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  • « Face à l’effondrement, il faut mettre en œuvre une nouvelle organisation sociale et culturelle »

    Par Agnès Sinaï, Pablo Servigne, Yves Cochet

    Le Monde du 23 juillet 2019.

    Vivre avec la fin du monde 1/6.
    Trois membres de l’Institut Momentum appellent à assumer l’effondrement systémique global qui vient pour préparer l’avènement d’une société « résiliente ».

    La fin de notre monde est proche. Une ou deux décennies, tout au plus. Cette certitude qui nous habite désormais, et qui a bouleversé nos croyances et nos comportements, est le résultat d’observations scientifiques nombreuses et variées sur l’évolution du système Terre, mais aussi de l’expression de caractéristiques banales de l’espèce humaine lorsqu’un événement extraordinaire s’annonce.
    Depuis une trentaine d’années, les études et les rapports scientifiques ne cessent d’augmenter la plausibilité d’un seuil climatique planétaire qui fera basculer le système Terre dans un état inconnu, nanti de températures moyennes plus hautes que depuis un million d’années. La probabilité d’un tel futur proche est aujourd’hui plus élevée que celle de tout autre scénario prospectif.
    Ce n’est plus une question de « si », c’est une question de « quand ». En examinant les centaines de travaux afférents, depuis le premier rapport du Club de Rome – Les Limites à la croissance – en 1972, jusqu’au récent rapport du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) – « Rapport spécial du GIEC sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5 °C » –, en octobre 2018, on peut estimer la date de passage de ce seuil planétaire entre 2020 et 2040.
    Trajectoire chaotique
    Ce seuil critique global est la conséquence de multiples boucles de rétroaction autorenforçantes entre éléments du système Terre, dévasté par un siècle de libéral-productivisme. Ainsi, pour le seul cycle du carbone, la fonte du permafrost sibérien, l’affaiblissement du pouvoir de séquestration du carbone par les terres et les océans, la déforestation de l’Amazonie et celle des forêts boréales constituent des boucles de rétroaction qui accélèrent le dérèglement climatique.
    Ces rétroactions s’étendent à tous les sous-systèmes de la Terre, intensifiant ainsi l’érosion de la biodiversité, et réciproquement. Cette trajectoire chaotique du système Terre conduit les sociétés humaines vers un effondrement systémique global : passé ce seuil de bascule, le chaos sera tel qu’aucun Etat ne sera plus capable de faire respecter la loi, de contrôler les armes, de lever des impôts.
    Cependant, ce basculement n’est que la composante objective de l’effondrement. Deux caractéristiques cognitives de l’espèce humaine transforment la plausibilité géobiophysique de l’effondrement en une certitude politique. La première s’énonce comme suit : l’immensité (c’est-à-dire l’imminence et l’ampleur) de la catastrophe « éco-anthropologique » est telle qu’elle excède nos capacités de compréhension, aussi bien de perception que d’imagination. Elle est irreprésentable, démesurée, supraliminaire, comme dit le philosophe Günther Anders. La seconde relève de la spécularité des croyances et des comportements : une personne informée de l’effondrement rapproché ne se demande pas si elle veut changer sa vie – c’est-à-dire diminuer drastiquement son empreinte écologique –, mais seulement si elle le ferait au cas où un certain nombre d’autres le feraient aussi.
    Ainsi, l’effondrement est inévitable non parce que la connaissance scientifique de son advenue est trop incertaine, mais parce que la psychologie sociale qui habite les humains ne leur permettra probablement pas de prendre les bonnes décisions, au bon moment. Il existe souvent plusieurs manières de résoudre un problème local ou circonscrit, mais affronter tous les problèmes ensemble et globalement rend le coût d’éventuelles solutions si élevé que seul le déni s’avère être la réponse adaptée. C’est ce déni de masse qui garantit que l’effondrement est certain.
    Stress prétraumatique
    De nombreuses populations subissent déjà les conséquences des catastrophes globales, des dérèglements écosystémiques et des pollutions diverses. Les classes sociales vulnérables et les pays pauvres (et on ne parle même pas des organismes non humains) subissent déjà des traumatismes qui commencent à être connus (stress, dépression, démence, suicides, maladies, etc.) et qui annoncent tout simplement notre avenir psychique à nous, les privilégiés.
    La prédiction même d’une catastrophe peut faire souffrir. On sait que l’annonce de dégradations à venir provoque déjà ce que les psychologues appellent le stress prétraumatique, autrement dit les effets néfastes de la peur du futur. Ainsi sommes-nous confrontés à un dilemme : comment annoncer que la maison brûle — et qu’elle sera détruite — sans faire peur à ses habitants ? Si vous étiez pompiers, que feriez-vous ? Il faut le dire, bien sûr, le crier haut et fort, avec fermeté et bienveillance. Puis, tout en se concentrant sur l’incendie, prendre soin de certains habitants traumatisés, et motiver tout le monde à sauver ce qui doit l’être.
    Prendre soin. Voilà ce qui manque cruellement à notre époque, et cela constitue une bonne partie de la réponse à la question : comment vivre la fin du monde ? Prendre soin de nous-mêmes, des autres, des non-humains. Prendre soin de notre psyché, des émotions que tout ce chaos génère, c’est-à-dire accueillir par l’écoute : tristesse et désespoir, colère et rage, inquiétude et peur. Tous ces affects sont parfaitement normaux. Pire, ils vont s’intensifier ! Il ne s’agit nullement de se complaire dans ces marais émotionnels, mais d’apprendre à les traverser individuellement et collectivement, à les côtoyer, afin de ne pas se laisser emporter, et trouver les ressources pour organiser la suite, pour résister.
    Mais comment résister à la fin du monde ? Ou plutôt, comment faire émerger un autre monde possible à partir de celui-ci ? La première piste est à rechercher du côté de la permaculture en tant que vision du monde et science pragmatique des sols et des paysages. Le néologisme « permaculture » a été forgé en Australie par Bill Mollison et David Holmgren, à partir de la contraction de deux termes : « permanent » et « agriculture », mais aussi « permanent » et « culture ». Depuis la Tasmanie, berceau de leur prise de conscience, ils formulent l’hypothèse d’un effondrement des subsides énergétiques injectés dans le système agro-industriel. Dès lors, la permaculture devient plus qu’une technique agricole : c’est une autre façon de concevoir le monde, un changement philosophique et matériel global. C’est une vision éthique des sociétés futures, qui seront confrontées à l’évolution des régimes énergétique et climatique.
    Aujourd’hui plus que jamais, il s’agit de rejeter les leurres de la croissance verte afin de revenir à une juste mesure en réduisant considérablement notre empreinte sur le monde. Ce qui veut dire mettre en œuvre immédiatement une nouvelle organisation sociale et culturelle, qui valorise la lenteur et enseigne les boucles de rétroactions, les liens de cause à effet, les mutualismes, la complexité. Dans la société permaculturelle, les réseaux ne sont plus invisibilisés, la frontière entre producteur et consommateur s’estompe dans un contexte de simplification progressive des mégasystèmes. Aussi bien par nécessité de résilience (dans la perspective d’un effondrement des sociétés industrielles) que par éthique des ressources, il s’agit de boucler les cycles, de passer d’une économie extractiviste de stocks à une économie renouvelable de flux. Le nouveau paysage permaculturel se veut directement comestible, au plus proche des habitants, qui eux-mêmes deviennent acteurs de ces nouveaux diagrammes alimentaires et énergétiques. Les paysages se déspécialisent, les fonctions se diversifient.
    Il en résulte une deuxième piste d’action, autour de nouvelles formes politiques territoriales ancrées dans le soin des paysages, œuvrant à la résilience des établissements humains face au nouveau régime climatique. Ces nouveaux territoires prennent le nom de « biorégions » et se substituent aux découpages administratifs actuels grâce à un changement général d’échelle et à une politique de décroissance. Les biorégions permettront, avant, pendant et peut-être après l’effondrement, d’organiser des systèmes économiques locaux territoriaux où les habitants, les manufactures et la Terre travailleront en coopération. La dynamique biorégionale stimulera le passage d’un système hyperefficient et centralisé à une organisation forgée par la diminution des besoins de mobilité, la coopération, le ralentissement, composée d’une multitude de dispositifs et de sources d’énergie. La civilisation automobile et l’agriculture intensive n’auront plus leur place dans cette nouvelle configuration. Les biorégions seront les territoires du ressaisissement.
    Des sociétés conviviales et de proximité
    La troisième voie de la résistance est celle d’un imaginaire social libéré des illusions de la croissance verte, du productivisme et de la vitesse, actionnées par les entreprises transnationales. La ville connectée, emblème d’une techno-euphorie totalement hors-sol, laissera la place à des bourgs et des quartiers off the grid (« hors réseau ») autoproducteurs d’énergie. Le nombre de véhicules sera réduit au strict minimum, les flottes seront administrées par les communes (libres !), tandis que les champs redessinés en polyculture pourront être traversés à pied. Des axes végétaux résorberont les infrastructures de la vitesse ainsi que les friches industrielles. Qui dit sociétés résilientes dit sociétés conviviales et de proximité. Aujourd’hui, chaque métropole occidentale requiert pour son fonctionnement une vaste partie de la planète. Demain, il en sera autrement, en raison de l’effondrement inéluctable des grands réseaux et de l’économie mondialisée, sur fond de bouleversements climatiques.
    Voilà trois pistes, mais il y en aura d’autres. Vivre avec la fin du monde passe nécessairement par un constant effort d’imagination pour arriver à dégager de nouveaux horizons, à les inventer, afin de refermer le couvercle du nihilisme, du mal absolu, du « tout est foutu ». Ce chantier politique ne peut être que collectif. Il faut un récit commun pour rester soudés. Certes, le récit de l’effondrement comporte des risques et des écueils, comme tout récit, mais il est puissant et a plusieurs mérites : il évite le catéchisme de la croissance, il réactive une vision cyclique des choses en appelant une renaissance, et surtout il dit que c’est maintenant ou jamais. Il nous rapproche de l’idée de la mort. D’ailleurs, n’est-ce pas ce que la philosophie nous enseigne depuis des siècles ? Apprendre à bien vivre, c’est apprendre à bien mourir, à prendre conscience de notre statut de mortel, radicalement vulnérable, humble, interdépendant des autres êtres vivants et de notre milieu de vie.

