• La protestation en cours sur les retraites
    Du refus à la révolte ? - Temps critiques
    http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article530

    Les déambulations dites « sauvages » qui agitent aujourd’hui différentes villes opèrent d’une nouvelle force dérivée de celle des Actes des Gilets jaunes, qui avaient pour principe de ne pas demander d’autorisation aussi bien pour l’occupation des ronds-points que pour l’organisation des manifestations du samedi. Elles ne respectent ni les horaires habituels des manifestations ni leur parcours et créeraient de ce fait un trouble à l’ordre public, un certain surmenage des forces de police et accessoirement un quadrillage de l’espace public. Mais à la différence des actions menées par les Gilets jaunes, celles autour des retraites composent plus qu’elles ne s’opposent aux actions syndicales. En effet, d’un côté, les fractions de la gauche syndicale (SUD, CGT et CNT-SO), celles qui, grosso modo, participaient déjà plus ou moins au mouvement des Gilets jaunes, participent aussi à ces déambulations et à des actions coup de poing de blocage, alors que de l’autre, les jeunes qui participent au mouvement ne semblent pas développer l’ancien anti-syndicalisme révolutionnaire des générations précédentes. Tout cela cohabite pour le moment, y compris dans des AG interpros ouvertes dont le nombre de participants est nettement supérieur à celui des interpros traditionnelles regroupant les fractions syndicales gauchistes.

    Dans la mesure où la lutte ne trouve pas son propre espace de rencontre et d’expression comme les ronds-points avaient pu l’être pour les Gilets jaunes, elle tente d’occuper une rue dont le principe de fluidité est détourné pour être rendu à sa dimension sociale et politique. Toutefois, ce n’est pas dans le fait de renverser des poubelles en les enflammant ou encore dans l’affrontement brut avec les forces de l’ordre qu’un mouvement se constitue, mais bien dans la volonté de ne pas négocier de parcours, de ne pas se glisser dans le moule de la loi, ne pas obtempérer à un État qui se fait toujours plus englobant. C’est du regroupement de manifestants sur de grandes places dans diverses villes le 23 mars, c’est en partant en « sauvage » même par grappes et non plus en gros cortège que s’est fait sentir une véritable nouveauté et le développement d’une force, même si ce n’est pour le moment qu’une « force qui va » plus que les prémisses de constitution d’un mouvement capable de poser les questions dans d’autres termes que ceux des organisations syndicales. Les déambulations de nuit peuvent être considérées comme l’expression d’un nouvel inattendu radicalisant quelque peu la protestation originelle.

    Toutefois, le mouvement syndical cherche à reprendre l’initiative (...)

  • L’économie de plateforme : une tendance irrésistible ? - Temps critiques
    http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article516

    Les plateformes numériques — Amazon, Google, Facebook, Uber, Airbnb et bien d’autres — occupent aujourd’hui une place énorme, tant dans le fonctionnement de l’économie que dans les esprits. Elles ont déjà été abondamment abordées de manière critique sous des angles très divers (sans parler des apologistes) : numérisation/ virtualisation du monde, ubérisation rampante, exploitation du travail gratuit, réponse à la formation d’une « intellectualité diffuse », capitalisme de surveillance, triomphe d’une logique rentière… Mais si les différentes théories avancées présentent toutes un intérêt certain, le parti pris de ce texte sera de mettre l’accent sur le rapport entre plateformes et accumulation du capital, entre numérique et perspectives économiques1.

    L’un des rares observateurs à s’être penchés sur cet aspect-là est Nick Srnicek, auteur du livre Capitalisme de plateforme : L’hégémonie de l’économie numérique. Par sa sobriété, ses analyses détaillées et sa capacité à soulever des problèmes négligés par ailleurs, il sort du lot. C’est donc à partir de ses écrits que nous aborderons cette question. Mais, chemin faisant, les idées d’autres penseurs seront également évoquées afin d’obtenir un tableau plus complet de la situation.

    #Capitalisme_de_plateforme

  • Bataille des #retraites : durcir le ton, élargir le front, Fabien Escalona et Romaric Godin
    https://www.mediapart.fr/journal/politique/180223/bataille-des-retraites-durcir-le-ton-elargir-le-front

    Face à un pouvoir radicalisé, le mouvement social doit à la fois durcir ses actions et élargir la bataille à d’autres enjeux que la réforme des retraites. La victoire n’est aucunement garantie, mais seule cette voie est constructive, même en cas d’échec.

    creuser. un autre versant d’un approfondissement possible
    https://seenthis.net/messages/991381

    Pour revenir à la situation présente : ce que nous voulons dire c’est que tout est déjà là. Les deux millions de manifestants, Macron, l’expérience de l’émeute comme du blocage, les complicités ainsi que la sécheresse, le dégoût du travail et la fin de la politique, les bureaucrates têtes-à-claques, qui n’en peuvent plus d’attendre de s’en prendre. On propose donc d’écarter un temps, disons le 7 mars, tout penchant pour la nostalgie, la résignation ou le cynisme, et d’y aller.

    • La voix du Capital
      https://www.lantivol.com/2023/02/les-breves-du-satirique-fevrier-2023.html

      Le 2 février 2023, Alain Minc était l’invité de Ruth Elkrief dans «  Un œil sur le monde   » sur LCI. Interrogé sur la réforme des retraites, il l’a joué comme à son habitude tout sourire et tout cynique, façon petit expert maître-chanteur :

      «  Je crois qu’iI est inenvisageable qu’elle ne passe pas. Et pour une raison que le pouvoir n’ose pas dire ou ne peut pas dire. Pourquoi il faut faire cette réforme ? Nous avons 3000 milliards de #dette. Le taux d’intérêt que nous payons est très proche de celui de l’Allemagne, ce qui est une espèce de bénédiction, peut-être imméritée. (…) Le marché, c’est un être primaire. S’il voit qu’on a changé l’âge, il considérera que la France demeure un pays sérieux. Vous allez me dire : c’est idiot. Peut-être, mais c’est comme ça. Quand on est #débiteur de 3000 milliards on fait attention à ce que pense son #créancier. Si aujourd’hui cette #réforme n’avait pas lieu, si les taux d’intérêt français augmentaient à cause de ça, imaginez qu’1% de plus c’est sur 10 ans 150 milliards, on parle de ces choses-là, c’est à dire des moyens de payer les retraites, mais aussi de payer les salaires des fonctionnaires, les infirmières… Donc cette réforme a une portée symbolique à laquelle il faut accepter de céder, peu importe les concessions qu’il va falloir faire. Et comme le président de la République qui sait quand même ce que sont les règles du monde financier ne peut qu’être conscient de ça, il ne cédera pas.   »

      C’est fou comme ce genre de déclarations, ça donne encore plus envie de les faire céder et d’imposer, au-delà du retrait de leur projet, nos propres réformes…

    • « C’est le mentor de Macron Alain Minc qui le dit, la réforme des retraites sert uniquement à donner des gages aux parasites de la finance.
      Sauver le système ils n’en ont rien à foutre… »
      #greve7mars #GreveGenerale #NonALaReformeDesRetraites

      https://video.twimg.com/amplify_video/1627932060798033921/vid/1280x720/o-DhXM-Uw74z5sOJ.mp4?tag=16

      https://twitter.com/realmarcel1/status/1628392611168894976?cxt=HHwWgIC--ficm5ktAAAA

    • Quand un républicain keynésien (Godin) en vient à citer Luxembourg et Lukàcs (...), ne pas hésiter à lire des analyses plus concrètes de la situation dans laquelle s’inscrivent ces réformes.

      Le mouvement contre la réforme des retraites en France, automne 2010 - SIC INTERNATIONAL JOURNAL FOR COMMUNISATION
      https://www.sicjournal.org/le-mouvement-contre-la-reforme-des-retraites-en-france-automne-2010-2

      La deuxième détermination a été sa généralisation à partir de la volonté de défense d’un statu quo qui, de fait, était déjà en grande partie obsolète.
      Avec quarante années d’annuité, il faut avoir un emploi protégé, une carrière commencée tôt, pour que la perspective de la retraite ait un sens. Une situation qui s’apparente de plus en plus à celle de dinosaures au sein des travailleurs. Si le mouvement a continué, dépassant le cycle convenu des manifestations-défilés, c’est parce que cette défense d’un statu quo s’est elle-même muée en une critique plus profonde. Les quarante annuités, c’est une condamnation au travail à perpétuité.

      La lutte contre la réforme des retraites n’est pas le révélateur d’autre chose mais de tout ce qui est inscrit dans cette réforme. La question c’est l’organisation du marché du travail dans le mode de production capitaliste issu de la restructuration des années 1970 : la #précarisation ; les jeunes de moins de 25 ans qui sont au chômage[3] ; les plus de 55 ans qui sont poussés vers la sortie (en 2010, il y a eu 350 000 licenciements conventionnels).

      Dans les nouvelles modalités de l’exploitation de la force de travail totale comme une seule force de travail sociale disponible face au capital et segmentable à l’infini, cette #segmentation est tout autant division, création de catégories, que continuum de positions qui coexistent dans un même ensemble et se contaminent les unes les autres.

      Au travers d’un grand nombre de dispositifs nouveaux, la classe capitaliste cherche désormais à soutenir l’offre de travail alors que l’objectif poursuivi jusqu’à la fin des années 1980 par l’action publique était plutôt d’encourager les retraits d’activité. La cible n’est plus de diminuer le taux de chômage, mais d’accroître le taux d’emploi [les deux étant loin de s’exclure, ndc]. On peut compter actuellement en France plus de dix millions de salariés concernés par les exonérations sur les bas #salaires, on peut dénombrer également 8,5 millions de bénéficiaires de la prime pour l’emploi. Le changement d’échelle est très net (2,8 millions de bénéficiaires de la politique de l’emploi en 2000).

      #emploi #retraites #chômage

    • « Je lutte des classes » - Le mouvement contre la réforme des retraites en France, automne 2010
      https://entremonde.net/IMG/pdf/senonevero_jeluttedesclasses.pdf

      je lutte des classes – dans ce slogan emblématique d’un mouvement sans illusion et sans espoir de victoire, on entend « je fais la lutte des classes ». Si on doit affirmer la lutte de classe sous cette forme ambiguë, humoristique et contradictoire, c’est que ce qui demeure un fait objectif, massif et incontournable, structurel, la lutte des classes, ne se reconnaissait plus elle-même comme un fait collectif et objectif intégrant et dépassant les manifestants individuels, mais comme un choix idéologique (politico-social) personnel.
      Le succès de ce slogan malicieux et sérieux à la fois montrait que pour tous, (et surtout chacun !) les mani- festations – élément central et organisateur du mou- vement – affirmaient une identité ouvrière à la fois obsolète et indispensable, idéale dans les deux sens du mot : comme idéal qui serait à atteindre et comme pur concept. Comme idée de ce qui avait existé, et qui jus- tement n’existait plus.
      7
      « Je lutte des classes »
      Cette dualité désignait à la fois la permanence de la contradiction de classes immanente au capitalisme et son caractère radicalement transformé ne donnant plus naissance à une identité de classe pouvant s’affir- mer contre le capital. « Je lutte des classes » fut le nom que, dans la lutte des classes, l’implosion de l’identité ouvrière en acte s’est donnée à elle-même. À côté des manifestations où se proclamait cette identité ouvrière idéale, les secteurs en grève étaient justement ceux où des communautés de travail encore plus ou moins stables pouvaient magiquement et nostalgiquement servir de référent à cette invocation. Le slogan dit très joliment la perte de l’identité ouvrière dans la volonté de l’affirmer. Le singulier du sujet est contradictoire à ce qu’est l’appartenance de classe qui n’est pas une appartenance individuelle, l’élément d’une somme. Il n’y a pas si longtemps, comme ouvrier, à Ivry ou à Port- de-Bouc, on était, par définition, de la classe ouvrière.

      #classe #ouvrier

  • À l’ombre des #retraites… Temps critiques
    http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article529

    On semble en rester à la défense des « acquis ». Mais il ne s’agit pas vraiment d’une défense des acquis (la retraite serait « l’acquis consensuel » par excellence) dans la mesure où chaque conflit sur les retraites défend non pas ces acquis, mais la base définissant le dernier recul subi dans un contexte de rapport de forces défavorable dans lequel la rue supplante la grève de blocage et ne joue donc plus son rôle historique plus ou moins insurrectionnel dans la grève générale réduite, au mieux, à la grève reconductible. Dans cette mesure, il n’est plus question de faire étalage du fait que se battre vraiment pour les acquis serait, pour le mouvement, imposer au minimum un retour à la retraite à 60 ans et 37,5 années de cotisation de 1981, puisque cela ferait immédiatement exploser l’unité syndicale et la Nupes.

    .... Cette absence de tension apparaît d’autant plus fortement que les manifestations n’ont aucun objectif de trajet. On n’« attaque » rien. Dans les grandes villes du moins, les trajets déposés évitent les sièges patronaux, les préfectures, tous les lieux de pouvoir et les lieux de la richesse. Certes c’était souvent des objectifs « bidons », comme la CGT nous conduisant au siège du MEDEF pour dire qu’elle envoyait une délégation, tout en appelant à se disperser, mais cela n’apparaissait qu’à l’arrivée, alors que là, c’est dès le départ qu’on se voit convier au « parcours de santé ».

    Quand les Gilets jaunes scandaient : « On est là, on est là », ils étaient là où le pouvoir ne les attendait pas et là où ils ne devaient pas être. Quand les manifestants contre les retraites scandent « On est là », c’est bien sûr vrai, mais ils sont là où le pouvoir les attend. Chacun est dans son rôle et dans cette mesure, ce qui s’affiche d’un côté comme de l’autre relève de la posture.

