• Compte-rendu du procès d’Amal Bentounsi - 7 avril 2014 - Paris-Luttes.info
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    J’aimerais dire que j’aurais préféré ne pas être là, j’aurais préféré ne pas penser ce que je pense et ne pas vivre ce que je vis. Mon frère El-Yamni Wissam est décédé suite à une arrestation policière le 1er janvier 2012 à Clermont-Ferrand. Il y avait de nombreux témoins, près d’une dizaine, qui affirment que mon frère s’est fait lyncher par 25 policiers. Il a été retrouvé le pantalon au niveau des chevilles, avec des traces de strangulation au cou. Son corps nous a été rendu six mois après, en putréfaction, parce qu’ils ne l’ont pas conservé dans le froid. Ca fait deux ans et demi, et les policiers sont toujours en service dans ce commissariat là, et personne n’en parle. Pour ce qui est d’Amal, j’aurais préféré ne pas le dire, ne pas le penser, mais mon expérience, avec tout ce qui s’en est suivi, avec tout ce que je vois, toutes les affaires, m’amène à penser que ce qu’elle dit est vrai.

    Alors effectivement, ça choque tous les paradigmes, ça choque ce qu’on aurait aimé penser, parce qu’on aurait aimé vivre dans une société égalitaire, dans une société fraternelle, mais ce n’est pas le cas [...] Et j’aimerais vous dire quelque chose, ce qui m’embête aussi, c’est que je sais pertinnement que dans notre affaire, comme dans d’autres affaires, ils ne vont rien avoir. On me l’a dit dés le début, je n’y croyais pas, je faisais confiance à la justice, c’est la première fois que je suis devant un tribunal, je n’ai jamais eu affaire à la Justice. Je faisais confiance, et ça m’a coûté en amitiés, ça m’a coûté en pas mal de choses. Malgré ma haine, malgré ma colère, j’ai essayé de faire confiance, mais tout m’amène à penser que ce n’est pas vrai [...] Ce qu’Amal dit, c’est brut, mais lorsqu’on va à la racine des choses, à partir de toutes les affaires, on pourrait faire un théorème à partir de ce qu’Amal dit, expliquer l’ensemble des faits. Ce qu’elle dit est presque un euphémisme par rapport à tout ce qu’on a vécu, par rapport à tout ce qu’on a dit, parce qu’on a dit aussi de très bonnes choses, on a essayé de tendre la main, de vouloir que la Justice soit ce qu’elle prétend être. Mais à chaque fois, on s’aperçoit que systématiquement, la réalité ne contredit pas les propos d’Amal. Ce qu’elle dit est presque un axiome qui explique tout ce qui se passe.

    On est sur des affaires judiciaires où c’est à nous d’enquêter, où c’est à nous d’apporter les preuves. Les juges d’instruction ne font rien du tout, le procureur ment. Le procureur est parti devant la presse pour dire que les marques que mon frère avait au cou étaient dues à des frottements de vêtements, un enfant n’y croirait pas. Un enfant n’y croirait pas ! On en est là

    Et là j’en appelle à votre conscience. Amal est une victime, la Justice est là pour les victimes. Nous sommes les victimes et nous sommes traités commes des agresseurs. Au début on s’est dit qu’on allait faire confiance à la Justice, on aurait préféré vous faire confiance, on aurait préféré ne pas être là où on en est. Mais vous nous forcez, vous nous forcez à agir comme ça.