    Agnès Sinaï est journaliste environnementale. Chargée de cours à Sciences Po, elle a fondé l’Institut Momentum en 2011, laboratoire d’idées dont elle a dirigé les trois tomes des Politiques de l’anthropocène (parus aux Presses de Sciences Po).

    Pablo Servigne a une formation d’agronome et d’éthologue. Chercheur « in-terre-dépendant », auteur et conférencier, il est coauteur de plusieurs livres, dont Une autre fin du monde est possible (Seuil, 2018).

    Yves Cochet, militant écologiste depuis quarante ans, a été député de 1997 à 2011, ancien ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement (2001-202) puis député européen jusqu’en 2014. Depuis lors, il préside l’Institut Momentum.

    http://www.lemonde.fr/festival/article/2019/07/22/face-a-l-effondrement-il-faut-mettre-en-uvre-une-nouvelle-organisation-socia

    La phrase qui me paraît la plus remarquable est celle-ci :

    "Ainsi, l’effondrement est inévitable non parce que la connaissance scientifique de son advenue est trop incertaine, mais parce que la psychologie sociale qui habite les humains ne leur permettra probablement pas de prendre les bonnes décisions , au bon moment."

    Voilà une belle manière de naturaliser le #capitalisme ! Les structures de pouvoir, l’État, les entreprises, les institutions, les classes sociales, l’économie, l’industrie et la dynamique du marché capitaliste, etc. tout ça n’existe pas pour nos collapsologues. Non, c’est juste la #nature_humaine qui est responsable du désastre. C’est juste les individus qui ne prennent pas les "bonnes décisions".

    Comme le disait Margaret Thatcher : "la société n’existe pas, il n’y a que des individus qui poursuivent leurs intérêts..." (de mémoire).

    A un tel degré de #bêtise_politique, on peut se demander à quoi et à qui vont servir ces crétins et leurs dupes. Une chose est sûre, certainement pas à l’avènement d’une société émancipée des formes de domination dont ils ne veulent pas voir l’existence ni penser le rôle politique dans le maintien du statu quo ...

    Collapso, collabos ?

    #collapsologie, #naturalisation, #essentialisme, #pseudo-critique.

  • Face à l’effondrement, il faut mettre en œuvre une nouvelle organisation sociale et culturelle
    Yves Cochet, Pablo Servigne et Agnès Sinaï, Le Monde, le 22 juillet 2019
    https://www.lemonde.fr/festival/article/2019/07/22/face-a-l-effondrement-il-faut-mettre-en-uvre-une-nouvelle-organisation-socia

    Aujourd’hui plus que jamais, il s’agit de rejeter les leurres de la croissance verte afin de revenir à une juste mesure en réduisant considérablement notre empreinte sur le monde. Ce qui veut dire mettre en œuvre immédiatement une nouvelle organisation sociale et culturelle, qui valorise la lenteur et enseigne les boucles de rétroactions, les liens de cause à effet, les mutualismes, la complexité. Dans la société permaculturelle, les réseaux ne sont plus invisibilisés, la frontière entre producteur et consommateur s’estompe dans un contexte de simplification progressive des mégasystèmes. Aussi bien par nécessité de résilience (dans la perspective d’un effondrement des sociétés industrielles) que par éthique des ressources, il s’agit de boucler les cycles, de passer d’une économie extractiviste de stocks à une économie renouvelable de flux. Le nouveau paysage permaculturel se veut directement comestible, au plus proche des habitants, qui eux-mêmes deviennent acteurs de ces nouveaux diagrammes alimentaires et énergétiques. Les paysages se déspécialisent, les fonctions se diversifient.

    Il en résulte une deuxième piste d’action, autour de nouvelles formes politiques territoriales ancrées dans le soin des paysages, œuvrant à la résilience des établissements humains face au nouveau régime climatique. Ces nouveaux territoires prennent le nom de « biorégions » et se substituent aux découpages administratifs actuels grâce à un changement général d’échelle et à une politique de décroissance. Les biorégions permettront, avant, pendant et peut-être après l’effondrement, d’organiser des systèmes économiques locaux territoriaux où les habitants, les manufactures et la Terre travailleront en coopération. La dynamique biorégionale stimulera le passage d’un système hyperefficient et centralisé à une organisation forgée par la diminution des besoins de mobilité, la coopération, le ralentissement, composée d’une multitude de dispositifs et de sources d’énergie. La civilisation automobile et l’agriculture intensive n’auront plus leur place dans cette nouvelle configuration. Les biorégions seront les territoires du ressaisissement.

    La troisième voie de la résistance est celle d’un imaginaire social libéré des illusions de la croissance verte, du productivisme et de la vitesse, actionnées par les entreprises transnationales. La ville connectée, emblème d’une techno-euphorie totalement hors-sol, laissera la place à des bourgs et des quartiers off the grid (« hors réseau ») autoproducteurs d’énergie. Le nombre de véhicules sera réduit au strict minimum, les flottes seront administrées par les communes (libres !), tandis que les champs redessinés en polyculture pourront être traversés à pied. Des axes végétaux résorberont les infrastructures de la vitesse ainsi que les friches industrielles. Qui dit sociétés résilientes dit sociétés conviviales et de proximité. Aujourd’hui, chaque métropole occidentale requiert pour son fonctionnement une vaste partie de la planète. Demain, il en sera autrement, en raison de l’effondrement inéluctable des grands réseaux et de l’économie mondialisée, sur fond de bouleversements climatiques.

    On l’ajoute à la troisième compilation :
    https://seenthis.net/messages/680147

    #effondrement #collapsologie #catastrophe #fin_du_monde #it_has_begun #Anthropocène #capitalocène

    #Yves_Cochet #Pablo_Servigne #Agnès_Sinaï

    • « La justice ne consiste pas à se soumettre à des lois injustes, il est temps de sortir de l’ombre et, dans la grande tradition de la désobéissance civile, d’affirmer notre opposition à la confiscation criminelle de la culture publique. Lorsque nous serons assez nombreux de part le monde, nous n’enverrons pas seulement un puissant message de l’opposition à la privatisation de la connaissance, nous ferons en sorte que cette privatisation appartienne au passé. Serez-vous des nôtres ? »

      #université #édition_scientifique #articles_scientifiques #sci-hub #inégalités #partage #vidéo #film #culture_publique #désobéissance_civile #injustice #open_access #résistance #Carl_Malamud #jstor #MIT

      –-

      ajouté à la métaliste sur l’éditions scientifique :
      https://seenthis.net/messages/1036396

    • Petit message à celles et ceux qui ont mis une petite étoile à ce post (grand #merci @val_k d’avoir signalé cette vidéo !)... j’ai moi-même (et d’autres bien entendu) pas mal posté d’articles et documents sur l’édition scientifique sur seenthis, vous les retrouvez avec le tag #édition_scientifique. J’ai aussi du matériel stocké dans mon ordi, si jamais quelqu’un a envie de se pencher sur cette question qui devrait plus largement être débattue publiquement... A bon entendeur...

    • #Guerilla_Open_Access_Manifesto

      Information is power. But like all power, there are those who want to keep it for
      themselves. The world’s entire scientific and cultural heritage, published over centuries
      in books and journals, is increasingly being digitized and locked up by a handful of
      private corporations. Want to read the papers featuring the most famous results of the
      sciences? You’ll need to send enormous amounts to publishers like Reed Elsevier.

      There are those struggling to change this. The Open Access Movement has fought
      valiantly to ensure that scientists do not sign their copyrights away but instead ensure
      their work is published on the Internet, under terms that allow anyone to access it. But
      even under the best scenarios, their work will only apply to things published in the future.
      Everything up until now will have been lost.

      That is too high a price to pay. Forcing academics to pay money to read the work of their
      colleagues? Scanning entire libraries but only allowing the folks at Google to read them?
      Providing scientific articles to those at elite universities in the First World, but not to
      children in the Global South? It’s outrageous and unacceptable.

      “I agree,” many say, “but what can we do? The companies hold the copyrights, they
      make enormous amounts of money by charging for access, and it’s perfectly legal —
      there’s nothing we can do to stop them.” But there is something we can, something that’s
      already being done: we can fight back.

      Those with access to these resources — students, librarians, scientists — you have been
      given a privilege. You get to feed at this banquet of knowledge while the rest of the world
      is locked out. But you need not — indeed, morally, you cannot — keep this privilege for
      yourselves. You have a duty to share it with the world. And you have: trading passwords
      with colleagues, filling download requests for friends.

      Meanwhile, those who have been locked out are not standing idly by. You have been
      sneaking through holes and climbing over fences, liberating the information locked up by
      the publishers and sharing them with your friends.

      But all of this action goes on in the dark, hidden underground. It’s called stealing or
      piracy, as if sharing a wealth of knowledge were the moral equivalent of plundering a
      ship and murdering its crew. But sharing isn’t immoral — it’s a moral imperative. Only
      those blinded by greed would refuse to let a friend make a copy.

      Large corporations, of course, are blinded by greed. The laws under which they operate
      require it — their shareholders would revolt at anything less. And the politicians they
      have bought off back them, passing laws giving them the exclusive power to decide who
      can make copies.

      There is no justice in following unjust laws. It’s time to come into the light and, in the
      grand tradition of civil disobedience, declare our opposition to this private theft of public
      culture.

      We need to take information, wherever it is stored, make our copies and share them with
      the world. We need to take stuff that’s out of copyright and add it to the archive. We need
      to buy secret databases and put them on the Web. We need to download scientific
      journals and upload them to file sharing networks. We need to fight for Guerilla Open
      Access.

      With enough of us, around the world, we’ll not just send a strong message opposing the
      privatization of knowledge — we’ll make it a thing of the past. Will you join us?

