Le potentiel subversif du vote blanc

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    Dans un livre iconoclaste, La Lucidité, José Saramago soulignait le potentiel subversif du vote blanc. Dans une capitale imaginaire, les élections municipales ont eu un résultat déconcertant : « parti de droite, huit pour cent, parti du centre, huit pour cent, parti de gauche, un pour cent, abstentions, zéro, bulletins nuls, zéro, bulletins blancs, quatre-vingt-trois pour cent [4] ». En annonçant ce résultat, le premier ministre a le visage livide. Il a bien compris que « ces bulletins blancs qui ont asséné un coup brutal à la normalité démocratique (…) ne sont pas tombés du ciel et ne sont pas sortis des entrailles de la terre, ils ont séjourné dans la poche de quatre-vingt-trois électeurs sur cent dans cette ville, lesquels de leur propre main fort peu patriotique les ont déposés dans l’urne ». Cette « erreur » va être corrigée car il ne peut s’agir que d’un complot : l’état de siège est vite proclamé, les coupables pourchassés et la ville évacuée. Cette fable révélatrice de la violence de la « normalité démocratique » reste éloignée, cependant, de ce que l’on peut raisonnablement attendre du prochain décompte des bulletins blancs. On n’observe pas de révolution dans les pays étrangers ayant adopté cette mesure.

    voir aussi http://seenthis.net/messages/353751
    et aussi http://seenthis.net/messages/348865

    #élections #démocratie #démocrature

    • @monolecte @martin5

      Les bulletins blancs sont considérés comme votant mais non comme suffrages exprimés. Alors effectivement on peut rester frileusement dans sa tanière en attendant que les scrutins passent (et se ressemblent).
      sauf qu’ avec l’abstention, on ne sait ce qui s’exprime réellement : une négligence, un lendemain de gueule de bois, une inappétence à la vie citoyenne (dans le sens de celles ou ceux qui s’intéressent à la vie de la Cité) ou un ras-le-bol d’un système perverti jusqu’à la moelle ?
      Donc je persiste et signe en disant que si les abstentionnistes allaient voter blanc ou nul, on verrait mieux ce qui se profile à l’horizon. Ça aurait aussi le mérite de détromper le FN qui se croit de plus en plus le premier parti de France. Parce que dire que le premier parti de France est celui des abstentionnistes, alors là #je_me_marre

    • @Sombre Hermano

      J’ai été trop bref.
      Mais j’ai déjà tant envahi les commentaires des billets de Monolecte à ce propos par le passé...
      De mon point de vue, il m’importe surtout de ne pas jouer le jeu de croire exprimer quoi que ce soit de cette manière là, ni ce jour là.
      Je ne suis pas « abstentionniste » - ce sont les démocrates, les citoyen-ne-s, les électeurs, qu’ellils votent , blanc, nul, etc ; ou pas, qui me déclareront tel, au vu de ma non-participation à leur jeu, puisqu’ellils pensent en fonction des scrutins. Je m’y trouve pris aussi bien qu’elleux, mais il m’importe de me donner autant que possible la liberté de penser en dehors de ce jeu, et de regarder depuis là ce que j’y suis, ce qu’ellils y sont ,ce que nous y sommes tous.

      Je m’efforce de déprendre ma pensée du pouvoir et de son monde, qui l’ont conditionné comme celle de tout un-e chacun-e. Quant cette société qui m’a produit me demande mon avis, je me refuse donc à lui en faire part. Les questions qu’elle me pose m’intéressent assez peu, et je me réserve de communiquer mes éventuelles réponses à qui me semble approprié, sous la forme qui me convient, et quand cela me semble opportun.
      Aux politiciens, aux médiatiques, aux citoyens, je sais que n’ai rien à dire dans leur langue, selon leurs modalités.
      Je n’ai pas de ras-le bol, ni de désir ou de projet à exprimer que cette langue qu’ils ont en commun puisse me permettre de rendre de près ou de loin.
      Je sais assez bien qu’il n’y a rien à attendre d’aucun horizon vu avec ces oeillères là que nous ne subissions déjà que trop. Quand j’ai quelque chose à dire qui vaille la peine d’être partagé, je le fais donc autrement. Mais lorsque le Pouvoir de demande de m’exprimer, je me tais. Je ne suis pas « déçu » par le panel de valets qu’il nous propose Et je sais que je n’aurai pas plus la gueule de bois demain qu’hier !
      En fait, je me fiche à peu près complètement de savoir quel est « le premier parti de France ». Quand bien même ce serait celui d’ « abstentionnistes », qui, en retenant leur voix , s’accrochent encore à prétendre voir dans les élections des degrés de liberté qui ne s’y sont jamais trouvé.

