_Radicalité. 20 penseurs vraiment critiques_, coordonné par Cédric Biagini, Guillaume Carnino et…

#message247283

  • Sérieusement, il est vraiment indispensable d’écouter cette émission, en complément à la lecture du livre Vivre avec les animaux. Une utopie pour le XXI siècle paru à La Découverte.
    Je sais pas, par exemple, ce que pensent les contributeurs et contributrices (usager-e-s ?, merde, comment on se nomme ?) de Seenthis autour du véganisme et du végétarisme, mais Porcher tranche clairement, en soulignant non seulement la dimension de classe de cette option, mais aussi son caractère barbare : voulons d’un monde humain sans animaux ?

    http://www.franceculture.fr/emission-terre-a-terre-vivre-avec-les-animaux-2013-10-19

    Vivre avec les animaux

    Avec Jocelyne Porcher, chargée de recherches à l’Inra (département Sciences pour l’Action et le Développement). Ses travaux portent sur la relation de travail entre les humains et les animaux en élevage.

    • Ce que je pense de l’élevage et du véganisme pris sous l’angle de la permaculture est disponible dans mes billets de blog ici : http://madeinearth.wordpress.com/tag/vegetarisme

      Je pense qu’on n’a pas fini de parler du véganisme. On se rappelle tous des films de SF où les gens vivent dans des technopoles-mondes coupées du reste du monde vivant, en recyclant tout, en mangeant un peu synthétique, et où les braves gens libres ont fui dans des zones intermédiaires (souvent le dehors -soit-disant- pollué) et vivent de braconnage et de vol. Bienvenu dans un futur possible et vegan-compatible. Je ne fais pas un procès d’intention, je pense juste que le véganisme peut être repris très facilement par les élites pour nous mettre dans des techno-bulles, et que ça soulève peut être des problèmes sous-jacents au véganisme. Je vois très bien la vision qu’ont les permaculteurs et permacultrices par exemple : des villes remplies de jardins et de fruitiers, des campagnes repeuplées, des paysages merveilleux de beauté et d’abondance. La vision des végan⋅e⋅s, je l’ai jamais vue et pourtant j’ai cherché. Dans Meat A Begnin Extravagance, Fairly essaie justement de voir où ça pourrait mener, et il tombe sur ce dont j’ai parlé plus haut, car si tu ne peux plus agir sur les forces naturelles animales (chasse, régulation, espaces tampons d’élevage, etc), alors pour empêcher tout le monde vivant de venir manger tes salades, il faut construire une barrière, qui sera autant physique que mentale, et à lire des tas de vegan⋅e⋅s, le sauvage est un concept abstrait depuis leurs chaises dans leurs appartements dans leurs villes.

    • J’ai lu ton lien @koldobika,
      ça me rappelle quelque chose qui me gêne chez les vegan⋅e⋅s, c’est cette notion d’exploitation. J’ai l’impression que les relations acceptées entre les vegan⋅e⋅s et les animaux, c’est soit l’indifférence, soit une relation unilatérale de l’humain⋅e vers l’animal (mais laquelle ?). Le point extrême étant ce végan qui soutenait qu’il pouvait tuer des moustiques car il n’y avait pas d’exploitation (mais bon, c’est pas représentatif). Comme si l’animal ne devait rien nous apporter, ou ne pouvait rien nous apporter.

    • Oui il y a visiblement cette absence de la notion de co-création entre animal et humain chez les vegans, et un tabou sur le fait de tuer, et je pense que tant qu’ils ne sortiront pas de cette vision ils laissent effectivement prise à une indutrialisation croissante.
      Les véganes que je connais sont plus intersectionnelles l’une d’entre elles développe pas mal de choses en permaculture/végéculture et passe beaucoup de temps seule en forêt, mais si j’en juge ce que tu as vu dans des discussion de végans son approche semble minoritaire.

      Cela dit ça me semble intéressant de relever parallèlement certains manques de clarté ou incohérences chez Jocelyne Porcher. ça aide à affiner les réflexions

    • Aude V (@aude_v) :

      Merci @nicolasm de mettre chaque fois en rapport ces mini-utopies avec les pratiques agricoles, ça remet les pieds sur terre

      Ça me fait (encore) penser à un passage du bouquin de Fairly, où il cite un des pontes du mouvement abolitionniste, #Peter_Singer :

      But what is most revealing about Singer’s coverage of pests is the tiny proportion of his book which he devotes to them – just one page, compared with an entire chapter on factory farming and another chapter on vivisection. Pests, in Singer’s view are a side issue: this is how he introduces the subject:

      """It is possible to think of more unusual cases in which there is a genuine clash of interests. For instance, we need to grow a crop of vegetables and grain to feed ourselves; but these crops may be threatened by rabbits, mice, or other ‘pests’.""""