      Aaron Swartz

      July 2008, Eremo, Italy

      https://archive.org/stream/GuerillaOpenAccessManifesto/Goamjuly2008_djvu.txt

      En français, notamment ici:
      https://framablog.org/2013/01/14/manifeste-guerilla-libre-acces-aaron-swartz

    • #Celui_qui_pourrait_changer_le_monde

      Aaron Swartz (1986-2013) était programmeur informatique, essayiste et hacker-activiste. Convaincu que l’accès à la connaissance constitue le meilleur outil d’émancipation et de justice, il consacra sa vie à la défense de la « culture libre ». Il joua notamment un rôle décisif dans la création de Reddit, des flux RSS, dans le développement des licences Creative Commons ou encore lors des manifestations contre le projet de loi SOPA (Stop Online Piracy Act), qui visait à restreindre les libertés sur Internet. Au fil de ses différents combats, il rédigea une impressionnante quantité d’articles, de textes de conférences et de pamphlets politiques, dont une partie est rassemblée ici. L’adolescent, qui était déjà un libre-penseur brillant, laisse progressivement place à l’adulte, toujours plus engagé, se prononçant sur des sujets aussi variés que la politique, l’informatique, la culture ou l’éducation, et annonçant nombre de questions débattues aujourd’hui. Tiraillé entre ses idéaux et les lois relatives à la propriété intellectuelle aux États-Unis, harcelé par le FBI à la suite d’un procès intenté à son encontre, Aaron Swartz a mis fin à ses jours à l’âge de 26 ans.

      http://editions-b42.com/books/celui-qui-pourrait-changer-le-monde
      #livre

      Avec cet intéressant débat sur seenthis : pourquoi ce livre n’est pas en open access ? Débat introduit par la question de @supergeante : « ça ne choque personne ? »
      http://seen.li/cpal

    • #Alexandra_Elbakyan, la Kazakhe pirate d’articles scientifiques

      Rebelles high-tech (4/6). L’ancienne étudiante en neurosciences a créé un site Web de mise à disposition illégale de rapports de recherche. Le monde entier y a accès, au détriment des éditeurs.

      En ce jour ensoleillé de juin, le parc boisé du -musée Kolomenskoïe, à Moscou, accueille le Geek Picnic, un festival techno artistique en plein air. Parmi la foule, une jeune femme ronde et souriante, à l’allure sage et modeste, parle devant une caméra pour une interview qui sera diffusée sur YouTube. Elle explique, une fois de plus, le fonctionnement de Sci-Hub, son site Internet de publication d’articles scientifiques gratuit et ouvert à tous. Alexandra Elbakyan, 28 ans, originaire du Kazakhstan, est inconnue du grand public. Mais sur les campus et dans les labos de recherche de nombreux pays, c’est une star.
      Avec 62 millions d’articles stockés et référencés, près de 700 000 téléchargements quotidiens et des millions de visiteurs réguliers sur tous les continents, Sci-Hub s’est imposé comme une source majeure de documentation scientifique. Dans les pays pauvres, c’est un outil quotidien pour les chercheurs qui n’ont pas les moyens de se payer les abonnements coûteux des services des grands éditeurs. Dans les pays riches, des chercheurs ayant accès aux services payants utilisent Sci-Hub car il est simple et accessible de partout, sans formalités. Seul problème : Sci-Hub est un site pirate, qui vole les articles aux éditeurs et enfreint toute une série de lois sur la propriété intellectuelle et la sécurité des réseaux. Alexandra Elbakyan est poursuivie par la justice américaine.
      La création de Sci-Hub remonte à 2011. Alors étudiante en neuro-sciences, Alexandra se fait remarquer pour ses recherches sur les ondes cérébrales, ce qui lui vaut d’être invitée à aller étudier en Europe et en Amérique. Mais lorsqu’elle rentre au Kazakhstan, elle n’a plus accès aux textes scientifiques dont elle a besoin – un seul article peut coûter entre 30 et 40 dollars (entre 25 et 35 euros). Un jour, elle s’aperçoit que des biologistes russes s’entraident discrètement et s’échangent des articles sans se soucier des problèmes de copyright. Elle décide d’étendre et d’industrialiser cette pratique en créant un serveur de stockage et de distribution pour toutes les disciplines. Très vite, elle reçoit le soutien de chercheurs occidentaux : des partisans du mouvement « Open Access », militant pour la libre circulation intégrale de l’information scientifique, ainsi que des auteurs s’estimant victimes du modèle commercial dominant (dans le monde scientifique, les auteurs donnent leurs articles gratuitement aux éditeurs privés, qui les revendent très cher aux autres chercheurs).
      Complicités et marché noir
      Parmi les admirateurs d’Alexandra, beaucoup travaillent pour des universités abonnées aux services payants, et certains décident de transmettre discrètement leurs identifiants et leurs mots de passe à Sci-Hub, qui peut ainsi récupérer des articles en se faisant passer pour eux. Quand un lecteur demande un article présent dans ses serveurs, il le reçoit aussitôt. Si Sci-Hub ne possède pas l’article, il va le chercher chez un éditeur grâce à un complice, l’envoie au demandeur, puis l’archive dans la base. Bien sûr, rien n’est simple. Alexandra Elbakyan reconnaît que « Sci-Hub se procure des mots de passe de nombreuses sources différentes », ce qui laisse supposer qu’elle s’approvisionne aussi auprès de hackeurs, qui savent subtiliser des mots de passe sans l’accord de leur propriétaire… Elle a également travaillé en liaison avec un site russe, LibGen, qui distribue toutes sortes de produits piratés, mais elle affirme que, désormais, elle est autonome : « J’ai passé un temps considérable à monter mes propres serveurs, pour stocker et envoyer les articles. »
      Une fois son site lancé, Alexandra entame des études d’économie et de droit : « Un temps, j’ai envisagé de travailler pour le gouvernement, afin de changer les lois sur le copyright. » Puis elle se tourne vers l’informatique et décroche un poste de recherche qui lui laisse le temps de se consacrer à son site : « A partir de 2014, j’ai réécrit tout le code et analysé les statistiques (…). J’ai noté quels étaient les éditeurs les plus demandés, et j’ai chargé tout leur contenu. » Côté finances, Alexandra reçoit des dons anonymes de la part de lecteurs reconnaissants. Par ailleurs, elle a découvert très tôt le bitcoin, et a su spéculer sur cette nouvelle crypto-monnaie : « J’ai acheté des bitcoins quand ils valaient 20 dollars, et, aujourd’hui, ils valent cent fois plus. Cela me permet de me financer. »
      Cela dit, Sci-Hub suscite l’hostilité de nombreux universitaires, bibliothécaires ou conservateurs qui font la chasse aux tricheurs : quand un compte se met soudain à charger de gros volumes de documents, il attire l’attention des administrateurs, qui peuvent intervenir. D’autre part, et surtout, les éditeurs ont déclaré la guerre à Sci-Hub, devenu pour eux une menace existentielle. Le plus actif est le groupe anglo-hollandais Elsevier, leader mondial du secteur. En 2015, Elsevier porte plainte contre Sci-Hub devant un tribunal fédéral new-yorkais. Sans se soucier des questions de territorialité, la justice américaine s’empare de l’affaire et accuse Alexandra de piratage, un crime puni d’emprisonnement. Le juge commence par bloquer l’adresse Sci-hub.org, qui dépend d’un prestataire américain, ce qui oblige Alexandra Elbakyan à créer une série de nouvelles adresses.
      « Proche de l’idéal communiste »
      Convoquée à New York par le juge, elle refuse de s’y rendre. Elle envoie au tribunal une lettre provocatrice, et décide de ne plus aller dans les pays susceptibles de l’extrader vers les Etats-Unis. Elle cache son lieu de résidence, délaisse les réseaux sociaux américains comme Facebook et se rabat sur le réseau russe VKontakte. En revanche, elle participe, par Skype, à des colloques organisés par des universités occidentales. Peu à peu, elle en vient à contester la propriété sous toutes ses formes : « Je me sens proche de l’idéal communiste. Chez les scientifiques, on peut clairement distinguer deux classes : ceux qui travaillent, les chercheurs, et ceux qui les exploitent, les éditeurs. La théorie communiste explique comment cela fonctionne, et pourquoi une révolution est nécessaire. »
      Le procès décuple la célébrité d’Alexandra. Des universitaires consacrent des thèses à Sci-Hub, des comités de soutien se forment sur Internet, des députés européens prennent sa défense. En décembre 2016, la revue scientifique Nature publie une liste de dix jeunes gens exceptionnels ayant fait progresser la science au cours de l’année. Alexandra Elbakyan y figure en bonne place – un effort méritoire pour Nature, qui appartient au groupe d’édition allemand Holtzbrinck, et fait partie des victimes de Sci-Hub. Dans la foulée, The Custodians, un groupe international de militants de l’Internet libre et d’artistes numériques, lance une campagne pour la nomination d’Alexandra Elbakyan au « Disobedience Award » : ce prix de 250 000 dollars est décerné par le MIT de Boston à une personne qui aura fait progresser le bien commun en désobéissant à une loi injuste, tout en restant « efficace, responsable et éthique ». Pour les admirateurs de Sci-Hub, Alexandra Elbakyan est la lauréate idéale. En face, ses détracteurs, notamment américains, élargissent le débat en lui reprochant de vivre en Russie. Ils font valoir qu’elle ne désobéit pas vraiment aux lois de son pays, et sous-entendent qu’elle bénéficie en sous-main de la protection du régime de Vladimir Poutine.
      Le 21 juin 2017, le tribunal new-yorkais condamne Alexandra Elbakyan et ses complices éventuels à verser 15 millions de dollars de dommages et intérêts à Elsevier. Il exige aussi que Sci-Hub cesse toute activité et détruise ses fichiers. En réponse, Alexandra publie, sur VKontakte, un texte sarcastique, en russe : « Encore une victoire de la liberté américaine et de la démocratie… Comment la lecture gratuite d’articles scientifiques pourrait-elle causer des dommages à la société et violer les droits de l’homme ? »
      Après six années de stockage intensif, 95 % des articles demandés par les lecteurs sont déjà dans sa base – désormais, le piratage sert surtout pour les mises à jour. -Selon une étude menée en 2017 par le bio-informaticien allemand Bastian Greshake, les plus gros utilisateurs sont désormais l’Iran, isolé par les sanctions internationales, la Grèce, toujours en faillite financière, plusieurs pays d’Amérique latine, plus l’Inde et la Chine, en bonne place à cause de la taille de leur population. Cela dit, l’Allemagne est aussi très présente : fin 2016, soixante universités allemandes ont décidé de boycotter Elsevier pour protester contre l’augmentation du prix des abonnements, et d’autres sont en passe de les rejoindre. Désormais, leurs chercheurs se procurent les articles dont ils ont besoin par d’autres moyens…
      Parfois, la machine semble s’emballer, hors de tout contrôle. Dans certains pays comme l’Iran, des serveurs aspirent des gros volumes d’articles de Sci-Hub, pour créer leurs propres bases de données à usage local. Ailleurs, des groupes organisés téléchargent tous les articles consacrés à la chimie : selon Bastian Greshake, cette discipline est désormais la plus demandée sur Sci-Hub. Le 23 juin 2017, l’American Chemical Society (ACS), qui gère les intérêts des ayants droit des articles de chimie, porte plainte à son tour contre Sci-Hub devant un tribunal de Virginie.
      Imperturbable, Alexandra répète qu’elle est à l’abri, « quelque part dans l’ancienne Union soviétique ». Elle réaffirme qu’elle n’a aucune relation avec les autorités et assure que son site n’est pas en danger : « Il a été conçu pour résister à la pression. » Elle étudie à présent l’histoire des sciences et s’intéresse à l’hermétisme médiéval, mais promet que Sci-Hub va continuer à croître et embellir.