  • Sur la valeur-travail et le travail comme valeur - Temps critiques
    http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article505

    Le discours performatif du pouvoir

    Le discours sur la valeur-travail (en fait le travail comme « valeur ») que Macron vient encore de présenter le 9 novembre 2021 est d’abord une reprise de ce que disait Jospin en 1998 pendant le mouvement des Chômeurs avec ses attaques contre l’assistanat et son refus du revenu garanti, complété en 2001 par sa création d’une prime pour l’emploi qui se transformera progressivement en prime d’activité à partir de 2006 ; et ensuite une copie de celle de Sarkozy sur le « Travailler plus et gagner plus » des heures supplémentaires défiscalisées. Toutefois, les mesures prises ou préconisées aujourd’hui (prime d’activité, indemnisation contre l’inflation) sont en opposition avec l’énoncé premier de Macron puisqu’elles consacrent aussi l’individu-consommateur être de besoin par rapport à l’individu producteur et créatif. Ce n’est donc pas le travail et le salaire qui y correspondrait (« le pouvoir du travail » selon Aurélien Purière, ancien directeur de la Sécurité sociale in Le Monde, le 11 novembre) que le gouvernement essaie d’enchanter, mais le pouvoir d’achat sans que le rapport de force capital/travail ne change. D’où l’absence de pression sur le capital et de hausse du SMIC, mais de savants calculs trop complexes semble-t-il pour Bruno Le Maire pourtant ministre du Travail, mais que le Président va mettre au clair1. À un niveau plus général, c’est le même raisonnement qui a été appliqué pendant le mouvement des Gilets jaunes avec le supplément à la prime d’activité plus la prime concédée à titre exceptionnel par le gouvernement Macron.

    Mais pour cette dernière, cette fois l’initiative ne vient pas du Medef et si l’indemnité sera concrètement versée par les entreprises, celles-ci ne sont pas mises à contribution parce que c’est l’État qui compensera.

    Par ailleurs, l’indemnité inflation est étendue aux non-salariés et marque une reconnaissance implicite de plus que le système du salariat n’organise plus qu’imparfaitement la totalité de la force de travail censée constituer la « population active », ce que nous avons appelé la tendance à l’irreproductibilité de la force de travail. Dans l’article cité, Purière convoque Friot, Lordon (En travail. Conversations sur le communisme, La Dispute, 2021) et même le Marx des Manuscrits de 1844, histoire de restaurer le pouvoir sur le travail du « producteur » contre le « commandement capitaliste » comme si ce pouvoir avait existé un jour, on ne sait pas, au temps béni de l’État-providence peut-être. Mais de réflexion sur l’inessentialisation de la force de travail dans le procès de valorisation, pas un mot. L’idéologie du producteur du XIXe siècle et du travailleur qualifié des Trente Glorieuses sont pareillement convoqués, alors que le procès de valorisation n’est plus essentiellement un procès de travail dans la mesure où le travail mort domine le travail vivant et que le capital se totalise dans l’unification de ses procès de production et de circulation (la fameuse « chaîne de valeur »).

    #travail #économie #capitalisme #salaire #valeur-travail #chômeurs

  • L’Autonomie hypostasiée - Jacques Wajnsztejn, Temps critiques
    http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article475

    Notes sur L’hypothèse autonome de Julien Allavena (Amsterdam, 2020)

    Quelques remarques générales sur un livre bien mieux documenté que d’autres sur ce sujet.

    Comme dans la plupart des livres récents sur « l’autonomie », on trouve dans celui-ci une confusion entre autonomie (une notion des années 1960-1970) et insurrectionnisme (une notion réactivée de façon plus récente même si cette perspective a eu sa place dans le mouvement, au sein de Potere operaio par exemple (PotOp) avant de devenir aujourd’hui une sorte d’idéologie de l’émeute. De la même façon que Marcello Tari dans son livre Autonomie ! l’Italie des années 1970, La Fabrique, 2011, confond l’autonomie ouvrière opéraïste des années 1960 et le Biennio rosso avec l’autonomie au sens du mouvement de ’77, Allavena a tendance à confondre l’autonomie ou les autonomies des années 70-80 avec l’insurrectionnisme et le sécessionnisme des années post 20001 ce qui l’amène à des références hautement contestables (Stella souvent2 et parfois Tari) qui ne réfèrent pratiquement jamais à la théorie opéraïste des années 1960 et a ce qui a été défini et nommé comme « autonomie ouvrière » dès le début des années 1960. Pourtant, il énonce très vite qu’il se gardera bien de parler de « l’Autonomie » avec une majuscule, ce en quoi il se démarque de la perspective unitaire et globalisante du livre de M. Tari. Nous voulons bien le croire, mais parfois la profusion de références ou citations, qui ne vont pas toutes dans le même sens, nuit à l’adoption d’une position claire pourtant ici affirmée.

     Cette théorie originelle ignorée fait qu’Allavena ne peut faire état ou même saisir la particularité de ce qu’on pourrait appeler la dernière tentative de théorisation prolétarienne du rapport de classe qui a fait de l’opéraïsme « la théorie de son temps » pour l’Italie (uniquement3), en résolvant partiellement, pour la première fois depuis l’assaut prolétarien précédent des années 1917-1923, la question du rapport théorie-pratique. Ce n’est donc pas un hasard si Julien Allavena (désormais JA) veut retourner à ce qui serait des sources ou une filiation historique à travers sa référence aux courants de la gauche communiste de l’époque et particulièrement au conseillisme de type germano-hollandais4. Or, le problème est justement que ce mouvement conseilliste a été quasiment ignoré par les opéraïstes5. Seuls Sergio Bologna dès l’origine, mais à une place assez marginale dans l’opéraïsme, fait une référence aux expériences du communisme de conseils dans les années 1920 en Allemagne ; puis, au sein du mouvement lui-même, Adriano Sofri le leader de Lotta Continua y fait allusion (cf. « Sur les conseils de délégués », in Les Temps modernes, no 335, juin 1974) pour regretter d’ailleurs d’avoir mal tenu compte de cette expérience en privilégiant la ligne plus spontanéiste du « Nous sommes tous des délégués ». Les années 1960 et 1970 ne peuvent en effet être rapportées à ce qu’on a parfois appelé les courants historiques des « Gauches communistes » ni même à leur critique6. En effet, celle-ci qui se développe en France dès le début des années 70 est effectivement amenée à distinguer entre prolétariat et classe ouvrière, mais pas au sens où l’entendent Tronti et l’opéraïsme italien7. En effet, si Tronti distingue bien entre les deux termes, c’est pour donner la primauté à celui de classe ouvrière car pour lui c’est l’ouvrier qui tire sa force du « dans et contre » dialectique à portée révolutionnaire, alors que le prolétaire est l’individu nu sans qualité, pur « capital variable ». Alors qu’en France, c’est la catégorie de prolétaire, au sens marxien de « sans réserve » qui est mise en avant dès le début des années 70, car l’échec de 68 nous le percevons comme la victoire plus ou moins définitive du « dans » sur le « contre ». La « rude race païenne » que Tronti perçoit encore dans la nouvelle composition de classe en Italie au moment de Classe operaia, nous ne la voyons plus quelques années plus tard en France que dans la rage prolétaire, ce que prolongeront, à leur manière et de façon très marginale du point de vue des forces en présence, les « autonomes » français dans les années qui vont suivre.

    #autonomie #livre

  • Lettre aux professeurs d’histoire-géographie
    https://laviedesidees.fr/Lettre-aux-professeurs-d-histoire-geographie.html

    Comment enseigner la #liberté_d'expression ? Par son #Histoire, propose François Héran, moins républicaine qu’on ne croit et plus respectueuse des croyances. Au lieu d’en faire un absolu, il est temps d’observer que ses conditions d’exercice se déploient dans un temps et un espace déterminés.

    #Société #religion #éducation #laïcité
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20201030_heran__caricatures-3.pdf
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20201030_heran__caricatures-3.docx

    • Bibliographie non exhaustive
      Toutes ces références ont participé directement ou indirectement à l’élaboration de ce texte.

      *Apologies de la ZAD victorieuse*

      • ZAD will survive, CMDO, https://zad.nadir.org/spip.php?article5141
      • Tank, on est là, CMDO, https://zad.nadir.org/spip.php?article5809
      • La zad est morte, vive la zad !, Maison de la Grève (Rennes), https://lundi.am/La-Zad-est-
      morte-vive-la-Zad
      • Considérations sur la victoire (et ses conséquences) depuis la zad de Notre-Dame-des-
      Landes, https://zad.nadir.org/spip.php?article6664
      • Réponse à ceux qui voudraient fermer le champ des possibles sur la zad de NDDL,
      https://zad.nadir.org/spip.php?article6584
      • Prise de terre(s), https://zad.nadir.org/spip.php?article6658

      *Critiques de la ZAD victorieuse*

      • Le « mouvement » est mort, Vive..la réforme ! Une critique de la « composition » et de ses
      élites, https://zad.nadir.org/spip.php?article5165
      • Lettre aux comités locaux, aux soutiens du mouvements, et à toutes celles et ceux qui se
      reconnaissent dans le mouvement contre l’aéroport et son monde,
      https://zad.nadir.org/spip.php?article5028
      • Des dynamiques inhérentes aux mouvements de contestation, https://zad.nadir.org/spip.php ?
      article6001
      • A NDDL comme ailleurs, seul un territoire en lutte peut s’opposer à la normalisation
      industrielle agricole, Collectif contre les normes,https://nantes.indymedia.org/articles/39999
      • La fin de la ZAD, le début de quoi ?, groupe POMPS, https://zad.nadir.org/spip.php ?
      article6049
      • Un an après les expulsions, qu’est-ce qu’on fait encore sur la ZAD ?,
      https://zad.nadir.org/spip.php?article6586
      • Reflections on the ZAD : another history, https://crimethinc.com/2019/04/23/reflections-on-
      the-zad-looking-back-a-year-after-the-evictions
      • Que reste-t-il du champ des possibles ouvert par la zad ?, https://infokiosques.net/spip.php ?
      article1678
      • Le « milieu » est pavé de bonnes intentions. Quelques textes qui viennent déterrer les rôles
      d’intermédiaires sur (feu) la ZAD de Notre-Dame-des-Landes (et plus largement),
      https://infokiosques.net/spip.php?article1707

      *Autour de l’appelisme*

      • Appel, http://bloom0101.org/?parution=appel
      • L’insurrection qui vient, Comité Invisible, La Fabrique
      • A nos Amis, Comité Invisible, La Fabrique
      • Maintenant, Comité Invisible, La Fabrique
      • Réflexions autour de « l’Appel », Denis, Meeting n°2, https://libcom.org/library ré flexions-
      autour-de-l’ appel-denis
      • Un autre emploi de l’argent, Anonyme, Meeting n°2, https://libcom.org/library/un-autre-
      emploi-de-l’argent-anonyme
      • Tourner autour, une critique de « L’insurrection qui vient »,
      https://infokiosques.net/spip.php?article1595

      L’insurrection qui vient, construction identitaire et alternative existentielle,
      https://carbureblog.com/2016/11/20/linsurrection-qui-vient-construction-identitaire-et-
      alternative-existentielle/
      • Sur « à nos amis », https://carbureblog.com/2016/11/21/sur-a-nos-amis
      • Chapitres 14-15-16 dans Le Socialisme Sauvage – Essai sur l’auto-organisation et la
      démocratie directe dans les luttes de 1789 à nos jours, Charles Reeves, L’Echappée,
      • L’insurrectionnalisme qui vient , Jacques Wajnsztejn, Gzavier,
      http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article272

      *Citoyennisme, altermondialisme, auto-organisation*

      • L’impasse citoyenniste, https://carbureblog.com/2016/11/20/limpasse-citoyenniste
      • Après GÊNES, Théorie Communiste n°18
      • Abandonner l’activisme ?, https://infokiosques.net/spip.php?article117
      • Le capitalisme est-il l’horizon indépassable de l’humanité ?, Jacques Wajnstezjn,
      http://blog.tempscritiques.net/archives/2179
      • Au delà de la Centrale de François Partant, une critique du scénario de l’archipellisation
      dans un cadre autogestionnaire, Clément Homs, Sortir de l’Economie n°4,
      https://sortirdeleconomie.ouvaton.org
      • Tout agiter pour que rien ne bouge, une critique du militantisme.
      https://agitationautonome.com/2018/05/19/tout-agiter-pour-que-rien-ne-bouge-une-critique-
      du-militantisme/
      • Questions et réponses sur le prolétariat, l’alternative et la communisation « ici et
      maintenant », https://carbureblog.com/2018/03/17/questions-et-reponses-sur-le-proletariat-
      lalternative-et-la-communisation-ici-et-maintenant/

    • Ce texte est rédigé à partir d’une position d’ « usager » régulier de la zad pendant et après la lutte contre le projet d’aéroport, dans le cadre d’activités agricoles collectives et non-lucratives, sans y avoir habité.

      Le 17 janvier 2018, le gouvernement français annonce l’abandon du projet d’aéroport sur les 1 400
      ha de la zone d’aménagement différée (zad) de Notre-Dame-des-Landes, à 20 km au nord de la
      métropole nantaise. La zone à défendre (zad) célèbre la victoire, fruit d’une lutte de longue haleine,
      initiée plus de 40 ans auparavant, réactivée au début des années 2000, ayant regroupé associations
      écologistes et citoyennes, syndicats, activistes radicaux. C’est également le début de la dislocation
      de la communauté de luttes, dont l’unité factice avait été nécessaire jusqu’alors pour tenir bon face
      à l’État. La discorde porte sur la légalisation des habitats et activités (agricoles, artisanales) mises
      en place par les occupant·e·s de la zad au cours de la lutte.