      Par contre, il m’intéresse de comprendre pourquoi cette préoccupation là parvient à azimuter tant de mes semblables, comme il m’importe de comprendre pourquoi ellils tiennent à accepter de s’ « exprimer » librement... selon des modalités qu’on leur impose.
      Il faudra aux « abstentionnistes » de parti et aux fanatiques du vote blanc pris en compte penser beaucoup plus loin que la frustration de voir leur expression de dépit ignorée pour que nous puissions avoir une conversation !
      Un jour comme aujourd’hui, je me contente de m’efforcer de donner un petit peu à lire que l’on peut commencer de penser autrement, de sortir de ce paradigme captieux, et ne pas se laisser dicter sa pensée par le calendrier du Pouvoir.

      Il ne me semble pas y avoir d’enjeu plus important.

      Alors, en effet, on ne sait pas pourquoi les gens qui ne votent pas ne l’ont pas fait, et il est plus que probable que leurs raisons soient multiples. Tant pis pour les marges d’incertitudes des analyses politiciennes et pour les spéculations sur les vicissitudes du Pouvoir.

    • Je m’efforce de déprendre ma pensée du pouvoir et de son monde, qui l’ont conditionné comme celle de tout un-e chacun-e. Quant cette société qui m’a produit me demande mon avis, je me refuse donc à lui en faire part. Les questions qu’elle me pose m’intéressent assez peu, et je me réserve de communiquer mes éventuelles réponses à qui me semble approprié, sous la forme qui me convient, et quand cela me semble opportun.
      Aux politiciens, aux médiatiques, aux citoyens, je sais que n’ai rien à dire dans leur langue, selon leurs modalités.

      J’entends bien ce point de vue. Se démarquer du pouvoir et de son monde, parfait. Mais après avoir communiqué ton avis, tes réponses, sous une forme qui te sera propre, comment cela sera-t-il pris en compte ? Cela aura -t-il assez de force pour infléchir les mauvaises décisions qui auront décidées en « haut lieu » ?
      Je pense aux récents évènements du barrage de Sivens où les opposants auront été obligés de vider les lieux sous la menace de milices ayant toute l’approbation des cognes.
      Je n’ai jamais dit qu’une élection changerait quoi que ce soit dans la vie des citoyens de cette société. Mais que cela peut être aussi (mais pas que) une occasion d’exprimer à nos édiles le fait que ce sont des nuisibles et que leurs propagandes ne nous intéressent plus. Imaginons que 55 % des électeurs ait mis un bulletin blanc ou nul à l’occasion d’un scrutin, les maîtres du jeu et leurs valets médiatiques penseraient : « Merde, ils se sont déplacés pour nous signifier qu’ils ne croyaient plus à cette sinistre farce. ».

    • @Sombre hermano

      Mes excuses pour la longueur et le caractère sommaire et décousu de ce qui suit.

      En fait, je crois que je ne partage pas ces illusions :

      "comment cela sera-t-il pris en compte ? Cela aura -t-il assez de force pour infléchir les mauvaises décisions qui auront décidées en « haut lieu » ?"
      "une occasion d’exprimer à nos édiles le fait que ce sont des nuisibles et que leurs propagandes ne nous intéressent plus. "

      Je ne pense pas que cette dernière expression puisse être formulée lors d’une élection, ni être jamais audible des « édiles ». Je pense qu’on ne fait pas le déplacement jusqu’aux urnes sans croire un minimum, et alimenter inconsidérément sa propre croyance en la sinistre farce en question - certain-e-s qui « s’abstiennent » y croient encore, et persistent à donner un sens électoral à leur abstention.

      C’est à cette croyance là, à ce résidu élimé, plus qu’usé jusqu’à la trame, à cet ectoplasme citoyen qu’il me semble urgent de renoncer. Ce mythe démocratique me semble bien plus nuisible que les élus, puisqu’il agit de l’intérieur, à la racine, sur la capacité de penser, puisqu’il lui fournit une trame.

      De même, je ne tiens pas à ce que ma propre expression prenne une place qui excède trop la modeste matérialité de ma petite personne.
      Ce qui implique que je ne tiens pas à chercher à singer la grenouille de Lafontaine et à contribuer à infléchir quelque « décision en haut lieu » que ce soit. Il me semble que si un souhait ou un projet peut avoir un sens, c’est seulement celui de la disparition de ces « hauts lieux » où les décisions ne peuvent être que calamiteuses, pour ne pas dire pis, du simple fait de la hiérarchie sociale qu’ils impliquent.

      Et qu’un premier pas à ma portée pour amoindrir leur emprise est de refuser de penser et de me considérer moi-même en leurs termes, de considérer leurs termes comme autant d’armes employées contre moi. De refuser de parler leur langue. De leur refuser mon concours - ces hauts lieux n’existeraient pas s’ils n’avaient l’adhésion de tous ceux qui ne savent se plaindre d’eux que dans les formes admises, qui ne savent penser qu’avec eux.