      Unusual? Rabbits, mice and other pests? Far more rodents have died as a result of traps, poisons or targeted anthropogenic disease, than have ever been killed in the laboratories he campaigns against. Singer seems blissfully ignorant about the perils of growing vegetables. Virtually every herbivore in the animal kingdom, from slug and carrot fly up to deer and wild boar, has long since sussed out that humans are more proficient at growing tasty food than nature is, and all do their utmost to partake of the feast.

    • Je suis peut-être naïf mais pour ma part je crois qu’il peut exister une réflexion sur l’élevage et des remises en question qui ne soient pas industrielles et libérales, qui réfléchissent en termes d’écoumène et qui ne posent pas de tabou sur le fait de tuer. Je repense à ce que disait @rastapopoulos sur un autre sujet ici http://seenthis.net/messages/247094#message247283

      Mais je reste quand même sur ma position qu’on peut être anti-industriel, et anti-libéral ET être pro-féministe, pas anti-homo, etc.

      Ces remises en questions non-industrielles et non-libérales sont peut-être minoritaires, elles ne font peut-être « même pas partie du tableau », elles ne me semblent pas pour autant à jeter avec l’eau du bain.
      Le ressenti que j’ai parfois c’est, en forçant un peu le trait, « Tu veux faire des systèmes agricoles résilients ? Elève des vaches et bousille ta santé et ta vie familiale comme tes ancêtres, de toute façon t’as pas le choix c’est ça ou soleil vert ». Cette alternative infernale (comme dit Isabelle Stengers) me fait moyennement envie.

    • @koldobika :

      Les véganes que je connais sont plus intersectionnelles l’une d’entre elles développe pas mal de choses en permaculture/végéculture et passe beaucoup de temps seule en forêt, mais si j’en juge ce que tu as vu dans des discussion de végans son approche semble minoritaire.

      Ah oui elles ont l’air plus intéressantes que les végan⋅e⋅s que je lis ou avec qui je « discute » sur internet.

    • @koldobika :

      Je suis peut-être naïf mais pour ma part je crois qu’il peut exister une réflexion sur l’élevage et des remises en question qui ne soient pas industrielles et libérales, qui réfléchissent en termes d’écoumène et qui ne posent pas de tabou sur le fait de tuer.

      Oui, mais je vois cette réflexion dans le milieu permaculture, mais pas dans le milieu vegan, car ça me parait compliqué d’être végan⋅e et de ne pas remettre en question le fait de ne pas tuer les animaux (car souvent c’est mal, et même si, c’est de l’exploitation s’ils sont d’élevage).

      Perso cette remise en question je la trouve dans l’élevage par défaut défini dans un rapport de la FAO, bien développée dans le bouquin de Fairlie et plus largement en permaculture, et que j’évoque ici : http://seenthis.net/messages/220316

      En gros on prend la question à l’envers : plutôt que de savoir combien on doit produire pour satisfaire notre appétit (ou celui du marché) de X kg de viande par tête et par an, de poser la question du rôle des animaux domestiques, de leur intégration, de mode de production, et ensuite en déduire une quantité possible de viande par individu. Mais dans les commentaires de ce billet, tu penses que ce n’est pas suffisant. Si un jour tu as l’envie et le temps de développer, ça m’intéresse. Pour moi l’élevage par défaut c’est le bon paradigme de l’élevage, après effectivement on peut faire des retouches (ou plus pour toi peut être).