      Un affrontement binaire est alors mis en scène. D’un côté, celles et ceux qui sauraient gagner, c’est-
      à-dire poursuivre la victoire par la légalisation de la zone. Le groupe des « gagnant·e·s » le plus
      organisé défend son point de vue et ses actions via des textes largement diffusés dans la
      communauté de lutte et au-delà. En convoquant au besoin une imagerie révolutionnaire et le
      communisme, les gagnants y fustigent les loosers
      , radicaux rigides accros à la défaite. En retour et
      en ordre dispersé, celleux-ci pointent l’autoritarisme des gagnant·e·s et la normalisation inévitable
      due à la légalisation. La discorde est réduite à une série d’affrontements binaires et identitaires,
      entre gagnant·e·s et perdant·e·s, enfiché·e·s et sans fiches, collabos de l’État et anti-collabos,
      autoritaires et anti-autoritaires…
      En toile de fond de cet affrontement, il y a des individus qui se sont installés dans le bocage et s’y
      sont trouvés bien. S’est greffée sur cette situation matérielle la volonté de faire perdurer la zad, qui,
      loin d’être une oasis alternative à la sauce colibri, proclamait ouvertement lutter contre l’aéroport et
      son monde. Dans son combat contre le monde de l’aéroport, la zad s’est heurtée à des limites
      qu’elle a cherché à enjamber par un volontarisme forcené, en mythifiant une zone de non droit hors
      du capitalisme et en faisant la promotion d’une légalisation inédite (un « manteau juridique »
      protégeant une base arrière des luttes et un embryon de communisme déjà-là).

      Ce texte n’est ni un « que faire ? », ni un « qu’aurions-nous du ou pu faire ? ». Plutôt une modeste
      critique (parmi bien d’autres) de la zad et de ses idéologies dominantes, critique qui ne relève ni
      d’une passion pour la défaite, ni d’un réalisme surplombant. Il est vrai cependant qu’il faut prendre
      du recul, pour sortir des récits existentiels et zadocentrés. Sortir la zad de l’inédit et la remettre à sa
      place (ni plus bas que terre, ni au firmament), la questionner : la zad a-t-elle vraiment été une zone
      de non droit ? Pourquoi devrait-elle continuer à exister ? La lutte a-t-elle révélé un commun(isme)
      déjà-là ? Peut-on sortir du capitalisme localement, ou par un réseau de zad ? Les luttes
      d’aujourd’hui manquent-elles d’organisation, ont-elles besoin d’une base arrière ?

  • Une série de textes sur le mouvement des #Gilets_jaunes publiés par la revue Temps critiques

    Sur le mouvement des Gilets jaunes
    http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article386

    Sur cette révolte en général et sur celle des Gilets jaunes en particulier
    http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article387

    Une tenue jaune qui fait communauté
    http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article392

    Ce qui dure dans la lutte des Gilets jaunes
    http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article393

    L’envie de Révolution française des Gilets jaunes
    http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article395

    Gilets jaunes : « une République du genre humain »
    http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article398

    Gilets jaunes : Sur la ligne de crête
    http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article399

    (...) Si le mou­ve­ment des Gilets jaunes ne se définit pas par ce qu’il n’est pas (antisémite, anti-migrant, sexiste, homo­phobe), ce qui serait se mettre dans la contre-dépen­dance des atta­ques de ses enne­mis ou des médias, il ne se définit pas non plus par ce qu’il est. Comme dans tout mou­ve­ment qui possède une vérita­ble dyna­mi­que propre, des cli­va­ges présentés comme une réalité incontour­na­ble par l’État, les socio­lo­gues et les médias, n’en sont plus pour lui. Pour « les gens d’en bas » qui se soulèvent contre l’ordre des domi­nants, les frac­tion­ne­ments entre « quar­tiers sen­si­bles » et com­mu­nes périur­bai­nes sont rela­ti­visés lors­que les lycéens de Mantes-la-Jolie mon­trent qu’en ban­lieue aussi la survie n’est plus sup­por­ta­ble ; frac­tion­ne­ment réduit entre assistés et chômeurs ciblés par la phrase assas­sine de Macron « il n’y a qu’à tra­ver­ser la rue pour trou­ver un emploi » puis­que de nom­breux chômeurs, présents sur les ronds-points, dévelop­pent soli­da­rité et convi­via­lité ; frac­tion­ne­ment effacé entre tra­vailleurs pau­vres (l’emploi n’est plus gage de vie décente) et petits salariés, arti­sans ou auto-entre­pre­neurs.
    3 Par sa dyna­mi­que propre, par l’action directe, le mou­ve­ment des Gilets jaunes a réfuté pra­ti­que­ment les repro­ches idéolo­gi­ques que lui adres­sent abs­trai­te­ment les milieux poli­tico-média­ti­ques domi­nants.
    4 Au sein d’une frange de la popu­la­tion, qui n’a pas tou­jours été la plus active dans les mou­ve­ments sociaux précédents, parce qu’elle a à la fois voulu et subi les pro­ces­sus d’indi­vi­dua­li­sa­tion, se fait jour la bonne vieille idée redécou­verte dans chaque lutte d’impor­tance, celle que le pou­voir divise pour mieux régner. Mais force est de reconnaître qu’après trois mois de lutte, ces avancées poli­ti­ques sont insuf­fi­san­tes. En effet, alors qu’il a aussi connu une cer­taine matu­ra­tion dans le dis­cer­ne­ment de ses objec­tifs (de la lutte anti­fis­cale à la lutte pour la jus­tice sociale, par exem­ple), le mou­ve­ment ne par­vient tou­jours pas à vérita­ble­ment se définir. Cela nuit non seu­le­ment à son exten­sion vers les marges de sym­pa­thi­sants hésitants, mais rend abs­traite l’idée sou­vent mal com­prise à l’extérieur du « Tous Gilets jaunes » puis­que sans défini­tion plus précise de ce qu’il est, toutes ces fran­ges pro­ches devraient l’intégrer et, à l’inverse, au nom de qui ou à partir de quel prin­cipe pour­rait-il dire : « non, vous, vous n’êtes pas Gilets jaunes » ? Ni l‘appel de l’assemblée des assemblées à Commercy ni les com­mu­niqués du groupe Gilets jaunes Lyon-centre n’ont réussi à lever cette équi­vo­que par rap­port, par exem­ple, à la présence de l’extrême droite à l’intérieur du mou­ve­ment.

    C’est que la #com­mu­nauté_de_lutte pose comme première valeur poli­ti­que la #soli­da­rité dans le désac­cord, c’est-à-dire l’inverse de l’appréhen­sion tra­di­tion­nelle de la poli­ti­que, y com­pris à l’extrême gauche qui, quant à elle, pose au contraire le désac­cord comme prin­cipe pre­mier et « ligne » de par­tage. Cette dis­po­si­tion première, en faveur de la com­mu­nauté de lutte et de la soli­da­rité qui en découle, amène le mou­ve­ment à ne pas abor­der ou à reléguer au second plan « les sujets qui fâchent ». Ne pas trop en dire pour pou­voir conti­nuer à se dire les choses. Ainsi, alors que les Gilets jaunes par­lent beau­coup de votes et les uti­li­sent pour pren­dre des décisions, alors que nom­breux sont ceux qui, parmi eux, met­tent en avant le vote par RIC, la ques­tion du droit de vote n’est abso­lu­ment pas abordée, car elle frac­tion­ne­rait la soli­da­rité des Gilets jaunes à partir du moment où il fau­drait pren­dre une posi­tion sur le qui est citoyen et sur­tout qui ne l’est pas, au risque du désac­cord.

    Dans les AG, il est ainsi sou­vent néces­saire d’inter­ve­nir déjà pour faire cor­ri­ger l’appel­la­tion « assemblée citoyenne » sou­vent utilisée dans les assemblées issues de ronds-points pour coor­don­ner action et réflexion entre com­mu­nes périur­bai­nes. Car le flou per­siste sou­vent sur les contours de la citoyen­neté d’autant que dans ces actions, les Gilets jaunes n’hésitent pas à faire appel à des salles de mairie et à y accep­ter des élus muni­ci­paux ou même des députés, ce qui fait qu’on a par­fois du mal à dis­tin­guer ces débats du « Grand débat ».

    Ce n’est peut-être qu’un pis-aller, mais en l’état actuel des choses la notion « d’assemblée popu­laire » utilisée dans les assemblées de Commercy et celles (plus urbai­nes) qui les ont rejoin­tes reste dans le vague. Malgré tout, cette dénomi­na­tion d’assemblée popu­laire prête moins à confu­sion tout en étant fort para­doxale. En effet, les « assemblées citoyen­nes » sont d’une com­po­si­tion sociale bien plus popu­laire que les « assemblées popu­lai­res » qui sont, elles plus « citoyen­nes » au sens Révolu­tion française du terme. Pourtant, à l’ori­gine, sur le ter­rain des ronds-points, la ques­tion ne s’était pas posée abs­trai­te­ment, mais de façon pra­ti­que, car il parais­sait dif­fi­cile d’être sur un bar­rage ou un rond-point avec un « étran­ger » qui se bat contre l’injus­tice fis­cale à côté de vous et de lui dire que le RIC ce n’est pas pour lui… parce qu’il n’a pas la natio­na­lité française et qu’il ne peut pas voter ! La référence à la Révolu­tion française devrait ici encore servir : est « citoyen » celui qui par­ti­cipe à la « révolu­tion », quelle que soit sa natio­na­lité.

    Si, pour beau­coup de Gilets jaunes, la référence à la Révolu­tion française est réelle et pro­fonde, alors il faut que le mou­ve­ment assume sa part de sans-culot­te­rie sans qu’elle soit sans cesse rabat­tue sur celle d’un citoyen juste conçu comme sujet du pou­voir d’État en rem­plis­sant des devoirs qui don­nent lieu à des droits. Par ailleurs, cela met­trait fin pra­ti­que­ment à cette idée sau­gre­nue, partagée par cer­tains Gilets jaunes, d’un vote considéré comme obli­ga­toire et donc comme un devoir plus qu’un droit. Mais ce serait faire preuve d’opti­misme de penser que le mou­ve­ment pour­rait en quatre mois acquérir une cons­cience de la com­mu­nauté (humaine) qui efface toute frontière. La com­mu­nauté de lutte trace, cons­ciem­ment ou non, ses frontières dans la lutte. L’exem­ple frap­pant en est de la dis­tinc­tion qui apparaît dans des dis­cus­sions entre Gilets jaunes « de base » sur la ques­tion des migrants1. Si les immigrés sont bien reconnus et acceptés par les Gilets jaunes — d’autant qu’il s’en trouve un nombre non négli­gea­ble parmi eux — ils le sont sur la base de l’ancienne figure du tra­vailleur immigré. Des des­cen­dants de tra­vailleurs immigrés et qui sont Gilets jaunes par ailleurs, considèrent que leurs parents et eux sont deve­nus ou sont français parce qu’ils ont contribué à la cons­truc­tion et à la prospérité du pays, alors qu’à leurs yeux les migrants d’aujourd’hui ne cher­chent pas à se fixer et s’établir (cf. Calais et tous ceux qui veu­lent abso­lu­ment passer en Angleterre) et relèveraient d’une ges­tion inter­na­tio­nale de crise qui échappe à la com­mu­nauté de lutte. En conséquence, cela res­treint considérable­ment le champ de sa ten­sion vers la com­mu­nauté humaine. Plus concrètement, c’est aussi une situa­tion à courte vue, car si la force de tra­vail est glo­ba­le­ment surnuméraire aujourd’hui dans le procès de valo­ri­sa­tion du capi­tal, le sur­nom­bre n’est pas tou­jours là où on le croît, comme le mon­trent les efforts actuels d’entre­pri­ses comme MacDo, Starbucks et autres gros­siums de l’hôtel­le­rie-res­tau­ra­tion ou du BTP, qui vont jusqu’à pro­po­ser à des migrants fraîche­ment arrivés3, des cours accélérés de français parce qu’elles recher­chent des « peti­tes mains » à des condi­tions tel­le­ment à la marge du droit du tra­vail que per­sonne ne les accep­tent.

    Un discours plus protestataire que révolutionnaire ou réformiste

    Si l’expres­sion d’une juste colère a fait la force du mou­ve­ment à ses débuts, il cher­che aujourd’hui un second souf­fle qui le trans­for­me­rait en une lutte sociale plus glo­bale contre un ensem­ble struc­turé par l’État et le capi­tal. Ce qu’il a ten­dance à résumer par les termes de lutte contre le « système », sans cher­cher à davan­tage le définir. Faute d’y par­ve­nir, cette colère a ten­dance à se trans­for­mer en haine contre l’oli­gar­chie (le « je vous hais com­pris » écrit par­fois sur des gilets jaunes dénote en pas­sant d’une cer­taine culture poli­ti­que et d’un humour de bon aloi), elle-même réduite à quel­ques gran­des entre­pri­ses ou ban­ques et à quel­ques indi­vi­dus (poli­ti­ques, jour­na­lis­tes influents) « que l’on va aller cher­cher » comme le disent les mani­fes­tants. C’est comme s’il fal­lait leur faire payer indi­vi­duel­le­ment leur for­fai­ture, alors pour­tant que les Gilets jaunes ont pris cons­cience pro­gres­si­ve­ment qu’ils ont affaire à un « Système ». En cela Macron est vic­time de son propre « dégagisme ». Il croyait avoir fait le plus dur en se débar­ras­sant de l’ancien monde poli­ti­que et c’est l’ancien monde popu­laire qui lui tombe sur le dos ; un monde net­te­ment plus dif­fi­cile à faire dis­paraître.
    10 Cette colère anti-Système des Gilets jaunes est confortée par une vision oli­gar­chi­que du pou­voir, vouant à la vin­dicte popu­laire seu­le­ment les 1 % les plus riches qui oppri­me­raient les 99 % autres, alors que tous les rap­ports sociaux sont tra­versés par des hiérar­chies et des inégalités qui divi­sent et frag­men­tent ; le procès de domi­na­tion par­court l’ensem­ble du rap­port social. Reconnaître cela, ou au moins en tenir compte, serait reconnaître que la notion de peuple n’existe pas en soi, qu’elle se cons­truit dans le conflit et la ten­sion entre ceux qui diri­gent, à quel­que titre que ce soit (écono­mi­que, poli­ti­que, cultu­rel) et ceux qui n’ont aucun titre pour le faire. Mais il n’y a pas non plus de raison de faire porter aux Gilets jaunes le poids d’une supposée inexpérience poli­ti­que alors que c’est une opi­nion bien partagée, aussi bien par les Occupy Wall Street américains que par un parti poli­ti­que comme La France insou­mise !

