Le génocide au Rwanda raconté par un humanitaire français
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LE SILENCE DE LA FRANCE
Les Nations unies et les ambassades étrangères se refusent elles aussi à employer le terme qui, conformément à la Convention sur le génocide de 1948, sous-tend une obligation légale à intervenir contre les génocidaires. Quand il rentre en France, fin avril, Jean-Hervé Bradol multiplie les plateaux télévisés pour appeler à une intervention internationale. « Les Nations unies étaient complètement dépassées. Elles n’avaient ni la volonté ni les moyens. Les casques bleus avaient été réduits à 270 hommes. On ressentait une sorte d’abandon », s’explique Jean-Hervé Bradol.
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A la télévision, comme plus tard devant la mission d’enquête parlementaire, M. Bradol dénonce « les responsabilités écrasantes de la France », alliée du pouvoir hutu, qui « finance, entraîne et arme » l’armée rwandaise. « On était très surpris en juillet 1993 de voir les militaires français participer aux points de contrôle routiers sur les grandes routes qui sortaient au nord de Kigali. Quand les casques bleus sont arrivés en novembre, les militaires français contrôlaient l’aéroport », raconte-t-il. Lorsqu’il rencontre en mai des responsables français de l’Elysée, M. Bradol supporte mal leur « déni de la radicalité des autorités » et leur « satisfecit » de ce qu’ils présentent comme la « mission pacificatrice et démocratique » de la France, principal artisan des accords d’Arusha. Alain Juppé, ministre des affaires étrangères, sera le premier à employer publiquement, le 15 mai, le terme « génocide ». L’Assemblée nationale française et les Nations unies l’enjoignent peu de temps après.
Quand, le 14 juin, Jean-Hervé Bradol rencontre avec d’autres responsables de MSF le président François Mitterrand, ce dernier acte le changement de la position française. Le président leur présente le gouvernement intérimaire comme « une bande d’assassins » et leur confie ses difficultés à contrôler la veuve du président rwandais, Agathe Habyarimana. « C’était un revirement de dernière minute, une condamnation politique de leurs anciens alliés mais, dans les actes, il ne s’est pas passé grand-chose », commente M. Bradol. Le président a décidé de monter l’opération humanitaire « Turquoise », pour secourir les victimes. « On demandait une intervention des Nations unies, avec des casques bleus, sous chapitre VII, pour confronter les génocidaires les armes à la main, fustige-t-il. C’était inapproprié et grave de choisir la neutralité. Ils auraient au moins pu sauver les derniers. »