      https://www.lemonde.fr/festival/article/2017/07/27/alexandra-elbakyan-la-kazakhe-pirate-d-articles-scientifiques_5165479_441519

    • J’ajoute ici un long texte sur #Aaron_Swatrz écrit àla suite de l’attentat contre #Charlie_Hebdo et qui fait un rapprochement important sur le sujet des dommages « collatéraux » de l’anti-terrorisme :
      #JeSuisParsNaturae
      https://pascontent.sedrati-dinet.net/index.php/post/2015/02/09/JeSuisParsNaturae

      Avant tout, j’aimerais confier ici ce qui a occupé mon dimanche 11 janvier 2015, alors que près de quatre millions de personnes descendaient dans la rue à Paris, en France et ailleurs. Sans m’étendre plus en avant sur mes sentiments personnels, ce jour-là je pleurais la mort d’Aaron Swartz, qui s’est suicidé jour pour jour deux ans plus tôt, à l’âge de 26 ans, suite aux persécutions dont il faisait l’objet de la part du département de la justice des États-Unis[1], pour avoir téléchargé, caché dans un débarras du MIT, des millions d’articles scientifiques.

      L’histoire d’Aaron Swartz est documentée dans un film que j’ai donc regardé ce dimanche et qui montre – c’est tout ce qui nous intéressera ici – comment ce jeune homme, plus impliqué que quiconque dans la défense de la liberté d’expression et l’accès à l’information, a été l’objet d’un acharnement judiciaire dont à la fois les responsables, les causes et les motivations nous ramènent au terrorisme proclamé de la tuerie à Charlie Hebdo. Bien que le mot ne soit jamais prononcé dans ce documentaire, la question du terrorisme y est omniprésente et constitue en fait la principale clé de compréhension de ce drame.

  • Lawrence Lessig : « Les principes fondamentaux d’Internet ont été court-circuités et on a laissé faire »
    http://www.lemonde.fr/festival/video/2017/10/03/lawrence-lessig-les-principes-fondamentaux-d-internet-ont-ete-court-circuite

    Avec la vague des « fake news » qui ont pollué la campagne américaine, on a découvert la face cachée de la liberté qu’offre Internet, celle de son dévoiement par des acteurs militants, voire des puissances étrangères. Comment enrayer ce phénomène ? Faut-il réguler l’information en ligne ? Le peut-on ? Ou cette information sans contrôle est-elle le futur de l’info ?

    Rôle des GAFA (les géants du Web : Google, Apple, Facebook et Amazon) dans la diffusion des fake news, neutralité du Net, pouvoirs des Etats et avenir de la démocratie… C’est en homme inquiet que le spécialiste des libertés sur Internet est intervenu au Monde Festival dimanche 24 septembre, lors d’un entretien sur le thème « Peut-on réguler Internet ? ».

    Voir aussi :
    http://www.lemonde.fr/festival/article/2017/09/24/lawrence-lessig-internet-est-la-meilleure-et-la-pire-des-technologies_519045

    #Lawrence_Lessig #internet #régulation

  • Lawrence Lessig en roue libre, il semble avoir du mal avec la liberté d’expression :

    Sur Internet, la vague de fake news qui a pollué la campagne américaine et celle du référendum sur le Brexit a mis en lumière le poids des réseaux sociaux dans les choix électoraux.

    « Cela fait vingt-cinq ans que je travaille pour soutenir l’Internet. Au départ, ce qui était formidable, c’était qu’il n’y avait pas de censeur, cela semblait tellement cool, c’était l’avenir de la démocratie. Aujourd’hui, avec Twitter, il n’y a pas d’éditeur entre celui qui parle et le public. La personne parle et le public décide. Le problème, c’est que cela permet de dire des choses complètement fausses, et on n’a pas d’infrastructure pour l’arrêter. »

    L’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis a mis en évidence un pays fragmenté, où l’on vit et s’informe dans un entre-soi qui menace l’idée même de démocratie, relève-t-il :

    « Deux mondes [s’]opposent dans les médias américains. Quand je vois Donald Trump avec le regard du “New York Times”, d’autres le perçoivent à travers celui de Fox News. Est-ce qu’une grande démocratie peut survivre quand ses citoyens entendent deux vérités sur la politique ? »

    Pour Lessig, la technologie n’est pas seule responsable, c’est la logique du marché qu’il faut remettre en cause.

    « Internet est la meilleure et la pire des technologies, qui nous donne à la fois des sites comme Reddit et des régimes totalitaires ou Donald Trump. Le combat juridique est fondamental. »

    http://www.lemonde.fr/festival/article/2017/09/24/lawrence-lessig-internet-est-la-meilleure-et-la-pire-des-technologies_519045

  • Béa Johnson : le zéro déchet, radical chic

    http://www.lemonde.fr/festival/article/2017/09/05/bea-johnson-le-zero-dechets-radical-chic_5181353_4415198.html

    Toute la poubelle annuelle de la famille de Béa Johnson tient dans un bocal d’un quart de litre. Installée près de San Francisco, la jeune Française est devenue la figure du mouvement international « zero waste », et sera au « Monde« Festival le 23 septembre lors du débat « Un monde sans déchets ? »

    Béa Johnson, 43 ans, est une passionnée du minimalisme. Son mode de vie a inspiré le mouvement international Zero Waste ou « zéro déchet ». Sa philosophie tient en cinq principes : « Refuser le superflu ; réduire le nécessaire ; réutiliser ce que l’on achète ; recycler tout ce que l’on n’a pas pu refuser ; composter le reste. » Toute une révolution dans le fonctionnement de l’économie occidentale, fondée sur le jetable et la consommation. En deux ans, les Johnson ont réussi à éliminer 80 % de leurs affaires. Ils ont remplacé leur 4 × 4 et leur seconde voiture par une Prius d’occasion.

    Entre 2010 et 2015, selon les calculs de Scott, le mari, à partir des relevés bancaires, ils ont économisé 40 % sur leurs dépenses annuelles. « Et on a découvert une vie riche en expériences, basée sur le verbe “être” et non “avoir” », affirme Béa.

    Avant les Johnson remplissaient une poubelle de 240 litres par semaine. Maintenant, leur poubelle annuelle tient en un bocal d’un quart de litre. Chaque 15 octobre, c’est l’inventaire. Le contenu est photographié et posté sur le site zerowastehome.com. Dans le dernier figurent des autocollants retirés des timbres ou des fruits et légumes, des vieux joints d’évier en silicone, un ballon à hélium qui a atterri dans leur jardin. Et un pansement, qui date d’une chute de vélo de son fils pendant une course. « On le lui a mis d’office. Il était sous le choc ; il n’a pas pu dire non. » Les enfants ont grandi à l’école du zéro déchet. « Pour eux, c’est tout à fait normal. »

  • Michaëlle Jean : « Je suis la seule chef d’Etat à connaître la vulnérabilité du réfugié »
    http://www.lemonde.fr/festival/article/2017/09/03/michaelle-jean-je-suis-la-seule-chef-d-etat-a-connaitre-la-vulnerabilite-du-

    Réfugiée d’Haïti à 11 ans, Michaëlle Jean, qui fut la première femme noire gouverneure générale du Canada, dirige l’Organisation internationale de la francophonie. Elle sera l’invitée, dimanche 24 septembre, du Monde Festival.

    LE MONDE | 03.09.2017 à 06h41 | Propos recueillis par Annick Cojean (propos recueillis)

  • En 1840, Etienne Cabet rêvait un paradis rouge

    http://www.lemonde.fr/festival/article/2017/08/25/en-1840-etienne-cabet-revait-un-paradis-rouge_5176317_4415198.html

    COMME SUR L’ÎLE D’UTOPIE DE THOMAS MORE OU DANS LA CITÉ DU SOLEIL DE CAMPANELLA, RIEN NE SE VEND, RIEN NE S’ACHÈTE : L’USAGE DE LA MONNAIE EST INTERDIT AUX PARTICULIERS

    Il fallait oser. Ecrire un récit de voyage au XIXe siècle, une époque où le genre semble avoir fait long feu, n’a rien d’évident. En ce temps-là, plus personne ne s’assume utopiste – sauf Etienne Cabet, l’auteur de Voyage en Icarie, d’abord paru en 1840 sous le titre de Voyage et aventures de lord William Carisdall en Icarie. Contrairement à la plupart de ses contemporains, cet ancien militant républicain qui a lutté contre la monarchie de Juillet ne craint pas de revendiquer l’héritage du premier utopiste, Thomas More, pour expliquer sa conversion au communisme.

    Alors que Thomas More s’adressait, au XVIe siècle, aux humanistes, le livre d’Etienne Cabet est, lui, à destination des ouvriers. « Il a dans l’idée qu’il faut d’abord remodeler les imaginaires afin de pouvoir transformer le réel », affirme François Jarrige, maître de conférences en histoire contemporaine à l’université de Bourgogne. Pour faciliter la lecture de son livre, il choisit de recourir à la forme éprouvée du récit de voyage et il adopte un style simple, sans se perdre dans des analyses austères. A rebours d’un Charles Fourier dont l’écriture est empreinte d’une sécheresse mathématique, il met en œuvre une « stratégie publicitaire », estime encore l’historien.

    Langage des masses

    A la fin de son utopie, Etienne Cabet s’en explique : « Il y a deux manières d’écrire pour le Peuple ; l’une, (…) d’embrouiller et d’obscurcir les choses simples et claires, souvent pour avoir l’air d’être savant ; l’autre, d’éclaircir les choses les plus embrouillées, de faire de la science sans le dire et de tout faire comprendre en employant la langue vulgaire. » Il choisit la deuxième option : parler le langage des masses exige, selon lui, des compromis. « Cabet n’est pas anticlérical mais, dans une société encore très chrétienne, tenir un discours religieux en expliquant que le vrai christianisme est en Icarie vise à gagner le peuple à sa cause sans l’effrayer », poursuit l’historien François Jarrige.

