*Le Gardasil® en 10 questions-réponses* Par Joël Pelerin et Philippe de Chazournes, au nom de…

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  • #Papillomavirus : controverse sur un #vaccin
    http://www.lemonde.fr/sciences/article/2014/04/14/papillomavirus-questions-sur-un-vaccin_4401036_1650684.html

    A quoi servent ces vaccins ?

    Deux types de vaccins contre les papillomavirus humains (HPV) sont disponibles en France. Le #Gardasil est commercialisé depuis novembre 2006 par le laboratoire franco-américain Sanofi Pasteur MSD (Merck), avec 85 % de part de marché, et le #Cervarix, du laboratoire britannique GlaxoSmithKline (GSK), depuis 2007. Les HPV sont des infections fréquentes transmises par contact sexuel qui disparaissent spontanément dans la majorité des cas. Treize types de HPV sont hautement cancérigènes, dont les sous-types HPV 16 et 18 – inclus dans les vaccins –, responsables de deux tiers des cancers du col de l’utérus induits par ces virus. Les HPV sont aussi associés à d’autres cancers (pénis, anus, larynx…). Avec 3 000 nouveaux cas estimés en 2012, et 1 100 décès, le cancer de l’utérus se situe au 11e rang des cancers chez les femmes en France. Il est en revanche beaucoup plus fréquent dans les pays en voie de développement, faute de dépistage par frottis.

    La vaccination HPV n’est pas obligatoire, mais recommandée chez les filles de 11 à 14 ans, l’âge ayant été abaissé à 11 ans en avril 2013 par le Haut Conseil de la santé publique (HCSP). Un rattrapage est préconisé pour les jeunes filles de 15 à 19 ans non encore vaccinées. Point essentiel, cette vaccination doit être réalisée avant toute relation sexuelle. Jusqu’ici en trois doses, le schéma vaccinal est en voie de simplification à deux doses, sur la base d’études scientifiques.

    Ces vaccins ont-ils démontré leur efficacité ?

    Jusqu’ici, il n’y a pas de preuve directe que cette vaccination permette d’éviter les cancers du col de l’utérus. Le docteur Soizic Courcier, directrice médicale et des affaires réglementaires chez GSK France explique que « dans les études cliniques, ce n’est pas le cancer du col qui a été choisi comme critère d’évaluation car la lésion cancéreuse nécessitant en général 10 à 15 ans pour se développer/proliférer après une infection persistante à HPV, cela rend quasiment impossible la réalisation d’une telle étude. » La démonstration, si elle peut être faite, prendra de toute façon des années. Pour certains, les données existantes sont cependant déjà suffisantes. « Mise en œuvre dans des conditions optimales, cette vaccination prévient l’infection à papillomavirus et ses conséquences avec une efficacité proche de 100 % et constitue ainsi une mesure de prévention primaire du cancer du col de l’utérus et des lésions précancéreuses », écrit le professeur Olivier Graesslin, secrétaire général du CNGOF, sur le site de cette société savante. « Le vaccin réduit de façon drastique les dysplasies, les lésions précancéreuses du col de l’utérus. En combinant des stratégies de dépistage et de vaccination, ces cancers sont à 98 % évitables », estime ce gynécologue-obstétricien au CHU de Reims, qui ne déclare pas de lien d’intérêt avec les laboratoires concernés.

    Mais d’autres sont plus sceptiques. « Les vaccins anti-HPV n’ont pas prouvé leur efficacité, ils sont chers et ne dispensent pas de faire des frottis. De plus, il y a un doute sur leur innocuité. Si l’on doit faire des économies, autant dépenser l’argent de façon intéressante », estime Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des médecins de France, signataire de la pétition. Pour ce généraliste, « la seule stratégie qui ait fait reculer le cancer du col de l’utérus, c’est le dépistage par frottis. C’est sur ce dépistage, auquel échappe presque une femme sur deux en France, qu’il faudrait faire porter les efforts ». « II y a beaucoup d’inconnues et d’incertitudes sur l’efficacité de ces vaccins », confirme Alice Touzaa, gynécologue libérale à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), elle aussi signataire de la pétition, en rappelant que beaucoup de lésions précancéreuses du col utérin, même de haut grade, n’évoluent pas vers un cancer invasif. « Il existe des inconnues dans la modélisation du bénéfice, juge aussi le professeur Bernard Bégaud (département de pharmacologie médicale, Bordeaux). Par exemple, quelle est la probabilité que des souches de HPV non pathogènes et non incluses dans le vaccin deviennent cancérigènes ? Quelle est exactement la part attribuable des papillomavirus dans les cancers du col, et que sera-t-elle dans vingt ou trente ans ? » Des interrogations que ce spécialiste met en balance avec la relative rareté des cancers du col, leur évolution lente, et les possibilités de dépistage et de traitement précoces.

    La question de la durée de la protection n’est pas non plus résolue. « Mon argumentaire n’est pas fondé sur les effets secondaires, mais sur son efficacité et son coût très élevé au regard de l’alternative du frottis, bien moins cher et de surcroît le seul moyen pour éviter le cancer de l’utérus », explique le docteur Philippe de Chazournes.

    « Dire que ce vaccin est inefficace est de la désinformation », souligne toutefois le professeur Floret. Selon lui, il est « clairement démontré que ça prévient des lésions précancéreuses ». Autre critique récurrente, le prix : 370 euros pour trois injections, remboursées à 65 %, contre 15 à 20 euros pour un frottis annuel. Ce coût élevé avait été signalé par le rapport de la Cour des comptes sur la politique vaccinale en France en 2012.

    Quels sont les risques ?

