en écumant les rues de Paris pour trouver des cigarettes, j’avais trouvé la chose humiliante, rabaissant, j’avais soif d’émancipation, même si je ne savais pas très bien ce que cela voulait dire, j’ai décidé de jouer, d’accepter de perdre et aussi d’arrêter de fumer. Les débuts ont été pénibles. De cela je me souviens très bien - un ami tromboniste pourrait témoigner d’un séjour cévenol au cours duquel j’étais particulièrement à cran. Ce dont je me souviens aussi, c’est de m’être rendu compte, à l’époque chaque franc comptait, que ne fumant plus, je faisais chaque mois de très substantielles économies, il semble me souvenir qu’alors je gagnais 6500 francs mensuels nets et qu’une moitié de cette somme était mangée par le loyer et qu’à ce compte-là j’avais bien du mal à acheter du papier et des produits photographiques, je fabriquais moi-même les produits, mais films — en rouleau de trente mlètres qu’il fallait emmbobiner soit même, là aussi pour faire des économies — et papier, surtout le baryté, coûtaient une blinde. À l’époque j’empruntais compulsivement livres et CD à la médiathèque, j’ai dû lire la moitié de ce que la médiathèque comptait de livres du nouveau roman et emprunter et enregistrer, sur cassettes, un bon quart de leurs CD de jazz, nettement moins de classique, le classique c’est venu plus tard. Telle était mon économie, on ne plus tendue, à l’époque.

    http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/coltrane_billies_bounce.mp3

    Billie’s bounce , Red Garland avec John Coltrane.

    Par curiosité j’ai calculé que j’étais en train d’économiser 500 francs, presque, tous les mois, en ne fumant plus, ce qui équivalait, à l’époque - Chirac venait d’être élu après trente ans de gesticulations et simagrées pour être khalife à la place du khalife -, peu ou prou, au prix de cinq CD : j’ai décidé que désormais, puisque toutes ces années j’étais parvenu à trouver 500 francs par mois pour les brûler et m’intoxiquer de la fumée, chaque jour de paye, une fois par mois donc, j’irai chez le disquaire où je m’achèterais cinq disques, je sortais du magasin chaque fois en m’exclamant, pour moi-même, ils ne m’ont rien coûté. De cette manière j’ai constitué une bonne moitié de ma discothèque, l’autre moitié est venue à partir du moment, paradoxalement, où j’ai prêté serment de ne plus jamais acheter de disques puisque les majors avaient, semble-t-il, gagné leur patient et dégoûtant travail de lobbying et obtenu dans un premier temps la LEN, la loi sur l’économie numérique, et dans une deuxième temps la loi HADOPI, peigne-culs, cela n’a pas freiné mon appétence au téléchargement, au contraire, bien au contraire.

    http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/coltrane_things_aint_what_they_used_to_be.mp3

    Things ain’t what they used to be , John Coltrane et Paul Quinichette aux ténors, Frank Wess à la flute, et quelle ! et Cadar Walton qui a repris son souffle depuis Giant Steps and Countdown

    Par curiosité je regarde les bacs de CDS et j’avise un petit coffret d’une quinzaine de disques, des débuts de John Coltrane quand il était encore, essentiellement, un sideman de musiciens désormais moins connus que lui, mais qui, à l’époque, fin des années, étaient, par rapport au jeune Coltrane, des étoiles, Paul Quinichette, Tadd Dameron, Red Garland, Cannonball Adderley, dans les quinze disques que renferme ce petit coffret, je dois en avoir quatre ou cinq de ces disques, notamment celui avec Adderley, une merveille, et là où je m’attendais que ce petit coffret soit vendu, au bas mot, à une centaine d’euros, ce que j’aurais trouvé naturellement dégoutant, pas du tout, dix-neuf euros. Soit un euro vingt-six cents le disque.

    http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/coltrane_cattin.mp3

    Cattin’ , John Coltrane et Paul Quinichette aux ténors

    A ce prix-là, le jazz afficionado que je suis ne fait pas la fine bouche, et donc les quinze disques de Coltrane ont chaleureusement accompagné mon week-end, parmi lesquels j’ai eu le bonheur de retrouver Blue Train , une merveille, la chair de poule, dès le début, cette exposition du thème ampoulée mais magistrale, en pensée, j’ai revu mon appartement de l’avenue Daumesnil les soirées avec mon ami Pascal à se passer du Coltrane jusqu’au bout de la nuit en buvant du whisky - on commençait menu menu avec Blue Train , puis la période avec Miles, Kind of blue et ensuite Giant Steps , la période Atlantic et enfin la face nord avec la période Impulse ! de A Love Supreme à Ascension -, le disque avec Adderley donc, toujours émouvant - Adderley devait être un type bien, un type sympa, il devait exactement savoir que le jeune Coltrane allait bientôt tirer dans une toute autre catégorie que la sienne, du coup, c’est souvent qu’il laisse le premier solo au ténor, ce n’est évidemment pas Miles qui aurait fait cela -, mais aussi des trucs plus improbables, une collection de morceaux avec du tuba dedans et donc son association avec le ténor du jeune Coltrane, oui, je sais je suis en train de vous parler de mon train électrique dans le grenier, bref des morceaux que je connais et d’autres, l’essentiel de ces quinze disques, que je n’ai jamais entendus Dave !

    http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/coltrane_mating_call.mp3

    Mating call , John Coltrane et Tadd Dameron

    N’empêche, à la fin de cet excellent week-end de musique et de cafés, sans compter un brin de lecture, notamment Littoral de Bertrand Belin, Je Paye d’Emmanuel Addely que j’ai enfin fini et le début de la Guerre du Cameroun (voir si, des fois, je en parviendrais pas à ressusciter la Petite fille qui sautait sur les genoux de Celine ), je me pose cette question : combien d’étagères aurais-je dû construire dans ma maison si les CDs avaient été à ce prix très raisonnable de 1,26 euros, lequel prix doit encore permettre à ces putains de maisons de disques de faire un peu de bénéfice, sinon, pensez s’il vous vendrez de tels petits coffrets ?

    http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/coltrane_eclypso.mp3

    Eclypso , John Coltrane et toutes sortes de chats

    Ces gens-là nous ont volés, pendant des années, des lustres, des décennies. Ils ont continué de nous vendre des CD au prix des vinyles qui eux, apparemment, coûtaient nettement plus cher à fabriquer. Et ce sont les mêmes, vingt ans plus tard, qui ont ensuite œuvré dans les salons de l’Assemblée pour nous empêcher de partager ce que nous aimions tellement écouter ensemble jusqu’au bout de la nuit, en buvant un peu de whisky. Peigne-culs.

    http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/coltrane_tenor_conclave.mp3

    Tenor Conclave , John Coltrane avec Hank Mobley et Zoot Sims aux ténors, ça envoie un pue du bois quand même

    Et loué soit Coltrane ! Pa pa pa pam, Pom pom pom, Pa pa pa pam, Pom pom pom.

    http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/coltrane_polka_dots_and_moonbeans.mp3

    Polka dots and Moonbeans , John Coltrane, Donald Byrd, Hank Mobley, Elmo Hope, Paul Chambers et Papa Jones derrière les fûts.

    Exercice #47 de Henry Carroll : Liste de livres sur la photographie que vous aimeriez lire.

    Sur le sujet j’ai lu pas mal de choses au point que je ne sais pas si j’ai encore de l’appétit pour de telles lectures. Cela fait des années que je me dis que je devrais lire le livre d’André Rouillé sur la photographie contemporaine, il est même, ce qui est surprenant, dans la bibliothèque du Comité d’Entreprise de la Très Grande Entreprise qui m’emploie, mais sinon la question serait plutôt de savoir quels seraient les livres que j’aimerais relire sur le sujet de la photographie et alors la réponse est simple

    La chambre claire de Roland Barthes
    De la photographie de Susan Sontag
    L’ombre et son instant de Jean-Christophe Bailly.

    #qui_ca

  • J – 149 : Pour le moment Guy, mon ordinateur s’appelle Guy, n’a toujours pas fini de scanner et réparer immense_disque .

    Sur seenthis @mona me lance un encouragement à m’engouffrer dans une mêlée et puisque c’est @mona qui le demande, j’y vais. Je ne devrais sans doute pas.

    Sophie Robert a apparemment gagné en appel le procès qu’elle avait perdu en première instance au sujet de son premier film le Mur la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme et forte de cette victoire juridique contre les psychanalystes qui se pensaient, assez justement, lésés par la présentation mensongère qui était faite de leurs propos, Sophie Robert ne se sent plus et décide de se lancer dans une nouvelle aventure, cette fois-ci, ridiculiser la psychanalyse sur le sujet de la sexualité. Apparemment elle trouve le moyen de recycler d’anciens métrages du Mur à l’aide desquels elle a monté une maquette avec laquelle elle tente une demande collective de financement - je crois que l’on appelle cela un crowdfunding - et nous promet qu’on va voir ce que l’on va voir, le titre de son prochain film Le Phallus et le pas du tout, ou le Zizi et la zezette , je promets que je n’invente rien.

    Je commence par déterrer la longue chronique que j’avais écrite il y a quelques années, des lustres, un lustre, à propos du Mur , et je suis très surpris de l’énergie qui était visiblement la mienne alors, sans compter que je devais alors avoir une foi inébranlable à l’époque dans le fait que d’écrire un billet de bloc-notes , éventuellement d’en envoyer le lien à droite et à gauche, notamment sur seenthis , et dans d’autres communautés, notamment psychanalytiques, encore que la chose ne soit pas de mon fait seul, allait changer quoi que ce soit à quoi que ce soit. Je pourrais me contenter finalement de faire un copié collé de cette chronique dans le signalement seenthis de @supergeante, c’est d’ailleurs ce que je fais dans un premier temps.

    Entretemps je trouve dans mes courriels une invitation de la mairie de Fontenay à venir participer à un débat animé par une amie à moi, quelqu’un pour qui j’ai un très profond respect et qui s’occupe des questions de handicap à la mairie, à la suite de la projection, en présence de sa réalisatrice, d’un film de Sophie Robert - celui-là à propos de l’intégration scolaire des enfants, cette fausse réalisatrice est une surdouée du montage, il faut lui reconnaître cela, elle semble capable de faire plusieurs films avec les mêmes métrages issus du même tournage. Et là aussi je me dis que je dois avoir considérablement vieilli, décidément ce n’est pas beau de vieillir, parce que en dépit de ma disponibilité sur le créneau horaire en question, je me fais la promesse de ne surtout pas y aller.

    Je n’ai plus la force.

    Je n’ai plus la force de soutenir la réprobation totale de toute une salle de cinéma lors des débats qui lui font suite, je remarque que chaque fois, quel que soit le film, la salle est pour le film et que si vous faites la moindre remarque qui n’est pas strictement élogieuse du film, vous passerez pour peine à jouir ou que sais-je du même tonneau, à croire que ne sont dans la salle que les amis du réalisateur et potentiellement son service d’ordre.

    Je n’ai plus la force de tenter d’expliquer qu’il puisse y avoir des points de vue minoritaires qui ne manquent pas de valeur. Que ce n’est pas parce qu’un point de vue est majoritaire qu’il n’est pas indemne de reproches, au contraire. Ou que lorsqu’un point de vue ne cesse de crier qu’il est victime de censure ou de bâillonnement, on n’est pas contraint de prendre de telles déclarations au premier degré, exemple Michel Onfray dit s’imposer une cure médiatique au printemps 2016, les enregistrements de ses conférences à l’université populaire de Caen passeront, comme chaque été, jusqu’à trois fois par jour sur France Culture pendant tout l’été.

    Et je n’ai certainement plus la force de contredire des personnes, telle Sophie Robert, donc, quand bien même elles voudraient piétiner, dans leur croisade rétrograde, des domaines de connaissances et de richesses culturelles qui auront été des havres pour moi, ici la psychanalyse, une autre fois ce sera autre chose, l’histoire, l’histoire de l’art, la philosophie, la musique, la poésie que sais-je.

    Je n’en ai plus la force.

    Les psychologues pour chien ont gagné. La semaine prochaine l’Assemblé Nationale étudiera une proposition de loi écrite par Fasquelle du R.P.R., visant à interdire pénalement aux psychanalystes de prendre en charge des patients autistes. Mais après tout je devrais me satisfaire de mon petit Gergovie à moi - pour ce qui est de la guerre des Gaules, je suis assurément dans le camp des vaincus, mais à Gergovie, les Romains ont mordu la poussière -, mon Gergovie à moi c’est de me dire que je serai parvenu à soustraire Nathan, mon fils, aux fourches de ces chapelles de l’obscurantisme. Et il m’importe peu, finalement, de pouvoir dire ou penser, que c’est une discipline ou une autre, certainement pas la voie psychanalytique seule, qui a permis que Nathan soit ce jeune homme merveilleux d’intelligence - qui me rosse régulièrement avec les Blancs avec des ouvertures espagnoles particulièrement agressives, avec les Blancs je m’en sors mieux en lui imposant des transpositions du Gambit de la dame, plus tranquilles - et même de gentillesse, mais aussi de naïveté et de combattivité, parfois contre lui-même, non, ce sont des personnes, des professionnels, une certaine psychologue, une armée d’orthophonistes très compétentes, un psychomotricien et désormais un psychologue, des centaines et des centaines, vraiment des centaines, de rendez-vous chez ces personnes, qui auront eu le pouvoir modeste mais décisif de sortir Nathan d’une ornière profonde dans laquelle il était mystérieusement embourbé et je me fous vraiment pas mal du constat d’accident éventuel qui me dirait pourquoi son train a déraillé, ce qui compte à mes yeux, c’est que son train est à nouveau sur des rails, qu’il n’avance pas vite ou encore que la destination n’est pas encore connue, tout cela je m’en moque bien. Pensez.

    Et c’est sûrement très lâche de ma part, mais c’est en grande partie commandé par le manque de forces qu’il me reste sur le sujet, que j’ai décidé de ne plus livrer bataille, ou plus exactement de garder des forces pour celles qu’il faut encore gagner pour Nathan.
    J’ai un ami documentariste qui est sur le point d’achever un film documentaire à propos d’une prison ouverte et de ses prisonniers, récemment il me disait une manière de soulagement, il pouvait constater la sortie en librairie d’un livre à propos du milieu carcéral sans se sentir une obligation impérieuse et un devoir moral à lire ce nouveau livre sur le sujet, sa propre contribution sur le sujet ne tarderait plus à sortir, il lui était désormais possible de s’intéresser à d’autres sujets pas nécessairement moins politiques d’ailleurs sans se sentir coupable de pouvoir être pris en défaut de documentation.

    C’est un sentiment semblable qui est le mien aujourd’hui.
    Et je vais pouvoir me consacrer au caractère coutumier de mon samedi, séance de yoga avec mon amie Laurence le matin et travail dans le garage l’après-midi, notamment tenter de combler le retard dans Qui ça ? travailler à la page de ressources à propos d’Une fuite en Egypte , poser les bases pour ce film long métrage que je voudrais faire depuis quelques années à partir de photographies, mettre la dernière main à Arthrose , il serait temps, et, pourquoi pas, reprendre l’écriture de X et des Salauds . Autant d’entreprises qui devraient me procurer un bien supérieur et tant d’aigreur en moins. Et, d’une certaine manière, pour reprendre le titre du dernier livre de Georges Picard, Merci aux ambitieux de s’occuper du monde à ma place .