    La mise en scène de Voyage en Icarie sera on ne peut plus classique : parti le 22 décembre 1835, Lord William Carisdall arrive au port de Camiris, sur la côte orientale du pays imaginaire des Marvols. Icarie, dont le nom évoque une île grecque de la mer Egée, en est séparé par un bras de mer qui se traverse en six heures. Dans cette contrée passionnée d’égalité qui ne figure sur aucune carte, seuls sont admis les étrangers parlant la langue icarienne. Très facile à apprendre, elle est destinée à devenir « la langue de toute la terre » : « parfaitement rationnelle, régulière et simple », elle « s’écrit comme elle se parle et se prononce comme elle s’écrit ». Les règles y « sont en très petit nombre, et sans aucune exception » et « tous les mots (…) ont une signification parfaitement définie ».

    Le navigateur débarque dans la ville « neuve et régulière » de Tyrama, avec ses rues « droites, larges et parfaitement propres » qui rappellent au narrateur la rue de Rivoli, à Paris. Tout y est « charmant » – les maisons, les jardins, les fermes, les villages, les coteaux, les enfants… « C’était la plus jolie de toutes les villes que je connaissais », écrit Etienne Cabet, non sans une pointe de naïveté. A l’arrivée de Lord William Carisdall, les autorités du pays lui demandent de s’acquitter de la somme de deux cents guinées : la nation se chargera ensuite de lui fournir ce dont il a besoin pendant ses quatre mois de séjour. Car en Icarie, comme sur l’île d’Utopie de Thomas More ou dans la Cité du soleil de Campanella, rien ne se vend, rien ne s’achète : l’usage de la monnaie est interdit aux particuliers.

    A la pointe de la technologie

    Voyage en Icarie ne fantasme pas un mode de vie simple et champêtre, comme c’est souvent le cas dans le genre utopique. « C’est l’une des premières utopies communistes fondée sur la technique et sur le déploiement de machines », relève François Jarrige. Cabet raconte l’émerveillement de son voyageur. « Nous atteignîmes un grand chemin de fer sur lequel la vapeur nous transporta avec la rapidité du vent ou de l’éclair. » Plus surprenant pour l’époque, les Icariens ont des sous-marins et voyagent en ballon. « Le voyage aérien est non seulement le plus rapide et le plus agréable, mais encore celui qui présente le moins d’accidents et de dangers », pressent l’auteur. Autant dire qu’il préfigure l’avion, inventé à la toute fin du XIXe siècle.

    Ce pays à la pointe de la technologie vit sous le régime d’une démocratie absolue. En Icarie, les deux mille députés qui sont élus pour deux ans sont choisis parmi les citoyens les plus habiles. Le peuple souverain donne mandat à cette représentation nationale. Chargé d’exécuter les décisions du pouvoir législatif, le pouvoir exécutif est quant à lui « comptable, responsable et destituable ». On ne le confie pas à un seul homme mais à un corps qui inclut le président.

    Les citoyens forgent leur sens politique et débattent des affaires publiques dans mille assemblées populaires. On y traite d’importantes questions : « pour jouir plus souvent de la campagne », faut-il travailler sept heures et trente minutes par jour au lieu de sept afin d’avoir un jour de repos tous les cinq jours, et non tous les dix jours ? Dans ce débat, Cabet est en avance sur son temps : en France, les premières réglementations sur la durée du travail des enfants sont adoptées un an après la publication de son livre, en 1841 – la journée de dix heures à Paris et onze heures en province sera, elle, actée en 1848 par le gouvernement provisoire de la République.

    Réseau de disciples

    Davantage propagandiste que philosophe, Etienne Cabet maîtrise à la perfection les outils de la communication politique. Il possède un réseau de disciples dévoués qui compte beaucoup de femmes et d’ouvriers. Organisés autour de son journal, Le Populaire, ils sont présents dès 1846 dans tous les départements français. Cabet désigne en outre des « correspondants » qui récoltent des signatures pour des pétitions et collectent des fonds. Surtout, « ils veillent au respect des principes icariens : la réprobation des sociétés secrètes, le refus absolu de participer aux actes de violence », rappelle François Fourn, docteur en histoire, contributeur du Dictionnaire des utopies (Larousse, 2002).

    La diffusion des idées d’Etienne Cabet est telle qu’avant 1848 la plupart des communistes français sont icariens, constate François Fourn. « Jusqu’à la caricature, [Cabet] donne à son Icarie toutes les apparences d’un incroyable pays de cocagne, d’un paradis terrestre pour les ouvriers », résume-t-il. Cabet souhaite cependant que ce rêve devienne réalité : le 9 mai 1847, il lance un cri enthousiaste dans les colonnes de son journal : « Allons en Icarie ! » Depuis un an, la France est en proie à une crise économique, le communisme fait peur et cet utopiste revendiqué est en mauvaise posture – le pouvoir l’accuse d’être la cause de la moindre émeute et il est lâché par les réformateurs.

    Son appel s’adresse aux Icariens. « Persécutés comme Jésus et ses disciples par de nouveaux Pharisiens, retirons-nous comme eux dans le désert, dans une terre vierge, pure de toute souillure, qui nous offrira tous les trésors de sa fécondité. » Des terres sont achetées aux Etats-Unis et soixante-neuf hommes partent du Havre le 3 février 1848 pour rejoindre le nord du Texas. Trois semaines plus tard, la révolution éclate en France : Cabet y participe mais finit par rejoindre ceux qui ont émigré de l’autre côté de l’Atlantique.

    Là-bas, c’est le fiasco. Mal préparés, les ouvriers qui rêvent d’une république idéale se retrouvent plongés dans des marais. Après avoir marché pendant des semaines et contracté des maladies, ils finissent par battre en retraite et se replier sur La Nouvelle-Orléans (Louisiane). D’autres les rejoignent, sans savoir ce qui les attend. Et, quand Cabet arrive à son tour, il fonde avec les disciples qui n’ont pas baissé les bras la communauté de Nauvoo, une ville située dans l’Illinois. Considéré comme un petit dictateur, il est cependant mis en minorité en 1856. Son rêve américain tourne court puisqu’il meurt la même année.

    Très célèbre de son vivant, plus connu que Proudhon et même que Marx, Etienne Cabet est oublié aussitôt après sa disparition. Au XXe siècle, seuls les communistes de Russie, où son livre est traduit, continuent de s’intéresser à son modèle centralisé et étatiste. Sans doute l’expérience de l’URSS a-t-elle joué en sa défaveur. Mais, par-delà les réinterprétations anachroniques, Etienne Cabet soulève une question toujours d’actualité : il prétend que les machines vont permettre, en remplaçant les ouvriers, de réduire la durée journalière du travail. Près de deux siècles plus tard, le débat sur l’automatisation de l’emploi agite plus que jamais le débat politique.

  • La fin du travail, le nerf de la guerre, Philippe Escande
    « Retours sur le futur (5/5). Des auteurs ont anticipé la société à venir dans des livres vendus à des milliers d’exemplaires. En 1997, Jeremy Rifkin théorisait ce qui allait inspirer la gauche française lors de nombreux débats politiques : la destruction des emplois par la technologie. »

    http://www.lemonde.fr/festival/article/2017/08/18/la-fin-du-travail-le-nerf-de-la-guerre_5174023_4415198.html

    Michel Rocard ne s’y était pas trompé : ce livre est « effrayant ». Dans la préface de l’édition française, il écrit qu’il est sidéré par l’ampleur du défi lancé par l’auteur de La Fin du travail (Jeremy Rifkin, La Découverte, 1997. Publication originale : The End of Work, 1995). Depuis plus de cinq mille ans, l’homme courbe l’échine sous le poids de ses obligations, et voilà que Jeremy Rifkin, spécialiste de prospective, annonce sa libération.

    Dans cet essai « torrentiel, déconcertant et parfois agaçant » – toujours selon Rocard –, l’auteur prédit que la technologie va progressivement faire disparaître la force de travail humaine et qu’il convient de s’y préparer en investissant massivement dans l’économie sociale. Il faut anticiper le chômage et l’extension de la misère, et aviver l’espoir de l’avènement d’une société moins marchande et plus solidaire.

    Il est déconcertant de constater qu’un débat lancé il y a plus de vingt ans ait refait surface, en France, lors de la campagne présidentielle de 2017. Bien des idées du candidat du Parti socialiste, Benoît Hamon, résonnent étrangement avec celles proposées par Rifkin : les robots vont tuer l’emploi, un revenu universel est nécessaire et il faut renforcer un tiers secteur non marchand. L’Américain a multiplié ses disciples.

    Vendu à 125 000 exemplaires aux Etats-Unis – ce qui est loin d’en faire un best-seller –, le livre a connu une belle carrière internationale. Traduit en dix-sept langues, il a lancé la carrière de son auteur et l’a installé dans le fauteuil confortable de prophète d’un monde nouveau, marqué par la triple révolution numérique, biologique et écologique. (

    Papy débonnaire
    Son ouvrage précédent, Au-delà du bœuf (Beyond Beef, Dutton Adult, 1992), plaidoyer d’un végétarien convaincu qui dénonce la consommation de viande et l’élevage bovin, ne laissait pas prévoir qu’il allait s’attaquer aussi abruptement à l’un des fondements de l’activité humaine. Douceur du regard, calvitie de notaire et moustache de sergent-major, on lui donnerait le Bon Dieu sans confession.

    Un révolutionnaire se cache pourtant derrière Jeremy Rifkin, ce papy débonnaire aux costumes soignés et aux pochettes de soie assorties. Son premier engagement, celui qui déterminera tout le reste, a lieu en 1967 quand, jeune diplômé en droit, il organise la première manifestation nationale contre la guerre au Vietnam. Plus tard, il épouse la cause de la lutte contre les manipulations génétiques. Il trouble, avec ses camarades, les cénacles de l’Académie des sciences, en déployant ses banderoles et en chantant « Nous ne voulons pas être clonés », sur l’air de l’hymne aux droits civiques (We Shall not Be Moved).

