Confessions d’un écrivain raté | VICE France

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    Pendant ce temps-là, en Irlande, je rédige sur mon MacBook la première page de qui sera, je l’ai décidé, mon premier roman. J’ai inscrit la date dans le carnet Moleskine marron qui me sert de journal. J’ai 23 ans, et cela fait trois ans que j’écris. Même si je n’ai probablement pas encore les moyens d’écrire un roman, j’ai la conviction qu’en restant assis assez longtemps à mon bureau – et en me frottant les sourcils assez régulièrement – ça finira par sortir. J’ai déjà écrit de la poésie et des nouvelles, j’ai été publié dans quelques journaux modestes, mais malgré cela, j’ai peur de n’être qu’un imposteur, un pastiche d’autres auteurs meilleurs que moi.

    Je tente d’écrire une auto-fiction sur mon enfance, espérant la rendre ainsi plus intéressante. Aussi, les écrivains qui m’obsèdent ont presque tous écrit des romans autobiographiques : Jack Kerouac, Geoff Dyer, Henry Miller, Marcel Proust, James Joyce. Je suis convaincu que le seul moyen de s’exprimer en littérature est de recourir à une narration à la première personne et de ne pas hésiter à dire « je ». Les autres genres m’ennuient, et tentent selon moi de dissimuler ce qui est le fondement de toute écriture : les angoisses de l’écrivain. De plus, mon enfance a été pénible, et j’ai bon espoir qu’en écrivant un livre dessus, je pourrais prendre du recul et dépasser le traumatisme que constitue le fait de l’avoir vécue.

    Je suis en couple depuis longtemps avec une fille formidable, mais en dehors de cela, je ne m’intéresse qu’aux livres. Je lis jour et nuit, et je ne me vois pas faire autre chose qu’écrire. Comme je n’ai aucune motivation pour le reste, j’ai peur de faire un métier plus classique, parce que je sais que je finirais par me haïr au point d’envisager un suicide. Passer ma vie à quelque chose qui ne m’apporterait aucune fierté me semble tout simplement irrationnel.

    Je n’ai pas d’argent, je vis avec mon père, et je passe le plus clair de mon temps enfermé dans ma chambre, entouré de brouillons roulés en boule, de tasses de café vides et de livres que je m’efforce de ne pas plagier. Nous sommes le 4 octobre 2010. Le 11 juin 2011, ma copine obtiendra son diplôme et commencera une carrière que j’imagine brillante. Elle est intelligente, passionnée, tout ce que je ne suis pas, et j’espère en quelque sorte me rendre digne d’elle en terminant mon roman et en le faisant publier. Je me suis évidemment fixé le 11 juin 2011 comme date butoir.

    #écrivain