    D’autant que : Guy a réussi, il a, semble-t-il, remis la main sur toutes mes données dans immense_disque .

    #qui_ca

  • J – 150 : Pour le moment Guy, mon ordinateur s’appelle Guy, n’a toujours pas fini de scanner immense_disque .

    Cela fait des années que je cite souvent l’exemple du Hasard de Kristof Kieslowski pour soutenir la validité des récits arborescents à la façon aussi de Smoking non smoking d’Alain Resnais, d’ailleurs nettement plus arborescent que le Hasard, au point même qu’il y ait deux films, celui de la cigarette fumée et celui de la cigarette refusée poliment, ou encore pour soutenir mes propres tentatives de la fiction de suivre, même modestement, de suivre deux voies parallèles dans un récit, ainsi dans une Fuite en Egypte :

     ; il rendait visite à un parent interné dans un hôpital psychiatrique ; à Villejuif je crois ; je lui avais proposé de l’emmener ; oui ; c’était à Villejuif ; dans le Val de Marne ; dans la banlieue Sud ; je devais aller moi-même dans cette direction ; je lui avais donc proposé de l’accompagner ; aussi parce que je me doutais que cela n’avait rien de drôle d’aller visiter un parent dans un hôpital psychiatrique ; nous nous sommes égarés ; nous avons fait de nombreuses circonvolutions pour retrouver notre chemin ; et ; sans nous départir du calme qui était le nôtre ; sans que ces égarements n’influent ; d’aucune façon que ce soit ; sur la bonne humeur qui était entre nous ; nous nous étions perdus ; et nous nous laissions emporter distraitement par le flot des autres véhicules ; plus soucieux en fait du plaisir de notre conversation que de nous orienter de façon fiable ; nous parlions de son retour hypothétique en Allemagne ; dehors il faisait gris ; et puis à un carrefour les deux voitures qui étaient derrière nous n’ont pas su s’arrêter et l’une a percuté l’autre qui nous a de fait tamponnés ; un tout petit choc ; un accident de rien du tout ; même pas de taule froissée ; le hayon de mon coffre ne fermait plus ; c’était tout ; nous avons réglé cela à l’amiable ; je veux dire entre la personne qui avait percuté l’arrière de ma voiture et nous ; entre les deux autres voitures en revanche les propos n’étaient pas courtois ; les deux conducteurs s’accusaient mutuellement d’être responsables de l’accident ; et tandis qu’ils argumentaient avec véhémence ; Gerd et moi avons continué de discuter aimablement ; Gerd m’a fait remarquer ; dans son accent allemand guttural ; tu te rends compte du nombre de détours que nous avons faits ; tout cela pour avoir cet accident ; nous avons ri de ce concours de hasard bénin ; nous aimions l’un et l’autre ce genre de considérations ; le hasard au travail ; nous avions vu ensemble au cinéma Le Hasard de Kristof Kieslowski ; et j’avais répondu que nous ne le saurions jamais ; en revanche il n’était pas exclu que cet accident et ses détours nous aient en fait déviés d’un accident dans lequel j’aurais perdu la vue et Gerd l’usage de ses membres inférieurs ; comment pouvais-je ; alors ; rire de pareilles éventualités ; à l’époque je ne l’avais pas encore rencontrée ; je n’avais pas encore fait sa connaissance ; je ne l’avais pas encore embrassée ; je n’avais pas encore fait l’amour avec elle ; nous ne vivions pas encore ensemble ; nous n’avions pas encore d’enfants ; elle n’était pas encore morte dans un accident de voiture ; je ne la connaissais pas encore ; je ne pouvais pas savoir ; je ne pouvais pas savoir qu’elle périrait dans un accident de la circulation ; en fait c’est très peu de temps après cet accident ; cet accident sans gravité ; en compagnie de Gerd ; que je l’avais rencontrée ; tenez ; c’est curieux ; c’est la première fois que je m’en rends compte ; que je m’aperçois que cet accident apparemment dénué de conséquences avait en fait été à l’origine de notre rencontre ; parce que cet accrochage anodin ; et le temps que nous avions perdu en nous égarant ; nous avaient mis en retard ; j’avais raté mon rendez-vous avec un assistant qui devait m’aider pour une prise de vue en studio ; le type était furieux ; j’avais donc dû m’adresser ailleurs ; à Paris ; et elle m’avait été recommandée par un collègue ; et c’est de cette façon que je l’ai rencontrée ;

    Mais cela faisait extrêmement longtemps que je n’avais pas revu ce film, il me semble, effectivement au cinéma, et sans doute en compagnie de Daphna, donc en première ou seconde années des Arts Déco. Du coup commençant à préparer un manière de mini site pour la publication d’une Fuite en Egypte qui donne donc accès à toutes sortes de ressources et, a minima, à des œuvres des différents artistes cités dans le cours du récit, Twombly, Weegee, Witkin, Wahrol, il y a donc Le Hasard de Kieslowski (à croire que j’ai fait exprès de citer des artistes qui ont tous un w dans leur patronyme, à l’époque de l’écriture, il y une treizaine d’années maintenant, je l’ai sûrement fait exprès, aujourd’hui c’est tout juste si je me rappelle m’être donné de telles contraintes), dont je me suis employé récemment à en tirer un extrait. J’ai donc téléchargé le film - en fait ces derniers temps j’ai eu recours à un excellent assistant pour retrouver certaines des ressources les plus obscures.

    Et je viens de le revoir, presque trente ans plus tard tout de même.

    Je peux donc mesurer à quel point mon souvenir était vague à bien des égards, et, au contraire, extrêmement précis de certains plans, par exemple je me souvenais parfaitement du clochard de la gare qui ramasse une pièce qui roule et s’achète une bière avec - et apparemment un Tchèque pourrait survivre en Pologne, parce que pour demander une bière en polonais c’est presque Pivo prosim - en revanche, et ce n’est pas banal tout de même, si j’avais du raconter l’intrigue, finalement pas simple pour ses implications politiques, de ce film, comme par exemple, cela peut arriver, en couple, de se raconter des films, à l’image de la deuxième partie de ce film, la femme du mécanicien aéronautique qui raconte Manhattan à son amant, racontant donc Le Hasard , j’aurais oublié, du tout au tout, la troisième partie de ce film, qui, dans mon esprit, sans doute influencé par la trame de Smoking non smoking d’Alain Resnais, n’en comptait que deux, alors que, et c’est tout de même assez troublant, que c’est directement au principe même de la troisième partie que fait référence la remarque que je prête au personnage de Gerd, dans une Fuite en Egypte , à propos d’un accident qui permet d’échapper à un autre, plus grave.

    Par ailleurs, c’est quand même étonnant d’avoir oublié la troisième partie plutôt que les deux autres, alors que c’est la troisième partie qui est de loin la plus simple, tout roule pour le personnage principal, sa carrière connait une ascension fulgurante, il se marie avec une jeune femme dont il est fou amoureux, elle lui apprend devant le maire qu’elle est enceinte, et ils pouffent de rire en échangeant leurs vœux, l’enfant nait il est fort mignon et il peut partir à Paris avec un passeport en bonne et due forme.

    Et quand je pense à tous les films que j’ai vus, tous les romans que j’ai lus, et pour lesquels mes souvenirs sont pareillement imprécis, ou mélangés, je me dis que je foisonne de récits, il suffit juste que je fasse confiance à ma mémoire dans tout ce qu’elle a d’imprécis.

    Sans compter que par ailleurs j’ai tendance à oublier tout ce que j’écris, ou plus exactement que j’écris, non pas pour ne pas oublier, mais au contraire pour oublier. J’avais, par exemple, tout à fait oublié cette référence au Hasard dans mon récit, que je viens de relire une nouvelle fois avant d’en envoyer la version définitive à mon éditeur, j’aime bien dire mon éditeur .

    Exercice #45 de Henry Carroll : Photographiez un lieu insipide de jour ... mais fascinant de nuit.

    La forêt autour de la maison de Barbara Crane dans le Michigan est nettement plus mystérieuse la nuit que le jour, ce qui est en grande partie dû aux puissant éclairages que cette dernière a braqués sur les bois depuis les autres coins de sa terasse qui entoure sa petite maison, un peu comme Claude Monet a arrangé son jardin pour mieux le peindre. Le parti qu’elle en tire est infiniment supérieur.

    #qui_ca
    #une_fuite_en_egypte

  • Les Inrocks - « Dernier tango à Paris » : Bertolucci reconnaît avoir planifié le viol de la comédienne Maria Schneider
    http://www.lesinrocks.com/2016/12/04/cinema/dernier-tango-a-paris-bertolucci-reconnait-organise-viol-de-comedienne-m

    L’actrice américaine Jessica Chastain a réagi à cette nouvelle en s’indignant profondément : « Pour tous ceux qui adorent ce film, vous regardez une jeune femme de 19 ans en train de se faire violer par un vieil homme de 48 ans. Le réalisateur a planifié ce viol.Cela me rend malade. »

    #culture_du_viol

    • in light of what is happening with bernardo bertolucci and marlon brando i wanted to remind people that alejandro jodorowsky (most famous for making the holy mountain) directed himself as the lead in el topo, a movie where his character rapes a woman and it was not simulated. in his book he describes finding out that actress mara lorenzio had extreme difficulties with mental health including past institutionalizations and was dependent on drugs before deciding to cast her. he then describes how on one day of the shoot he got her to exert herself until she was weak and then he rolled the camera and, in his own words, “I really…I really…I really raped her. And she screamed”.

      he tried to backpedal later in the exact same way that bertolucci has, saying that because she knew there would be a rape scene in the movie the act itself was consensual. jodorowsky is still seen as a cinematic god to many and has suffered no fallout despite the fact that his book revealing all of this came out almost nine years ago. we cannot accept that. we cannot let men off the hook for brutalizing and taking advantage of women in the name of their art.

      http://spankjonze.tumblr.com/post/154094743568/in-light-of-what-is-happening-with-bernardo

      #grand_homme #domination_masculine

    • Il me semble qu’il y a là un vrai problème de représentation. Est-ce qu’une scène de viol est indispensable ? C’est étonnant pour moi de voir que dans le dernier film d’Asghar Farhadi, le Client , dont le thème central est donc le viol du personnage féminin principal, ce soit précisément la seule chose que l’on ne voit pas, et, croyez-moi, le film ne manque pas de force.

      Il y a une vraie complaisance sur cette question de la représentation. Un autre exemple, pas un article de presse à propos de la prostitution sans une illustration qui est systématiquement du côté du racolage. Et quand on en fait la remarque les photographes répondent de façon systématique qu’il faut bien... Ben en fait non, il me semble justement que si on doit photographier la prostitution on peut très bien faire quelque chose comme ça :

      Et tout de suite nettement moins glamour

    • Pour Jodorowsky à chaque fois que je tombe sur des propos de lui il prend la peine de valoriser et normaliser le viol, les agressions sexuels, les rapport de domination sur les femmes. Par exemple à la fin du docu sur Dune, il dit de mémoire « une histoire c’est comme une mariée, il faut la violer le soir des noces sinon Ca n’est pas aussi bon. »

      Ici il déclare « une actrice, si elle couche avec son metteur en scène, c’est mieux pour l’art ! »
      http://www.francetvinfo.fr/replay-radio/tout-et-son-contraire/alejandro-jodorowsky-une-actrice-si-elle-couche-avec-son-metteur-en-sce

      Cette phrase me laisse songeuse sur le nombre de viols et d’agressions contre ses actrices qu’à du commetre cet homme.

      Il se rapproche aussi des grands hommes du cinéma misogyne comme Refn parcequ’entre ennemis déclaré des femmes on se reconnais et on fraternise http://www.telerama.fr/cinema/alejandro-jodorowsky-et-nicolas-winding-refn,59630.php

      J’imagine qu’on peu defendre Jodorowsky en prétendant qu’il cherche le scandal, mais ces phrases ne font pas scandal en patriarchie, elles servent juste à la posture pseudo rebel de ce mec, et elles sont l’expression de l’autorisation de maltraitance contre les dominees que le patriarcat donne aux « grands hommes ». Dans le docu sur Dune on peu voire aussi à quel point ce mec utilise les autres, jusqu’à son fils qu’il déscolarise pour ses lubies artistiques. Mais j’ai toujours eu à faire a des reactions de compréhension vis a vis de cet homme. « Jodorowsky il est comme ça » et c’est tout. Puisque l’art pondu par les grands hommes est au dessus de tout, surtout au dessus des femmes et des enfants. Et je rappel que ces propos misogyne et pro viol sont tenus lors d’interview et pas dans ses films.

      Ça lui arrive aussi de collaborer avec sa compagne et de tenir des propos essentialistes sur les femmes, les hommes et leur complémentarité. Je remarque qu’ici encor il collabore avec une femme avec qui il couche.

      A. J. : Dans les thèmes, l’exposition évoque aussi la relation entre l’homme et la femme. On fait une expérience que le monde a perdu : la relation complémentaire dans une œuvre, d’un homme et une femme.

      http://laregledujeu.org/2014/06/10/17190/entretien-croise-alejandro-jodorowsky-et-pascale-montandon-
      #complementarité mon cul. A voire la photo du couple on peu admirer que sa vieillesse et la jeunesse de sa partenaire doit faire partie de leur « complémentarité » et si elle a une beauté complémentaire de la laideur du bonhomme, ainsi que la notoriété de l’un face à celle de l’autre, je me demande lequel a l’intelligence complémentaire de la stupidité de l’autre.

      Et puis Jodorowsky aime bien la psychanalyse version Freud, il y trouvè son bonheur de patriarche et de grand homme. Ca le « guerie d’être soi » comme il dit ici :
      http://www.psychologies.com/Therapies/Toutes-les-therapies/Therapeutes/Interviews/Alexandro-Jodorowsky-Guerir-c-est-etre-soi

    • C’est en lien avec la phrase de Monique Wittig « Les lesbiennes ne sont pas des femmes » qui m’avait laissé dans l’expectative la première fois que je l’avais entendu. Les femmes qui ne sont pas sexuellement attractive pour les hommes cis-hétéros ne sont pas des femmes et la liste est longue - les vieilles, les grosses, les laides, les trop jeunes quant le mec est pas pedosexuel, les trop indépendantes et trop sure d’elles ne font pas beaucoup bander non plus, c’est pourquoi les hommes affectionnent les femmes plus jeunes qu’eux avec un salaire inférieur et tout ca.

      Et pour la question de l’amourrrrr, perso j’adore mon chat, et j’adore les patates et c’est pas pour autant que je vais traiter les patates comme mes égales.