    En 1977, dans le Library Journal, le critique Ken Nash presse le destin de ce jeune homme qui n’avait pourtant produit qu’un seul livre (Own Your Own Job, Bantam Books, 1977) : « Le socialisme de Rifkin est aussi américain que la tarte aux pommes, écrit Nash. Il est peut-être notre plus talentueux vulgarisateur d’idées radicales. » La France va adorer.

    Multiples retirages

    Quelques mois après la publication de The End of Work, le sociologue français Alain Caillé dévore le livre et rêve d’une édition française. Théoricien du don et militant de l’anti-utilitarisme, alternative humaniste au libéralisme et au marxisme, il retrouve ses thèmes dans l’ouvrage de Rifkin : l’impasse de l’économie marchande qui exclut de l’emploi et la nécessité d’encourager l’économie solidaire.

    Il fait le siège de son éditeur, La Découverte, pour le convaincre de le publier. « Ça ne se vendra pas », le prévient François Gèze, le patron de la maison. A tort : il a vendu plus de 30 000 exemplaires la première année de sa sortie, sans compter les multiples retirages, qui élèvent le nombre à 57 000. « Et il s’en vend toujours aujourd’hui », pointe l’éditeur. Il faut dire qu’il avait réussi à convaincre son ami Michel Rocard de préfacer l’ouvrage.

    Philippe Séguin, à l’époque président de l’Assemblée nationale (1993-1997) et autre amoureux du débat sur le travail, avait décliné car Jeremy Rifkin exerce déjà sur le personnel politique, français comme européen, un attrait indéniable. Comme si ses idées originales ouvraient de nouveaux horizons à des décideurs en panne de solutions nouvelles. Avant la sortie de l’édition française, il était l’invité d’honneur d’une conférence de deux jours organisée par Philippe Séguin à Epinal, son fief des Vosges, rassemblant leaders syndicaux et chefs d’entreprise.

    « Nouvel esprit de paresse »

    Le succès de l’ouvrage est aussi dû à un concours de circonstances exceptionnel : rincés par une crise qui n’en finit pas en ce milieu des années 1990, les Français sont en proie au doute. « Contre le chômage, on a tout essayé », reconnaît, en 1993, le président François Mitterrand. On imagine alors la disparition de l’emploi. Un an avant la traduction de Rifkin, la sociologue et philosophe Dominique Méda publie Le Travail, une valeur en voie de disparition (Alto, 1995). Un tabou saute. La droite hurle à l’Assemblée face à ce « nouvel esprit de paresse ».

    Dans le même temps, la romancière Viviane Forrester fait un tabac avec son Horreur économique (Fayard, 350 000 exemplaires). L’entreprise n’est plus tendance, le débat s’installe à gauche. Mais nous sommes en France, et l’argumentaire économique promu par Rifkin vire à la controverse philosophique.

    Pour Méda, comme pour André Gorz et d’autres penseurs de gauche, la question du progrès technologique n’est pas centrale. Il s’agit d’affirmer que le travail, valeur réhabilitée au XVIIIe siècle avec les Lumières, ne constitue pas l’essence de l’homme et que l’entreprise ne doit pas être son seul horizon. Il convient d’en réduire la durée pour se consacrer à d’autres activités plus épanouissantes : la famille, la communauté, l’enrichissement intellectuel… La conclusion est identique à celle de l’Américain mais prend d’autres chemins.
    « Je ne dis pas que le travail va disparaître, assure la sociologue, mais je souhaite qu’il prenne moins de place. » Une idée que partage également l’économiste Gilbert Cette, professeur à l’université d’Aix-Marseille, et qu’il traduit en des termes plus économiques :
    « Augmenter le temps de loisirs est une forme de redistribution des gains de productivité. »

    Déprime des salariés

    A ces données s’ajoutent une déprime des salariés (le plus grand succès des éditions La Découverte à cette époque sera d’ailleurs Le Harcèlement moral, de Marie-France Hirigoyen, en 1998, vendu à 600 000 exemplaires…) et une réflexion à gauche qui s’oriente de plus en plus vers la réduction du temps de travail.

    A la faveur de la dissolution du Parlement par Jacques Chirac en 1997, la gauche, exsangue cinq ans plus tôt, revient au pouvoir. A court d’idées neuves, elle saute sur la réduction du temps de travail, soufflée à Martine Aubry par Dominique Strauss-Kahn. Gilbert Cette intègre le cabinet de la ministre et donne une réalité à ce vieux rêve.
    Jeremy Rifkin ne pouvait imaginer pareille consécration : la plus importante réforme sociale de l’après-guerre en France, mise en route deux ans après la parution de son livre qui en faisait l’apologie ! Pourtant, la destruction des emplois par la technologie, thèse principale du livre, n’a pas abouti à une disparition du travail mais à sa transformation. Le drame que décrivait si bien l’auteur n’était pas celui de la fin du salariat mais de la désindustrialisation.

    Légitimité du débat

    Et si le débat revient aujourd’hui avec la peur de l’avènement des robots, la plupart des spécialistes en rejettent l’idée, de surcroît contredite par les faits : vingt ans après sa prédiction funeste, le taux de chômage mondial est plus bas qu’à l’époque (1 % de moins) ! Vieille opposition du scientifique face au vulgarisateur qui noircit le trait pour mieux vendre son message au risque de le déformer…
    « Monsieur Rifkin est un charlatan ! C’est un consultant qui a eu le flair d’enfourcher, au bon moment, les grandes peurs collectives de notre fin de siècle : les risques liés au progrès technologique et le chômage », lançait Olivier Blanchard, ancien chef économiste au FMI et enseignant au MIT, l’un des rares de sa profession qui soit entré dans le débat. Les autres ont préféré l’ignorer.

    Jennifer Hunt est l’une des plus grands spécialistes du travail aux Etats-Unis. Elle fut chef économiste au ministère du travail américain pendant la mandature de Barack Obama. « J’étais professeure à l’université Yale à l’époque, dit-elle. Nous ne le connaissions même pas. En 1995, nous sortions de la récession, c’était le début de la nouvelle économie et la croissance de l’emploi était très rapide. » Tout juste reconnaît-elle qu’il est parfois utile « d’avoir des gens qui ne sont pas contraints par une discipline et par des faits scientifiques ». Pour l’économiste Daniel Cohen, « Ce livre est arrivé à un moment de grande fatigue. Il est faux de dire que le travail disparaît, mais le débat sur la finalité de celui-ci est légitime ».

    Conférences convoitées
    C’est finalement le destin des Rifkin, Attali ou Minc de saisir l’air du temps, de lire beaucoup et de former, à partir de cela, des idées bien plus audacieuses que celles de la communauté scientifique… Et d’en faire commerce. Les conférences de Jeremy Rifkin, réclamées par toutes les grandes entreprises et organisations mondiales, se monnayent entre 20 000 et 40 000 euros.

    Sa société de conseil enchaîne les contrats avec la Commission européenne, le gouvernement allemand, la ville de La Haye, le Luxembourg, la région des Hauts-de-France… Les missions sont facturées entre 350 000 et 450 000 euros – « Le prix d’un rond-point », tempère modestement le prospectiviste –. « Sa notoriété et son charisme nous ont permis de rassembler tous les acteurs de la région autour d’un projet mobilisateur », insiste l’ancien ministre Philippe Vasseur, qui a monté avec lui le projet de « Troisième révolution industrielle » pour les Hauts-de-France.

    La Fin du travail a permis à Rifkin de gagner ses galons de millénariste en chef. Après la fin du bœuf et celle du travail, sont intervenues celles de la propriété (L’Age de l’accès, La Découverte, 2005) et des énergies fossiles (La Troisième Révolution industrielle, Les Liens qui libèrent, 2012). Il prédit maintenant la fin du capitalisme par sa dissolution dans le collaboratif (La Nouvelle Société du coût marginal zéro, Babel, 2016), voire la fin de l’espèce humaine, si l’on ne prend pas de mesure contre le réchauffement climatique.

    Des idées fortes qui retentissent dans une Europe en proie aux doutes existentiels. « Si je devais renaître, j’aimerais que ce soit en France ou en Italie », a coutume de lancer Jeremy Rifkin. Il en est déjà le citoyen de cœur et, avec ses certitudes, il est au moins le prophète d’un monde incertain.

    https://seenthis.net/messages/262461

    #Rifkin #Travail #emploi

  • Le phalanstère de Charles Fourier

    http://www.lemonde.fr/festival/article/2017/08/18/le-phalanstere-de-charles-fourier_5173629_4415198.html

    « Ceci n’est pas une utopie. » Voici comment le socialiste Charles Fourier aurait pu ­légender le dessin de son phalanstère, un projet d’habitat communautaire dont on trouve des esquisses dans ­plusieurs de ses livres. Il a banni ce mot, hérité de L’Utopie deThomas More, de son vocabulaire. « C’est le rêve du bien sans moyen d’exécution, sans méthode efficace », affirme-t-il.

    Pour lui, les « faiseurs d’utopies », comme il les appelle, ne produisent que des chimères irréalisables. Charles Fourier qualifie ainsi de « sottises dogmatiques »Les Aventures de Télémaque, un roman de Fénelon publié en 1699 qui vantait la vie frugale et heureuse des habitants de la Bétique, un pays isolé.

    Un océan sépare les deux hommes : la Révolution française. Charles Fourier, qui a 17 ans en 1789, ne rêve pas d’un monde meilleur : il aspire à transformer la société ici et maintenant. Avec l’industrialisation, affirme-t-il, les classes laborieuses s’appauvrissent, alors que les intermédiaires du monde du négoce s’enrichissent.

    Cet homme qui a grandi dans une famille de commerçants a été choqué, enfant, par l’immoralité de cette profession. Et cette impression négative a été confortée par une expérience plus tardive : en 1799, commis d’une maison de commerce de Marseille, il voit une cargaison de grains jetée à la mer parce qu’à force de spéculer sur les prix, ses propriétaires l’ont laissée pourrir.

    Ce « renversement de l’ordre naturel » le pousse à réfléchir. Charles Fourier se met en quête d’une alternative au monde qui l’entoure crédible et, quoi qu’il en dise, utopique. « Dans le cours de cette Notice, je peindrai des coutumes si étrangères aux nôtres, que le lecteur demandera d’abord si je décris les usages de quelque planète inconnue », prévient-il dans Théorie de l’unité universelle (1822). Dans sa quête d’une harmonie universelle, il imagine un lieu de vie lié à des activités agricoles – le phalanstère – qui a vocation à devenir un laboratoire social. Ce concept d’habitation dont le nom est une contraction de phalange et de monastère prend le contre-pied des théories en vogue. Au progrès fondé sur la raison, il préfère l’équilibre des passions. A l’égalité, la diversité.