    Il s’ensuit que le mou­ve­ment est sou­vent guetté par la recher­che du bouc émis­saire ou par les thèses com­plo­tis­tes d’autant que les réseaux sociaux culti­vent faci­le­ment l’entre-soi et par­ti­culièrement Facebook qui est leur relai le plus utilisé. Cela a été le cas, plu­sieurs fois, quand, dans cer­tai­nes villes, le mou­ve­ment a projeté de lancer des actions contre la banque Rothschild, une cible privilégiée parce qu’elle serait un sym­bole du capi­ta­lisme mon­dia­lisé et aussi parce que Macron y a été associé-gérant. Que ce type d’action soit repris par un groupe spon­tané comme Article 35–Insurrection est une chose, puis­que sa révolte se situe dans l’immédia­tisme et l’action directe. Mais que l’on en arrive à devoir expli­quer en AG, où des représen­tants des divers grou­pes de Gilets jaunes sont présents, qu’il faut arrêter avec les sym­bo­les et regar­der plutôt la réalité du système ban­caire dans le fonc­tion­ne­ment global du capi­ta­lisme est le signe d’une réelle fai­blesse théorique. Sur ce point comme sur le rôle des action­nai­res dans la for­ma­tion du capi­tal, la cri­ti­que du « système » est biaisée par le fan­tasme d’une finance qui représen­te­rait le mal absolu.

    Nous l’avons déjà dit, on ne peut repro­cher aux Gilets jaunes dont la matu­rité poli­ti­que est de quatre mois de com­met­tre les mêmes sim­pli­fi­ca­tions que celles pro­dui­tes par des orga­ni­sa­tions poli­ti­ques d’extrême gauche confirmées ou par des jour­naux comme Le Monde diplo­ma­ti­que. La dif­fi­culté consiste à essayer de cor­ri­ger le tir sans jouer aux experts… et en tenant compte du fait que l’ana­lyse des Gilets jaunes est limitée d’entrée de jeu par le fait qu’elle isole le procès de cir­cu­la­tion du capi­tal du procès de pro­duc­tion alors que le capi­tal jus­te­ment tente, à tra­vers les réformes libérales, de l’uni­fier.

    Pour rester concrets les Gilets jaunes ont par­fois ten­dance à se rat­ta­cher à des chif­fres censés parler par eux-mêmes, mais qui don­nent lieu à une surin­terprétation proche du contre­sens. Par exem­ple dans un tract Gilets jaunes sur la finance, dont une partie est consacrée aux action­nai­res et aux divi­den­des. La présen­ta­tion qui en est faite pour la France tend à accréditer l’idée que c’est en France que les divi­den­des attei­gnent la meilleure rémunération en pour­cen­tage pour les action­nai­res, ce qui serait abso­lu­ment scan­da­leux et ferait de celle-ci un modèle de capi­ta­lisme spo­lia­teur. Or, c’est jus­te­ment parce que jusqu’à main­te­nant la France a mieux résisté au modèle anglo-saxon de capi­ta­lisme et à ses exi­gen­ces, que la France a plus besoin d’atti­rer de capi­taux. Ainsi, elle a refusé le pas­sage aux retrai­tes par capi­ta­li­sa­tion, ce qui la prive de ses pro­pres fonds de pen­sions et l’amène à rétri­buer davan­tage les pla­ce­ments. Le problème n’est pas tant que cette appro­che est fausse, mais qu’elle empêche de com­pren­dre le fonc­tion­ne­ment d’ensem­ble du capi­ta­lisme au niveau théorique et au niveau pra­ti­que, ce qui bloque sou­vent les dis­cus­sions. Le mou­ve­ment ayant ten­dance à porter une atta­que « morale » plus que poli­ti­que cela inclut l’idée d’une mora­li­sa­tion pos­si­ble des choses et des rap­ports sociaux. Cette ten­dance ne peut être contre­carrée que par des actions qui com­men­cent juste, mais se dévelop­pent en sou­tien à des conflits sociaux, dans des sec­teurs qui sont deman­deurs parce que les syn­di­cats y sont peu présents, comme les entre­pri­ses de sous-trai­tance de la grande dis­tri­bu­tion. Elles complètent les actions premières de blo­cage de la cir­cu­la­tion en direc­tion des pla­te­for­mes en ce qu’elles met­tent l’accent sur la dénon­cia­tion de l’exploi­ta­tion et qu’elles peu­vent jouer dans un sens favo­ra­ble sur le rap­port de force.

    Un universalisme contradictoire au risque de l’isolement

    Après avoir élargi ses reven­di­ca­tions de départ et continué à refu­ser de négocier, ce point étant essen­tiel dans le main­tien d’un rap­port de force anta­go­ni­que avec les pou­voirs en place, le mou­ve­ment ren­contre des dif­fi­cultés à s’étendre sur cette base ini­tiale. Difficultés ren­contrées dans la jonc­tion du 5 février et avec l’échec de la liai­son avec le mou­ve­ment lycéen en décembre, qui condui­sent le mou­ve­ment à faire retour sur lui-même, dans des reven­di­ca­tions qui font peut-être son ori­gi­na­lité, mais qui ne sont plus que les sien­nes pro­pres. Le mou­ve­ment des Gilets jaunes a certes raison de vou­loir affir­mer à la fois sa préséance dans la lutte et son auto­no­mie par rap­port aux autres forces. Par là, il s’est placé comme une sorte d’avant-garde de masse (« Tous Gilets jaunes ») dans la mesure où le fait d’enfi­ler le gilet jaune deve­nait tout à coup un acte de résis­tance en lui-même, un signe de reconnais­sance ensuite et enfin le pre­mier pas vers autre chose. De ce fait, il n’avait rien à atten­dre de l’appel tra­di­tion­nel et le plus sou­vent « bidon », à une « conver­gence des luttes », tarte à la crème des années 2000 ayant succédé au « Tous ensem­ble » des années 1990. Le fiasco de la mani­fes­ta­tion com­mune du 16 mars entre Climat et Gilets jaunes montre que le chemin sera long avant que tout le monde devienne « Gilets jaunes » où que les Gilets jaunes se fon­dent dans la révolu­tion ou la Républi­que du genre humain ». Mais il n’est pas dit que cer­tains de ceux-là ne se retrou­vent pas plus faci­le­ment sur des actions de blo­cage de l’écono­mie (énergie) ou dans des actions de sou­tien aux salariés en lutte ; autant d’inter­ven­tions qui peu­vent pro­fi­ter de la désta­bi­li­sa­tion générale des pou­voirs en place. Le problème est alors de savoir quel rôle y jouer. Sans vou­loir tran­cher défini­ti­ve­ment, notre expérience actuelle de la chose nous montre qu’il serait dom­mage qu’on y rejoue le sou­tien aux luttes du peuple tenu par les maos dans les années 1970. Les Gilets jaunes, sous prétexte qu’ils sont mobi­lisés et déterminés ne doi­vent pas être une sorte de bras armé (même sans arme) des salariés ou de n’importe quelle autre lutte. (...)

    #Temps_critiques
    Sur cette notion d’#avant-garde_de_masse, voir La horde d’or pages 344, 391, 416

  • Une tenue jaune qui fait communauté, 27 décembre 2018, Temps critiques.

    http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article392

    1. Le mou­ve­ment des Gilets jaunes semble confir­mer une rup­ture du fil his­to­ri­que des luttes de clas­ses. Elle avait déjà été amor­cée mon­dia­le­ment par les prin­temps arabes, le mou­ve­ment Occupy et les mou­ve­ments des Places qui tous avaient placé en tête des mobi­li­sa­tions des reven­di­ca­tions ou des deman­des tou­chant les liber­tés, l’égalité, les condi­tions de vie en géné­ral ; l’emploi plus que les condi­tions de tra­vail. C’est aussi pour cela que ces mou­ve­ments s’adres­saient bien plus à l’État qu’au patro­nat, dans la mesure où le pro­ces­sus de glo­ba­li­sa­tion/tota­li­sa­tion du capi­tal conduit les États à gérer la repro­duc­tion du rap­port social au niveau ter­ri­to­rial, mais en res­tant dépen­dant des exi­gen­ces de la glo­ba­li­sa­tion.

    2. En France, la force de rési­lience du mou­ve­ment ouvrier tra­di­tion­nel avait encore main­tenu cette idée de lutte de la classe du tra­vail contre le capi­tal. Au prin­temps 2016, la lutte contre la réforme du droit du tra­vail et des sta­tuts pour­sui­vait encore sur la voie « la classe ouvrière avant tout » sans obte­nir de résul­tats tan­gi­bles. Quelques années aupa­ra­vant, les regains de mobi­li­sa­tion engen­drés par le mou­ve­ment des Places n’avaient pas permis un rebond effec­tif, car ce der­nier avait vite pri­vi­lé­gié le for­ma­lisme des assem­blées au détri­ment des conte­nus de la lutte. Une lutte qui sem­blait avoir trouvé un alliage plus pro­met­teur au sein du mou­ve­ment espa­gnol, avec le débor­de­ment du mou­ve­ment des Places vers les soli­da­ri­tés de quar­tier en lien avec les pro­blè­mes de loge­ment.

    3. Dans toutes ces luttes, y com­pris dans le cas de la lutte contre la loi-tra­vail, la ques­tion de la grève géné­rale ou celle du blo­cage de la pro­duc­tion à partir des usines n’a pas été posée, de même qu’elle n’est pas posée au sein du mou­ve­ment des Gilets jaunes. Dans ces condi­tions, conju­guer la pour­suite des occu­pa­tions de ronds-points avec des appels à la grève des sala­riés relève d’une fic­tion de « conver­gence des luttes » ou alors de l’idée dépas­sée que le blo­cage des flux de mar­chan­di­ses serait secondaire par rap­port au blo­cage de la pro­duction des mar­chan­di­ses elles-mêmes

    –—

    PDF format livret recto verso, 12 pages, 3 feuilles A4 : http://tempscritiques.free.fr/IMG/pdf/une_tenue_jaune_qui_fait_communaute_livret.pdf

    PDF format A5, feuille à feuille, 12 pages : http://tempscritiques.free.fr/IMG/pdf/une_tenue_jaune_qui_fait_communaute_feuille.pdf

  • Sur le mouvement des #Gilets_jaunes - Temps critiques
    http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article386

    La perte de légitimité de l’État-nation

    2 À partir de la fin des années 1970, les restruc­tu­ra­tions indus­triel­les et le pro­ces­sus de glo­ba­li­sa­tion/ mon­dia­li­sa­tion s’enclen­chent alors, dans ce qui n’est pas pour nous une contre-révolu­tion (il n’y a pas vrai­ment eu révolu­tion), mais une révolu­tion du capi­tal. Elle s’initie puis prospère sur les limi­tes du der­nier cycle de lutte de clas­ses et épuise la dyna­mi­que his­to­ri­que de l’égalité portée par l’idéologie uni­ver­sa­liste de la première bour­geoi­sie sou­te­nue par la classe ouvrière au sein de l’État-nation. Désor­mais l’équité rem­place l’égalité, la lutte contre les dis­cri­mi­na­tions rem­place la lutte contre les inégalités

    3 Des formes précapi­ta­lis­tes de rap­ports sociaux subor­donnés réémer­gent alors : les rela­tions socia­les (« le piston »), l’hérédité sociale, repren­nent de l’impor­tance à l’intérieur même du pro­ces­sus démocra­ti­que comme le montre la situa­tion dans l’éduca­tion où de plus en plus d’élèves entrent dans le cycle supérieur sans que le pour­cen­tage d’enfants d’ouvriers s’élèvent pour autant ; comme le montre aussi une aug­men­ta­tion des taxes qui, dans le système redis­tri­bu­tif français où 50 % de la popu­la­tion ne paie pas d’impôt sur le revenu, est la façon la plus directe de faire contri­buer les pau­vres, comme sous l’Ancien régime fina­le­ment. Toutes ces mesu­res sont à la racine de la révolte fis­cale actuelle. C’est d’autant plus injuste que contrai­re­ment à ce qui se dit sou­vent sur la part res­pec­tive de chacun à la pol­lu­tion, ce ne sont pas les moins aisés qui pol­lue­raient le plus (on accuse l’auto­mo­bile et le diesel), mais les plus riches. Tout cela est posé en termes indi­vi­duels comme si cela était du res­sort de chacun et non pas du rap­port social capi­ta­liste dans son ensem­ble. 

    4 D’après des sta­tis­ti­ques3 récentes, un cadre supérieur sera beau­coup plus pol­lueur et aura une empreinte car­bone supérieure (à cause sur­tout de ses loi­sirs supérieurs et des dépenses en essence bien supérieu­res, en valeur abso­lue, à un ouvrier ou une aide-soi­gnante, mais sa dépense en essence représen­tera une part pro­por­tion­nelle bien moins impor­tante de son budget en valeur rela­tive. Statistiquement en France, les 10 % les plus riches émet­tent quatre fois plus d’empreinte car­bone que les 50 % les plus pau­vres donc chaque foyer des 10 % des plus riches émet­tent vingt fois plus que les plus pau­vres alors que le mode de vie des plus riches (avions, gros­ses voi­tu­res, 4x4) est non seu­le­ment préservé, mais en voie de démocra­ti­sa­tion avec crédit et voya­ges low cost4. Ces données s’ins­cri­vent en faux contre l’image donnée des Gilets jaunes comme de gros beaufs pol­lueurs. Certes, ils accor­dent sûrement moins d’atten­tion idéolo­gi­que à l’écolo­gie que les cadres ou pro­fes­sions intel­lec­tuel­les, mais leurs pra­ti­ques sont moins contra­dic­toi­res que les leurs.