      Un phallosophe comme Deleuze ne s’y trompe pas quant il parle de femmes et de chemisiers dans « D comme Désir »

      Vous pouvez dire, je désire une femme, je désire faire tel voyage, je désire ceci, cela. Et nous, on disait une chose très simple, vous ne désirez jamais quelqu’un ou quelque chose, vous désirez toujours un ensemble. Ce n’est pas compliqué. Et notre question, c’était, quelle est la nature des rapports entre des éléments, pour qu’il y ait désir, pour qu’ils deviennent désirables. Je vais dire, je ne désire pas une femme, j’ai honte de dire des choses comme ça, c’est Proust qui l’a dit, et c’est beau chez Proust, je ne désire pas une femme, je désire aussi un paysage qui est enveloppé dans cette femme, un paysage qu’au besoin je ne connais pas et que je pressens et tant que je n’aurai pas déroulé le paysage qu’elle enveloppe, je ne serai pas content, c’est à dire que mon désir ne sera pas abouti, mon désir restera insatisfait. Là, je prends un ensemble à deux termes, femme-paysage. Mais c’est tout à fait autre chose, quand une femme désire une robe, tel chemisier, c’est évident qu’elle ne désire pas telle robe, telle chemisier dans l’abstrait, elle le désire dans tout un contexte de vie à elle qu’elle va organiser, elle le désire non seulement en rapport avec un paysage mais avec des gens qui sont ses amis, ou avec des gens qui ne sont pas ses amis, ou avec sa profession etc. Je ne désire jamais quelque chose de tout seul.

      Les hommes désirent les femmes exactement comme ils désirent un chemisier et les femmes désirent seulement les chemisiers et les robes. Elles n’ont pas accès dans l’imaginaire de ce phallosophe à l’objectivation d’un homme par leur désir. Il n’y a pas d’homme-paysage et il n’y a pas de symétrie dans le désir car les femmes sont des paysages et non des êtres humains à part entière. Par contre ce phallosophe ne voie aucune difference entre une femme et un chemisier, du point de vue d’un homme, pour lui c’est le même désir « d’ensemble ».

    • Les phallosophes parlent aussi de #catharsis. Ils disent que le spectacle des violences leur purifie l’ame. En fait la catharsis est une grosse arnaque inventé par des patriarches d’une culture esclavagiste, misogyne et adoratrice de dieux violeurs. D’Aristote à Freud un long human centripède de misogyne se sont refilé le concept.

      L’art occidental ne s’adresse qu’aux hommes. Il est fait par et pour les hommes (blanc, riches, lettrés, dominants...) et si il y a une catharsis elle n’est proposé qu’aux hommes. L’Art n’a rien à dire aux femmes à part « sois belle et tait toi » ce qui est très peu cathartique. Pourtant les hommes avec toute la catharsis qu’ils ont à disposition, j’ai pas remarqué que ca les a rendu moins violent, que ca sublimait leur passion ou ce genre de trucs. Au contraire. Et les femmes, qui catharsisent si peu ne sont pourtant pas devenu plus violentes pour autant.

      Du coup c’est une grosse arnaque la catharsis. C’est le spectacle de la domination pour apprendre aux dominants comment il faut faire.
      Par exemple un film comme deap troat, que les hommes ont adoré, qu’on dit « culte » et qui est le film d’une femme réellement agressée, violée, brutalisée. A été suivi d’une forte augmentation des violences par partenaire contre les femmes et un grand nombre de femmes conduites aux urgences médicales suite à cette pratique dangereuse.

      Les soirs de foot, ou les mecs sont sensé par le sport avoir aussi l’âme élévé. En guise d’élévation il y a une augmentation statistique des violences faites aux femmes par conjoint.

      Le visionnage de porno a aussi des effets sur l’augmentation des violences sexuelles contre les filles et les femmes, augmentation du recours à la prostitution et cela surtout chez les jeunes hommes.

      Si je parle de sport ou de pornographie c’est parceque comme dans le dernier tango à Paris, il ne s’agit pas de simulé un viol, ou de simulé une pénétration sexuelle ou de simuler le fait de frapper un ballon. Ca doit avoir un nom (mais c’est proche de la télé réalité, snuff movies, happy slapping) mais l’idée commune c’est que ce n’est pas de la comédie ni de la simulation. Le fait que ca soit de la vrai violence ca plait au dominant, mais comme le dominant est hypocrite et qu’il veut toujours se faire passer pour un nice guy, il ne va pas dire qu’il aime bien regarder des tuto de dominant. Il dira qu’il en a besoin pour s’élever (comme si il était pas deja assez haut) et le grand artiste est celui qui sais faire un bel enrobage de légitimation abstraite qui va permettre aux dominants de jouir en paix de leur position d’oppresseur.

    • En lisant le témoignage de Uma Thurman dénonçant les violences sexuelles qu’elle a subit de la part de Weinstein et les violences physiques et psychologique que Tarantino lui a infligé.
      Il y a un élément qui m’a fait pensé à cette discussion

      Thurman also alleges that Tarantino undertook some of the violent stunts from Kill Bill himself. She said that he was the one “spitting in her face in the scene where Michael Madsen is seen on screen doing it and choking her with a chain in the scene where a teenager named Gogo is on screen doing it.”

      https://www.themarysue.com/uma-thurman-weinstein-tarantino

    • Oui j’avais pas pris la peine de le précisé.
      Pour l’étranglement j’avais l’impression d’avoir déjà entendu ca :

      In Inglourious Basterds, the Inglourious Basterds recruit spy/German film star Bridget von Hammersmark, played by Diane Kruger, to infiltrate a movie premiere in an attempt to kill Hitler and other top Nazi officials, and thus give birth to the Tarantino Universe. SS officer Hans Landa discovers her as a spy, lures her into a private room, and chokes her to death.

      However, Quentin Tarantino was unimpressed with choking scenes in other movies, in that actors are rarely in any considerable danger while shooting them, and convinced Kruger to be strangled for real in order to get the scene just right. Fearing that actor Christoph Waltz would choke her too much or too little, Tarantino decided to take matters into his own hands. Literally, his own hands.

      In this interview, Tarantino tells us, “What I said to her was, I’m gonna just strangle you, alright? Full on, I’m gonna cut off your air, for just a little bit of time. We’re gonna see the reaction in your face and I’m gonna yell cut.” Kruger went “Yep, that sounds like a reasonable thing a director would ask of me” and let Tarantino sit on top of her and choke her to the point of unconsciousness.

      OK, at this point we seriously have to question if Tarantino wrote this entire movie to justify choking a beautiful woman while dressed as a Nazi, because the entire budget was probably still cheaper than hiring one of those high-end Hollywood hookers. Fortunately for Kruger, they got the shot in one take and that’s the one that appears in the movie. Tarantino then reportedly gave the crew 15 minutes and had to take a long bathroom break.

      http://www.cracked.com/article_20589_6-amazing-performances-by-actors-who-werent-acting-part-2.htm

    • “Personally,” Thurman said, “it has taken me 47 years to stop calling people who are mean to you ‘in love’ with you. It took a long time, because I think that as little girls we are conditioned to believe that cruelty and love somehow have a connection and that is like the sort of era that we need to evolve out of.”

      sortir de la #culture_du_viol c’est juste terrible quand tout concourt à persuader une femme de trouver normal que l’amour soit mélangé à la violence, l’oblige à accepter de se mettre gravement en danger. Son témoignage est bouleversant, on sent bien qu’il a pas faillit la tuer, il a voulu la tuer, le film était fini, ils n’avaient plus besoin d’elle …

      But at least I had some say, you know?” She says she didn’t feel disempowered by any of it. Until the crash.

    • Ca aurais ajouter de la médiatisation à son film. Dans mes recherches sur la misogynie de Tarantino la plus part des articles prennent un ton gogunard. Tarantino ajoutant lui même qu’il a du partir 15 minutes aux toilettes. Ca m’a fait pensé à une figurine collector le représentant qui s’appel « Violeur N°1 » :

      Cervulle analyse également la manière dont l’ironie et la réflexivité de Tarantino « lui ont permis de se jouer des critiques qui lui furent adressées et de déjouer les attaques à son encontre »[24]. Un exemple qu’il prend pour illustrer cela est la figurine « Rapist N°1 » à l’effigie du réalisateur. Cette figurine représente le soldat interprété par Tarantino dans Planète Terreur (le film de Robert Rodriguez constituant un diptyque avec Boulevard de la mort), qui tentait de violer l’héroïne avant de se faire transpercer les yeux. Comme l’analyse Cervulle, cette scène du film (et la figurine qui lui correspond) parodient les analyses des féministes qui accusent certaines représentations (et donc certains réalisateurs) de contribuer à la perpétuation des violences masculines sur les femmes. Au lieu de prendre ces critiques au sérieux, Tarantino préfère les tourner en dérision en incarnant un violeur agressant l’une des actrices (dont il met en scène le meurtre violent dans Boulevard de la mort). Par ce geste, c’est comme si le réalisateur riait au nez des critiques féministes en revendiquant (sur un mode réflexif et ironique) son statut de « réalisateur-violeur » (c’est-à-dire de réalisateur complice de l’objectification/oppression des femmes), de ce rire décomplexé de l’homme content de ses privilèges, qui n’a strictement aucune envie de commencer à les mettre un tant soit peu en question.

    • « Un des plus grands regrets, plus que de ma carrière, de ma vie »

      Dans une interview au webzine Deadline, le réalisateur répond indirectement à l’actrice. « Je suis coupable. Coupable de l’avoir mise dans cette voiture mais pas de la façon dont les gens le décrivent. » Le réalisateur, qui n’a pas rencontré la journaliste du New York Times ayant recueilli l’interview d’Uma Thurman et n’a donc pas pu exprimer sa version des faits, la donne ici. Il explique que, à la demande de Thurman, il est allé chercher dans les archives la bande de l’accident, qu’il n’a pas volontairement dissimulée pour éviter que l’actrice porte plainte. « Je savais qu’ils [la production, ndlr] ne l’auraient pas laissé voir cette bande, mais je ne pensais pas qu’elle croyait que j’étais de leur côté », explique le réalisateur. Tarantino veut s’extraire des considérations sur l’éventualité de poursuites judiciaires et dit se réjouir d’avoir pu lui apporter les images tant d’années après. « Cela pourra l’aider à se représenter ce qui s’est passé. Je ne sais pas ce qui a provoqué cette sortie de route. Uma non plus. […] Je me disais : si je retrouve la bande et si elle la diffuse, un expert en accident pourra déterminer ce qui s’est exactement passé. » Il explique que, pour lui, la route sur laquelle l’actrice conduisait à près de 60 km/h ne présentait pas de difficultés. Il n’a pas forcé l’actrice à conduire, il lui a juste proposé. Elle lui a fait confiance et est montée dans la voiture. Il regrette amèrement l’avoir laissé partir seule : « Un des plus grands regrets, plus que de ma carrière, de ma vie. »

      Tarantino s’est aussi défendu d’avoir eu un comportement déplacé à propos du crachat. « Vous avez déjà vu des films où quelqu’un crache au visage de quelqu’un d’autre ? » demande le réalisateur. « Plein de fois », répond le journaliste de Deadline. Tarantino reprend : « Et bien, c’était exactement ça. Une scène où quelqu’un crache au visage de quelqu’un d’autre. Je peux vous expliquer exactement pourquoi je l’ai fait, mais je ne vois pas où est le problème ? […] Je présume que si le plan avait montré Michael Madsen cracher sur son visage, cela n’aurait pas causé de soucis. Mais ce n’était pas le plan. Le plan était : Michael Madsen a du jus de chique dans la bouche. Et il en crache une partie. On raccorde sur le visage de Uma, sur le sol, qui reçoit le crachat. Evidemment que c’est moi qui ai craché. Qui auriez-vous voulu que ce soit ? Un technicien ? » S’ensuit une description du crachat que Tarantino voulait et qu’il était à ses dires le seul à pouvoir réaliser en peu de prises, pour éviter de mettre son actrice mal à l’aise.
      Eventuel territoire de non-droit sur les plateaux de tournage

      Quant à l’utilisation d’une chaîne pour la scène d’étranglement, ce serait une suggestion de Uma Thurman elle-même. Le réalisateur explique : « Je peux toujours jouer l’étranglement, mais si vous voulez que j’aie le visage tout rouge et que les larmes me montent aux yeux, alors il faut vraiment m’étouffer. » Uma Thurman l’aurait même incité. Et Tarantino a d’ailleurs repris cette idée dans Inglourious Basterds, sur la personne de Diane Kruger. Ces descriptions interrogent sur les relations de confiance entre metteur en scène et acteurs (celles entre Thurman et Tarantino furent rompues après l’accident), ou sur la délimitation d’un éventuel territoire de non-droit au sein des plateaux de tournage. « Ce que j’aimerais faire, avec ta permission, c’est juste… t’étrangler, avec mes mains, pour un gros plan. Je le ferai pendant trente secondes, et j’arrêterai. Si nous devons recommencer une seconde fois, nous le ferons. Et après, ce sera tout. » Voici comment Tarantino décrit la façon dont il a présenté les choses à Kruger. Une actrice est-elle en mesure de refuser, et de priver le réalisateur de son gros plan plus vrai que nature, sans imaginer de possibles conséquences pour sa carrière ? L’affaire Weinstein relance aussi ce genre d’interrogations.

      Quentin Tarantino estime enfin, après l’indignation générale que l’interview a suscitée, qu’Uma Thurman ne cherche pas à l’impliquer outre mesure et qu’il ne se sent pas blessé. Il prépare un film sur l’assassinat de Sharon Tate par les membres de la Manson Family. Il est au centre d’une nouvelle polémique sur Twitter, après qu’une interview de 2003 où il estimait que Roman Polanski « n’avait pas violé » Samantha Geimer, 13 ans à l’époque, a été exhumée.

    • La cérémonie des Césars de 2020 illustre bien mon idée que l’art sert de tutoriel et de caution aux hommes pour violenter les femmes, les enfants et tout ce qu’ils veulent. La catharsis dans le cinéma français consiste à faire fermer leur gueule aux victimes de viol. C’est la fonction politique du « J’accuse » primé plusieurs fois cette année et plébiscité par le publique français dans les salles. L’intégrité physique des femmes et des filles n’est rien face au droit des hommes à sodomiser des enfants de 13 ans du moment qu’ils en ont le mérite (par leur sexe, leur race, leur classe, et leur aptitude à légitimé les violences masculines).
      Ainsi le césar du meilleur réalisateurs de viols de 2020 fut décerné à Polanski.

      Le talent c’est de faire fantasmé les dominants et les déculpabiliser. Le génie est toujours accordé au masculin car le géni par son statu divin, est au dessus du droit humain (ce qui est impossible aux femmes et aux filles qui sont au dessous du droit humain). Un géni ca peut violer des enfants, tout lui est permis, ce qui est interdit c’est de leur en faire le reproche.
      #mérite #talent #génie #culture_du_viol #violophilie #césar #cinéma

  • J-154 : Les dernières seront les premiers

    Un matin vous recevez un courriel d’une dame que vous ne connaissez pas, de nom seulement, elle vous a déjà fait le coup, il y a une demi-douzaine d’années, vous invitant à lui envoyer une image en haute définition du plan de votre site internet pour une collection de dessins dans le recueil Images de pensées. Vous vous retrouvez, bien malgré vous, vous qui n’avez pas eu une seule exposition majeure, pas la moindre monographie, même le plus petit (minable et mal imprimé) catalogue d’exposition, au milieu d’autres inconnus, Freud, Darwin, Perec, @reka, Goethe, vous trouvez la plaisanterie fort bonne, vous conservez soigneusement votre exemplaire d’auteur en vous disant que cela étonnera vos enfants, dans longtemps, lorsqu’ils feront le tri dans votre bibliothèque, tu savais que Papa était copain avec Nabokov et qu’il avait formé un collectif avec Klee ?