    • Aude V (@aude_v) :

      « madame, il fait rien qu’à manger de la viande exprès devant moi, il est végéphobe ! »

      D’ailleurs c’est marrant que ce terme, végéphobie, soit aussi présent dans les écrits végans. J’imagine bien que ce doit être difficile de se faire railler par des imbéciles à longueur de journée, mais je ne sais pas si cette antipathie est différente de celle pour la décroissance par exemple. Même si on ne dit rien, notre comportement est pris comme une insulte par les autres, et ça me frappe à chaque fois de voir les réactions des gens quand ils apprennent qu’on n’a pas la télé ou le frigo (du genre « moi je pourrais pas parce que insérer-une-raison-bonne-ou-mauvaise »). Mais ça montre bien le reprise par le mouvement de plein de codes qui ne leur appartiennent pas, comme le fait de présenter le #carnisme à part égale avec le sexisme, l’esclavagisme ou le racisme, et donc de calquer les réactions contre elleux comme du une xénophobie anti-végan⋅e

    • @aude_v

      alors les 47 VoKü véganes de Berlin, à la limite, on s’en branle, c’est pas d’illes qu’on parle, c’est d’un monde Soleil vert avec des barrières et un être humain qui ne se trouve pas de rapport plus sain avec son milieu que la coupure absolue !
      [...]
      Oui, il y a une dimension sociale à ce mépris (et non, ça veut pas dire qu’on accuse la jolie végane avec les dreads d’être bourge, elle fait même pas partie du tableau)

      de façon symétrique on pourrait dire à propos de ce qu’est la producton actuelle de viande : alors les quelques éleveurs de vache Aubrac sur leurs pâturages, à la limite, on s’en branle, c’est pas d’illes qu’on parle, c’est d’un monde sans forêt avec des champs de soja à la place et un être humain qui ne se trouve pas de rapport plus sain avec son milieu que son remplacement absolu par des cultures fourragères !
      [...]
      Oui, il y a une dimension sociale à ce mépris (et non, ça veut pas dire qu’on accuse le Mimile cantalou avec sa moustache d’être un surconsommateur viandard, il fait même pas partie du tableau)

      Ce que je veux dire par là c’est que le fait qu’une pratique soit menée par une minorité ne doit pas invisibiliser ou invalider la minorité en question.
      Tout le monde ici est d’accord sur le fait qu’il existe un élevage paysan (aujourd’hui minoritaire) avec un façonnement mutuel de l’humain, de l’animal domestiqué et des paysages, et qu’il serait absurde de le balancer dans le même sac poubelle que la production zootechnique de milliards de steaks pour le « modèle occidental » surconsommateur de tout dont la barbaque.
      De même il peut exister une réflexion végane qui ne passe pas par l’industrialisation généralisée et la coupure d’avec le milieu, et tout aussi minoritaire qu’elle soit elle n’est pas pour autant à balancer dans le même sac que les scénarios soleil vert.

    • sachant que je n’ai encore rien lu issu du milieu pour se démarquer des différentes initiatives capitalistes anti-viande

      Oui c’est clair que ça manque. ça se comprend assez bien sachant qu’une paysannerie végane n’a jamais existé dans nos contrées (mais elle a existé ailleurs notamment chez les Américains natifs), et que les gens d’origine paysanne chez nous conçoivent difficilement de passer à des modèles sans élevage. D’autant moins quand les zones où l’agriculture est encore un peu paysanne et pas trop industrialisée sont des zones de montagne où l’élevage est central.
      Du coup quasi personne ne développe encore ça en Europe et Amérique de Nord, et le véganisme se développe plus largement chez des urbains très peu liés au monde paysan, avec tout ce que ça implique en terme de coupure vis à vis de la production (la question n’est vue quasiment que du point de vue de la consommation) et de modèle de la #wilderness en lieu et place d’un véritable #écoumène paysan.

    • Ah oui tiens ça me paraissait bizarre des cultures amérindienness véganes mais tu parles plus d’agriculture/horticulture végane, ça semble plus plausible. Par contre tu as des exemples concrets car par exemple la fertilisation à base de têtes de poissons n’était pas anecdotique.

    • Je pense notamment aux maïsicultures avec courges et haricots du Sud des rocheuses et du Mexique (comme chez les Anasazis), aux polycultures horticoles des Appalaches (d’où nous vient le topinambour) et d’Amazonie (dont parle Hemenway).
      Ces systèmes comprenaient en parallèle la chasse et la cueillette, mais pas d’élevage.

    • Oui y a plein de bonnes choses dans les têtes de poisson (fer, phosphore, azote, soufre, magnésium, calcium...), mais faut pas en mettre trop au même endroit ça a tendance à attirer les rats.
      En termes absolus, aucune culture n’a eu d’alimentation végane, même l’Inde, dans la mesure où les oeufs et larves d’insectes contenus dans les épis de céréales ont toujours été consommés (même involontairement).
      http://seenthis.net/messages/273844#message273862