    Depuis leur mise sur le marché, le Gardasil et le Cervarix font l’objet d’un plan de gestion des risques (PGR) à l’échelle européenne et d’un suivi renforcé de pharmacovigilance au niveau national. Le dernier bilan, rendu public par l’ANSM jeudi 10 avril, n’est pas inquiétant selon l’agence. Les données concernent uniquement le Gardasil, dont les ventes sont 20 fois supérieures à celles du Cervarix. Depuis sa commercialisation en 2006 et jusqu’au 20 septembre 2013, 5,5 millions de doses de Gardasil ont été vendues en France. Pendant cette période, 2 092 notifications d’effets indésirables ont été recensées par le centre de pharmacovigilance de Bordeaux, qui assure ce suivi ; dont 503 considérés comme graves, soit 24 %, et 4 décès. Le rapport fait en particulier état de 127 maladies auto-immunes, dont 17 cas de sclérose en plaques (SEP). Le pourcentage d’effets indésirables graves est plus élevé qu’aux Etats-Unis (24 % versus 7,9 %), de même pour la proportion d’atteintes neurologiques.

    Des chiffres a priori impressionnants, mais à interpréter avec précaution. « Ces événements ne sont pas forcément imputables au vaccin mais peuvent être observés chez des jeunes filles non vaccinées. Ces nouvelles données de surveillance ne remettent pas en cause le rapport bénéfice-risque de ce vaccin, commente le docteur Mahmoud Zureik, directeur de la stratégie de l’ANSM. A ce stade, les études publiées, robustes sur le plan méthodologique, ne mettent pas en évidence une fréquence plus élevée de maladies auto-immunes chez les filles vaccinées avec le Gardasil que chez celles qui ne l’ont pas été. Quant aux décès, dont le dernier remonte à plus de trois ans, la responsabilité du vaccin n’est pas établie. »

    Le docteur Zureik précise toutefois que l’ANSM lance une nouvelle étude, à partir des bases de données de l’Assurance-maladie de ces trois dernières années, pour comparer l’occurrence des maladies auto-immunes et de SEP chez les jeunes filles vaccinées ou non. Les résultats devraient être disponibles d’ici la fin de l’année. « La première étude menée en France sur ce sujet ne montrait pas de sur-risque mais elle était préliminaire. Il faut la consolider, avec une méthodologie dans les règles de l’art », poursuit l’épidémiologiste.

    Une démarche qu’approuve le professeur Jean-Marc Léger (neurologue, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris). « La question posée est celle d’un lien direct, de cause à effet, entre une vaccination et l’apparition de maladies auto-immunes, dont la SEP. Comme dans le cas du vaccin contre l’hépatite B, seules des études scientifiques indépendantes peuvent y répondre, explique-t-il. Les lanceurs d’alerte sont utiles, mais il faut rester prudent face à des cas individuels médiatisés et revenir à la science. »

    Les plaintes ont-elles une chance d’aboutir ?

    Les effets secondaires attribués aux vaccins suscitent en France des actions en justice. La première plainte au pénal a été déposée en novembre 2013 par maître Jean-Christophe Coubris, l’avocat de la famille de Marie-Océane Bourguignon, 18 ans, qui a développé une inflammation du système nerveux après une injection de Gardasil (Le Monde du 24 novembre 2013). Les experts de la commission de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux de Bordeaux avaient conclu à « une sclérose en plaques » et fait le « lien entre les deux injections de Gardasil et la survenue » de la maladie de l’adolescente. Jean-Christophe Coubris a reçu à ce jour une centaine de témoignages de victimes présumées. Parmi les pathologies les plus fréquemment évoquées figurent la SEP, le lupus, des inflammations du système nerveux central, etc. Vingt-cinq nouveaux dossiers devraient être déposés auprès du parquet du pôle de santé du tribunal de grande instance de Paris fin avril, contre Sanofi Pasteur MSD et l’agence du médicament (ANSM) pour « blessures involontaires, violation d’une obligation manifeste de sécurité et méconnaissance des principes de précaution et de prévention », précise Jean-Christophe Coubris.

    Parallèlement, neuf autres victimes potentielles du Gardasil ont elles aussi déposé plainte contre X en décembre 2013 pour « atteinte involontaire à l’intégrité physique et tromperie aggravée » au tribunal de Bobigny (Seine-Saint-Denis). Ces jeunes femmes avaient en commun d’avoir contracté des maladies très invalidantes dans les semaines et les mois qui ont suivi la vaccination, souligne maître Camille Kouchner, leur conseil.

    « Nous avons privilégié la plainte contre X car il y a beaucoup d’intervenants et il faut chercher la responsabilité de chacun. Je ne suis pas du tout dans une politique antivaccins, mon combat c’est le Gardasil », précise la fille de l’ancien ministre de la santé. Elle a reçu à ce jour une cinquantaine de demandes de dépôt de plainte et doit en déposer cinq à dix dans les semaines à venir au tribunal de Bobigny.

    Faut-il vacciner ses enfants ?

    Alors que la vaccination des jeunes filles fait débat, le fabricant du Gardasil défend depuis le début l’idée d’inclure les garçons, pour prévenir certains cancers masculins et pour diminuer la circulation des HPV. Pour l’instant, seuls les Etats-Unis recommandent de le faire. « Il y a forte pression du laboratoire, mais un obstacle au niveau de l’Agence européenne du médicament [EMEA] car l’efficacité protectrice du vaccin n’est pas reconnue pour les cancers anaux, encore moins pour les cancers oropharyngés », explique Daniel Floret, sceptique sur une vaccination des garçons. Sanofi Pasteur MSD a déposé de nouvelles études à l’EMEA, qui devrait rendre une décision prochainement.