    Six ans plus tard la dame réitère sa blague désopilante et vous soumet, cette fois, une liste de collectifs fameux, vous demande d’en choisir un et d’écrire la fiche biographique, bibliographique et hagiographique du groupe de votre choix. Les gens parfois.

    Vous rédigez un courriel poli à cette dame pour lui expliquer que vraiment, les gens, vous êtes très touché, mais que, vous ne sauriez pas faire une chose pareille, vous n’êtes pas du tout celui qu’elle pense, qu’à l’école vous aviez de très mauvaises notes et qu’en général, quand vous écrivez, vous inventez du tout au tout, un spécialiste réputé du hors sujet, vous n’êtes pas l’homme de la situation. Ce refus poli ne fait qu’attiser le désir de la dame, vous êtes foutu et cerné.

    Vous ouvrez la pièce jointe, la liste des groupes, pris de vertige, les seuls groupes que vous connaissez sont les groupes les plus célèbres à propos desquels vous seriez bien en peine de dire quoi que ce soit qui ne soit pas scolaire, à peine rehaussé de quelques souvenirs de cours d’histoire de l’art, étudiant aux Arts Déco. Die Brücke , vous seriez naturellement plus disert à propos de l’expressionnisme américain, manque de chance, on vous interroge sur l’expressionisme allemand, autres temps autres mœurs. La NRF n’est pas du tout intimidante, pensez, pour un auteur qui n’a pas encore publié une ligne, facile. Le futurisme italien, ceux-là vous vous amuseriez bien à tenir leur tribunal, fascistes avant l’heure, mais cela serait à peu près du même niveau qu’un tribunal de la Libération. Passe. Le Groupe de Puteaux, le cubisme, pire le post cubisme, la poussière très peu pour vous. Dada, pour parler de Dada, il faut des gens sérieux, vous n’êtes pas sérieux. Les Surréalistes, vous auriez plaisir à rappeler que le Surréalisme est né d’un tas de cadavres de la guerre 14-18 à l’Hôpital de Saint-Dizier, Haute-Marne, qui est désormais l’Hôpital psychiatrique André Breton, mais les blagues potaches et autres concours de géolocalisation des éjaculations de ces messieurs sur le corps aimé, franchement, qui aurait envie de retourner dans un collège de vieux garçons ? Le nouveau roman, à peine moins intimidant que la NRF , bravache vous proposeriez bien une manière de nouveau roman-photo à partir de la fameuse photo du mur, vous imagineriez bien Pinget et Beckett avoir des discussions de bistro, Robbe-Grillet tirer la couverture à lui, Mauriac péter de trouille à l’idée que Beckett puisse lui adresser la parole et Nathalie Sarraute attendre éternellement, jambes croisés sous son manteau, qu’un de ces messieurs veuille bien lui adresser la parole. Vous bottez en touche, vous dites à la dame qu’elle devrait demander à un autre, un vrai écrivain, Chevillard pourquoi pas ? Au moins ce serait drôle. Si Chevillard fait les dialogues, vous voulez bien vous occuper de la réalisation graphique. Cobra , pourquoi pas, vous auriez un peu de plaisir à décrire comment vous voyez, employé d’une Très Grande Entreprise, plus souvent des lithographies d’Alechinsky dans les couloirs d’icelle sous prétexte de 1% culturel, qu’au musée. Ce serait petit mais cela ferait du bien. Les lettristes, pas trop votre tasse de thé. Et pas davantage tous les stridentistes, imaginistes, futuristes fussent-ils russes, imaginistes, simplistes, surréalistes, automatistes, nadaistes, elle pense à quoi cette dame, les gens vraiment, avant que vous ne tombiez sur les dernières de la liste, les Guerrilla Girls .

    Puisque vous êtes contraint et forcé, va pour les Guerrilla Girls . Les dernières de la liste.

    Sauf que. Les Guerrilla Girls ont-elles besoin qu’un homme, blanc de surcroît, un tâcheron cancre, se rabatte sur elles pour ce qui est de faire leur fiche ? Les Guerrilla Girls n’ont besoin de personne pour faire leur fiche, elles font très bien leurs fiches, et leurs affiches, toutes seules et elles n’ont pas besoin d’un petit écrivaillon qui cachetonne, d’un type épais, avec ses gros sabots, pour expliquer que, ben, justement, c’est bien cela le problème. Les Guerrilla girls n’ont pas besoin de 4000 signes pour décrire des siècles d’historicisation pendant lesquels leurs sœurs ont été maintenues, bien plus fermement encore que les refusés, éloignées des galeries, des musées, des maisons d’édition : elles font cela très bien en quelques lignes, en une centaine de signes, elles : « quand le racisme et le sexisme ne seront plus à la mode, quelle sera alors la valeur de votre collection d’œuvres d’art ? »

    Finalement ce n’est pas plus mal de finir avec les Guerrilla girls . Les Guerrilla girls c’est la fin de l’histoire de l’art. De cette histoire de l’art-là.

    Philippe De Jonckheere, Montreuil, le 29 novembre 2016

    Exercice #43 de Henry Carroll : Exemples d’arrière-plans intéressants qui pourront vous servir pour des portraits.

    #qui_ca

  • J – 156 : Dans la vie il y a des moments de grâce, avec l’âge, je me rends compte que c’est une bonne idée d’en prendre note, simple note, de le noter pour soi, pas nécessairement de l’écrire, mais au moins de s’en souvenir, comme de proposer à Adèle en ce dimanche après-midi au froid qui commence à piquer un peu, si, des fois, elle n’accompagnerait pas son vieux père encourager ses copains du rugby. Et nous voilà, elle serrée contre moi de froid, s’égosillant, Vincennes, Clac-clac-clac, Vincennes Clac-clac-clac , fort amusée quand je lui explique comment notre neuf est en train de chambrer les gros d’en face, interdite de voir un joueur resté à terre et auquel on donne un coup de bombe de froid dans le short ben oui Adèle je crois qu’il craint pour son intégrité physique, cramoisie de plaisir coupable en entendant certaines obscénités des supporteurs de Vincennes et les réponses des types d’en face et intriguée quand je lui explique la raison pour laquelle, malheureusement l’essai en contre de notre demi d’ouverture ne comptera pas, il y avait un en avant au départ de l’action lequel avait été dûment signalé par l’arbitre par un bras tendu au moment de la faute. Et puis il y a une échauffourée entre notre Léo et le huit d’en face, et alors on entend Adèle s’égosiller de sa petite voix de fille douze ans : le huit on sait où t’habites ! Crise de rire collective dans la tribune, dans la tribune des supporters d’en face et même sur le terrain, poignée de mains entre les impétrants, c’est aussi cela le rugby, le vrai, le rugby d’amateurs, d’amateurs qui s’empoignent, qui font tomber des ballons, qui commettent des en-avant, qui s’envoient, qui boitent bas en quittant le terrain sous les encouragements, qui se serrent la main à la fin du match et qu’on embrasse le long de la main courante quand ils regagnent le vestiaire, rompus, courbatus, parfois vaincus, crottus et fourbus.

    Et d’y emmener sa fille lui expliquer les finesses du jeu, la règle du hors-jeu dans les regroupements, tout cela par un vrai froid automnal qui pique un peu, oui, de tels éclats, les garder pour soi, pour les jours où c’est à l’intérieur de soi qu’il fait froid.

    Exercice #42 de Henry Carroll : Transformez la forme en rythme

    #qui_ca

  • http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/surnatural_orchestra_ffff.mp3

    J-157 : Ah !, revoir, et réécouter le Surnat’ dans un concert normal, être au premier rang, prendre des photographies des solistes en contreplongée ( http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/images/surnat20161126/index.htm ), c’est presque une seconde jeunesse qui m’était donnée samedi soir à la Marbrerie . J’en étais presque à remarquer que telle ou telle jeune femme à mes côtés étaient fort mignonnes, avant de me souvenir, rapidement, qu’elles avaient au mieux vingt ans de moins que moi, c’était presque cruel, pour les voir, l’instant d’après, attendri comme un grand-père, dans les bras de jeunes gens qui avaient l’air plutôt sympa. Pour couronner ce parcours d’ancien combattant, tandis que je claudiquais vers la sortie, un couple de jeunes gens me laissant le haut du pavé, comme on dit, et que je remerciais poliment, merci les jeunes , m’ont gratifié d’un, vous avez une bonne tête Monsieur , bref je suis un Grand-Père encore vert qui continue d’aller au concert même si ce dernier se termine bien au-delà de minuit, pas encore avalé ma tisane. Et j’entendais bien dans ce compliment, un peu cavalier tout de même, qu’il y avait du c’est pas mon père qui viendrait au concert du Surnat’ un samedi soir. D’ailleurs c’est plutôt marrant parce qu’aux tout débuts du Surnat’ , c’était souvent que j’emmenais Madeleine, petite, écouter son parrain de tromboniste cross-dresser, encore toute enfant, elle s’endormait souvent sur le bord de la scène, à l’époque le Surnat’ jouait sans retours de scène, sans bains de pied, et les solistes étaient parfois contraints d’enjamber ce petit corps endormi pour prendre le devant de scène et jouer leur chorus. À la fin du concert je récupérais le petit corps tout ensuqué, que je portais jusqu’à la voiture, que je logeais dans sa capsule de cosmonaute à l’arrière de la voiture, puis, arrivés à la maison que je portais, toute habillée jusqu’à son lit, et pas de souvenir plus doux de l’enfance des enfants que de tels soirs, ou d’autres encore. Alors, oui, merci pour le compliment, même si c’est un peu la première fois que l’on me dit que j’ai une bonne tête, une première vraiment, une bonne tête de vieux, encore vert.

    Ils étaient plutôt en forme le Surnat’ , hyper en place sur le premier morceau, disciplinés presque, cut sur les relances et même que depuis le premier rang, juste au-dessus des bains de pied, ça brassait pas mal. Surtout ils paraissaient plus concentrés sur la musique, il faut dire aussi, cela ne doit pas être facile-facile de jouer du soubassophone en équilibre sur une bouteille de gaz.

    Du coup j’aurais voulu maudire un peu cette jeunesse - ça y est je redeviens moi-même, un vieux réactionnaire - mais pas qu’elle, disons, plutôt, cette façon contemporaine d’être au monde, incapable de lâcher téléphones de poche et autres expédients connectés, incapable surtout d’interrompre ses discussions, souvent de peu de choses, pour ce que je pouvais en juger, vieux encore vert, mais déjà un peu raidi et guindé, et tout simplement, écouter, sans un mot, cette musique, remettre à plus tard rumeurs et ragots et écouter, refuser, en un sens, que la musique soit un bruit de fond. Et donc, pour les vieux, dont je suis, qui ne font qu’une seule chose à la fois, au concert, ils écoutent de la musique, le bruit de fond c’est une rumeur inextinguible, assez forte pour passer par-dessus la musique quand bien même on est juste à côtés des wedges, des retours de scènes. Il y aura bien tentative de la part d’un certain tromboniste de faire de l’ironie à propos de ces conversations, vous êtes bien modernes dira-t-il, ou encore, on ne voulait pas vous interrompre , mais il était manifeste que la conversation, les conversations, étaient plus pressantes, plus urgentes que de prêter attention à la musique.

    L’acoustique de la salle, qui doit être à peu près celle du dernier bunker de Hitler à Berlin est parfaite pour un tel public, elle renvoie avec brio le bruit des conversations et étouffe l’orchestre, on ne comptait pas le nombre de musiciens faisant tel ou tel signe à la régie et qui disaient éloquemment, mais avec impuissance, qu’ils ne s’entendaient pas jouer sur scène. Les deux moments pendant lesquels le saxophoniste ténor a eu besoin d’un microphone pour chanter, la chose a été entièrement inaudible, et pareillement pour la lecture d’un texte par le tromboniste, toujours lui, qui se faisait mieux entendre, finalement, en parlant dans le petit micro pincé sur la pavillon de son instrument (qui n’est, évidemment pas du tout fait pour cela). Une boucherie.

    Et pourtant cela faisait du bien de réécouter le Surnat’ en concert, seulement en concert, pour la musique, juste la musique. Prendre des photographies - dans des conditions particulièrement adverses, faible lumière et en plus extrêmement versatile, et musiciens fort agités, soit, la pire des combinaisons possibles - depuis le premier rang, un véritable rajeunissement, un peu plus et je trouverais ma voisine, épaule contre épaule, fort jolie, de fait une jolie jeune femme, pas sûr qu’elle ait la trentaine, avant qu’elle ne se jette au cou de son petit copain qui rapporte les bières, ils se dévorent des yeux, ils sont mignons comme tout, puis, claudicant, vieil arthritique au poignet droit perclus de tendinite, vers la sortie, on me retient la porte, vous avez une bonne tête Monsieur , me lance un jeune homme au bras de sa petite amie, merci c’est gentil les jeunes .

    En fait je me demande si je n’ai pas pris un coup de vieux ces derniers temps. Au point de radoter un peu. C’est pas beau de vieillir. Ne vieillissons pas.

    Exercice #42 de Henry Carroll : Prenez une photographie de quelque chose que vous détestez.

    #qui_ca

  • J – 158 : Guillaume

    Alors voilà, je pense que ton film est un éloge réussi de la longueur en cinéma, mais que c’est long à accepter ! C’est même à certains égards l’océan de merde derrière la porte que décrit Michael et au fond duquel il faut aller chercher le diamant qui peut, va, nous sauver. Mais le diamant en question en vaut la chandelle absolument.

    Le titre de la Liberté me paraît finalement très bon, comme je te l’ai dit brièvement à l’issue de la projection, j’aurais bien vu aussi les Philosophes .

    Il faut une sacrée dose d’envie pour aller à la rencontre de ces personnes qui, de prime abord, auraient tendance à être tellement auto centrées, vivant la prison comme une injustice, et ne se préoccupant jamais, rarement, du mal qu’elles ont fait à leurs victimes, les victimes arrivent bien tard dans le discours et c’est à ce moment-là que cela devient vraiment intéressant, je dirais à vue de nez, avec le premier long entretien de Michael dans sa cellule.

    La question de la rédemption est centrale, je ne peux m’empêcher de penser à la fin de Crime et Châtiment ou encore aux Souvenirs de la maison des Morts de Dostoïevski.

