• Chronique de la folie policière ordinaire
    https://blogs.mediapart.fr/christian-salmon/blog/230916/chronique-de-la-folie-policiere-ordinaire

    Je sortais d’une gare de banlieue avec une copine, en fin de journée. Au moment de passer les tourniquets, on entend des hurlements. Pas un cri normal, mais un cri de douleur, intense, et l’on comprend immédiatement qu’il se passe quelque chose. Comme tous les autres à côté de nous, mon regard est capté par la scène qui se déroule sur notre gauche. Une femme noire d’une cinquantaine d’années est menottée, et c’est elle qui hurle que les menottes lui broient les mains, qu’elle n’en peut plus. Entre elle et le petit attroupement d’habitants qui s’est formé, une trentaine de policiers équipés, avec un chien d’assaut. Il y a la sûreté ferroviaire et la police nationale.

    Les gens sont inquiets, l’ambiance est très tendue, tout le monde demande ce qui se passe, pourquoi ils torturent cette femme en pleine rue. La scène est marquante, elle ressemble à cet été après l’assassinat d’Adama, ou aux images de la mobilisation aux Etats-Unis : une rangée de policiers, face à une autre rangée d’habitantes et habitants noirs de la ville. Ces derniers sont clairs, ils n’ont aucune confiance. Un homme raconte comment son frère a été interpellé sans raison, mis en garde à vue et violenté. Les flics nous disent de « nous casser ».

    J’avais peur pour la victime de cette interpellation, peur de cette scène raciste, je voyais la police déraper à tout moment. J’ai sorti mon téléphone pour filmer, en me disant que cela pourrait cadrer les choses, faire baisser le niveau d’impunité. Ça n’a pas duré plus d’une minute. L’un des flics m’attrape par l’épaule gauche et me fait pivoter : « celui-là on lui fait un contrôle d’identité ». Je demande pourquoi, il m’arrache mon téléphone. Je lui dis qu’il n’a pas le droit de le consulter sans mandat de perquisition.

    Mais tout s’accélère : dès qu’ils ont réussi à me tirer de leur côté du cordon formé par leurs collègues, ils se mettent à deux sur moi, chacun me faisant une clé à l’un des bras. Une douleur énorme me traverse les articulations. J’ai les deux bras torsadés dans le dos, avec ces deux hommes dans des positions qu’ils ont apprises, qui pèsent de toute leur force pour me plaquer contre le mur. A plusieurs reprises, ils m’écartent un peu et me rebalancent, pour que je me cogne. J’ai d’abord pensé qu’il s’agissait juste de m’intimider et de me mettre à l’écart. Mais ils ne relâchent pas. J’ai le souffle coupé et je ne proteste plus, je me dis qu’ils vont m’embarquer pour « outrage » ou « rébellion », et sont en train de chercher à créer des faits de toutes pièces.

    Le pire en réalité n’était pas la douleur. Les deux flics qui sont sur moi sont surexcités. Et ils se lâchent. Crânes rasés, les yeux brillants, j’ai du mal à croire que la scène qui suit est réelle. « On va te tuer, tu es mort, on va te défoncer, je te crève là sur place dans dix minutes ». Et au fur et à mesure que les cartilages s’étirent sous la torsion, ils remontent mes poignets dans mon dos, et augmentent la torsion. Celui de gauche me met la main sur les fesses. « T’as cru que t’allais jouer avec la police ? Regarde comme on va jouer avec toi ». Et il me met une première béquille. Puis il remet sa main sur mes fesses. Avec les clés de bras, je ne peux plus respirer normalement. Nouvelle béquille. « On va te violer, ça te plaît ça ? Je vais te violer et on va voir si après tu filmeras la police ».

    Ça continue. « Tu soutiens Daesh c’est ça ? ». « Quand ils vont venir tu feras quoi ? Tu vas les sucer ? ». « Faudra pas pleurer et demander qu’on te protège ». Je n’ai réalisé que plus tard qu’ils étaient en train de parler de Daesh...pour justifier leur attitude face à une femme racisée qui avait oublié son pass navigo.

    Ils ouvrent mon sac et prennent mon portefeuille, le vident dans mon dos. Ils me prennent mes clopes en me disant de m’asseoir dessus. Ils trouvent ma carte de prof précaire à la fac. « T’es prof ? Quand l’Etat islamique viendra à la Sorbonne tu vas les regarder en te branlant ? ». Celui de gauche : « Regarde-moi sale pédé. Sale pute. Tu habites là-bas hein ? (il montre mon immeuble). Je vais venir chez toi, je vais mettre une cagoule et je vais te violer ». Je suis vraiment abasourdi, je pense qu’il a répété les mêmes menaces une bonne vingtaine de fois en tout. J’ai affaire à des flics politisés, des flics de l’état d’urgence permanent, qui se vivent comme en guerre contre Daesh, un Daesh qu’ils assimilent à toute personne racisée, et avec qui j’aurais pactisé en me solidarisant de leur victime du jour.

