A Paris et en France, on ne compte plus les bars, clubs, soirées réservées aux gays. En revanche, les bars lesbiens ferment à tour de rôle. En 2007, c’est la célèbre boîte de nuit Le Pulp qui met les clés sous la porte. « Le samedi soir, tu pouvais être sûre que toutes les nanas y allaient », se souvient Claudine*, 32 ans, qui traîne ses guêtres depuis des années dans les soirées parisiennes. « La fermeture du Pulp a laissé un vide dans la nuit lesbienne à Paris. Sept ans après, on m’en parle encore », expliquait à Causette Michelle Cassaro, l’ancienne patronne de l’établissement. Deuxième gros coup dur, en 2012 : la fermeture du Troisième Lieu, pour des raisons financières. « C’était un bar/resto mixte mais ils contrôlaient quand même l’accès des hommes. On pouvait y passer la soirée, boire, manger, jouer au babyfoot, c’était convivial. On n’avait pas l’impression d’être un bout de viande quand on y entrait, comme ça peut être le cas dans d’autres bars », nous explique Camille*, 26 ans. Cette jeune Parisienne en couple depuis depuis deux ans fréquentait beaucoup le milieu lesbien au temps du Pulp. Plus récemment encore, c’est le Calamity Joe, à Pigalle, qui fermait boutique.
Comment expliquer cette vague de fermetures et le nombre disproportionné de bars gays par rapport aux bars lesbiens ? Pour le comprendre, il faut revenir à l’histoire très différente des cultures gay et lesbienne. « On a d’un côté la culture gay, inscrite autour de la sexualité et des lieux commerciaux ; de l’autre celle des lesbiennes, articulée autour du féminisme et de la politique », explique au HuffPost Natacha Chetcuti, sociologue, auteure de Se dire lesbienne (Payot & Rivages ed.). « Des années 70 à 90, la socialisation se faisait, entre les femmes, dans des lieux politisés et emblématiques. Mais l’engagement de cette génération s’est essoufflé », poursuit-elle. L’épidémie du sida a en effet changé la donne, le militantisme s’est approfondi chez les gays, avec des associations comme Act Up. Tandis que les lesbiennes ont pris leurs distances par rapport aux mouvements politiques, parce qu’elles étaient bien moins touchées par le sida. Cette désaffection du champ politique a fortement contribué à leur manque de visibilité et d’espaces dédiés.