Jeff Bezos a eu cette détermination quand il a imposé à Amazon de se convertir à une architecture orientée services. Mais dans l’administration, Jeff Bezos n’existe pas : aucun ministre, Premier ministre ou Président de la République ne va mettre en jeu sa responsabilité sur le déploiement d’un nouveau #système_d’information. Dans ces conditions, l’organisation ne se soumet pas : loin de se transformer pour accueillir le nouveau système, elle va au contraire lui imposer ses contraintes et amoindrir sa valeur ajoutée. Le nouveau système n’est pas une opportunité d’innover, mais un moyen d’optimiser l’organisation existante et son fonctionnement habituel. C’est une #infrastructure coûteuse, rigide et mise au service de la routine.
Puisqu’il n’est plus possible, dans l’état actuel de l’administration de l’Etat et de sa gouvernance, de déployer de grands systèmes d’information à l’état de l’art, trois conclusions s’imposent.
1/ La première, c’est que les dirigeants politiques doivent arrêter de compter sur la rationalisation des dépenses informatiques pour réduire le déficit budgétaire. (...)
2/ La deuxième conclusion, c’est qu’il faut que la culture numérique de l’administration change profondément, comme elle commence à le faire dans les grandes organisations privées – sous l’inspiration des géants industriels de l’économie numérique. Beaucoup a été écrit là-dessus, mais trois règles suffisent à résumer les enjeux :
– il n’y a pas d’innovation numérique dans une grande organisation si cette organisation n’a pas décidé que le numérique était son coeur de métier – donc que les dirigeants au plus haut niveau s’emparent de ces dossiers et en font les indicateurs de leur succès et de leur échec. Obama l’a fait avec l’infrastructure numérique du système fédéral d’assurance maladie universelle (...) [malgré ses ratés, projet pas abandonné]
– il n’y a pas d’innovation numérique dans une grande organisation sans une alliance avec les utilisateurs des applications au quotidien : c’est difficile car ça se marie mal avec la culture hiérarchique dans l’administration, imprégnée par le respect de l’ordre établi. Mais une organisation ne peut pas innover sur le volet numérique si ses collaborateurs ne sont pas dans une rébellion permanente contre le sommet de l’organisation. Les #fonctionnaires ont beaucoup à surmonter pour s’engager dans cette rébellion. Pour les #citoyens, en revanche, c’est plus facile. Et la révolution numérique, rappelons-le, fait rentrer les utilisateurs de l’extérieur à l’intérieur des organisations. Ceux qui se rebellent en premier contre les sous-performances numériques de l’administration, ce sont les administrés eux-mêmes !
3/ La troisième conclusion, c’est qu’on n’y arrivera pas de sitôt – donc qu’un régime intermédiaire est nécessaire.