    Ils montent encore d’un cran. « Maintenant on va te mettre des coups de tazer, tu vas voir comment ça pique ». Et, toujours celui de gauche, m’envoie une décharge dans le bras. Je sursaute, et je me mets à trembler. J’essaie de ne pas le montrer, je ne dis rien, mais la pensée qui me vient à ce moment est que la situation va peut-être déraper encore plus. Qu’ils vont me faire une autre clé, ou me frapper avec leur tonfa avant de m’embarquer. « Tu vas crever ». « Je vais t’enculer ». Avec toujours les attouchements. Et la douleur est telle dans les bras, les épaules, le dos, que je me dis que je dois me préparer à ce qu’une de mes articulations lâche.

    Derrière, j’entends la copine avec qui j’étais qui crie, qui leur dit de me lâcher. Je voudrais lui dire de laisser tomber. J’ai une boule au ventre : qu’est-ce que ces tarés lui feront s’ils l’interpellent ? Mais entre-temps, l’attroupement a probablement un peu grossi, et le groupe de policiers doit savoir qu’il ne peut pas faire durer indéfiniment la situation. Celui qui me torsade le bras droit me dit : « Il faut qu’on chope la meuf, on la charge pour appel à rébellion ».

    J’entends qu’ils discutent entre eux. Un des deux hommes me lâchent le bras et me dit : « Tu regardes le mur, si tu te retournes, si tu bouges, on t’ouvres le crâne ». Je ne bouge pas. « On va venir à la Sorbonne, on va vous exterminer toi et tes collègues, sale gauchiste ». Puis ils me retournent et je me retrouve devant les yeux exorbités du flic qui me tenait le bras gauche. « T’es contractuel sale bâtard ? On va te faire un rapport salé, ta titu tu peux te la mettre ». Je ne dis rien. Ils m’appuient sur la poitrine. « Maintenant tu déverrouilles ton téléphone et tu effaces la vidéo ». Je m’exécute, en me disant que c’est dans ma tête et pas sur ces images de l’attroupement statique que ce qui vient de se passer est gravé. Il m’arrache l’appareil, et ouvre le dossier photo, commence à tout regarder.

    Puis tout à coup, le reste de leur groupe charge les habitants qui s’étaient regroupés. C’est rapide et extrêmement violent. Je vois leur chien se jeter sur les gens, et eux avec les gazeuses et les tonfas. Tout le monde fuit, en panique, y compris les personnes âgées. Les deux policiers qui m’ont agressé me jettent mon portefeuille et son contenu à la figure et partent en courant. Je craint pour mon amie, je ne la vois pas. Mais je l’aperçois finalement qui revient, elle avait réussi à s’échapper. Rien à faire d’autre que rentrer chez nous, la rage au ventre, et tout le torse ankylosé et douloureux. Je me dis que cette police raciste serait allée encore plus loin si j’étais racisé. Un homme nous explique que c’est comme ça dans toute la ville depuis ce matin. « Vous voyez on ne fait rien, mais ils tabassent des gens au hasard pour susciter des troubles ». On se réconforte mutuellement, se souhaite bon courage. Il en faudra ; mais on n’en manque pas.

    #violence #police

  • Pourquoi #WikiLeaks veut être le pire cauchemar d’Hillary Clinton
    http://www.telerama.fr/medias/pourquoi-wikileaks-veut-etre-le-pire-cauchemar-d-hillary-clinton,147739.php

    Outre un fact-checking point par point dans lequel le New York Times est accusé « d’échafauder une théorie du #complot », il conclut son argumentaire par une précision qui attire l’œil :

    « Le comité éditorial du New York Times soutient officiellement la candidature d’Hillary Clinton, même si cet article n’en fait pas mention. L’auteur principal, Jo Becker, a retweeté un gif animé d’Hillary Clinton le 3 mars. »

    #conspirationnisme

    • « Radio France : une émission pour expliquer la grève »
      http://www.telerama.fr/radio/radio-france-une-emission-pour-expliquer-la-greve,124693.php