      C’est le sort des humains dominés de voir leur pensée colonisée par celle de ce et celleux qui les dominent.

      Je ne peux évidemment pas aller détruire le Parlement, la bourse ou l’Elysée, et il faudrait aussi les détruire simultanément dans plusieurs dizaines de millions de têtes au moins pour qu’un tel acte puisse éventuellement produire un début d’effet intéressant.
      Mais je peux me défendre de la croyance en le fétiche démocratique quand je la rencontre dans la mienne, et m’efforcer d’agir en conséquence. En fait, il n’y a guère que là que je puisse espérer pouvoir le faire. Je n’ai pas le pouvoir de le faire dans d’autres têtes, et je ne cherche pas ce pouvoir.

      Je pense que le pouvoir est toujours un leurre mortel, que les « maîtres du jeux » sont d’abord et surtout les plus zélés de ses valets. (Je n’ai aucune envie de mettre ma pensée ne serait-ce qu’à moitié aussi à plat ventre que la leur) et que la démocratie est l’art de donner à chacun-e l’illusion qu’il pourrait innocemment jouer avec le Pouvoir, en assumer un fragment, au prétexte que chacun-e y contribuerait plus ou moins également. Qu’ellil pourrait y contribuer non seulement innocemment, mais en plus de façon responsable.
      Je ne tiens pas à me trouver réduit à un quantième de % de quoi que ce soit. Je ne connais que des êtres humains singuliers. Je ne tiens à en voir aucun-e réduit-e, ou se réduire ellui-même à quelque pourcentage que ce soit.

      Je ne peux rien faire de mieux que de faire de mon mieux la part qui me revient, celle qui est à ma portée, aussi nécessairement limitée soit-elle dans ses effets.
      Aller au delà ? Je dois bien laisser à chacun la sienne.
      Il s’agit pour moi de renoncer à l’illusion consolatrice, aux espoirs faciles que donne le pouvoir.

      Oui, les temps sont sombres.
      Sivens n’était manifestement pas tenable. Et beaucoup d’autres lieux, d’autres batailles seront encore perdues.
      C’est assurément regrettable.
      Mais toutes les armes ne sont pas pertinentes. Et le vote est une arme du pouvoir, dirigée d’abord contre chacun-e de celleux qui acceptent de s’en servir.

      La révolution sera l’oeuvre des opprimés eux-mêmes, disait Karl. Je ne sais pas si la révolution aura lieu ou pas, mais Je ne peux prétendre émanciper personne à sa place, et j’ai déjà fort à faire à comprendre et me défaire de la mienne !

  • Les chiffres les plus passionnants à retenir aux prochains scrutins. Un peu de lest largué par les professionnel-le-s de la politique qui n’aimeraient certes pas voir leur parcours stoppés pour une sotte histoire de comptes :

    - Et bien oui, monsieur ! Si la majorité visible des citoyen-ne-s cesse de s’inscrire, cesse de voter, cesse de s’agiter quand on la sonne au printemps, à coup de « spots » de campagne, comment qu’on prendrait du galon dans la carrière ?
    – Z’avez raison, va, lança Jacques. Vous gagnez à chaque fois, du moment qu’le p’tit commerce électoral fait ron-ron, pas vrai ? Allez, j’s’rai pas bégueule, j’irai voter blanc c’coup-ci. Juste pour voir si vous tenez le choc."
    Abstention de réponse. L’ombre d’un vote noir l’agitait.
    - Je te félicite, reprit M. Fasse de Bellutin. Par ton comportement exemplaire et l’exercice de ce droit qui est aussi devoir, tu garantis les valeurs de base du socle républicain sacrément uni, parvint-t-il à articuler, pilote automatique. La politique, c’est dans les urnes que ça s’passe, tu sais. Voter, c’est agir. Voter, c’est prédire. Voter, c’est construire.
    – Ouep, j’te l’accorde. Le dimanche, me sortir de ma piaule où j’bullais pépère avec mes potes, j’appelle ça de l’action. Quand j’pense que toute la semaine, j’suis jamais qu’à 40h payées 35, j’me réjouis d’avance de ta prescription. J’faisais du gras. J’reprendrais mon bouquin la semaine prochaine. Puis, en matière de prédiction, j’t’accorde aussi que ta p’tite affaire, j’ai pas à la traiter d’menteuse. L’professeur Sifava-Touvatu lui-même, dont j’ramasse les tracts dans ma boîte tous les jours, il s’rait pas capable de dire mieux qu’les urnes à quel point on se r’trouve toujours dans la même merde. Pardonne, j’m’emballe. C’est qu’à t’écouter, toi et tes pièges à con, c’est pas mon avenir que j’construis avec mes gosses et les projets. C’est l’tien."

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