    Il y a des moments on voudrait rendre la violence que le film nous fait en la donnant aux personnes du film qui sont, surtout au début du film, assez dégoutantes de si peu mentionner leurs victimes, ce n’est que vers le troisième tiers du film que l’on commence à prendre conscience du caractère psychologique de cette prison. Mais les trois dernières séquences nous réconcilient avec eux, et, ce qui est fort, avec la vie. Il n’y a rien d’idyllique derrière cette réconciliation, elle est fragile mais elle est nécessaire, « c’est quoi une deuxième chance ? » (J’ai d’ailleurs cru que le film se terminait là-dessus)

    Les séquences avec l’électricien sont nécessaires même si elles manquent un peu de punch , de rythme, il est trop long à accoucher de choses qui au regard de ce que Michael nous livre sont peu de choses, je garderai au contraire le commentaire sur la vie immatérielle, mais j’élaguerais sur la démonstration de la nécessité de l’apprentissage de la vie matérielle, j’ai le sentiment de recevoir la démonstration deux fois.

    Je continue d’avoir une petite réserve sur la remarque que tu fais au prisonnier sur la plage, sur le fait que c’est la première fois qu’on le voit sans sa barbe à l’écran, c’est artificiel, c’est ton délire de cinéaste et, comme je te le l’ai dit brièvement, cela souligne trois fois en rouge quelque chose que l’on peut comprendre tout seul, et même c’est plus intéressant, cela doit être coupable (si tu me passes l’expression), de le laisser expliquer pourquoi il s’est rasé sans qu’il y soit invité. Parce que c’est justement intéressant ce que cela engage de notre regard, de notre attention, c’est une transformation, il ne semble plus prendre de médicaments, il n’a pas plus cette fixité angoissante du regard, son discours est plus délié, son accent ardennais est plus léger, il a changé, il est effectivement en droit de demander cette seconde chance qu’il aimerait tant avoir.

    Pareillement il est intéressant de voir la transformation de Michael qui n’énonce que des généralités, pas toutes très intéressantes, quand il est à visage masqué (très beau plan malgré tout, on dirait certains tableaux de mon ami Martin Bruneau) et qui au contraire rentre vraiment dans le vif du sujet quand il témoigne désormais à visage découvert.

    Il faudrait pouvoir trouver la même transformation chez l’électricien mais on voit bien qu’il ne sort pas de sa dépression en dépit de ses efforts louables et de sa conscience très aigue des enjeux de la réinsertion.

    Étonnamment, je ne pense pas que l’administration pénitentiaire devrait s’inquiéter de quoi que ce soit, ces détenus ont quand même la vie dure en quelque sorte et on voit bien que le caractère psychologique de la prison est plutôt un ressort qui fonctionne, qui produit, malgré tout, le résultat escompté, une prise de conscience, même si cette dernière, excepté dans le cas de Michael, est fragile, la sienne est plus profonde (et quel destin et quelle merveille qu’il soit parvenu à aller chercher ce diamant dans la fosse et quelle beauté cette histoire de la lettre de Béatrice, un vrai rosebud ).

    Sinon, j’ai quand même quelques remarques déplaisantes à te faire, c’est très très très mal filmé. Je pense que tu ne peux pas faire l’économie d’un étalonnage qui gommerait les éclairages blafards du film, même les séquences à la mer sont pauvres en lumière, un comble. Il y a une exception, mais je ne suis pas sûr que tu puisses caler tout le film là-dessus, c’est la séquence du prisonnier culturiste. Le son ça va à peu près.

    La fin est vraiment très très très belle, oui, allons prendre ce café hors caméra et faisons vraiment connaissance avec cet homme auquel on doit à la fois un café et une deuxième chance.

    Très beau moment d’école buissonnière pour moi, la dernière fois que j’ai fait le mur c’était pour aller acheter Joe’s Garage de Frank Zappa le jour de sa sortie, j’avais quand même séché une composition de maths pour cela, vraiment pas le truc à faire et j’ai été sauvé par les excuses du professeur de maths qui m’avait dit qu’il ne comprenait pas que c’était la première fois en vingt de carrière qu’il avait égaré une copie. Avec le recul je me demande s’il n’avait pas compris mon méfait mais devait comprendre qu’il valait mieux le couvrir pour que je ne sois pas exclu de ce lycée disciplinaire. De la même manière aujourd’hui mon école buissonnière reste sans conséquence.

    Exercice #42 de Henry Carroll : Laissez une fenêtre parler

    Pour Maryam-Jân

    #qui_ca

  • J – 159 : Lorsque nous avions joué Apnées en septembre dernier, Dominique avait parlé de la nécessité supérieure pour lui désormais de prendre un soin jaloux de ses articulations, notamment celles de ses doigts, que ce qu’il avait construit de virtuosité pendant toutes ces années était désormais un patrimoine dont il fallait prendre soin — il ne disait pas les choses comme ça, je traduis un peu. Un peu rapidement je dois dire, je m’étais dit qu’au moins j’étais plutôt garanti de ce genre de complications dans l’existence - ce n’est pas sur un clavier ou avec une souris que l’on peut se faire mal ou qui peuvent devenir impraticables, puisque tels sont, finalement, les deux outils que j’utilise le plus fréquemment - et c’était même rassurant étant donné la nature arthritique de mes rotules, et je n’ai qu’à regarder dans la direction de la génération précédente pour savoir ce qui m’attend et comment cela ne sera pas catonné très longtemps aux rotules.

    Je viens donc d’acquérir une nouvelle preuve de l’existence d’un dieu vengeur (et taquin) puisque c’est là même où je me sentais le plus en sécurité que je suis en train de souffrir le martyr depuis trois semaines au point, désormais depuis quelques jours, de rendre tout mouvement sur un clavier potentiellement douloureux, et vous noterez à la longueur de mes phrases que mon entêtement est supérieur, et depuis hier ce sont même certaines combinaisons de touches qui deviennent de véritables instruments de torture, ainsi le point ou encore la barre de fraction, et, pire que tout, de devoir combiner ces deux signes, comme c’est souvent le cas, quand on écrit de l’html et que l’on a besoin d’appeler des fichiers situés dans des répertoires voisins, ainsi, si depuis cette page, je voulais appeler la page d’accueil du Désordre , je devrais taper (attention cela va me faire mal au poignet) : ../../../../../index.html (traduction pour seenthis, les textes de la série Qui ça ? sont en fait travaillés quelque part de secret pour le moment au sein de Désordre ).

    Or on s’imagine mal la chose mais c’est mais le Désordre c’est quand même pas loin de 300000 fichiers qui sont rangés dans plusieurs milliers de répertoires et je passe mon temps, surtout dans des séries comme Arthrose (je vous jure, ce talent pour les titres) ou Qui ça ?, à aller rechercher des images, des sons, des vidéos ou encore des pages qui sont à l’autre bout du Désordre et que je ficelle avec des lassos longs comme ça ../../../../../photographie/numerique/hommage_a_hcb/paris-clermont-paris/index.htm.

    Je me doute bien que si je vais consulter, pour cette tension de tous les diables dans mon poignet droit, ma docteure va surtout m’adresser à un psychiatre, qui prendrait au sérieux mes explications de lassos en UNIX avec force enchaînements de points et de barres de fraction ?

    Et quel serait le nom d’une telle pathologie ?

    Le syndrome du poignet du Désordre ?

    Quant à imaginer des textes qui seront bientôt ceux que je pourrais écrire, privé de telle ou telle touches ou combinaison de touches, est-ce qu’Une Fuite en Egypte , dans lequel, à l’exception du point final, le seul signe de ponctuation soit le point-virgule, je me demande si une fois de plus je n’ai pas été prémonitoire avec moi-même.

    Et pour citer Oscar De Jonckheere, mon grand-père que je n’ai pas connu, dont je ne suis pas contemporain, si la mort de nous embellit pas, nous ferons de vilains défunts. Qu’est-ce que mon grand-père aurait pensé du syndrome du poignet du Désordre ?

    Aïe !, dit, une dernière fois, mon poignet en tapant ce point d’interrogation final, le point d’interrogation s’obtenant avec autant de douleur que les points et les barres de fraction enchaînés.

    Exercice #41 de Henry Carroll : Prenez une série de quatre photographies inspirés de l’ascension et la chute de Britney Spears (ou de toute autre célébrité) ( sic !)

    #qui_ca

  • J – 161 : Je me demande si je ne m’étais pas un peu (beaucoup) trompé à propos du film Habemus Papam de Nanni Moretti. À sa sortie nous avions couru avec B, en salle, mais alors, je devais être encore sous l’influence de Michele, grand détracteur de Nanni Moretti qu’il compare, pas à tort, à Claude Chabrol ou à Woody Allen, j’avais surtout vu les défauts de ce film, parmi lesquels les blagues du Nanni Moretti qui cabotine en psychanalyste au chevet d’un pape neurasthénique et qui feint d’être surpris de ne pas pouvoir aborder avec sa Sainteté les sujets comme le sexe ou l’amour maternel.

    Dans Arthrose je mentionne, décidément une manie, ce film, aussi me suis-je mis en tête de le revoir pour en saisir un extrait et l’inclure à mon récit multi médiatique, et je découvre que ce film est au contraire, au-delà de sa drôlerie pas toujours finaude, perclus d’éclats de finesse, pour beaucoup dus au jeu étincelant de Michel Piccoli, pas tellement dans ses moments de crise, mais bien plutôt dans sa bonhomie inquiète.

    C’est un film qui questionne, sans moquerie excessive, les limites humaines dans le voisinage du divin, ainsi les cardinaux réunis en conclave élisent un des leurs pour succéder au précédent Pape, fraîchement décédé, mais il ne faut pas perdre d’esprit que cela relève malgré tout de la désignation divine, et du coup que fait-on quand le Pape avant même de donner des signes de compétence donne surtout des signes alarmants de faiblesse, et loin de l’image que l’on se fait d’un conclave tiraillé par les combines pour accéder au trône, nombreux sont les cardinaux qui prient pour ne pas être désigné par le doigt pseudo divin.

    Foi et crédulité sont étroitement mêlés dans ce film, qui donnent corps in fine aux fictions théâtrales à la fois celles du protocole, celle de la supercherie, le Pape a quitté le Vatican depuis trois jours mais on continue de feindre qu’il est retiré en prières dans ses appartements où un garde suisse agite de temps en temps le rideau pour donner le change à des cardinaux bien crédules, surtout mal équipés pour faire face à une crise, mais aussi celle du théâtre, celui qui se joue sur scène Tchekhov et le théâtre de l’existence, celui qui fait mentir à ses enfants à propos d’un nouvel amant, de même celui qu’un Pape dont on ne connait pas encore le visage peut se rendre à une consultation de psychanalyse de façon anonyme et quand l’analyste demande quelle est sa profession l’analysant répond qu’il est acteur de théâtre justement.

    Et quand bien même le Pape peut encore déambuler dans les rues de Rome incognito , être une manière de passager clandestin de la ville, et être la fois attendu parmi les colonnes du Bernin sur la place Saint-Pierre et passer pour un vieux qui parle tout seul dans les transports publics, il est surtout un homme comme tant d’autres, et à la différence de ses collègues cardinaux, bien conscient de n’être que cela, un mortel, pas du tout d’essence ou d’extraction divines et en proie au plus grand désarroi bien conscient de ses limites inavouables en tant qu’homme.

    Il faut tout le talent invraisemblable d’un Michel Piccoli pour donner corps, littéralement, à un tel personnage, à un tel homme, et tout cela en quelques hochements de tête à la fois bonhommes et inquiets, de quelques mouvements de rides sur le front, de quelques sourires enfantins de vieillard - notamment lorsqu’il confie à un petit garçon que lui-même au même âge se battait souvent avec sa petite sœur, celle-là même à qui, plus tard, il faisait répéter son rôle dans la Mouette , au point qu’il pourrait aujourd’hui donner la réplique pour remplacer un comédien souffrant. Et ne serait-il pas alors, infiniment plus à sa place ?

    Quant à la place de Moretti, elle paraît incroyablement plus être derrière la caméra plutôt que devant.

    Exercice #39 de Henry Carroll : Prenez une photographie qui vous fait perdre votre pire habitude photographique.

    Lorsque je porte un regard un peu rétrospectif sur mon travail de photographe, je ne suis pas tendre et je me trouve plein de tics. De mauvaises habitudes en somme. Il me semble avoir mis plus de dix mois à me remettre d’une habitude de pencher légèrement mon cadre au début de mon séjour de trois ans à Chicago, trop et directement influencé par la rétrospective de Gary Winogrand en 1988 à l’Art Institute of Chicago .

    De façon plus actuelle, je pense que ma pire habitude est de bâcler. D’être négligeant. Pas très méticuleux. t c’est finalement quand je prends des photographies en vue de faire de l’animation, simplement en étant contraint de poser l’appareil sur un trépied que je m’éloigne le plus de cette mauvaise habitude de la négligeance.

    #qui_ca

  • J – 162 : Longtemps j’ai pensé que l’on ne pouvait pas se faire avoir avec une arnaque dite nigérianne, que les ficelles étaient trop grosses, que l’on voyait bien le truc venir, et de loin encore.

    Et puis hier j’ai eu cet échange avec mon amie J. J’ai laissé l’orthographe d’origine, j’en suis encore étonné de ne pas avoir remarqué que ce n’était pas, vraiment pas, le niveau de langue de J.

    Bonjour, Comment vas tu ? Pouvons-nous correspondre par mail pour un recours et si possible ta disponibilité ? je reste en ligne devant l’ordi vu que j’ai un souci avec le tel.
    J.

    J., je suis là
    Phil

    Merci de m’avoir répondu. Je suis un peu embêté face une situation, j’ai le téléphone qui s’y met... Sûrement, un problème de batterie. Serait-il possible de me rendre un service ? J’ai du mal à trouver des recharges PCS mastercard comme je le fais habituellement via internet, c’est devenu un vrai casse-tête, impossible d’en trouver dans les points de vente( bureaux de tabacs, points presses, Taxiphones, stations-service...). Y a-t-il un point de vente non loin de toi ? Si oui peux-tu te rendre dans l’un de ces points de vente et me prendre 4 coupons PCS mastercard de 250 euros chacun. Dans le cas contraire,je me contenterais de ce que tu pourras m’apporter dans l’immédiat. Je parie que tu dois te demander, c’est quoi des recharges PCS, en fait, les recharges PCS sont des e-recharges que j’utilise pour des achats via le net et quand je suis en déplacement pour les vacances ou pour affaires. Il suffit de te rendre dans l’un de ces points de vente tel que chez un buraliste et demandé des coupons PCS , il saura de quoi il est question. Je reste connecté en attente de ton mail afin que tu puisses me transmettre les références des codes de RECH de chaque coupon. PS : N’oublie pas de m’indiquer le moyen adéquat pour le remboursement...Virement ?
    J.