    5 L’aug­men­ta­tion de la CSG avait déjà eu cet effet de taxa­tion de tous (pau­vres comme retraités), mais comme toutes les taxes, elle est pro­por­tion­nelle et non pas pro­gres­sive avec donc elle n’a aucun caractère redis­tri­bu­tif, bien au contraire puis­que cer­tai­nes taxes tou­chent des pro­duits qui représen­tent une plus grande part du budget des famil­les en dif­fi­culté que des famil­les riches (c’est par exem­ple le cas de la TVA). Il ne faut donc pas s’étonner de voir des petits retraités dont beau­coup vivent mal le paie­ment de la CSG, être très actifs sur les bar­ra­ges, d’autant qu’ils ont le temps dis­po­ni­ble pour eux. C’est donc la fonc­tion sociale de l’impôt qui est remise en ques­tion du fait du sen­ti­ment de déclin des ser­vi­ces publics de proxi­mité au profit de leur contrac­tua­li­sa­tion (pres­ta­tions-clients, numérisa­tion) par­ti­culièrement évidente en ce qui concerne la SNCF, ce qui pro­duit une réaction indi­vi­duelle face à l’impôt fai­sant la balance entre ce qui est payé et ce qui est reçu. Toute soli­da­rité, même abs­traite, s’efface devant des réflexes indi­vi­dua­lis­tes qui se por­te­ront faci­le­ment vers et sur des boucs émis­sai­res.

    6 Si toute aug­men­ta­tion des prix sur des pro­duits de consom­ma­tion cou­rante a ten­dance à plus tou­cher les ménages à petit budget, les indi­vi­dus réagis­sent en général moins à ces mou­ve­ments de prix qui leur appa­rais­sent comme quasi natu­rels, au moins dans les pays capi­ta­lis­tes développés. Néanmoins, de plus en plus de prix leur appa­rais­sent comme des prix arti­fi­ciels soit parce qu’ils sont admi­nistrés par l’État et subis comme des prix poli­ti­ques entraînant une aug­men­ta­tion des dépenses contrain­tes, soit comme des prix de mono­pole imposés par les firmes mul­ti­na­tio­na­les et la grande dis­tri­bu­tion. Mais, hormis dans les DOM-TOM et encore aujourd’hui à la Réunion, ces prix sont rare­ment attaqués de front dans des émeutes popu­lai­res qui exis­tent pour­tant dans les pays pau­vres (Tunisie, Égypte). Il n’y a pas d’émeutes de la faim dans des pays comme la France et la lutte contre les prix s’avère indi­recte dans le cadre d’une lutte contre les aug­men­ta­tions de taxes qui appa­rais­sent sou­vent incompréhen­si­bles, du moins en France, vu le prin­cipe de non-affec­ta­tion. Il n’en faut donc pas plus pour que les Gilets jaunes et leurs sou­tiens refu­sent une taxa­tion soi-disant « verte » qui en fait ren­floue la caisse glo­bale de l’État qui ensuite seu­le­ment procède aux arbi­tra­ges budgétaires5. Question sociale et ques­tion envi­ron­ne­men­tale res­tent donc séparées, même si elles sont reconnues comme légiti­mes, car beau­coup de présents sur les bar­ra­ges ou dans les mani­fes­ta­tions refu­sent l’image de « beauf » qui leur a été collée et qu’ils res­sen­tent comme un mépris de caste si ce n’est de classe. Il n’empêche que la phrase énoncée dans les ras­sem­ble­ments : « Les élites par­lent de la fin du monde quand nous par­lons de fin du mois » est peut être la plus forte enten­due parce qu’elle consa­cre cette ten­sion.

    7 La révolte contre l’impôt ou les taxes ne peut donc être assi­milée au refus pur et simple exprimé par de nom­breu­ses cou­ches supérieu­res, pro­fes­sions libérales et autres petits patrons crou­lant sous les char­ges socia­les.

    8 D’où aussi des contes­ta­tions contre les nou­veaux « privilèges », et contre la paupérisa­tion de la vie quo­ti­dienne. Un autre argu­ment joue en faveur de cette thèse d’un soulèvement du peuple fédéré : la carte des révoltes et des soulèvements des Fédérés de l’été 17936 cor­res­pond assez bien à la carte des régions où les blo­ca­ges et les actions des Gilets jaunes sont les plus forts. Mais, là encore, la spécifi­cité de l’État français et de son cen­tra­lisme qui per­dure malgré la crise générale de la forme État-nation, empêche cette révolte de suivre la ten­ta­tion ita­lienne ou espa­gnole de l’auto­no­mie (Padanie) ou de l’indépen­dance (Catalogne) ou encore de la séces­sion européenne comme avec le Brexit7. Il n’empêche que le redéploie­ment de l’État-nation en État-réseau ne se fait pas d’un coup de baguette magi­que. La contra­dic­tion entre le ver­ti­ca­lisme cen­tra­liste de ce qui per­dure d’État-nation dans la ges­tion des rap­ports sociaux se heurte à la forme décen­tra­lisée que prend l’aménage­ment des ter­ri­toi­res. Une forme qui privilégie le dévelop­pe­ment des métro­po­les au détri­ment des villes peti­tes et moyen­nes qui se trou­vent dans le dilemme inso­lu­ble d’avoir à pren­dre plus de choses en charge avec moins de moyens. D’où le mou­ve­ment de démis­sions des maires qui se pro­duit aujourd’hui et un sen­ti­ment de solde pour tout compte qui fait resur­gir un « Peuple » qui n’a pas attendu Marine Le Pen où Mélen­chon et leur notion de « peuple cen­tral » pour être affirmé. Une notion qu’on retrou­vait déjà chez Arlette Laguiller dont on se moquait de la for­mule plus popu­laire que prolétarienne : « tra­vailleu­ses, tra­vailleurs, on vous exploite, on vous spolie8 » et qui semble assez proche de la per­cep­tion actuelle de beau­coup de mani­fes­tants qui ont à la fois l’impres­sion d’être exploités (chômage, CDD, allon­ge­ment des temps de trans­port) et spoliés par des taxes qui por­tent en soi l’injus­tice dans la mesure où elles tou­chent pro­por­tion­nel­le­ment davan­tage les pau­vres que les riches. C’est parce qu’ils sont arrivés à une grande connais­sance intui­tive de cette situa­tion d’exploi­ta­tion (qui ne passe pas par la case « cons­cience de classe ») que la radi­ca­li­sa­tion du méconten­te­ment n’épouse pas les formes d’orga­ni­sa­tion tra­di­tion­nel­les (par exem­ple syn­di­ca­les) et diffère dans sa com­po­si­tion sociale. Mais pour­quoi s’en étonner quand les restruc­tu­ra­tions du capi­tal ont liquidé les ancien­nes for­te­res­ses ouvrières et qu’on est bien loin de l’époque où domi­nait la figure de l’ouvrier-masse de Renault ou de Fiat. L’ouvrier de petite entre­prise, du bâtiment, des ser­vi­ces, l’employé du Mac Do trou­vent à cette occa­sion un lieu d’expres­sion de la révolte qui a du mal a existé sur des lieux de tra­vail frac­turés où les col­lec­tifs de tra­vail pei­nent à s’agréger. L’ancrage local des points de fixa­tion ren­force cette pos­si­bi­lité de ras­sem­ble­ment, hors des cadres struc­turés et ins­ti­tu­tion­na­lisés. Cette connais­sance intui­tive s’appuie sur le fait que la crois­sance des reve­nus en valeur abso­lue qui apparaît dans les sta­tis­ti­ques et qui est répercutée par les médias entre en contra­dic­tion avec une baisse du pou­voir d’achat à cause de l’aug­men­ta­tion des dépenses contrain­tes (char­ges fixes). Mais cette connais­sance intui­tive n’est pas sans matérialité objec­tive. En effet, si ce sont les habi­tants des régions rura­les et périur­bai­nes qui ont ten­dance à mani­fes­ter c’est aussi en rap­port avec un budget dédié à la « cohésion ter­ri­to­riale » qui vient d’être amputé de 1,4 Mds d’euros.

    9 Il y a conjonc­tion entre trois éléments, un « ça suffit » qui ne vise pas seu­le­ment Macron, comme avec le « Dix ans ça suffit » contre de Gaulle, en Mai-68, mais l’ensem­ble du corps poli­ti­que ; une exi­gence d’égalité, de jus­tice et de fra­ter­nité, même si on ne sait pas bien jusqu’où s’étend cette dernière, devant des rap­ports sociaux dont la dureté ne semble plus com­pensée par les acquis sociaux des années 1960-1970 et l’air de grande liberté (“libération”) qui l’accom­pa­gnait ; enfin des condi­tions matériel­les de vie sou­vent dif­fi­ci­les eu égard aux stan­dards en cours dans une société capi­ta­liste avancée.
    La soudaineté de l’événement

    10 Ce mou­ve­ment échappe aussi aux divers cor­po­ra­tis­mes qui ont pu être à la base d’autres mou­ve­ments plus anciens sou­vent désignés comme « inclas­sa­bles » comme l’était celui de Poujade (rat­taché aux commerçants et arti­sans avec l’UDCA9). La preuve en est qu’alors que les syn­di­cats de taxis et des trans­ports rou­tiers (FNTR) res­tent à l’écart ou même condam­nent le mou­ve­ment (la FNTR demande au gou­ver­ne­ment de dégager les routes !) puis­que ce sont des orga­ni­sa­tions qui ont négocié et obtenu quel­ques avan­ta­ges, de nom­breux rou­tiers et des chauf­feurs Uber sont aperçus sur les blo­ca­ges. Les rou­tiers jouant d’ailleurs sou­vent au « bloqué-blo­queur » et conseillant par­fois les novi­ces du blo­cage à déter­mi­ner les bons objec­tifs comme les dépôts d’essence (cf. Feyzin dans le Rhône, Fos-sur-Mer ou Brest). De la même façon, cer­tains s’aperçoivent que les blo­ca­ges des grands axes ont des réper­cus­sions sur l’appro­vi­sion­ne­ment en pièces pour les gran­des entre­pri­ses qui sous-trai­tent au maxi­mum. Ainsi, l’usine Peugeot de Montbéliard s’est retrouvée momen­tanément à l’arrêt.

    11 On assiste bien là à un sur­gis­se­ment événemen­tiel qui se situe en dehors des habi­tuel­les conver­gen­ces ou appels à conver­gence des luttes socia­les tra­di­tion­nel­les, parce qu’il pose, dans l’immédiateté de son expres­sion directe sa capa­cité à faire ras­sem­ble­ment10 en mêlant à la fois le caractère « bon enfant » et une grande déter­mi­na­tion. Il faut dire que beau­coup de mani­fes­tants en sont à leur première mani­fes­ta­tion. Ils s’éton­nent, naïvement de l’écart entre les enga­ge­ments for­mels à par­ti­ci­per qui pleu­vent sur les réseaux sociaux et le nombre rela­ti­ve­ment res­treint des présents sur les bar­ra­ges et aux mani­fes­ta­tions. Le fait de les inter­ro­ger sur leur absence ou indifférence aux mani­fes­ta­tions de ces dernières années les inter­lo­quent, mais ne les aga­cent pas tant ils ont l’impres­sion d’un dévoi­le­ment sou­dain, d’être à l’ori­gine de quel­que chose de nou­veau. Certains res­sen­tent bien la contra­dic­tion entre d’un côté le fait de rester calme et en même temps la nécessité de rester décidés et déterminés dans une ambiance qui ne peut tour­ner qu’à la confron­ta­tion (deux morts, 500 blessés, dont une ving­taine de graves, y com­pris chez un com­man­dant de police11) si ce n’est à l’affron­te­ment vio­lent (le 24 novem­bre à Paris). Il s’en suit un chan­ge­ment de posi­tion pro­gres­sif vis-à-vis des forces de l’ordre qui passe par­fois de la compréhen­sion mutuelle à l’invec­tive ren­forcée par le fait que le mou­ve­ment ne cher­che pas d’abord et avant tout à négocier et ne déclare pas ses points de blo­cage, qu’il développe des moyens de com­mu­ni­ca­tion par réseau et des moyens d’action qui sont plus ceux des asso­cia­tions que des grou­pes poli­ti­ques ou syn­di­cats (les « flash­mob12 », par exem­ple). De la même façon qu’une ligne de par­tage de classe ne par­court pas le mou­ve­ment (nous y revien­drons), les tenants de la ligne amis/enne­mis, comme ceux de la ligne droite/gauche en seront pour leur frais. Certains s’essaient à des varian­tes comme « la France d’en bas contre la France d’en haut » ou, plus ori­gi­nal, comme D. Cormand, secrétaire natio­nal d’Europe-écolo­gie-les-Verts qui retient la sépara­tion entre ceux qui crai­gnent la fin du monde et ceux qui crai­gnent la fin du mois13 ou une déloca­li­sa­tion et le chômage comme les salariés de Renault-Maubeuge qui ont eu le gilet jaune facile avant l’action du samedi 17 car l’exem­ple ne vient évidem­ment pas d’en haut, bien au contraire. La com­mu­ni­ca­tion gou­ver­ne­men­tale, par­ti­culièrement mala­droite parce que peu au fait des stratégies poli­ti­ques s’avère par­ti­culièrement contre-pro­duc­tive. Les phra­ses macro­nien­nes sur le fait de n’avoir qu’à tra­ver­ser la rue pour trou­ver du tra­vail ont fait plus pour réintégrer les chômeurs dans la com­mu­nauté vir­tuelle du tra­vail que tout popu­lisme de gauche. De même la phrase de cer­tains élus de la majo­rité sur les Gilets jaunes « de la clope et du diesel » a exprimé au grand jour que la ciga­rette n’était pas, pour l’État et le pou­voir une ques­tion de santé publi­que, mais de santé morale dans le monde asep­tisé dont ils rêvent14.

