Manuel Valls relance la machine infernale

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  • Europe : Manuel Valls relance la machine infernale
    http://www.latribune.fr/actualites/economie/union-europeenne/20140418trib000825944/europe-manuel-valls-relance-la-machine-infernale.html

    La logique de cette politique est la suivante : libérer des capacités budgétaires pour « améliorer la compétitivité externe » du pays par une baisse des charges. Une logique nettement plus franche que celle des précédentes, notamment celle du CICE puisque les marges budgétaires se font non pas sur un alourdissement de la fiscalité qui rendait de fait le CICE moins performant, mais sur la baisse des dépenses publiques. C’est donc clairement une accélération dans cette stratégie qu’il faut bien qualifier de « dévaluation interne. »
    (…)
    L’ennui, c’est que cette voie semble bien peu adaptée à son économie. Davantage désindustrialisée que l’Espagne et l’Italie, la France aura bien plus de mal à « profiter » de l’effet positif de l’amélioration de sa compétitivité externe, alors que la pression sur la demande interne jouera très nettement de façon négative. Le cas des exemples de 2010-2011 est frappant : l’Irlande, très fortement industrialisée a ainsi retrouvé beaucoup plus rapidement la croissance que la Grèce, peu industrialisée et peu tournée vers l’exportation. La facture sociale et économique est très différente dans les deux cas. Bref, cette stratégie de simple amélioration de la compétitivité coût ne semble pas la plus adaptée à la France. Si l’on en voulait une preuve, on pourrait observer le coût moyen horaire du travail dans l’industrie manufacturière. Selon Eurostat, ce coût, entre 2010 et 2013 a progressé de 6,7 %, contre 8,9 % en Italie et 9,9 % en Allemagne. Et pourtant, ce ne sont pas les exportations qui ont maintenu l’économie française hors de l’eau durant cette période.
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    Cela ne vous rappelle rien ? Mais si, bien entendu ! C’est la même logique que celle des dévaluations compétitives des années 1970-90. Celles dont l’euro était censé nous prémunir pour le restant de nos jours. Et ces dévaluations internes sont tout aussi dangereuses que les dévaluations externes, car elles produisent potentiellement de la déflation. Un phénomène dont il est très difficile de sortir. D’autant qu’elle est alimentée par la compétition interne à la zone euro et que l’arme budgétaire est inexploitable (souvenez-vous du pacte budgétaire et de sa « règle d’or »). Certes, il peut y avoir des effets positifs, notamment sur les investissements étrangers. Mais ce sera un phénomène lent (là aussi la concurrence va jouer à plein) et pour réindustrialiser la France, il faudra beaucoup de temps et une baisse très marquée du coût de production.

    La route sur laquelle Manuel Valls vient de faire accélérer la France est donc une route sinueuse et extrêmement dangereuse. Certains estiment que le contre-feu de la BCE pourrait venir apaiser ce danger. Sans doute en partie, mais il ne règlera pas la question de la compétitivité interne à la zone euro et la nécessité de baisser les prix. Face à une telle machine infernale, Mario Draghi devra choisir un outil efficace pour agir non seulement sur l’euro, mais aussi, et puissamment, sur l’investissement. Il n’est pas certain qu’il en ait à sa disposition et l’on a vu que l’effet au final risque d’être peu probant. Et pendant ce temps-là, les dégâts sur les sociétés européennes de cette politique de contraction de la demande interne continueront de saper les systèmes politiques, rajoutant du risque au risque. Plus que jamais, l’Europe doit réagir face à cette logique. Mais le peut-elle ?

    La Tribune, en la personne de Romaric Godin, est modérément convaincue par le plan Valls et d’un optimisme tout relatif…