• [#INED] Population et Sociétés
    http://www.ined.fr/fr/ressources_documentation/publications/pop_soc/bdd/publication/1541

    Les mariages forcés sont-ils fréquents en France ? Baissent-ils ou augmentent-ils ? Qui sont les personnes concernées ? Aucune #enquête quantitative récente ne permettait jusqu’alors de répondre. C’est désormais le cas avec l’enquête Trajectoires et Origines de l’Ined et l’Insee dont Christelle Hamel nous donne ici les premiers résultats concernant les femmes immigrées et les filles d’immigrés.

    Bouscule beaucoup d’idées reçues sur la question du mariage forcé chez les immigrés et filles d’immigrés.

    Le PDF est là :

    http://www.ined.fr/fichier/t_publication/1541/publi_pdf1_479.pdf

    Quelques idées fortes :

    – Les mariages non consentis ne concernent qu’une faible partie des filles d’immigrés (1 à 2% selon l’âge, contre 0 à 3% dans la « population majoritaire »)
    – Leur nombre diminue fortement avec l’âge des femmes interrogées et selon s’il s’agit d’immigrées ou de filles d’immigrées
    – Le niveau d’instruction des parents (surtout) et le pays d’origine (un peu) ont une influence sur le phénomène
    – Chez les filles d’immigrés dans la moitié des cas les mariages non consentis font suite à une relation ou à une grossesse prémaritale non tolérés par les parents
    – Dans plus de la moitié des cas le mariage non consenti a lieu avec une « personne de la population majoritaire »

    On est donc très loin de l’image de mariages forcés nombreux visant à forcer les filles à épouser des personnes de même religion ou de même origine.

    #immigration #mariages_forcés

    • C’est intéressant. Mais toujours cette question de méthodologie : comment sait-on qu’un mariage est forcé ?

      Dans l’enquête, c’est décrit par les questions : à la fois une déduction des questions, et une question explicite :

      Deux questions posées aux femmes et aux hommes explorent la décision de se marier. La première est :
      Qui a pris l’initiative de votre mariage ?, avec cinq réponses possibles : 1/ Vous-même ; 2/ Votre conjoint ;
      3/ Vous deux ensemble ; 4/ Vos parents ou vos beaux-parents ; 5/ Une autre personne de votre famille. Cette question permet de déterminer dans quelle mesure
      la personne enquêtée a individuellement formulé son désir de se marier.
      Lorsque la personne enquêtée n’a pas elle-même pris l’initiative du mariage (réponse 2, 4 ou 5), une seconde question précise son degré de consentement :
      Diriez-vous qu’à l’époque... 1/ Vous vouliez vraiment vous marier ; 2/ Vous vouliez vraiment vous marier mais vous auriez préféré plus tard ; 3/ Vous ne vouliez pas vous marier et vous y avez été obligé par des pressions familiales.
      Les modalités du choix du conjoint sont repérées par une question sur le lieu de rencontre du partenaire : par des « relations familiales » ou une « fête de famille » ; par le travail ou le lieu d’études, par des amis, dans un lieu public ou un autre contexte.

      Et le déclaratif sur une question aussi intime, c’est assez limité : on peut très bien avoir un mariage non consenti, et avoir également intégré qu’il ne faut pas le dire, parce que c’est socialement très dévalorisé. Parce qu’on a là des pourcentages très faibles.

      Ce que je veux dire, c’est qu’il me semble toujours y avoir un risque de mesurer non le nombre réel de mariages non consentis, mais la tolérance sociale (dans chaque milieu) au mariage non consenti. (On arrive à 0% de mariages non consentis, et seulement 2% de mariages acceptés mais consentement altéré chez les femmes de la « population majoritaire » de moins de 30 ans - une telle libération de la femme est sans doute admirable, mais on peut aussi se demander si on ne mesure pas là le fait qu’une femme française de moins de 30 ans aurait vraiment très très honte, aujourd’hui, de reconnaître avoir cédé à la pression de sa famille pour se marier).

    • Ta remarque est tout à fait pertinente, et j’en ajouterais une autre : il est certainement beaucoup plus facile de déclarer que son mariage n’a pas été consenti quand on s’est séparé que quand on est encore marié avec la personne en question (pour diverses raisons).

      Du coup quand l’enquête dit que les deux tiers des filles d’immigrées mariées contre leur gré avaient divorcé à la date de l’enquête, ça peut être aussi un artefact de ce phénomène : on déclare moins facilement qu’un mariage est forcé quand on est toujours dans ce mariage.

      Cela dit, malgré les imperfections de l’enquête je ne vois pas trop quel autre moyen pourrait être utilisé pour approcher ce phénomène, et elle a au moins le mérite de montrer que les clichés sur les mariages forcés massifs pour raison communautaire ou religieuse ne tiennent pas la route.

      Autre point en faveur de l’enquête : les situations intermédiaires (mariage initié par la famille ou accepté alors qu’il aurait été souhaité plus tardif) varient de manière très semblable à celle du mariage non consenti. Donc en terme de comparaison des chiffres entre les différentes catégories je dirais que c’est plutôt un bon point pour l’enquête.

    • Céder à la pression et ne pas avoir le choix du tout ce n’est pas exactement la même chose tout de même (ce qui ne change rien au reste et à la pertinence des remarques cela dit).