    Luxe et plaisir

    En « Harmonie », lieu de vie idéal, certains sont pauvres et d’autres riches, tout le monde n’a pas les mêmes goûts, les costumes sont brillants et variés, les appartements loués à des prix différents… Pas de rejet de l’argent, ni d’uniforme austère ni de frugalité volontaire – bien au contraire : c’est une société fondée sur le luxe et le plaisir. Le confort est si important que les rues ont été remplacées par des galeries couvertes afin que personne ne prenne froid l’hiver. Appartements privés, réfectoires, salles de bal et de réunion, bibliothèques, ateliers et greniers sont reliés entre eux par des souterrains ou des couloirs élevés sur colonnes.

    En ce début de XIXe siècle, le projet de Fourier pose les bases du mouvement coopératif naissant. Qu’ils soient trois cents ou mille cinq cents, tous les sociétaires sont des copropriétaires qui détiennent des actions, lesquelles peuvent leur être remboursées s’ils le souhaitent « au prix du dernier inventaire ». En cas de fléau mettant en péril les récoltes, la communauté et la région se portent ­garantes d’un revenu minimum que chacun est assuré de recevoir.

    Dans le phalanstère de Charles Fourier, les désirs priment. Le travail n’est pas subi mais choisi, la gourmandise est source de sagesse et l’amour cimente les relations sociales. Contre la monotonie du mariage, Fourier vante les bienfaits d’une sexualité libérée autant pour les hommes que pour les femmes : la femme peut avoir à la fois un époux dont elle a deux enfants, un géniteur dont elle n’a qu’un enfant, un favori qui a vécu avec elle et ­conserve ce titre, ainsi que de multiples « possesseurs » qui ne sont rien devant la loi.

    « Prophète postcurseur »

    Connaissant le personnage, cette défense de la jouissance reste une énigme : Charles Fourier était un célibataire bougon et bourré de manies, connu pour connaître par cœur les dimensions de chaque monument parisien. « Dans ses promenades, on le trouvait occupé parfois à mesurer, avec sa canne métrique ou pas, telle ou telle façade d’un édifice, tel ou tel côté d’une place, d’un jardin public, etc. », raconte le fouriériste Charles Pellarin en 1842.

    A l’évidence, cette utopie est l’œuvre d’un original. Fourier, qui se présente comme « illettré », c’est-à-dire autodidacte, ne se veut l’héritier de personne et affirme n’être membre d’aucune famille de pensée. « Il doute de tout ce qui a été écrit avant lui et s’écarte des doctrines majoritaires de son temps, résume Florent Perrier, maître de conférences en esthétique et théorie de l’art à l’université de Rennes-II. Il dit même qu’il est le “prophète postcurseur” par rapport au Christ, mais c’est évidemment un détour qui lui permet de faire passer des idées radicales sous un côté délirant. »

    Charles Fourier se distingue ainsi des premiers utopistes qui condamnaient autant l’argent que la propriété : à ses yeux, le système coopératif du phalanstère démontre les avantages de « l’esprit de propriété ». « Un des ressorts les plus puissants pour concilier le pauvre et le riche, c’est l’esprit de propriété sociétaire ou composée, écrit-il dans Théorie de l’unité universelle. Le pauvre, en Harmonie, ne possédât-il qu’une parcelle d’action, qu’un vingtième, est propriétaire du canton ­entier, en participation. »

    Expériences communautaires

    A la fin de sa vie, Charles Fourier cherche des mécènes pour mettre son projet en pratique. Un ancien médecin, député de Seine-et-Oise, ­répond à l’appel de fonds et propose un lieu, près de Rambouillet. En 1833, le premier phalanstère, à Condé-sur-Vesgre, est créé mais Fourier se retire très vite du projet, qui tombe à l’eau trois ans plus tard. Mort en 1837, le penseur ne connaîtra pas cette communauté, finalement relancée et ­toujours active aujourd’hui. Et c’est peut-être tant mieux. « Les sociétaires s’appellent “colons” entre eux. Un anachronisme qui donne le sentiment d’une bourgeoisie occupée à se transmettre des parts de propriété », affirme Florent Perrier.

    Au XIXe siècle, le fouriérisme essaime en Europe, mais c’est aux Etats-Unis qu’il rencontre le plus de succès. Entre 1840 et 1860, des disciples de Fourier y lancent plus de vingt expériences communautaires, dont la durée de vie dépasse rarement trois ans. D’autres cherchent sans succès à créer des phalanstères pour enfants trouvés. « Fourier pensait que les petits n’étant pas corrompus, il était plus facile de les ­former à la nouvelle société », explique Nathalie Brémand, docteure en histoire et chercheuse associée de l’université de Poitiers. Dès les années 1840, à une époque où beaucoup d’enfants ne vont pas à l’école, des polytechniciens, des médecins et des ­philanthropes s’impliquent dans la création de crèches inspirées par Fourier.

    Après une longue éclipse, le fouriérisme rejaillit en mai 1968. Certains voient en lui le père fondateur des mouvements de libération sexuelle : on redécouvre sa radicalité en matière de mœurs grâce à un ouvrage posthume, Le Nouveau Monde amoureux, qui n’est publié in extenso qu’en 1967 – sans doute parce que ses disciples étaient choqués par ses positions.

    Dans ce texte, l’auteur pourfend la monogamie et défend une égalité stricte entre hommes et femmes. Pour l’intellectuel libertaire homosexuel Daniel Guérin, auteur d’un recueil de textes intitulé Vers la liberté en amour (Gallimard, 1975), Fourier a ouvert la voie à la révolution sexuelle.

    Traces de l’utopie fouriériste

    Aujourd’hui, on trouve des traces de l’utopie fouriériste dans le mouvement des SCOP (sociétés coopératives et participatives) comme dans le modèle du kibboutz en Israël ou les expériences locales qui surgissent ici ou là. « Les jardins collectifs ou les habitats partagés qui cherchent à élaborer de nouveaux types de gouvernance, dans lesquels chaque individu est représenté, en sont les héritiers indirects », estime Nathalie Brémand. L’historien François Jarrige établit une filiation indirecte entre l’esprit de Fourier et celui des « zones à défendre » (ZAD) comme Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique). « Elles relèvent d’une conception libertaire. L’imaginaire des zadistes s’inspire des communautés anarchistes de la fin du XIXe siècle qui s’ins­crivaient dans une filiation avec le ­phalanstère fouriériste. »

    Les pédagogies alternatives de type Freinet ou Montessori lui doivent également beaucoup. « Charles Fourier est à l’origine de l’“éducation intégrale” qui visait à développer toutes les facultés des enfants et plus seulement à les ­instruire. Il préconisait notamment d’utiliser le jeu », poursuit Nathalie Brémand. Finalement, la vraie postérité de Fourier n’est pas à chercher dans le phalanstère de Condé-sur-Vesgre, mais du côté d’un imaginaire politique qui continue d’infuser.

  • La France refuse de rendre les objets royaux du Bénin - Culture / Next
    http://next.liberation.fr/culture-next/2017/03/23/la-france-refuse-de-rendre-les-objets-royaux-du-benin_1555888

    Première pour une ancienne colonie africaine, le Bénin demandait officiellement la restitution des trônes, statues et bijoux pillés en 1892 et actuellement exposés au musée du Quai-Branly. Paris argue de son bon droit.

    L’article date d’il y a quelques mois.
    Pathétique décision, mais pas vraiment surprenant de la part d’un pays qui a pu remplir ses musées grâce aux nombreux pillages dans son ancien empire colonial et qui peut se targuer maintenant de les protéger par amour de l’Art, oui oui oui. Le colonialisme est intrinsèque à la République française, ça c’est une certitude !
    Ça vaudrait le coup de faire une petite manif au Quai Branly et dans tous les musées qui possèdent des œuvres pillées.
    #colonisation #art #Bénin #Afrique #pillage #domination_culturelle

    • Tout n’est pas au quai Branly, la plus somptueuse oeuvre est la statu du Dieu Gou


      qui est au Musee du Louvres.

      Cette sculpture du dieu gou est la seule effigie en fer de taille humaine issue de l’art africain. Gou est une divinité Vodum du métal, des forgerons et de la guerre au Bénin. Originaire de Doumé elle fut volée lors d’une expédition par le roi Glélé qui l’installa dans son palais royal. La France en fit l’acquisition après l’occupation du royaume du Dahomey.

      http://www.lankaart.org/article-benin-dieu-gou-40482691.html

    • La restitution d’œuvres d’art : « Une question de dignité »
      http://www.lemonde.fr/festival/article/2017/08/17/la-restitution-d-uvres-d-art-une-question-de-dignite_5173397_4415198.html

      Lionel Zinsou, homme politique et financier franco-béninois, a créé, en 2005, une fondation à Cotonou puis, en 2013, le premier musée consacré à l’art contemporain africain, à Ouidah.

      Il y a moins d’un an, l’actuel président de la République du Bénin a demandé aux autorités françaises le rapatriement de sculptures prises en 1892 lors du sac du palais royal d’Abomey. Une fin de non-recevoir lui a été ­opposée. Quelle est votre position sur cette question ?

      Il faut d’abord préciser ce que sont ces œuvres : les trônes des rois Guézo, Glélé et Béhanzin, les statues anthropomorphes et symboliques les représentant, les regalia du roi Béhanzin, issues de commandes royales. Ces œuvres ont un aspect rituel et leur puissance est liée à leur qualité esthétique : elles sont au point de convergence de la beauté et du pouvoir. Leur force ­symbolique ne fait donc pas plus de doute que le fait que ces objets ont été pillés.

      La France ne conteste pas ce point : ils sont entrés en sa possession par le don du général Alfred Dodds, qui a conquis le Dahomey pour la France à la fin du XIXe siècle. Ils sont aujourd’hui ­conservés au Musée du quai Branly, à Paris.