    La tarte à la crème de l’interprétation en termes de classes moyennes

    12 On ne sait pas encore si c’est « l’insur­rec­tion qui vient », mais comme dit Patrick Cingolani dans Libération du 21 novem­bre 2018, on a déjà « un peuple qui vient ». Il est tou­jours dif­fi­cile de savoir ce qu’est « le peuple », mais concept mis à part, faut-il encore que ce « peuple » ne soit pas celui cons­titué autour de l’iden­tité natio­nale, fut-elle de gauche qui clôture­rait le choix entre popu­lisme de droite et popu­lisme de gauche, mais un « peuple » qui se cons­ti­tue­rait dans le mou­ve­ment en dépas­sant la coexis­tence de différentes luttes et dans une sorte de coex­ten­sion.

  • http://www.zones-subversives.com/2017/07/sophie-wahnich-et-la-democratie.html

    La gauche intellectuelle et politique apparaît comme un tas de ruines. L’histoire et l’imaginaire universaliste de la Révolution française peuvent lui donner un nouveau souffle. Mais ce sont uniquement les luttes sociales qui permettent de transformer le monde.


    https://www.editions-lignes.com/LE-RADEAU-DEMOCRATIQUE.html
    @vacarme #Zones_subversives #mouvements_sociaux #éditions_lignes

    • La « gauche » en ruine c’est le PS ? Parceque je trouve qu’en ce moment la gauche intellectuelle et politique se porte plutôt mieux qu’il y a quelques années mais c’est probablement une déformation causé par ma fréquentation de seenthis.

      Édit : j’ai fini par lire l’article que je commentais. C’est vraiment dommage que cette historienne fasse une impasse total sur la question des femmes. Je suis aussi un peu gêné par cette affirmation « Mais l’historienne reste pourtant distante d’une gauche autoritaire à la Mélenchon. »
      L’historienne parle de nuit debout comme d’un renouveau, il me semble que c’est chez les Insoumis qu’on retrouve ce mouvement et que Mélanchon a su mettre d’autres que lui en avant lors de la dernière campagne présidentielle et surtout aux législatives.


    • http://tempscritiques.free.fr/spip.php?page=ouvrage&id_ouvrage=10

      La première édition de ce livre date de 1987.(Nautilus)
      Dans une première partie, l’auteur mettait en évidence l’échec de la théorie du prolétariat à saisir les transformations du rapport social et la crise de représentation de ce prolétariat par ses médiations traditionnelles (syndicats, partis, références aux pays du bloc socialiste). Ceci était analysé à l’aune de la défaite du dernier assaut révolutionnaire de notre temps (1968-1978). Dans une seconde partie, il cherchait à mettre en rapport ce contexte et le phénomène de la lutte armée tel qu’il s’est développé, en RFA et en Italie surtout, mais aussi en France, comme réponse à ce vide politique.
      On pourrait penser ces questions dépassées, aujourd’hui que l’idée même de révolution semble avoir été enterrée. Nous pensons qu’il n’en est rien et cela pour au moins deux raisons : la première est que si ces mouvements de lutte armée ont été défaits, ils ont posé à leur manière et dans leurs limites la question du rapport entre mouvement de lutte, légalité et violence sociale ; la seconde est que l’Etat lui-même relance sans arrêt la question de ce niveau de violence légitime, mais à son profit cette fois, en criminalisant la moindre lutte (anti-G8 à Gênes, arrachage d’OGM, « affaire Tarnac », « usagers pris en otage » par les grévistes des transports publics) et en répandant partout la peur des nouvelles classes dangereuses.

      Préface : http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article249#_ftn26
      #ultra_gauche #anarchisme #autogestion #gauchisme
      #École_de_Francfort
      source : http://blog.tempscritiques.net/archives/1897#footnote_6_1897

  • Remercions les rédacteurs du #comité_invisible de nous donner l’occasion de leur dire franchement qu’ils nous emmerdent.
    http://www.vacarme.org/article3054.html

    1. Prenons le texte comme il se présente : un condensé agressif et stylisé de politique. Naïvement, on croyait une lettre écrite à des amis, un désir de conversation planait dans l’air. « Il n’y a donc d’autres choix que de déployer un art de la #conversation » (p. 154). Même si c’était, il est vrai, que de la conversation par défaut, puisque les amis à qui parler se font rares, manifestement, et qu’en plus, les « moyens de communication » sont contrôlés « par ceux qui ne sont pas nos amis », si bien, que ce livre-même là, cet objet marchandisé qui passe entre nos mains, est sans doute déjà, aussi, le malheureux, le résultat de petites compromissions, encore ! Encore des petites compromissions, à l’issue d’un catalogue infini d’entres elles. Maintenant est le titre de ce catalogue de compromissions. « Quand on a des amis, plus besoin d’avoir d’ennemi » adage réécrit d’Aristote ou de Montaigne vérifié à la lecture de Maintenant . Car si les rédacteurs de Maintenant s’adressent à leurs « amis », c’est bien pour leur signifier sur tous les tons, et dans toutes les langues, qu’en réalité ils ne le sont pas.

    #La_gauche

    • Le Comité invisible est un producteur en série de vignettes spectaculaires toujours écrites en vue de signaler à la masse qu’elle succombe aux illusions tandis qu’eux, aristocratiquement placés de l’autre côté de la signalisation spectaculaire, s’en retrouvent les fabricants !

      (…) avec l’exposition Soulèvement au Jeu de Paume, le titre Révolution donné au pseudo-livre de Macron qui, sans honte, dans le magazine Elle, appelle aussi les jeunes à relire le Capital, il se passe que le romantisme insurrectionnel a été récupéré par la machine médiatique, ce qui rend difficile, en l’absence de situation insurrectionnelle réelle, de sauver ce qui fait le cœur positif de Maintenant. Que les rédacteurs de Maintenant le veuillent ou non, ils appartiennent désormais au secteur du marché de l’illusion insurrectionnelle.

    • Flash back : "Vous allez tous mourir et vos pauvres vacances n’y changeront rien" , clamait une banderole déployée sur une plage lors d’une des "actions d’éclat" du Parti imaginaire dont on trouve une photo dans Tiqqun...

      Pas possible d’isoler Maintenant de l’histoire dont il est issu, et du contexte dans lequel il s’inscrit (à tout le moins une crise des perpectives révolutionnaires). Quelques éléments.

      Pour un autre point de vue que celui proposée sur @vacarme, on peut consulter quelques pages de En quel temps vivons-nous ? (Rancière, 2017), à ce sujet :
      https://seenthis.net/messages/602424

      À partir des thèses énoncées par la revue #Tiqqun à la fin des années 90, pratiquant un usage singulier de l’héritage de l’#autonomie en Italie (cf. La Horde d’or ), le Comité invisible s’inscrit dans un courant #insurrectionnaliste qui n’a cessé de se développer depuis les émeutes de 2005 et la mobilisation lors du #CPE (2006). L’utilisation du CI par l’État et son antiterrorisme ( "affaire de Tarnac") a in fine accru le succès de thèses qui, sous une autre forme, servaient déjà de viatique à une frange importante des jeunes qui s’étaient politisés lors de la #lutte contre le CPE. Le texte qui suit a fait l’objet de mille réunions, conversations, reprises, usages : #Appel, 2004
      http://bloom0101.org/wp-content/uploads/2014/10/appel.pdf

      Rien ne manque au triomphe de la civilisation. Ni la terreur politique ni la misère affective. Ni la stérilité universelle. Le désert ne peut plus croître : il est partout. Mais il peut encore s’approfondir. Devant l’évidence de la catastrophe, il y a ceux qui s’indignent et ceux qui prennent acte, ceux qui dénoncent et ceux qui s’organisent. Nous sommes du côté de ceux qui s’organisent.

      Pour ne citer qu’un exemple des diverses approches qui se sont directement inspirée de L’appel, un très beau texte, bien loin de la morgue arrogante du Comité invisible : Défendre la zad , livre-appel publié en janvier 2016
      https://constellations.boum.org/spip.php?article125

      Bref, on peut penser en termes de récupération, et on trouvera aisément des confirmations (les deux numéros de Tiqqun, ancêtre revendiqué, sont en salle des ventes), mais une telle approche raterait l’influence de ce versant de l’insurrectionalisme (cf, le succès de @lundimatin ou l’ampleur des ventes des extraits de Tiqqun par La fabrique). Ce serait aussi louper l’intérêt et les échanges que suscitent ces textes. Ainsi, cette semaine, le séminaire Conséquences a réuni pour une lecture de Maintenant 300 participants à la #lutte_contre_la_loi_travail aux Beaux-arts à Paris, autour de quatre thèmes qui n’ont pas pu être tous abordés : #guerre_civile, #destitution, la #figure_du_crevard, #déterminations_sociales
      https://fr-fr.facebook.com/consequencesintervention

      Retour sur une matrice, lointaine :

      Rions un peu avec Tiqqun
      http://www.multitudes.net/Rions-un-peu-avec-Tiqqun

      Le Tiqqun est un être très sensible. « Nous autres décadents avons les nerfs fragiles. Tout ou presque nous blesse, et le reste n’est qu’une irritation probable, par quoi nous prévenons que jamais on ne nous touche ». C’est toute une ontologie qui se dit dans ces quelques lignes inaugurales d’une « introduction à la guerre civile »[[Tiqqun, page 2.. Une ontologie très duale et assez simple : le réel c’est nous et les autres. Les autres supportent tout, leurs nerfs sont narcosés par les poisons psycho-actifs d’un #Spectacle omniprésent, leurs corps pris en charge par le #Biopouvoir à un point que ça en est fichu. Les autres, en fait, c’est tous les faux contestataires (dont Multitudes). C’eût été digne d’un léninisme déplacé et vieillot que de boviniser ou oviniser le prolétariat qui parle par la bouche du Tiqqun. Du coup, « nous » c’est beaucoup plus que le Tiqqun, autrement dit, le Tiqqun c’est beaucoup plus qu’une revue. « Nous, c’est une masse de mondes, de mondes infra-spectaculaires, intersticiels, à l’existence inavouable, tissés de solidarités et de dissensions impénétrables au pouvoir[[Tiqqun, page 32. ». On est très impressionné. Ça fait quand même rêver cette zone rouge que le pouvoir ne pénètre pas. Mais le plus amusant est de tomber, en feuilletant la revue, sur le passage de La Volonté de savoir, où Foucault parle de l’essaimage des foyers de résistance, qui ne s’explique que par la dissémination en réseau des relations de pouvoir, à travers tout le corps social, par delà les appareils et les institutions. Un tel souci philologique nous laisse pantois[[Rions un peu : « certes on ne peut pas dire que les négristes se soient jamais embarrassés de soucis philologiques ».. On se perd en conjectures et hypothèses quant à la cohérence d’un discours qui se réclame de Foucault et situe son ego révolté dans un en dehors des relations de pouvoir. « Là où il y a pouvoir, il y a résistance et pourtant, ou plutôt par là même, celle-ci n’est jamais en position d’extériorité par rapport au pouvoir [… Il n’ y a donc pas par rapport au pouvoir un lieu du grand Refus – âme de la révolte, foyer de toutes les rébellions, loi pure du révolutionnaire[[La volonté de savoir, pages 125-126, Tel Gallimard. ».
      On sera sensible au vide de ces énoncés, vide de l’ontologie, en dépit des lectures affichées (Deleuze et Guattari). C’est le vide des énoncés du #post-situationnisme qui en appelle au chaos et à la guerre sociale contre tous les réformismes mous. Un certain anti-programmatisme, qui a dépassé le léninisme, mais reste incapable d’envisager une ontologie du désir et la question des stratégies politiques immédiates, par où les « sujets » misent, entre autres modalités stratégiques, sur l’efficace d’une parole agissante. Et cette parole agissante constitue bien autre chose que ce vide dont souffrent ces énoncés ( « le chaos sera notre grève », « oui au mouvement réel et à tous les comportements qui rompent avec la passivité »).
      Au delà de ce vide, il y a aussi, dans ce discours de l’hyper-nervosité, non seulement un dispositif de distinction, mais, si l’on y regarde bien, un risque d’épicurisme vraiment drôle, et très peu séduisant sur le plan politique. Au beau milieu de tout l’attirail des références prestigieuses que Le Tiqqun ne manque jamais d’exhiber, voilà ce bon vieil Épicure et son hypersensibilité maladive qui revient. Nietzsche, en bon philologue, lui, a remarquablement formulé la vérité effroyable de l’épicurisme : « L’épicurien choisit pour son usage les situations, les personnes, voire les événements qui conviennent à sa constitution extrêmement irritable, et il renonce à tout le reste ; ce qui revient à dire presque tout[[Le Gai Savoir, IV, § 306. ». Laissons les hyper-nerveux dans leur retranchement mortifère (mort du monde). C’est peut-être ça que ça veut dire « Tiqqun », dans la langue imaginaire de « cet organe de liaison du #Parti_imaginaire » : « mort du monde ». Il y a des conceptions plus joyeuses et productives de la fuite, des réactions plus constructives à la honte qui peut nous saisir face au monde comme il va.