    Le problème c’est que je ne peux pas vraiment m’absenter de mon travail de toute la journée et que le lundi est un jour noir pour moi, dès que je sors du travail je dois filer chercher Adèle pour l’emmener chez sa psy, donc en gros, je vais pas être disponible aujourd’hui. est-ce que cela peut attendre demain ?
    Bise
    Phil

    Je comprends ta situation, je suis vraiment désolé de te contrarier avec mon problème ce matin, mais j’ai urgemment besoin de ces coupons pour conclure une transation, pas possible de faire un effort d’avoir bureaux de tabacs, points presses, Taxiphones, stations-service juste à côté de toi pour les coupons ? je m’excuse encore de t’embêter avec ma situation
    J.

    C’est tout mon embarras, à la fois l’ambiance délétère de mon travail en ce moment et le fait que je sois coincé à la sortie. Il n’y a personne à Montreuil sur qui tu pourrais t’appuyer pour ce service qui n’est même pas énorme ?
    Phil

    Personne d’autre Tu es la seule personne à qui j’ai pu écrit, car ce que je te demandais me gêne beaucoup. surtout rassures-toi pour le remboursement.
    J.

    Tu te doutes bien que je ne me fais aucun souci d’argent. Encore que mon compte e soit pas très pourvu en ce moment. Je vais tenter une sortie en tout début d’après-midi, en sortant de déjeuner.
    Bise
    Phil

    Merci infiniment pour ton aide, je reste en ligne tient moi informée, Bise
    J.

    J.
    J’ai tenté une sortie. J’ai trouvé un commerce tabac qui vend de telles recharges, en revanche j’ai besoin de ta carte pour acheter ces recharges, j’ai eu beau inventer et broder une question de handicap (désolé seule chose qui me soit passée par la tête) pour tenter d’infléchir la dame qui, comme elle l’a dit, et cela ne va pas te faire plaisir, suivait la procédure.

    Est-ce que je peux essayer de passer en coup de vent chez toi récupérer ta carte, repartir acheter les recharges et te rapporter tout cela ?

    Ne peux-tu vraiment pas m’appeler, histoire de gagner un peu de temps ?

    Bise

    Phil

    Merci infiniment pour ton aide, le souci est que je suis en déplacement, je compte rentrer dans la soirée, ne peux-tu pas acheter ces coupons et me faire parvenir les codes de rechargement, rassures-toi pour le remboursement dès mon arrivée.
    J.

    Je ne peux pas acheter ces coupons sans ta carte. Comme dit la dame, c’est la procédure. Comme je vais aller dans Paris pour emmener Adèle chez la psy, j’essaierai alors de forcer la main à un autre buraliste qui sera peut-être moins regardant sur la procédure. Si je parviens à cela je passerai t’apporter les recharges.

    Phil

    PS peux-tu me donner ton numéro de portable s’il te plaît ?

    (Et je dois dire que c’est seulement là que j’ai commencé à flairer qu’il y avait quelque chose de pas très droit dans cette demande de J.)

    j’ai plusieurs foies achetés ces coupons chez les buralistes il n’y a pas de procédure à suivre pour avoir ces ,il suffit juste de dire au buraliste que tu as besoin des coupons de recharge et tu achete comme si les coupons etais pour toi et voila, après tu me fais parvenir les codes de rechargement par mail en ce qui concerne le rechargement j m’en occupe

    Le dernier message que j’ai envoyé est insignifiant, je conseillais à la personne qui se faisait passer pour mon amie J. d’aller se faire voir et plus si affinités. C’était le message de colère de qui se trouvait bien idiot et il y avait sans doute de quoi.

    En fait ce que je comprends de tout cela c’est que si un ami me demande un coup de main, je peux devenir vraiment idiot, stupide et manquer de jugement. C’est tout moi. Sans compter que si je me fais un ami d’un aveugle, je peux être assez distrait pour le déposer en haut d’une volée de marches de métropolitain.

    Exercice #38 de Henry Carroll : Promenez-vous avec un autre photographe et lancez-vous des défis photographiques

    C’est une chose que j’ai faite avec quelques amis photographes. Avec Barbara, nous avions échangé trois objets que nous devions chacun représenter de trois manière différentes. De mon côté j’ai appelé cela Barbara’s Moquitoes . En revanche les trois petits objets que j’avais offerts à Barbara ont tous les trois été perdus lors d’un retour en avion.

    De nombreuses fois je me suis promené avec Daphna dans Paris ou à New York, chacun son appareil, les récoltes de Daphna étaient tellement meilleures, c’était très décourageant. Il m’est arrivé par la suite de lui emprunter des négatifs pour les mélanger avec les miens dans le passe-vue de l’agrandisseur, j’ai retrouvé récemment un tirage de ce genre d’expériences dans le garage

    Mais sans doute l’une des plus belles fois, ce fut avec Bart Parker, à qui j’avais montré le début de ma série des Commuters . Bart, je ne le savais pas encore, lui, travaillait sur une série de personnes sur le départ, s’éloignat, de dos, et m’a demandé si je permettais qu’il m’accompagne un soir que je partais faire des photographies de ces personnes regagnant la gare de Chicago et leurs trains de banlieue. Nous nous sommes installé dos à dos, tel un ilôt que les Commuters étaient contraints de contourner, bien souvent c’étaient les mêmes personnes qui s’étaient fait photographier de face par moi qui étaient ensuite photographiées de dos par Bart. Bart et moi ne tirions dans la même catégorie, c’est le moindre que l’on puisse dire, aussi, quelques années plus tard quand j’ai découvert dans on livre A close brush with reality — quel titre ! —un extrait de cette série, j’ai été frappé de la force de ses images, et amusé que lui comme moi avions prévu d’associer les images prises sur le pont enjambant la fameuse rivière de Chicago sur Monroe Avenue avec d’autres images.

    Donc de face, de la série Home (Commuters), de dos, la série Leave and fall de Bart Parker.

    #qui_ca

  • J – 163 : D’une conversation sur seenthis à propos du Mediator , d’Irène Frachon et du film La fille de Brest d’Emmanuelle Bercot (pas encore vu)

    C’est très étonnant, mon ancien médecin m’a prescrit cette saloperie (le Mediator donc) il y a une dizaine d’années comme régulateur timique quand je travaillais de nuit et que mon appétit était complètement détraqué-décalé. Ce qui ne m’a rien apporté et que j’ai donc fini par lâcher au bout d’un an (j’ai donc pris de ce poison pendant un an).

    Curieusement c’est une pneumologue qui a fini par trouver le moyen de m’aider avec cette histoire d’appétit détraqué, décalé et qui me conduisait à l’obésité : apnées du sommeil, appareillage, observance excellente - je suis un très bon patient, le genre qui prend ses médicaments à la minute et au gramme près -, fin du problème, ou presque, je suis toujours obèse, mais au moins je ne suis pas excessivement fatigué dans la journée.

    Quand j’ai entendu parler du scandale du Mediator , j’avais changé de médecin traitant, je me suis ouvert au nouveau médecin des prescriptions passées, examens cardio-vasculaires en règle, diverses explorations, le poison n’a apparemment pas causé de dégâts - j’ai toujours mon grand cœur de centenaire qui bat une mesure qui devrait permettre de jouer régulièrement des morceaux lents, des slows , même peut-être mais est-ce que cela n’accélérerait pas le rythme cardiaque en question, à mon âge, celui du dernier Proust, on n’est jamais trop prudent. En revanche je n’ai pas aimé la solidarité inter professionnelle entre les deux médecins, la nouvelle indiquant qu’elle aurait peut-être prescrit la même chose (même si c’est une parole honnête, pas si courante dans la profession, celle de la reconnaissance d’une erreur, même putative, même théorique)

    Ce dont je me souviens aussi, ce sont les reproches de quelques proches, mais comment cela se fait qu’en n’étant pas diabétique je prenais un tel médicament ? - personnellement je ne savais pas non plus que c’était un coupe-faim réputé et donc j’étais soupçonné de vouloir faire un régime sans effort, et était-ce si mal ?, les maigres ne se rendent pas très bien compte des efforts de volonté que les gros sont contraints de produire pour tenter d’influer favorablement sur leur silhouette, et, in fine , sur leur arthrose -, comme si c’était de ma faute de suivre - au gramme et à la minute près - une prescription médicale !

    Aujourd’hui quand je lis sur le sujet, cela me donne des fièvres rétrospectives, quand bien même chaque nouvel examen dans la région du cœur rend le même son de cloche, j’ai un cœur de centenaire, d’ancien grand sportif, de type qui peut encore danser des slows quelques temps.

    De même que je n’aime pas beaucoup entendre le mot amiante , c’est-à-dire la matière dont était construite toute la structure du bâtiment Erasme aux Arts Déco - j’ai même le souvenir de quelques bas-reliefs, certains obscènes, sculptés à même ce crépis malsain. Mais là aussi trente ans plus tard, il semble que je sois encore passé au travers des gouttes, et je n’ai pas non plus entendu parler de cancers parmi les anciens des Arts Déco, en tout cas pas de cancers liés à l’amiante. Et pas non plus, un miracle, liés à l’exposition à toutes sortes de produits délétères, l’acétone ou le trichloréthylène et d’esprit blanc, comme nous nous plaisions à l’appeler, et, dans les vapeurs desquels, nous avions coutume de fumer, comme on le faisait autrefois dans les ascenseurs et les opens spaces du Washington Post , comme c’est attesté dans les Hommes du Président d’Alan Pakhula.

    Et je ne peux toujours pas donner mon sang, pourtant irréprochable du point de vue de son taux de cholestérol, je m’enorgueillis d’avoir un cœur de centenaire que je couve de soins jaloux, parce que j’ai vécu en Angleterre pendant les années de vache folle - et pas que, de 1995 à 1998, c’était également les années du scandale de la fellation en automobile de l’acteur Hugh Grant, de la mort de la princesse peroxydée dans un accident de la circulation à Paris, de la crise cardiaque, heureusement sans gravité, du guitariste des Status Quo, de la découverte des meurtres des époux West, du scandale de l’élimination de l’équipe d’Angleterre de manchots à la Coupe du Monde, contre l’ennemi de toujours, l’Argentine, de l’avènement des Spice Girls et quantité d’autres faits majeurs en comparaison desquels la mort d’Itzhak Rabin ou les massacres de Srebrenica ont peu retenu l’attention de mes britanniques collègues au-delà de la page 3 de leurs journaux.

    Je me demande combien de bombes à retardement j’ai en moi comme cela. J’aurais dû faire démineur, je pense que j’ai un certain talent pour survivre aux bombes à retardement.

    Exercice #37 de Henry Carroll : Faites de la lumière le sujet de votre photographie.

    #qui_ca

  • http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/nick_cave_into_my_arms.mp3

    J – 166 : Wim Wenders ne doit pas être loin d’atteindre le même stade ridicule de la sénilité que celui atteint et dépassé depuis fort longtemps par Woody Allen. Ou comment avec les meilleurs ingrédients, les plus fins qui soient, il est possible de préparer un plat immangeable.

    Ainsi, ce cinéaste qui a enchaîné les navets depuis Les Ailes du désir, - le dernier film en date étant Everything will be fine qui se pose là en matière de navet, avec un acteur, John Franco, dont on a le sentiment qu’il a tout le temps été filmé avec le soleil et ou l’éclairage dans les yeux, tellement il a l’air contrarié - un peu avec la même régularité que Woody Allen depuis, soyons clément, Husbands and wives , Wim Wenders, donc, s’attaque à la mise en scène cinématographique d’une pièce de théâtre de Peter Handke, les Beaux jours d’Aranjuez , un texte sans doute pas facile, sans aucune concession de la part de Peter Handke, une narration lente, faite de la patiente accumulation des images, toutes nées de l’observation extrêmement attentive de la nature qui sert ensuite de boussole du réel - exemple : on reconnaît, de façon infaillible, que l’on est au faite de l’été, de la saison chaude, à la chair presque blanche, et aux pépins quasi noirs, au contraire, des pommes, les lecteurs aficionados de Peter Handke, dont je suis, jubilent dans la salle, ils ne sont pas nécessairement majoritaires, quand bien même le public est extrêmement peu nombreux -, des dialogues qui parlent d’amour physique en maintenant ce dernier absolument garanti de toute vulgarité, laquelle est également reconduite, en toutes choses, par les gestes attentifs de cette homme et de cette femme qui ont pris plaisir à définir antérieurement au dialogue le périmètre de ce dernier, bref un texte aride, anti spectaculaire par excellence, et pour lequel on devine d’emblée que la mise en scène cinématographique sera une gageure, il serait, en effet, plus cinématographique de s’attaquer à un texte de Virginie Despentes, mais Wenders il est copain avec Handke, pas avec Despentes - parce que l’entre soi n’est pas non plus le plus petit défaut de cette entreprise qui n’en manque pas, consanguinité, qui, nul doute, concoure au naufrage, qui pour dire à Wenders au tournage ou au montage que c’est un naufrage ?

    Pour parvenir à une telle adaptation, il aurait fallu un réalisateur, déjà capable de diriger ses comédiens, ce pourquoi Wim Wenders n’aura jamais brillé, souvent sauvé par des talents hors pairs auxquels il n’est pas nécessaire de donner la moindre indication de jeu, ils s’en sortiront toujours, Bruno Ganz ( Les ailes du désir ) ou Harry Dean Stenton ( Paris, Texas ), mais que les comédiens soient plus poussifs, juste un peu moins solaires (Patrick Bachau, dans l’État des Choses , William Hurt dans Until The End Of The World , ou carrément mauvais (Solveig Dommartin dans les Ailes du désir ou dans Until The End Of The World ) et alors le film cale dans tous les virages, c’est ici le cas avec Reda Kateb qui tire vaillamment son épingle du jeu, et obtient une mention passable, mais pour Sophie Semin et Jens Harzer c’est une longue noyade.

    Wenders est plein de tics. Pas une scène, presque pas un seul plan de son film où la caméra n’est pas sujette à un très léger travelling de côté avec une lenteur fort décorative, sans compter que tous les plans de discussions entre les deux personnages principaux sont l’objet d’un panoramique qui tournoie tout autour d’eux, et comme Wenders aime par-dessus tout cet effet, qu’il aime ce qu’il fait, ce qu’il tourne, qu’il est marié à ses images, le spectateur est au bord de rendre pendant tout le film à force de ce très léger mais persistant roulis, qui, naturellement, n’apporte rien au sens. D’ailleurs il sera difficile, impossible, de s’accrocher au sens d’une conversation dont on devine que des pans entiers sont passionnants, c’est quand même du Handke pur sucre, même si directement écrit en Français, mais à aucun moment ce cinéma sans âme, sans éclairage autre que celui du grand jour en plein été, ne viendra apporter le moindre éclat, la moindre surprise.