      Alors que les salariés de Radio France sont en grève pour le douzième jour consécutif, le principe d’une émission transchaînes a été lancé par la toute jeune SPARF (Société des producteurs et associés de Radio France, qui regroupe les cachetiers des stations du groupe). Préparée et réalisée bénévolement par des personnels grévistes, cette heure devrait être animée par Mathieu Vidard (La tête au carré sur Inter), Marie Richeux (Les nouvelles vagues sur Culture) et Alex Dutilh (Open jazz sur Musique). La direction n’ayant pas autorisé une diffusion à l’antenne, ce lundi 30 mars, l’émission sera proposée à 19h sur Internet, avec un accès via les réseaux sociaux. « Pas question de tirer la couverture à nous », assure la SPARF. Qui proposera, à l’écoute, un édito de Philippe Meyer, des sons et reportages sur les assemblées générales des derniers jours, des extraits des concerts donnés par l’Orchestre National de Radio France dans le hall de la Maison ronde, et des interventions de sociologues et artistes autour de la notion de radio de service public.

    • Le coefficient d’utilisation du triangle

      Auditeurs sachant auditer, la sagesse populaire pense que le mieux est l’ennemi du bien ; nous l’allons montrer tout à l’heure par une parabole sur les excès de zèle à quoi peuvent conduire les chocs de productivité et de simplification. Le président d’une entreprise mécène d’un orchestre symphonique, ayant reçu une paire d’invitations pour un concert de cette formation au programme duquel figuraient la Symphonie inachevée de Schubert et le concerto pour piano de Grieg se trouva empêché de s’y rendre lui-même. Il fit profiter de ses places le directeur des ressources humaines de sa société qui n’avait jamais eu l’occasion d’assister à un concert.

      Le lendemain, ce DRH lui fit parvenir la note suivante :

      L’orchestre que nous soutenons financièrement pourrait être utilement réorganisé. J’ai observé que les quatre joueurs de hautbois demeurent #inactifs pendant de longues périodes. Il conviendrait de réduire leur nombre et de répartir leurs interventions sur l’ensemble de la symphonie, de manière à réduire les pics d’inactivité. Les douze premiers violons jouent à l’unisson. Pour éviter cette duplication, tout en continuant à produire un volume sonore élevé, il conviendrait de procéder à une réduction des effectifs de ce pupitre et de recourir à des moyens d’amplification aujourd’hui très performants.

      Le coefficient d’utilisation du triangle est extrêmement faible. On aurait intérêt à utiliser plus largement cet instrument et même à en prévoir plusieurs. Son prix d’achat étant bas et sa fiabilité excellente, l’investissement serait hautement rentable.

      Dans le concerto pour piano, l’utilisation d’un piano droit permettrait une utilisation plus rationnelle de l’aire de stockage du magasin de rangement. Dans les deux œuvres qui ont été données, l’orchestre consacre une énergie considérable à la production de triples croches. C’est un raffinement que l’on pouvait se permettre à une époque de forte croissance, mais, dans une période d’#austérité comme celle que nous traversons, en arrondissant à la double croche la plus proche, il serait possible d’employer des musiciens moins qualifiés et d’alléger ainsi le budget général des concerts.

      La répétition par les cors de nombreux passages déjà exécutés par les cordes ne présente pas d’#utilité véritable. J’ai calculé que si tous les passages redondants de ce type étaient éliminés, il serait possible de réduire la durée du concert de deux heures à vingt minutes, ce qui réduirait massivement les frais généraux. En appliquant de façon concomitante ces recommandations, il serait possible de réaliser un gain en effectif de 90%, soit sur les 82 personnes participant à cette manifestation de n’en conserver que 8,2. On voit par là que s’il avait eu quelques notions de #gestion, Schubert aurait certainement réussi à achever sa symphonie.

      Un texte déjà cité en par Éve Chiapello en 1997, en exergue d’un article sur l’organisation du travail artistique http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reso_0751-7971_1997_num_15_86_3113
      repris par Podalydes en 2003, puis par Meyer ces temps ci.

  • Courrier au médiateur du Monde, concernant le #Venezuela, par Maurice Lemoine, ancien rédchef du @mdiplo
    http://www.legrandsoir.info/courrier-au-mediateur-du-monde-concernant-le-venezuela.html

    Si, demain, sous une forme ou sous une autre, le président Nicolas Maduro est « sorti » du pouvoir par des voies nonconstitutionnelles, le public français – ou, pour le moins, votre lectorat – n’y verra que du feu, votre version des faits ayant préalablement soigneusement préparé l’opinion à un tel dénouement.

    #critique_média