      Tiqqun, une #rhétorique de la remontrance, Jacques Guigou
      http://tempscritiques.free.fr/IMG/pdf/tc_15_a5_187_190.pdf

      Le dernier métaphysicien de l’histoire de la philosophie occidentale, #Heidegger, est traité de « vieille ordure » mais Tiqqun s’empare de son ontologie (« l’homme est le berger de l’être », etc.) car elle permettrait de sortir du nihilisme. Il s’agit donc de « politiser la métaphysique » (p. 16), de la remettre sur ses pieds comme Marx voulait le faire de l’idéalisme hégélien. Au « Spectacle1 », entité hypostasiée, puissance abstraite et universelle, véritable « métaphysique marchande » de la domination, la « communauté des métaphysiciens critiques » oppose « la création d’un monde » (p. 20), une pratique « col- lective et positive de communauté et d’affectivité indépendantes et supérieures » (p. 20), une « utopie concrète » dans laquelle chacune des grandes métaphysiques du passé serait réalisée non plus comme discours, mais comme « Demeure de l’Être » et ceci dans le « fécond tissu de l’existence ».

      #comité_invisible #aristocratisme #livre #idéalisme

      Vu tout autrement : Les Communes de l’insurrection du Comité invisible
      http://laboratoireurbanismeinsurrectionnel.blogspot.fr/2011/06/propos-des-communes-du-comite-invisible.html

      « Il n’est pas question d’occuper,
      mais d’être le territoire. »

      En matière d’« urbanisme insurrectionnel »,
      les propos de la mouvance impliquée dans la revue Tiqqun, le Parti imaginaire et le Comité invisible, constituent un renouvellement des idées et de la posture de l’#intellectuel : il n’y a plus lieu de raisonner encore comme si le dilemme était de choisir entre réforme ou révolution, entre alternative et révolution, entre théorie ou action. Le livre L’insurrection qui vient paru en 2007 appelle à la destruction de l’Empire et il institue la Commune comme un des moyens pour y parvenir.

      Une oeuvre magistrale pour la pensée urbaine anti-libérale car les auteurs ne s’attaquent non plus à la critique mais à l’élaboration de principes pragmatiques, non utopiques, destinés à inventer une autre #communauté préparant l’insurrection qui vient. Le plus grand intérêt de leur pensée, pour ce qui concerne le domaine de l’urbanisme, est qu’elle relie, à nouveau, les différentes formes de luttes au sein d’une emprise spatiale : la Commune.

    • @supergeante Vacarme critique le dernier livre du comité invisible, Maintenant paru aux éditions #La_Fabrique.

      Remercions les rédacteurs du comité invisible de nous donner l’occasion de leur dire franchement qu’ils nous emmerdent.

      Pour dire qu’ils nous emmerdent, faut-il encore les avoir lus.
      L’article d’Arthémis Johnson est très long surtout pour quelqu’un qui n’a pas lu l’ouvrage en question.
      Je me suis arrêté à L’insurrection qui vient et à Contributions à la guerre en cours. J’ai du lire, ce dernier, en biais comme longtemps, je me suis couché de travers.
      De la littérature et beaucoup de théorie.
      https://lafabrique.atheles.org/auteur/tiqqun

      Le comité invisible s’échange très bien chez les bouquinistes. Entre autres, par exemple, contre le premier roman de Jim Thompson, Ici et Maintenant (1942) avec une superbe préface de Stephen King.

      http://www.vacarme.org/auteur846.html

    • Sur le lien précédent (merci) :

      Or ces affirmations d’évidences qui n’en sont pas, et surtout ce ton souvent méprisant, produisent un effet sur le lecteur : il doit déterminer de quel côté il se range. Cela interfère avec la discussion dont nous avons besoin, et qui est en cours, pour élaborer des catégories communes. Cela interfère d’ailleurs aussi avec tout ce qu’il y a de chouette dans Maintenant : les développements conceptuels, les retournements de perspective malins, les traits d’esprit rigolos, les citations bien choisies, les propositions intrigantes, la vigueur de la pensée. Tout cela, c’est ce qui remue le lecteur et peut l’amener à changer d’avis, à se dire qu’il avait tort – sauf qu’au lieu de se dire qu’il avait tort, il doit se dire qu’il était un peu bête au fond, puisqu’on le lui signifie avec un certain mépris et depuis une position d’évidence. Bref, le Comité invisible alimente la réflexion politique autant qu’il interfère avec elle, c’est pourquoi la lecture est à la fois enthousiasmante et agaçante.

    • Jacques Rancière En quel temps vivons-nous ?
      https://seenthis.net/messages/602424

      « D’un côté, l’écart affirmé (par rapport au fonctionnement de ce qu’on entend par politique) est orphelin d’un monde symbolique et vécu auquel s’adosser (plus de communauté déjà-là qui garantisse la communauté à venir. Le travail ne fait plus monde). De l’autre, il a du mal à trouver les formes dans lesquelles se développer. C’est pourquoi l’idée que le système est moribond et prêt à s’effondrer reste commode. Elle comble l’intervalle entre les écarts actuels et l’avenir espéré et elle permet de s’imaginer alternativement qu’il suffit qu’on donne un petit coup d’épaule au système pour que tout s’effondre ou qu’il suffit qu’on se retire pour qu’il se dissolve."

    • Donc l’émeute : les « vivants » d’un côté ; les mort-vivants de l’autre... Le « subversivisme » d’époque fonde sa ligne sur son culte réitéré. Définie comme « intelligente », c’est-à-dire capable, « d’un même geste », de « désertion » et d’ « attaque », d’ « élaboration » (le « graffiti ») et de « saccage » (la destruction du symbolique publicitaire-marchand) (p. 85), cette émeute tant vantée relève d’un corps-à-corps sans frottement, d’une dialectique de l’avancée et de l’esquive, de la construction d’un monde réduit à une zone d’autonomie temporaire où tout est possible dans l’éphémère d’un instant. N’ayant d’autre but que de tenir l’espace du conflit, comme « Nuit debout » tenait la place, le principal caractère de ce simulacre d’émeute, fougueusement ritualisé, est de faire spectacle et, ce faisant, de substituer une impuissance singulière à l’impuissance générale. En s’inventant un supplément d’âme, en somme, au prétexte que le « parti de la rue » serait « tout » (p.63). Mais tout, c’est quoi ? Précisément quoi ?

      #subversivisme Quoi est-ce ?
      Une autre critique de Maintenant par Freddy GOMEZ
      http://acontretemps.org/spip.php?article630#nh4

      « Ce qui s’est passé au printemps 2016 en France n’était pas un mouvement social, mais un conflit politique au même titre que 1968 » (p. 60). Fanion nostalgique, la phrase claque au vent, comme sentence, pour finir par flotter, comme évidence, sur une subjectivité résolument assumée qui n’a rien à justifier de cette curieuse comparaison. Tout est dans la suite : « Cela se repère, nous dit-on, à ses effets, aux irréversibilités qu’il a produites, aux vies qu’il a fait bifurquer, aux désertions qu’il a déterminées, à la sensibilité commune qui s’affirme depuis lors dans toute une partie de la jeunesse, et au-delà. Une génération pourrait bel et bien se rendre ingouvernable. » Ces voyants-là ne voient que ce qu’ils veulent voir : un monde qui s’inventerait, dans les décombres du négatif, au pas de course des « émeutiers » d’un printemps héroïsés jusqu’à l’enflure.

      #tiqqun

  • Temps critiques : Soubresauts (2003)
    http://www.mondialisme.org/spip.php?article2379

    Un article de la revue « Temps critiques » écrit en 2003 mais très actuel. Fort utile en ce moment où les discours automatiques anarchistes, trotskistes, ultragauches, etc., fleurissent sur les réseaux sociaux pour commenter les massacres du vendredi 13 novembre 2015 commis à Paris. Vous n’êtes pas du (...) — Documents utiles, http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article125

  • Idéologues et militants du social chauvinisme
    http://mondialisme.org/spip.php?article2320

    Idéologues et militants du #social-chauvinisme :
    de #Jean-Claude_Michéa au #Parti_de_Gauche,
    de #Marianne à #ATTAC, de #Politis au #PRCF,
    de #Frédéric_Lordon au #Monde_diplomatique ,
    d’#Emmanuel_Todd au #MPEP et au #PCF...

    PRESENTATION : Le « social-chauvinisme » est une vieille expression polémique utilisée durant la Première Guerre mondiale par les socialistes marxistes internationalistes (Lénine, Luxembourg, etc.) pour dénoncer les sociaux-démocrates qui soutenaient leurs bourgeoisies nationales respectives en usant d’une phraséologie pseudo-radicale… Aujourd’hui on retrouve le même type d’arguments sociaux-patriotes chez

    – des intellectuels (Todd, Lordon, Michéa, Ariès , les équipes du « Monde diplomatique » et de « Politis », à gauche mais aussi les mêmes arguments nationalistes chez des républicains de droite, Taguieff, Finkielkraut, etc.)

    – et des organisations (ATTAC, PCF, Parti de Gauche, MPEP, etc.).

    Les membres de cette mouvance :

    – critiquent « l’oligarchie » (vieux concept d’extrême droite), la dictature de la finance et la Bourse (idem) ;

    – ils prônent un capitalisme industriel, productif, national et un Etat fort menant une politique keynésienne d’indépendance nationale, sans oublier, bien sûr, la défense des PME « bien de chez nous ».

    Pour ce faire, ils s’affublent d’un masque critique, anticapitaliste ou altermondialiste, toujours chauvin.

    Démystifier ces discours et ces organisations est essentiel dans une période où la compétition économique entre les Etats européens ne fait qu’attiser les régionalismes, les nationalismes, et la xénophobie sous toutes ses formes.

    Télécharger le PDF : http://mondialisme.org/IMG/pdf/ideI_ologues_et_militants_du_social_chauvinisme-2.pdf

    Une première version de ce texte a été diffusée sous forme de brochure aux #Journées_iconoclastes de Toulouse, organisées par la #CNT-AIT les 29, 30 et 31 mai 2015, et a servi de base à une intervention orale évidemment plus brève ! Cette seconde version est plus longue ; de nombreuses citations y ont été ajoutées afin d’illustrer certaines affirmations du texte initial et aussi de tenir compte des discussions et critiques qui ont suivi l’exposé. Un grand merci aux camarades de la CNT-AIT et à l’équipe d’animation du squat de #La_Chapelle pour leur accueil chaleureux !

    Lire aussi l’article paru dans dans @anarchosyndicalisme ! n°145 :
    http://seenthis.net/messages/385722

    • J’adore les arguties fumeuses des faux-zintellos qui nient la réalité : l’ « oligarchie, un concept d’extrême-droite ». Ben voyons. Il suffit pourtant de prendre n’importe quel dictionnaire pour trouver une définition de l’oligarchie (qui remonte au minimum à la république romaine). Même que Bertrand Badie de Sciences-po utilise ce concept. Si, si.

      C’est typiquement ce genre d’article de bien-pensance qui empêche de penser et de mobiliser des idées efficaces face à cette mondialisation ultralibérale. Article d’idiots utiles. Ou de salauds à la solde. Au passage, je suis étonné qu’ils n’aient pas vomi sur Alain Soral...

      L’oligarchie est pourtant le problème n°1 de la société actuelle, avec la concentration économique. Sans compter la journaloperie de la presse mainstream. Les éditocrates (de Rioufol à Leparmentier en passant par Quatremer et Joffrin) éructent dans tous leurs torchons exactement la même sous-pensée formatée.

      Bien sûr qu’il faut renverser cette oligarchie. On pourrait les cueillir presque tous en une seule fournée le soir du dîner de cons mensuel du Siècle. Avec des camions Molotova qui cerneraient les rues alentour.

      A oui, avec ce que je viens de dire : il manque aussi un petit couplet des pseudo-zinellectuel contre le « conspirationnisme »... C’est très à la mode en ce moment chez la crasse parisienne qui se prend pour l’élite de la nation « alors qu’ils n’en sont que la merde », comme disait Lénine.

    • Voici l’extrait où il est question du concept d’#oligarchie et de la critique de ses usages de l’extrème gauche à l’extrème droite, ce qui réjouira @rodolphe puisqu’il y est question d’#Alain_Soral, mais pas de conspirationnisme, désolé !

      Parmi les "dix points politiques communs entre les social-chauvins" :

      9) La dénonciation des « grandes féodalités économiques et financières » qui contrôlent l’économie » (programme du CNR), d’une prétendue « oligarchie », des « élites nomades », des « élites mondialisées », des « élites déterritorialisées », d’une « hyperclasse des banques et des multinationales », ou des 1% (ce dernier thème est repris par Todd) qui exploiteraient les « 99% » de la population.

      Ce que Mélenchon résume en déclarant : « Il y a l’oligarchie d’un côté et le peuple de l’autre(55). » « C’est le peuple qui doit décider pas l’oligarchie(56). » Même s’il a proposé récemment de remplacer le terme d’ « oligarchie(57) » par celui de « caste » , on est toujours dans le même registre : « La critique de la caste c’est plus performant que de dire l’oligarchie qui est un mot en trois syllabes (...). Ce qui compte c’est d’être le peuple, être dans une nouvelle manière d’organiser le champ politique, le peuple contre la caste, le peuple contre l’oligarchie. »

      Todd est sur la même longueur d’onde : « On est passé en régime oligarchique » ; le journal Le Monde est une « composante de l’oligarchie » (Europe I, avril 2015) ; « L’oligarchie s’assoit sur le suffrage universel » (Herodote.net, mai 2014).

      Cette expression est employée par l’extrême droite, par les social-chauvins et même par Castoriadis, donc elle est particulièrement floue. Pour ce qui concerne l’extrême droite, elle lui permet de faire l’impasse sur la division de la société en classes antagonistes, ayant des intérêts matériels inconciliables et d’opposer l’oligarchie au « peuple » . Riposte Laïque dénonce « l’oligarchie pseudo-républicaine » . Ce terme est très utilisé aussi en Amérique latine, à gauche et à l’extrême gauche, et va toujours de pair avec un appel à l’union nationale contre… « l’oligarchie » .

      En général « l’oligarchie » est, comme le dit Mélenchon, « une classe dominante sans patrie » : et il ajoute « les élites sociales françaises collaborent avec enthousiasme au dénigrement de leur patrie » . Encore et toujours, on retrouve cette idée que les exploiteurs ne sont pas vraiment français, point de départ de tous les raisonnements xénophobes et antisémites.