    Ce sont même une suite ininterrompue de surprises éventées qui adviennent, l’écrivain qui décrit sur le motif cette conversation en regardant par la fenêtre la terrasse sur laquelle il imagine cette conversation a un jukebox de marque Würlitzer dans son salon - comme bourrade dans les côtes pour les lecteurs de Handke, ou même simplement toute personne qui se serait même brièvement penchée sur la bibliographie de Handke, cela se pose là - et de temps en temps, quand l’inspiration manque, tout en allant chercher un verre d’eau dans la cuisine à l’évier et au mobilier fort passéistes, il choisit un titre, changement de galette et là vous pouvez être sûr de tomber au choix sur les fadaises rock’n’roll des débuts de Wim Wenders, Summer in the city , ou soit de sa clique de copains qui écumaient Berlin avant la chute du mur, parmi lesquels Nick Cave, et ô surprise, c’est Nick Cave lui-même qui vient chanter, mal, en s’accompagnant, mal, au piano Into My Arms , d’ailleurs il n’a pas l’air en très grande forme le Nick Cave, on croirait même qu’il va se mettre à pleurer après avoir envoyé, mal, sa fadaise, ou n’est-ce que le maquillage qui masque mal que ce n’est plus le jeune premier dandy des années 80 non plus. De même dans trois petits plans insignifiants, on aperçoit au loin la silhouette vieillissante également du jardinier de cette demeure bourgeoise, le jardinier en question travaille bien au-delà de l’âge de la retraite, il a très exactement, 73 ans, vous avez deviné, le jardinier en veston fort chic et pantalon à pince écru c’est Peter Handke lui-même, si ce n’est pas mignon tout plein.

    On voudrait faire du mauvais cinéma, on ne s’y prendrait pas autrement.

    Je fais grâce des quelques erreurs de script ou de raccord, j’avoue avoir beaucoup de mal à savoir si le changement de couleur de la robe du personnage de la femme est une erreur de script ou si ce changement est infiniment symbolique de rien, en fait. C’est ni fait ni à faire et cela ne pourrait même pas être remonté. Sauf à tout couper.

    Le film commence par un moment voulu de grâce, filmer Paris désert en plein jour, avec ce fameux petit mouvement de caméra en lent travelling latéral, mais on comprend sans mal que ces quelques plans fort coquets sont en fait, les Champs-Elysées, la Concorde et les quais de Seine à cette même hauteur de la place de la Concorde, à six heures du matin d’un 14 juillet quand tout le quartier est bouclé la veille, un Paris de carte postale, une sorte de Paris éternel pour touriste - pour qui exactement les Champs Elysées sont une représentation acceptable et symbolique de Paris ? - et se termine par un time lapse accéléré — que l’accélération de ce time lapse n’est été imprimée au reste de ce film d’un cinéaste devenu fort médiocre et se regardant filmer —, de la chute du jour dans ce décor hautement bourgeois d’une demeure cossue en pleine campagne, mais de laquelle on voit encore la Défense. Aucun stéréotype ne nous sera épargné et surtout pas celui de l’écrivain dans sa grande demeure bourgeoise donc - les écrivains sont riches dans l’imaginaire de Wenders - il écrit sur une machine à écrire - en 2016, j’exige un recensement de savoir quels sont encore les écrivains qui peinent sur leur Remington - il hésite beaucoup devant sa page blanche, se dit les phrases à voix haute avant de les taper et écrit sous la dictée de ses personnages qu’il distingue en entrouvrant les yeux par la fenêtre qui donne sur la terrasse où ils sont assis et quand en fin d’après-midi, il est vraiment trop à la peine sur son Olivetti il part se promener en forêt chercher l’inspiration sans doute. Ainsi va la littérature en 2016. Si c’est Wenders qui le dit.

    #qui_ca

  • J – 168 : Fuocoammare de Giafranco Rosi est un film virtuose, c’est admirablement filmé, c’est monté d’une façon extrêmement précise et avec un rythme lent magnifique, c’est un film intelligent, les images sont souvent très bien composées, poétiques pour certaines, et pleines d’une suggestion remarquable, ainsi le petit garçon de douze ans, originaire de l’île, souffre d’un mal qui porte le nom d’œil paresseux - quelle métaphore ! - et c’est un film documentaire qui se situe résolument à l’extrême frontière du genre, un pas de plus dans cette direction et le film devient une fiction. Sauf que je me demande si ce point fusionnel entre les deux genres n’entre pas de plain-pied dans le domaine de l’art, non sans avoir survolé les territoires de l’esthétique.

    Or, voilà qui est problématique.

    Dans un film de fiction on peut très bien demander à quelques figurants de faire les morts ou encore à des acteurs de feindre le trépas. En y réfléchissant bien ce doit même être l’essentiel de la production fictionnelle de cinéma : il y a des morts, mais c’est un contrat tacite et implicite entre le réalisateur et le spectateur, personne, en dehors des accidents de tournage, ne meure vraiment.
    Dans un film documentaire, on peut aussi, avec un minimum de discernement, filmer des morts, mais cela reste quelque chose de périlleux, par exemple, dans Nuit et Brouillard , Alain Resnais produit un plan très ambigu où l’on voit un engin mécanique pousser une brassée de cadavres faméliques, et nus, vers une fosse commune au moment de la libération des camps : qui étaient ces personnes dont tout ce qu’il restera à la postérité, finalement, c’est cette image destinée à marquer les esprits, appuyée, qui plus est, par le commentaire lyrique de Jean Cayrol — une horreur —, c’est comme si toute l’existence de ces personnes était cantonnée à un effet cinématographique. Shoah de Claude Lanzmann et S21 de Rithy Pahn sont des documentaires qui traitent de génocides et donc de morts nombreux, mais les morts n’y sont pas filmés, dans S21 , c’est même l’absence de ces derniers qui est filmée, les anciens tortionnaires du camp miment les mauvais traitements qu’ils infligeaient aux détenus, le corps de la victime n’est plus là, il est absent.

    Or, se servir de l’image de la dépouille d’Autrui pour l’incorporer dans une œuvre d’art revient à annexer l’Autre, en faire un objet, ce qu’il n’est pas, ce qu’il ne sera jamais, ce qu’il ne devra jamais être, qui plus est pour servir un but personnel, ici esthétique, rendre plus percutantes des images qui ne manquaient par ailleurs pas de force et certainement pas d’esthétisme, souci d’un traitement esthétique de la lumière, fortes sous-expositions pour dramatiser les scènes nocturnes et saturer les couleurs, cadrages adroits, admirablement composés, tels des tableaux bien souvent.

    Certes ce n’est pas l’obscénité d’un Aï Wei Wei ( https://seenthis.net/messages/461146 ) qui se met en scène dans la pose du cadavre du petit Eylan sur les côtes Turques, ou encore qui pare les colonnes doriques de je ne sais quelle institution culturelle allemande de gilets de sauvetage, mais c’est un pas résolu dans cette direction, dans celle de l’usage que l’on fait de la dépouille de son prochain pour servir une cause personnelle que l’on estime, finalement, supérieure.

    Dans le cas de cette projection au Kosmos de Fontenay-sous-Bois, le film était suivi d’un débat animé par quelques personnes d’Amnesty International et de Maryline Baumard. Je me pose la question de la pertinence de cette saisie d’un tel film tel un étendard pour une organisation non gouvernementale, il me semble que c’est au mieux, improductif, quant à Maryline Baumard du Monde , non contente d’avoir tenu un blog récemment en accompagnant un navire de sauvetage des réfugiés ( https://seenthis.net/messages/506345 ), dans lequel un ton trépidant donne à lire le reportage d’une nouvelle aventure , celle nécessairement bien fondée du sauvetage, assure donc le service après-vente d’une entreprise, Fuocoammare de Giafranco Rosi, aussi fautive que la sienne qu’elle concluait lyrique et triomphante au printemps 2016 : on ne pourra pas dire que l’on ne savait pas … sauf que cela fait, hélas, très longtemps que l’on sait. J’ai donc efficacement résisté à ne pas participer au débat après le film pour ne pas créer de scandale dans le cinéma de mon ami Nicolas, mais il y a des limites.

    Au premier rang, pendant tout le film, les commentaires pas vraiment mezzo voce de cette dame ont résonné, ah oui, ça c’était comme tel ou tel jour ... de son reportage infâme. Cette insistance à vouloir en être, à le faire savoir, comment dire en évitant la grossièreté ?, est d’une telle obscénité anti éthique. La même, en voiture, à la sortie de je ne sais quelle porte du boulevard périphérique, remonte son carreau devant des mendiants brandissant des pancartes Syrian families au motif que l’on voit bien que ce sont des Rroms sans doute.

    J’ai le souvenir prégnant, en 1994, si mes souvenirs sont bons, de voir Bernard-Henri Lévy écarter du bras un Bosniaque d’une tribune où il était venu témoigner du siège de Sarajevo, pour pouvoir prendre la parole.

    Exercice #33, #34 et # 35 de Henry Carroll : #33 Prenez une photographie de vous en train de faire semblant d’être quelqu’un d’autre, # 34 Prenez une photographie de vous en train de faire semblant d’être vous-même et # 35 Prenez une photographie de vous en train d’être vous même.

    #qui_ca

    • #Fuocoammare... longue discussion avec une amie et @albertocampiphoto sur ce film...
      En clé post-coloniale ce film est très problématique... C’est la reproduction des mêmes images, toujours les mêmes... Rosi montre des arrivées d’une #masse_anonyme de #corps #noirs (#mythe/#préjugé de l’#invasion), des #blancs avec #masques et #gants qui les « accueillent »...
      Les gens du village, dont le petit gamin à l’oeil paresseux, qui paraissent avec nom et prénom dans les #génériques, comme si c’était des acteurs, mais pas un seul migrant a l’honneur d’avoir son nom qui défile dans les génériques...
      Aucune contextualisation politique. Alors que ce film se veut un documentaire. Aucune dénonciation, même pas subtile, des politiques migratoires européennes. La seule information qui est donnée, celle des morts en Méditerranée en ouverture du film, n’est pas correcte, un chiffre décidément sous-estimé (je me demande bien où il a sorti ce chiffre, le réalisateur)...
      Réalisateur qui, présent à une projection à Genève, confond allégrement Mare Nostrum, avec Frontex et avec l’opération Triton. Ils les utilisent comme si c’était des synonymes... Cela montre bien qu’il y a un problème dans la préparation du film, car, je le répète, Rosi se présente comme une documentariste !

      Le mérite, à mes yeux, de ce #film, c’est d’avoir montré de façon très claire que migrants et habitants de #Lampedusa, ne se rencontrent jamais... sauf un personnage, le plus intéressant de l’histoire, le médecin... qui soigne l’oeil paresseux du petit gamin, et les brûlures des migrants...

      Bref, des images très très belles, mais beaucoup de réticences quand même vis-à-vis de ce film...

      Voilà.

      #post-colonialisme

    • @cdb_77 C’est étonnant pur moi de constater qu’une personne comme toi qui connais bien le sujet tiques sur tant de choses, ce qui tend à valider mes soupçons qui sont plutôt du côté des images, du vocabulaire visuel, et qui ne sont que des intuitions.

      Merci mille fois de me donner de telles confirmations.

      D’après ce que j’ai vu par la suite, lorsque Rosi a reçu je ne sais quel prix, il était accompagné des « acteurs » de son film, dont le petit garçon, mais effectivement d’aucun réfugié, aucun, qui ne soit, de fait, mentionné au générique. C’est donc une entreprise aussi coupable et égotique que cette de Maryline Baumard ! Ben c’est pas beau.

    • En fait, ce qui m’énerve, c’est que ce film a été montré devant le parlement européen, que Rosi était très fier de le dire.
      Un film qui ne fait qu’alimenter les mêmes préjugés n’a pas de place au parlement européen...

      Autre chose, toujours pendant la prise de parole à la projection, a souvent parlé de #complexité. La migration, les morts en Méditerranée, c’est une sujet complexe, difficile à comprendre...
      En fait, c’est aussi un mensonge, c’est plutôt facile, ça peut s’expliquer en moins de 30 secondes :
      « Chère Europe, tu as fermé les frontières, voilà pourquoi des dizaines de milliers de personnes meurent en Méditerranée ».
      That’s it. Easy.
      Mais dire que c’est complexe, c’est ne pas pointer du doigt les responsables...

      Quelques mots, ou une carte, celle de @reka :


      http://visionscarto.net/mourir-aux-portes-de-l-europe
      That’s it. Easy.

    • J’adhère à 100 à ce qui développe Cristina @cdb_77 et jue veux juste ajouter en plus que j’ai en effet travaillé avec une étudiante à Genève lors d’un atelier de carto à la HEAD qui a très bien montré les stratégies spatiales sur Lampedusa pour « laccueil » des réfugiés et p^ouvé que les habitants de Lampedusa — à moins de fa-ire un gigantesque effort -pour aller à leur rencontre — ne voient pratiquement jamais ne serait-ce que l’ombre d’un·e réfugié·e. Je recherche l’étude.

    • @reka En fait, le fait que les habitants de l’île soient imperméables à ce qu’il se passe autour d’eux est plutôt bien dit dans le film, avec même une certaine élégance, la deuxième séquence du film montre des antennes de radio et des radars qui tournent et diffusent un dialogue invisible, celui d’un naufrage en train de se produire, et , par la suite, il y a ce syndrome de « l’oeil paresseux » du petit garçon qui est une métaphore assez parfaite (et pas trop appuyée).

      Pour le coup, je ne pense pas que ce soit par ce biais là que le film soit attaquable, mais bien davantage dans ce que Christina énumère et qui dit le caractère générique des naufragés.

      Dans le deuxième commentaire de Chrsitina, avec ta carte, oui, la question se pose, at-t-on besoin d’un film élégant et trompeur pour que l’on « prenne conscience » (comme c’est le but de Maryline Baumard dans son blog à la con), quand en fait il n’y a pas de complexité, que celle que l’on voudrait pouvoir agiter à la façon d’un écran de fumée pour rester caché à l’accusation, qui, elle, est irréfutable.

      De la même manière, il y a queques temps il y avait eu un très beau signalement sur seenthis à propos du regain de croissance économique en Suède suite à l’accueil que les suédois avaient fait à de nombreux réfugiés (personnellement je ne suis pas spécialement attaché à la croissance économique, mais bon), et c’est un concept, le concept économique, en faveur d el’accueil des réfugiés, qui est régulièrement démontré et expliqué, mais jamais entendu. C’est même pire que cela, il est entièrement détourné, on dira que l’on na pas les moyens économiques d’accueillir les réfugiés quand en fait cela serait une aubaine (et presque chaque fois on citera la fameuse phrase de Rocard en la tronquant, « la France ne peut accueullir toute la misère du Monde, mais », partie qui saute dans la citation, « elle doit en accueillir sa juste part »). Le raisonnement économique est uniquement là, personne n’y comprend jamais rien à l’économie (alors que ce n’est que de l’extrapolation de comptabilité, autant dire une matière sans mystère), pour cacher une peur culturelle, la peur de l’Autre.

    • Oui oui, je ne me suis peut-être pas bien exprimée, mais le film montre TRES bien (et c’est son mérite, à mes yeux) ces non-rencontres possibles/souhaitées entre migrants et habitants.
      C’est le point fort du film.
      Avec une seule figure de la rencontre : le médecin.
      On aurait peut-être plus en trouver quelques-uns de plus : les travailleurs du hotspot. Ils sont aussi très probablement des habitants de l’île.

