La hiérarchie est-elle bien naturelle ?

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  • Hiérarchie : ce que les babouins nous apprennent, en fait | Sciences Humaines

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    Donc, pendant très longtemps, il n’a fait aucun doute que les babouins étaient très rigidement hiérarchisés. Ce modèle était à ce point devenu incontournable qu’il dirigeait, sur chaque terrain, les premières questions de l’enquête : celle-ci se devait de commencer par la découverte de la hiérarchie et l’établissement du rang de chaque individu.
 (...)
    Au début des années 1970, quelques voix, principalement celles de femmes primatologues, s’élèvent contre cette conception. Leur méthodologie de terrain les conduit à récolter d’autres observations : elles restent plus longtemps avec les groupes qu’elles étudient, pratiquent l’habituation, reconnaissent chacun des individus qui la composent ; la proximité les autorise en outre à prendre en compte des comportements passés inaperçus. T. Rowell revendique que les babouins qu’elle observe en Ouganda n’exhibent pas cette rigide hiérarchie de dominance. Bien au contraire, à l’agression sont préférées des relations pacifiques d’alliance et de coopération. Aucun mâle ne semble souhaiter clairement dominer les autres. Shirley Strum prolonge et nuance cette critique. Ce n’est pas tant que les babouins ne souhaitent pas dominer, c’est qu’ils ne le peuvent pas. Elle remarque que les mâles les plus agressifs, et classés le plus haut dans la hiérarchie si l’on prend le critère de l’issue des conflits, sont le moins souvent choisis comme compagnons-consorts par les femelles et ont un accès bien moindre aux femelles en œstrus.

    En observant qui fait quoi, S. Strum est arrivée à la conclusion que les « dominants » classés selon les interactions antagonistes sont en fait les nouveaux arrivants dans la troupe. Chez ceux qu’elle observe (et c’est le cas de la majorité des babouins), les mâles, à l’adolescence, quittent le groupe natal, et vont s’intégrer dans un autre. Ils passeront ainsi, de groupe en groupe, restant de quelques semaines à quelques mois dans chaque troupe d’accueil. Ce nomadisme les contraint à un travail constant d’intégration. Quand un babouin nouvel arrivant tente de s’installer dans un groupe, il va s’attacher à établir des relations avec les mâles résidents. Or, S. Strum le constate, les plus « agressifs » sont souvent des adolescents « mal dégrossis et ignorants », qui, la plupart du temps, n’aboutissent pas à grand-chose, si ce n’est à effrayer ou à énerver les autres. En dehors de l’agressivité, peu de solutions s’offrent à ces jeunes inexpérimentés. Ils sont craints et donc « dominants », mais ni la crainte ni cette prétendue dominance ne leur donnent réellement accès à ce qu’ils désirent. Les atouts des mâles plus anciens sont la connaissance du réseau, des stratégies et la maîtrise des tactiques indispensables. Comment pourrait-on encore parler de hiérarchie, dans un univers aussi compliqué ?
    La critique de S. Strum ne se limite pas à remettre en cause les schèmes qui guident les interprétations et les observations. Elle conteste également le fait même d’attendre des babouins qu’ils puissent constituer un modèle pour les sociétés humaines : « L’observation de la bande de Pumphouse (Kenya) conduit à (cette) conclusion : rien ne prouve que l’agression, la supériorité des mâles et leur mainmise sur le pouvoir politique soient caractéristiques du mode de vie des premiers humains. D’autre part, si l’on croit sincèrement que la société des humains est caractérisée par la loi du plus fort, la supériorité masculine et une hiérarchie stable entre les mâles, alors il faudra bien trouver de nouvelles explications. Nous ne pouvons plus nous contenter de dire qu’“il en va ainsi” de toute société. »


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