      C’est ainsi que Paul Ariès écrit dans Misère du sarkozysme : « Le sarkozysme serait-il la revanche des émigrés de l’Ancien Régime ? De Sarkozy le Hongrois à Balladur le Turc en passant par le prince polonais Poniatowski, cette “droite de droite” semble vouloir violenter l’histoire. » On remarquera ici, chez cet intellectuel de gauche, le même type de raisonnement que ceux du Front national, centrés sur les origines ethniques de ses adversaires politiques. Sans compter que ces appréciations xénophobes contiennent de multiples erreurs : la mère de Sarkozy est française, pourquoi donc tenir compte seulement de l’origine du père de Sarkozy sinon par xénophobie ? Les Balladur sont d’origine arménienne et non turque. Quant à Poniatowski, si j’en crois la notice Wikipédia (au moins pour cela on peut leur faire confiance), « Par son père, il descend de Talleyrand (lui-même descendant de Colbert et d’Étienne Marcel), du duc de Morny — demi-frère et premier ministre de Napoléon III, ainsi que de l’impératrice Joséphine par sa fille Hortense de Beauharnais — tandis qu’il compte parmi ses ancêtres maternels Pierre-Paul Riquet, ingénieur français qui au XVIIe siècle traça le canal du Midi. » Pas mal pour l’arbre généalogique d’un « Polonais » selon Monsieur l’intellectuel de gauche Paul Ariès !

      Dans le même ouvrage, Ariès va encore plus loin dans le recyclage de deux thèmes classiques de l’extrême droite contre la gauche ( « parti de l’étranger », « cosmopolitisme » ) puisqu’il écrit que Sarkozy lutte « contre la conception française de ce que devrait être la droite » car il veut la transformer une force « néoconservatrice cosmopolite » . Selon Ariès, il y aurait donc une droite légitime et une droite illégitime parce que antifrançaise et cosmopolite. On croirait lire un article de Rivarol ou de Présent !

      Quant aux prestigieux et courageux signataires(58) de « l’Appel des résistants aux jeunes générations du 8 mars 2004 », ils n’ont apparemment tiré aucun bilan de l’échec de la politique préconisée par le Conseil national de la Résistance ; ils limitent leur critique du capitalisme mondialisé actuel à la « dictature internationale des marchés financiers qui menace la paix et la démocratie » et voudraient que nous entamions l’hymne de l’unité nationale entre les ouvriers et les patrons, entre les militants de tous les partis, pour une « démocratie, sociale et culturelle », totalement irréalisable en régime capitaliste.

      (55) - http://www.jean-luc-melenchon.fr/2015/03/09/il-y-a-loligarchie-dun-cote-et-le-peuple-de-lautre
      (56) https://www.lepartidegauche.fr/laradiodegauche/radiomedia/medias-c-est-le-peuple-qui-doit-decider-pas-oligarchie-j-melenchon-i
      (57)- Ceux qui douteraient que le terme oligarchie soit très connoté extrême droite pourront se reporter au site fasciste et aux écrits d’Alain Soral.
      (58)- Lucie et Raymond Aubrac, Henri Bartoli, Daniel Cordier, Philippe Dechartre, Georges Guingouin, Stéphane Hessel, Maurice Kriegel-Valrimont, Lise London, Georges Séguy, Germaine Tillion, Jean-Pierre Vernant et Maurice Voutry. Cf. pages 183-185, Citoyens résistants d’hier et d’aujourd’hui. Les Jours heureux, Le programme du CNR de mars 1944 : comment il a été écrit, et mis en œuvre, et comment Sarkozy accélère sa démolition , La Découverte, 2011.

      On lira aussi avec profit Le retour en grâce du mot « oligarchie » de @bernard Pasobrola
      http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article293

      Il faut donc être bien naïf pour croire que la démocra­tie représen­ta­tive, cette forme par­ti­culière de démocra­tie inventée par la bour­geoi­sie au mépris des formes com­mu­na­les assembléistes ins­taurées au cours de la première période de son his­toire, ait pu se passer d’oli­gar­chies, et que ses ins­ti­tu­tions aient pu être égali­tai­res. Ou même qu’elles puis­sent le deve­nir.

      (...)

      Le haro actuel sur ces oli­gar­chies dont cer­tains sem­blent décou­vrir l’exis­tence avec hor­reur, la désigna­tion démago­gi­que de ces cibles grossières, est-ce autre chose qu’une façon d’abuser de la crédulité du public et de tenter de sauver du désastre le représen­ta­tio­na­lisme éculé qui fait figure, aujourd’hui encore, de meilleur vec­teur de la sou­ve­rai­neté popu­laire ?

    • Oui, c’est bien cela : pour nier la nouvelle fracture de classe d’aujourd’hui (nomades de l’asphalte versus sédentaires qui vivent de leur travail - petits patrons, fonctionnaires utiles, ouvriers, employés), vous invoquez les clivages dépassés de classes.

      Vous tentez donc d’opposer les artisans aux fonctionnaires, comme ça pendant ce temps-là, l’oligarchie détourne la colère et continue de se gaver.

      Soral a raison. les trotskystes sont des idiots utiles.

    • J’en suis à la page 17, plus de la moitié donc, et je n’ai lu pour l’instant aucune citation permettant de prouver ce qui est reproché aux accusés. C’est un peu con quand on veut être un peu sérieux et rigoureux (pas besoin de style universitaire pour ça, juste être sérieux quoi).

      Un peu déçu donc, pour l’instant. C’est bien gentil de citer des communistes de 100 ou 70 ans avant, ou des méchants social-patriotes du siècle dernier (même si c’est très intéressant hein). Mais bon c’est pas ça qui va rendre crédible l’argumentation sur les contemporains listés au début. Bref, pas convaincant, mais je vais tenter de finir.

      Quant à arriver à mettre Michéa (quelque soit les critiques qu’on peut lui faire), dans une liste de gens qui (soi-disant) « prônent un capitalisme industriel », « la défense du nucléaire »… ben… WTF. :D

      À suivre…

    • Je crois qu’il y a une grande confusion dans ce débat à gauche entre analyse et stratégie : l’analyse nous montre que la nation, incarnée politiquement par l’État bourgeois, a été une nécessité du capital pour uniformiser le territoire sur lequel il circule. Il est en ce sens de même nature que l’#UE et tous les accords de libre échange. Je crois que la plupart des socialo-chauvin seront d’accord avec ça.

      Cependant, ces derniers, et notamment Mélenchon, considère - à tort de mon point de vue - que stratégiquement l’appel à la #nation, fantasmée comme le lieu idéal pour l’expression de la #souveraineté_populaire, est le meilleur moyen pour lutter contre le capitalisme transnational (renommé oligarchie ou caste).
      L’exemple de l’Amérique Latine est effectivement utilisé pour justifier ce choix. Cependant, ils oublient que ce sont des pays victimes de la colonisation et de la néocolonisation, mais aussi que Chavez ou Correa sont les enfants de la théologie de la libération et que leurs élections sont en partie dû à leur catholicisme. La France est, au contraire, un empire, la notion de nation n’a donc pas le même sens.

      Notons, par ailleurs, que les socialo-chauvins ne considèrent pas que que la souveraineté populaire puisse se diluer dans l’espace nationale, et s’opposent tout autant au #régionalisme. Les forces de l’ordre et leurs rôles dans la #démocratie bourgeoise sont également des impensés de cette idéologie. Un dernier point, la mode qui veut fermer les frontières pour lutter contre l’exploitation des travailleurs immigrés ne pensent une seule seconde à faire appel aux prolétaires de tous les pays pour s’unir et venir lutter chez nous contre les capitalistes.

      Par contre, les anarchistes ont bien du mal à trouver une stratégie qui permettrait de mobiliser autour de leurs idées, même ceux qui ont objectivement des pratiques anarchistes.

      Je me rends bien compte que mon propos va dans tous les sens, mais peut-être permettra-il de faire avancer le débat à gauche, en prenant soin de ne pas confondre analyse et stratégie.

    • Franchement un peu molle l’interview de @ballast (allez faut s’inscrire) : il n’y a que 5 questions, qui au final ne servent qu’à résumer dans une petite interview ce que l’on connait déjà de Michéa (y compris même juste dans d’autres interviews). Si, ya quand même la question sur l’État et la question sur le fascisme qui donnent quelques précisions en plus, ok. Mais sauf que pour moi clairement ça n’aurait dû être que de l’introduction ces 5 questions.

      Il balaie le « féminisme matérialisme » en deux phrases (deux), et dans le même temps il cite six fois la critique de la valeur (très bien), mais surtout sans JAMAIS évoquer le concept de dissociation-valeur de Kurz-Scholz qui se base sur… la séparation genrée justement. Le livre de Roswitha Scholz s’intitule quand même Le sexe du capitalisme hein. Donc là Ballast, ça aurait été pile le moment de lui poser la question et de le pousser un peu plus loin dans ce qu’il pense, et de le mettre face à ses contradictions, non ? M’enfin même… balayer ne serait-ce que Delphy comme si c’était acquis par son auditoire que c’était nul et non avenu, c’est juste insultant, et là aussi Ballast aurait dû dire quelque chose, répondre, demander des précisions, etc. Dommage donc, une interview où il cite la wertkritik qui aurait pu être intéressante si on l’avait vraiment questionné de manière contradictoire en face.

      (Bon tout ça aurait mérité d’être dit dans un fil à part dédié à cette interview plutôt que de polluer ce fil, désolé.)

    • @cazueladepolo

      Cependant, ces derniers, et notamment Mélenchon, considère - à tort de mon point de vue - que stratégiquement l’appel à la #nation, fantasmée comme le lieu idéal pour l’expression de la #souveraineté_populaire, est le meilleur moyen pour lutter contre le capitalisme transnational (renommé oligarchie ou caste).

      en écho avec

      quand l’illusion de la souveraineté nationale apparut manifestement comme une illusion, elle ne put plus servir d’objet au patriotisme ; d’autre part, la royauté était comme ces plantes coupées qu’on ne replante plus ; le patriotisme devait changer de signification et s’orienter vers l’État. Mais dès lors il cessait d’être populaire. Car l’État n’était pas une création de 1789, il datait du début du XVIIe siècle et avait part à la haine vouée par le peuple à la royauté. C’est ainsi, que par un paradoxe historique à première vue surprenant, le patriotisme changea de classe sociale et de camp politique ; il avait été à gauche, il passa à droite.

      voir le reste ici http://seenthis.net/messages/167677

  • Bilan critique de l’activité des Cahiers de Mai - Temps critiques
    http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article304

    La cri­ti­que des acti­vités pra­ti­ques et théori­ques du groupe des Cahiers de Mai va nous amener à cerner :
    – le décalage crois­sant entre la théorie et la pra­ti­que de ce groupe,
    – le fonc­tion­ne­ment interne du groupe,
    – son projet et ses pers­pec­ti­ves de tra­vail mili­tant « en direc­tion » de la classe ouvrière.
    Cette réflexion n’est pas née de mili­tants mar­gi­naux des Cahiers mais de mili­tants ayant par­ti­cipé très acti­ve­ment à toutes les acti­vités, y com­pris aux erreurs prin­ci­pa­les du groupe. Si cette cri­ti­que a pris une ampleur plus grande à Lyon à partir d’un bilan de l’action à l’usine Peñarroya, elle s’est aussi développée, dans une moin­dre mesure au sein du groupe de Paris.
    Par com­mo­dité de lec­ture, le texte a été divisé en deux par­ties. La première décrit la crise qui s’est développée à partir du prin­temps 1972. Elle est prin­ci­pa­le­ment événemen­tielle dans le but de mettre noir sur blanc, tous les éléments du débat. La seconde partie est plus théorique et essaie de tirer les causes et conséquen­ces de la pra­ti­que et du projet actuel des Cahiers de Mai .

  • Des grèves d’octobre-novembre 2010 en France, puis des révoltes arabes au mouvement des indignés espagnols et des occupy américains - Temps critiques #12, avril 2012.

    http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article287

    Il serait bien sûr erroné d’attri­buer le même sens à tous ces événements ou de considérer qu’ils mani­fes­te­raient le même niveau de radi­ca­lité, mais nous pen­sons qu’à l’instar de la fameuse « crise écono­mi­que de 2008 », ils ont pro­fondément marqué les années qui vien­nent de s’écouler. Nous avons, à chaque occa­sion, écrit quel­ques com­men­tai­res à chaud ou diffusé diver­ses inter­ven­tions sur les événements aux­quels nous avons par­ti­cipé. Nous n’avons pas jugé utile de repren­dre ces textes tels quels dans ce numéro puisqu’on peut les trou­ver sur notre site1. Mais comme ces événements nous col­lent encore à la peau, il nous a semblé néces­saire d’en réaliser la synthèse et de les mettre en pers­pec­tive pour tenter de com­pren­dre ce qui en cons­ti­tue l’unité et définit la période actuelle, mais aussi pour dis­tin­guer les différences qui les oppo­sent. Nous espérons arri­ver, par ce biais, à une meilleure compréhen­sion des diver­ses com­po­san­tes de ces mou­ve­ments, de leurs poten­tia­lités et des limi­tes inhérentes à leurs stratégies ou modes d’action.

    pdf A5 : http://tempscritiques.free.fr/IMG/pdf/tc_16_a5_005-037.pdf

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    Sur le seul mouvement des retraites, une analyse du MCPL,
    Les grèves de l’automne 2010. Réémergence et perspectives de recomposition d’un antagonisme de classe : http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=5778

    { PDF A4 : http://www.cip-idf.org/IMG/pdf/MCPLretraite-OK.pdf
    & PDF A5 : http://www.cip-idf.org/IMG/pdf/MCPLretraite-OK-livret.pdf }