    • #Bartòlo e l’incubo che ritorna: «In quei sacchi c’erano i bambini»

      I racconti del «#medico_di_Lampedusa», oggi europarlamentare, premiato a Lerici per la Solidarietà. Trenta anni passati a salvare vite di naufraghi e a dirigere il piccolo poliambulatorio dell’isola

      «Non è perché sono medico che non ho paura. Io ho paura quando devo aprire quei sacchi. Ne ho lì venti, cinquanta, cento, e solo nel momento in cui li apro scopro chi troverò dentro... La mia paura peggiore è che ci sia un bambino. Non sono numeri, sono persone, le vedo in faccia. Il bambino con i pantaloncini rossi mio malgrado l’ho guardato negli occhi, non lo avessi mai fatto, l’ho scosso, volevo si svegliasse, ed oggi è il mio incubo». È denso di umile umanità il racconto del dottor Pietro Bartòlo, noto al mondo come ’il medico di Lampedusa’. Il tendone bianco sulla riva del mare di Lerici (La Spezia) straripa di gente che è lì per sapere, anche per vedere (se lo sguardo regge le immagini proiettate): le parole non bastano, l’assuefazione ci ha anestetizzati, non piangiamo più come ai tempi della «strage di Lampedusa», quando il 3 ottobre del 2013 il mare inghiottì a due passi dalla terraferma 368 viaggiatori, e allora servono le foto, i corpi, i segni delle sevizie, gli sguardi che implorano.

      «Lerici legge il mare», rassegna di letteratura e cultura marinaresca promossa dalla Società Marittima di Mutuo Soccorso assieme al Comune, e curata da Bernardo Ratti, quest’anno ha consegnato a lui il premio per la «Solidarietà in mare», e Bartòlo – che oggi è europarlamentare perché «mi sono detto qua non cambia niente, ho provato come medico, ho scritto libri, ho fatto l’attore in «Fuocoammare», ho girato le scuole e l’Europa, posso ancora provare con la politica, una politica di servizio, una politica come arte nobile » – Bartòlo, dicevamo, condivide il premio con i ragazzi della Capitaneria di porto, i carabinieri, la polizia, i vigili del fuoco «che nei trent’anni in cui ho diretto il poliambulatorio di Lampedusa hanno rischiato la vita tutti i giorni per salvare i naufraghi».
      Scuoiati vivi per renderli bianchi

      Lampedusa è croce e delizia, bellissima e atroce. Per natura è a forma di zattera, si direbbe destinata. «Come arrivano i migranti dalla Libia lo sappiamo solo noi», continua Bartòlo, «lì i neri non hanno lo status di esseri umani, le donne ancora meno. Se sono donne e nere potete immaginarlo», dice scorrendo le diapositive. È passato il tempo in cui si chiedeva se fosse il caso di mostrarle, ora lo ritiene un dovere. Così vediamo le lacrime di Nadir, 13 anni, nero, solo una gamba è bianca: il gioco osceno dei carcerieri libici che scuoiano i vivi per renderli chiari (il fratellino è tutto bianco. Ma lui è tra i morti).

      Vediamo le lacrime di Bartòlo stesso, sceso nella stiva quel 3 ottobre del 2013 al buio, «camminavo su cuscini, non capivo. Poi ho acceso la pila e sono scappato fuori, stavo calpestando i 368 morti»: i più giovani e forti erano stati stivati là sotto senza oblò, nella ghiacciaia per il pesce, e quando avevano cercato di uscire per respirare la botola era stata bloccata da fuori. «Non avevano più polpastrelli né unghie, li avevano consumati prima di soffocare. Capii solo allora il pianto di quelli di sopra: erano i loro fratelli, le madri impotenti».

      Vediamo gli occhi profondi di una giovane madre sdraiata senza abiti sulla lettiga, magrissima, il seno vuoto, gli arti abbandonati come non le appartenessero, «ha perso l’uso delle gambe perché dove era tenuta prigioniera non le ha potute muovere per sei mesi». Un lungo tempo in cui ad accudirla è stata la sua bambina, diventata sua madre a quattro anni. «Abbiamo dato dei biscotti a quella bimba, invece di mangiarli li ha sminuzzati e li ha messi nella bocca della mamma». Il peluche invece lo ha lasciato lì senza guardarlo, «non era più una bambina, cosa se ne faceva? Era stata anche lei violentata, come la madre» (che oggi sta meglio e comincia a camminare). Quante volte ha pensato di mollare e si è rivolto «a chi è sopra di me...», trovando sempre la forza di andare avanti «nelle tante cose belle che comunque accadono».
      Nata due volte

      Perché Bartòlo resta anche una fonte dirompente di speranza, uno che non si arrende e sa che il bene contagia più del male. Così tra le foto passa anche quella di Pietro, che non è Bartòlo ma un bimbo appena nato dopo il salvataggio, ancora a bordo, cui il medico ha legato l’ombelico con il laccio delle sue scarpe. «A quest’altro neonato lo ha legato sua madre strappandosi una lunga ciocca di capelli... Mi ero accorto che a quella ragazza si vedeva la pelle del cranio e pensavo fosse stata torturata, come al solito, invece non avendo le forbici non aveva esitato a strapparseli per il suo bambino. Sono persone straordinarie, non so quanti di noi...».

      E poi vediamo Kebrat, bella come un’attrice: «Nel gruppo di cadaveri ho sentito un battito nel cuore di una donna, impercettibile, pensavo di sbagliarmi. Ho fatto subito il massaggio cardiaco e l’ho inviata in elicottero all’ospedale di Palermo, ma aveva i polmoni pieni d’acqua, era un caso disperato, per quaranta giorni è rimasta in coma. Due anni fa me la sono trovata in aeroporto, veniva per ringraziare: era sposata, madre di due figli, una bella casa in Svezia, un lavoro. Non l’ho riconosciuta, io l’avevo vista morta...».

      Lasciati affogare. Per legge

      Con lui a Lerici c’è l’ammiraglio Vittorio Alessandro, 40 anni di carriera nelle Capitanerie di porto, comandante in varti porti, a lungo responsabile della comunicazione per la Guardia Costiera, un anno intero a Lampedusa. «Nella attuale tempesta di slogan urlati e punti esclamativi, ho potuto non solo raccontare ma vivere esperienze che ti cambiano la vita. A Lampedusa ho compreso come l’energia delle persone a volte si rivela più grande di loro: il rapporto tra i lampedusani e il loro mare è stupefacente. Così come è stato nel naufragio della Costa Concordia, in una notte d’inverno l’Isola del Giglio si è fatta madre di una cosa enorme... Il privilegio – ricorda allora Alessandro – non è di essere buoni, ma di compiere un dovere istituzionale». Perché in mare la solidarietà è legge, e le regole sono «un patrimonio che si è sedimentato, guai a perderlo». Il primo oltraggio «è stato confondere il soccorso, che è senza se e senza ma, e l’accoglienza». Il soccorso non ha vie di mezzo, è un interruttore, o è sì oppure è no, o rispondi o decidi di lasciar morire, «ma se oggi una legge ci dice che salvare l’uomo in mare è reato, che se lo fai ti sequestrano la barca e ti sanzionano, magari tiri dritto. È già successo, hanno chiamato aiuto, nessuno ha risposto. Per legge».
      Le antiche leggi del soccorso in mare

      La spiegazione dell’ammiragiio è tecnica: una operazione di soccorso ha un inizio e una fine, «secondo la norma, è finita solo quando le persone raccolte in mare arrivano a terra. L’emergenza non prevede attese, ve la vedete un’ambulanza costretta a fermarsi per giorni con il malato a bordo, perché in ospedale si fanno riunioni per decidere il da farsi? Se rinunciamo ai codici del mare antichi di secoli, se una legge ci dice che chi è in mare può aspettare, perdiamo la nostra cultura, perdiamo noi stessi». Impressiona un paragone: sulla Costa Concordia c’erano 4.200 persone, «quanti giorni sarebbero stati necessari per portarli in salvo e chiudere l’operazione di soccorso, con i ritmi imposti oggi quando ad arrivare sono 30 o 40 migranti? Lo Stato è riuscito ad autosequestrarsi le navi, a fermare le proprie motovedette... Il ritorno alle regole è fondamentale, non per tornare necessariamente a come eravamo prima, non bisogna essere ideologici, credo si debbano trovare nuove soluzioni, che non possono essere solo italiane, devono essere europee e dell’Onu. Ma nel frattempo dobbiamo esserci!».

      E’ il motivo per cui il dottor Bartòlo oggi siede in Europa, convinto che il trattato di Dublino sia «il nostro capestro. Sono stato uno dei più votati in Italia, mi hanno dato un mandato e non lo deluderò - promette -. Quando la riforma di Dublino sarà varata, tornerò a fare solo il medico». Si capisce che non vede l’ora. Il medico di Lampedusa.

      https://www.avvenire.it/attualita/pagine/bartolo-e-lincubo-che-ritorna-in-quei-sacchi-cerano-i-bambini
      #témoignage du #médecin de Lampedusa... qu’on voit dans Fuocoammare...

  • J – 169 : Comme de très nombreuses personnes, et certaines nettement plus cinéphiles que moi, je n’avais jamais vu Kapo de Gilo Pontecorvo, en dehors du court extrait du fameux travelling qui a donc déclenché l’ire de Jacques Rivette dans un texte devenu célèbre des Cahiers du cinéma . Le travelling je l’avais déjà vu plusieurs fois, je me l’étais repassé plusieurs fois sur des sites de partage de fichiers vidéographiques - je crois que l’on appelle cela des tubes - et d’ailleurs la première fois je m’étais dit que la foudre de Rivette avait peut-être été disproportionnée, la description du travelling en question avait fait germer dans mon imagination des images nettement plus outrées encore. Quand bien même, je me disais qu’il y avait chez Rivette une certaine acuité visuelle et critique pour avoir été aussi réactif à quelque chose qui ne saute pas aux yeux, je me disais même qu’avec des sentinelles aussi attentives, nous, les lecteurs des Cahiers , pouvions dormir les yeux fermés sur l’oreiller.

    Mon insistance toute personnelle, mentionnant la fameux travelling et sa critique, dans mon texte Arthrose (Spaghetti), d’en obtenir l’extrait pour l’insérer dans mon projet interactif, m’aura donc poussé à trouver une copie de ce film.

    Et du coup à la regarder.

    Et j’ai été effaré.

    En fait le travelling , le fameux travelling , est ce qu’il y a de plus anodin, de presque moins fautif dans ce film qui est une horreur, une abomination.

    Le film date de 1961. De même sa critique par Rivette.

    En 1961, la perception historique que l’on a de la destruction des Juifs d’Europe - que l’on appelle pas encore de cette manière - repose essentiellement sur des regroupements de témoignages. Il faut attendre la somme de la Destruction des Juifs d’Europe de Raul Hilberg pour disposer d’une compréhension globale et historique de ces événements. Et la première édition de ce livre précieux et intelligent date justement de 1961, Pontecorvo n’a donc pas pu le lire, si tant est qu’il aurait su tirer de cette lecture quelques enseignements.

    En fait, en 1961, Pontecorvo ne peut que fantasmer le camp de concentration et celui d’extermination, pour donner un exemple particulièrement fautif de cette vue myope, l’arrivée du train dans un camp d’extermination dont force est de constater qu’il ne ressemble à aucun des sept camps d’extermination, donne lieu à un premier tri dans lequel les familles sont séparées, les jeunes d’un côté, les vieux de l’autres, du coup femmes et hommes ne sont pas séparés, puis ils sont conduits vers des baraques pour y passer la nuit, après laquelle, bien reposés, sans doute, ils sont exterminés, Pontecorvo apparemment ignorant que la machine de mort à Auschwitz, notamment, fonctionne nuit et jour, et de même le jour suivant on extermine un groupe de personnes dans lequel âges et sexes sont mélangés. Et tout est à l’avenant dans ce merveilleux film d’aventure au dénouement tellement heureux, le plan d’évasion et de soulèvement aboutit.

    Du coup, dans un tel massacre, je m’interroge sur ce qui a bien pu faire sursauter Rivette dans ce travelling , à moins d’imaginer que Rivette n’avait pas plus de connaissances que Pontecorvo sur l’existence des camps d’extermination, ce qui l’amène, finalement, à réagir sur un problème de grammaire cinématographique, c’est-à-dire là où sa compétence lui permet de déceler le caractère fantasmagorique et immoral du film. Chapeau.

    De façon plus anecdotique. Il se trouve que j’ai connu, vaguement, un homme qui avait survécu à Auschwitz. Cet homme plus tard a eu un gendre qui cumulait d’être antisémite et révisionniste. Un jour le gendre avait demandé à son beau-père ancien rescapé, mais qu’y faisiez-vous toute la journée dans votre camp de concentration ?les cons cela ose tout c’est d’ailleurs à cela queon les reconnait (Michel Audiard). Plein de malice le beau-père avait répondu, on s’ennuyait du matin jusqu’au soir et on trompait souvent l’ennui en faisant des parties de cartes avec nos geôliers. Il n’en fallait pas plus pour convaincre le gendre qui citait souvent cet exemple sur le fait que les camps de concentration n’étaient pas l’enfer qu’on disait qu’ils fussent.

    J’ai un vrai choc en voyant Kapo , ce navet abominable qui situe son action dans un camp d’extermination, et dans lequel se trouve une scène de partie de cartes entre une détenue et un SS.

    Exercice #32 de Henry Carroll : Je déclare la guerre aux conventions William Eggleston. Combattez aux côtés d’Eggleson.

    #qui_ca

  • J – 171 : À Montigny-sur-Crécy, où le vent est fier.

    C’est beau un anniversaire de musicien, quand ses amis musiciens viennent l’aider à passer le cap du demi-siècle et, installés dans une salle de répétition improvisée, mais pleine à craquer des instruments que les uns et les autres ont rapportés, jouent avec lui toutes sortes de musiques improvisées et sans enjeu, on joue pour le plaisir d’être ensemble, pour les souvenirs d’avoir joué ensemble en d’autres occasions, peut-être plus sérieuses, on tente des rapprochements impossibles, la violoniste même amplifiée à bien du mal à faire sa place parmi les cordes autrement, plus nativement, amplifiées, les grattes, trois, présentes, très, trop, le contrebassiste ne joue pas sur son propre instrument, n’a pas les partitions, joue à vue en tentant, à vue, de trouver la tonalité du morceau en cours, il est debout à côté de son fils batteur, le violoncelliste passe souplement du violoncelle amplifié au trombone, et le saxophoniste surmonte, aussi bien qu’il peut, le saxophone (ténor - forcément ténor, mais j’ai déjà entendu cet homme jouer du bugle à une tortue) au bec, l’inévitable émotion du virage symbolique de toute une vie. Dans son atelier de peintre - cet homme sait tout faire, un vrai mouton à cinq pattes, la cuisine aussi, très bien, pour laquelle Adèle et moi sommes arrivés avec un peu d’avance pour lui prêter main forte - les amis non musiciens, minoritaires, écoutent et se marrent à cette tambouille de bœuf en buvant du très bon vin.

    Bon anniversaire Eric. (http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/images/montigny/index.htm )

    Exercice #31 de Henry Carroll : Photographiez le subconscient de quelqu’un

    #qui_ca