Quid de l’Ukraine face à la tyrannie des marchés ? (Ph. Béchade)

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  • Quid de l’Ukraine face à la tyrannie des marchés ? (Ph. Béchade) | Olivier Demeulenaere – Regards sur l’économie
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    ▪ En éteignant mes écrans boursiers vendredi dernier, je suis parti avec une boule au ventre. Compte tenu des menaces occidentales dont les conséquences étaient annoncées terribles, les actionnaires russes (et tout le monde sait que l’économie locale repose sur eux) risquaient de vivre un second Lundi noir après celui du 4 mars.

    Alors que florissaient en Occident des commentaires dignes des riches heures du maccarthysme à propos des sombres manoeuvres de l’Empire du Mal soviétique, le scrutin ukrainien se préparait dans le calme et sans incidents.

    Et malgré un résultat massif en faveur du rattachement à la Russie (96% et des poussières), je n’ai même pas entendu un dirigeant occidental dénoncer un scrutin truqué.

    Pas trace de flagrantes irrégularités, de bourrage des urnes, d’intimidation des votants : c’est un vrai scandale, les autorités locales n’ont même pas respecté — par anticipation — les mauvaises pratiques qui entachent la plupart des élections en Russie.

    On peut imaginer le pire : le Kremlin s’inspirant du vote en Crimée pour semer la confusion chez les Occidentaux… où le résultat négatif des consultations concernant les traités européens a été allègrement ignoré (mais ça c’est parfaitement légal) par les élites de Bruxelles.

    ▪ Pas de Lundi noir à la bourse de Moscou

    Quoi qu’il en soit, à Moscou, l’indice Micex (libellé en rouble) a bondi de 3,75%. Le RTS pour sa part (libellé en dollar) a grimpé de 4,9% après une chute de 28% depuis le 1er janvier.

    Le rouble lui-même a rebondi de 1,5% après avoir chuté de 12% face à l’euro en 10 semaines. Il valait 50,6 pour un euro et 36,30 pour un dollar. Les sherpas des marchés n’ont donc pas déclenché de grande offensive contre la devise russe — ce qui aurait induit un risque d’inflation massive alors que cette dernière dépasse déjà les 5%.

    Mais aussi et surtout, cela aurait pu conduire Moscou à sauter sur l’occasion de vendre massivement du dollar… et créer comme promis de fortes turbulences sur le Forex (marché des changes). En s’attaquant aux actifs russes, les Occidentaux prendraient le risque de subir un effet boomerang dévastateur.

    Car si les actionnaires russes n’ont plus grand-chose à perdre en cas de turbulences des marchés, il n’en va pas de même des détenteurs d’un portefeuille boursier à Wall Street, alors que tous les indices américains flirtent avec la stratosphère.

    Revenons donc sur Terre, comme les marchés financiers lundi. Les russophones de Crimée ont d’abord voté en faveur d’un attachement historique et quasi-charnel avec la Russie. Cela plutôt qu’en faveur d’un système économique florissant et politiquement démocratique où le peuple de la péninsule aurait davantage son mot à dire que sous la férule de Victor Ianoukovitch.

    ▪ Un dossier définitivement refermé ?

    Le scrutin de dimanche ne saurait occulter le problème des Tatars de Crimée (12% de la population) qui ont massivement boycotté le referendum. Leur principal représentant, Moustafa Djemilev, a répété à Vladimir Poutine qu’il reconnaissait la légitimité du nouveau pouvoir ukrainien (contrairement au maître du Kremlin) et n’entendait se soumettre qu’aux décisions de Kiev… qui de son côté ne cesse de marteler que le vote du week-end reste illégal et son résultat juridiquement nul.

    Malgré des protestations occidentales de pure forme, la Douma devrait dès ce mardi entériner le rattachement de la Crimée à la Fédération russe… et le rouble a été institué dès hier comme seconde monnaie officielle de la province.

    Tout ceci est évidemment scruté avec beaucoup d’attention dans les autres provinces russophones d’Ukraine, dont certaines ne reconnaissent pas non plus l’autorité politique et fiscale de Kiev.

    Les marchés quant à eux font comme si le dossier ukrainien se refermait avec la reconnaissance tacite par les Occidentaux de la souveraineté russe sur la Crimée… et comme si le risque de sécession d’autres provinces n’existait pas.

    Les toutes premières mesures prises par le Parlement de Kiev — confronté à une situation de quasi-faillite du pays — risquent de ne pas faire l’unanimité dans les provinces de l’est (où sont implantées de nombreuses usines d’armement appartenant à la Russie) : retraites divisées par deux, arrêt des subventions aux mines de charbon, hausse immédiate du prix de l’énergie.

    Un tyran a été chassé… mais la propagande russe aura tôt fait de convaincre les russophones de ne pas se plier à la tyrannie des marchés. Ces derniers tiennent le pays à la gorge et peuvent lui imposer n’importe quelle mesure visant à « rassurer » les créanciers. Sans parler de l’or ukrainien, qui s’est déjà envolé vers les Etats-Unis et qui n’est pas près de réintégrer les coffres de la Banque centrale à Kiev.

    Le jour où Vladimir Poutine dénoncera « le vol de l’or du Peuple » par les Occidentaux, vous pouvez être à peu près certain que l’embrasement de la situation et le processus de partition de l’Ukraine sera engagé. Les marchés cesseront alors de faire comme si de rien n’était, mais gageons que les initiés n’oublieront pas de vendre alors que les médias claironnent que « tout va bien ».

    Alors surtout, continuez de vous fier au comportement de l’or et de l’argent-métal plutôt qu’à celui du CAC 40 ou du S&P 500 : ce qui se passe sur les métaux précieux est beaucoup plus parlant que les stratégies cachées mises en oeuvre par les stratèges de Wall Street via les dérivés d’actions.

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