      La demande de restitution est en effet une initiative du président de la République du Bénin, le 26 août 2016, relayée par un courrier entre ministres des affaires étrangères – avec la réponse que l’on sait de Jean-Marc Ayrault le 12 décembre 2016 : « Conformément à la législation en ­vigueur, ils sont soumis aux principes d’inaliénabilité, d’imprescriptibilité et ­d’insaisissabilité. En conséquence, leur ­restitution n’est pas possible. »

      Est-il pensable d’en rester là, à une ­réponse d’ordre exclusivement juridique ? Je ne le pense pas. La puissance de la ­demande ne doit pas être sous-estimée. La nécessité de faire revenir en Afrique le plus possible de ce qui fait son identité est profondément ressentie par les populations.

    • @valnum juridiquement oui c’est du recel. Et si je ne me trompe pas, même quand tu ne sais pas que c’est volé mais que tu n’as pas vérifié la source tu peux être accusé de recel. Mais ici, je cite l’article :

      les principes juridiques d’inaliénabilité, imprescriptibilité et insaisissabilité des collections publiques

      En gros si le propriétaire est maintenant l’État, le droit est de son côté ! Vu que ce sont les États qui écrivent les lois, autant se mettre bien directement n’est ce pas. L’État vole et pille mais organise son impunité et l’insaisissabilité de ce qu’il a pu récolter, avec une petite couche d’imprescriptibilité pour être sûr que ça ne sera pas remis en cause un peu plus tard. Efficace ! C’est le pillage des ressources de l’Afrique appliqué à l’Art.

  • « L’#exil exige de bien doser sa visibilité »

    Refaire sa vie (4/6). L’émigration politique, témoigne l’écrivain d’origine bosniaque #Velibor_Colic, est une renaissance contrainte, pleine de #contradictions, entre l’amour du pays quitté et celui porté au pays d’accueil.

    Je m’appelle Velibor Colic et je suis réfugié politique. Entre le ciel et la terre, j’occupe un espace de 104 kg et de 195 centimètres. Selon mes estimations, je suis trop sage, trop blond, beau et talentueux, trop intéressant et charmant pour être un migrant. Je suis #polyglotte. Dans ma vie d’avant, j’étais parfois patriote. Depuis, je porte des lunettes.

    J’écris dans les deux #langues, le français et le serbo-croate. Mais il me semble que maintenant j’ai un accent, même en écrivant. C’est ainsi. Ma #frontière, c’est la langue ; mon exil, c’est mon #accent. J’habite mon accent en France depuis vingt-cinq ans. Tout une vie, en fait. Et je me sens bien, tellement bien qu’il m’arrive souvent de penser : tiens, je suis français.

    Puis la crise financière de 2008 est arrivée et, avec elle, un regain de la peur des étrangers. On a commencé à me dire que je n’étais pas français. Depuis, je m’accommode aussi bien que je peux de ce regard que l’on porte sur moi et je surveille les Bourses du monde entier. Rien n’arrive pour la première fois, tout est dans cette terrible répétition. Alors, je vis, je regarde et je note. Mon nom de famille sonne comme une excuse. Mon prénom aussi. Je suis apatride. Une chose est sûre : je suis le numéro 35030002019-13/06/1964, comme l’indique mon titre de séjour. Je suis #réfugié politique.

    Je sais parler. Je sais aussi chanter, quand je veux – Georges Brassens et Adamo, Tombe la neige. Mon nouveau pays a vieilli avec moi ; il est confortable maintenant, comme des chaussures de l’année dernière. Je suis presque comme tout le monde : effrayé devant la violence faite au nom de Dieu, perdu devant la triste Méditerranée devenue un cimetière bleu, attendri parfois devant l’humanité. Mon univers mental est constitué de signes et de gestes : #apprendre et #oublier à la fois. D’abord apprendre, puis oublier. Séparément. L’exil est bipolaire.
    Emotions clandestines

    L’exil est une balance aussi. Mesurer le poids métaphysique...

    http://www.lemonde.fr/festival/article/2017/08/10/l-exil-exige-de-bien-doser-sa-visibilite_5170734_4415198.html
    #apatridie #asile #migrations #réfugié_politique

    cc @sinehebdo

  • « Le travail manuel est trop souvent dévalué »

    http://www.lemonde.fr/festival/article/2017/08/08/le-travail-manuel-est-trop-souvent-devalue_5169833_4415198.html

    L’universitaire Matthew Crawford a fait le choix, un jour, de quitter un emploi dans un prestigieux think tank pour réparer des motos. Une activité plus stimulante sur le plan intellectuel, justifie-t-il.

    Matthew Crawford est chercheur associé à l’université de Virginie, aux Etats-Unis. Après des études de physique, il se tourne vers la philosophie. Déçu par un premier emploi, il décide de se faire mécanicien. Matthew Crawford fonde Shockoe Moto, un atelier de réparation de motos. Il est également l’auteur de deux ouvrages largement remarqués : Contact (La Découverte, 2016) et Eloge du carburateur (La Découverte, 2010).

    Vous avez vous-même fait l’expérience d’un changement de carrière, en quittant la direction d’un think tank pour ouvrir un atelier de réparation de motos. Pourquoi avez-vous changé de métier ?

    Cet emploi dans un endroit consacré à la réflexion avait toutes les apparences d’un travail stimulant. C’était, il est vrai, un second choix. Jeune diplômé, j’espérais rejoindre une université, mais je n’ai rien trouvé. Lorsqu’un contact m’a indiqué que ce think tank cherchait un nouveau directeur exécutif, j’ai cru que ce poste était prometteur.

    Mais dès les premières heures, j’ai compris qu’il n’offrait aucune liberté de pensée. Il fallait simplement atteler son esprit à formuler les meilleurs arguments possibles dans un certain débat, ce qui demande de réfléchir à partir d’une conclusion prédéterminée. Il faut donc imaginer les arguments et l’enchaînement logique pour arriver au résultat attendu, ce qui est un exercice intellectuel un peu vain. Je n’arrivais pas toujours à me convaincre moi-même. C’était démoralisant.

    Comment avez-vous fait pour tenir ?

    Je n’aimais pas ce travail, mais j’avais besoin d’argent. Je suis donc resté cinq mois. Et pendant tout ce temps, je rêvais de réparer des motos. Grâce à un ami, j’avais découvert les bases de ce métier au cours de mes études post-doctorales et je me demandais déjà s’il serait possible d’en vivre. Dans ce think tank, je passais donc une partie de mes journées à feuilleter des catalogues d’outils, en comptant combien de temps je devrais garder cet emploi avant de pouvoir me les payer.

    Après cinq mois, j’avais rassemblé tout le matériel nécessaire. J’ai donc démissionné et je me suis mis à travailler sur des deux-roues. D’abord, dans mon garage, puis j’ai trouvé un peu plus grand. A vrai dire, j’avais très peu d’expérience, je connaissais mieux les voitures. J’ai donc appris sur le tas. Mais comparativement au boulot dans ce think tank, c’était génial. Avec une moto, on ne triche pas ; soit elle démarre, soit elle ne démarre pas.

    Votre expérience vous a-t-elle amené à reconsidérer la valeur du travail intellectuel ?

    Etablir un diagnostic mécanique pour une moto en panne puis la réparer constitue un travail très stimulant sur le plan intellectuel. Certaines idées préconçues nous poussent pourtant à croire le contraire. On continue d’accorder une plus grande valeur au travail intellectuel effectué dans un bureau, comme s’il était forcément plus intéressant, plus exigeant, alors qu’en fait, l’économie de la connaissance crée beaucoup de ces emplois sans intérêt, qui n’engagent en rien votre intelligence.

    Entre le travail intellectuel et le travail manuel, une opposition factice existe toujours dans l’esprit de bien des gens et conduit à dévaluer le second. Si on se salit les mains, c’est que l’on fait un boulot idiot. Ce préjugé existe toujours.

    Renverser ce préjugé demande d’établir une épistémologie du travail manuel. Quelles peuvent en être les bases ?

    Martin Heidegger m’a aidé à dépasser ces préconceptions et à mieux comprendre mon expérience du travail. C’est bien connu, ce philosophe explique que notre façon de connaître un objet provient de notre interaction avec lui. On n’apprend pas ce qu’est un marteau en le contemplant mais en l’employant. Ce fut pour moi un point de départ pour réfléchir à ce que serait une connaissance incarnée.

    Lorsque vous essayez de comprendre pourquoi une moto ne fonctionne pas, vous formulez différentes hypothèses sur l’origine de cette panne. Mais les causes peuvent interagir les unes avec les autres, ce qui rend les choses encore plus complexes. Vous lancez donc votre enquête sur la base de pressentiments plutôt que de règles. Ces intuitions sont le fruit de l’expérience. Le philosophe hongrois Michael Polanyi (1891-1976) fournit une définition de ce que pourrait être cette intuition lorsqu’il parle de connaissances personnelles, un type de connaissances acquis uniquement après avoir été longtemps en contact avec l’objet de ce savoir.

    Vous dites que le travail manuel est dénigré par des clichés persistants. Mais ne le considère-t-on pas, à l’inverse, avec un peu trop de romantisme, comme s’il permettait d’échapper aux contraintes du monde moderne ?

    Il y a en effet un grand appétit pour cette vision du travail manuel, que ce soit pour en vanter les prétendues vertus thérapeutiques, le réduire au mouvement, très populaire aux Etats-Unis du « faites-le vous-même » (« do it yourself »), ou pour l’assimiler à du développement personnel. Mais c’est avant tout la figure de l’artisan, dont certains intellectuels se sont saisis pour en développer une vision romantique, qu’il s’agisse du luthier ou du forgeron fabricant l’épée d’un samouraï. Je m’intéresse davantage aux plombiers et aux électriciens, des métiers dévalués mais qui permettent à ceux qui font le choix de cette carrière de bien vivre et de rencontrer chaque jour de nouveaux défis. En m’intéressant à ces métiers, j’ai voulu éviter toute esthétisation.

    Ma principale préoccupation consiste à rappeler qu’il est essentiel de trouver un travail qui ne vous rende pas plus idiot que vous ne l’êtes. Tant d’emplois sont abrutissants ; un sommet est atteint avec la chaîne de montage. Mais l’environnement physique dans lequel travaillent un plombier, un électricien, un mécanicien varie trop d’une journée à l’autre pour que ces métiers puissent être réduits à l’exécution répétitive d’une procédure. Il faut savoir improviser et s’adapter. Et je crois que cela permet de se sentir davantage comme un être humain et moins comme le rouage d’une machine.

    La vraie question n’est pas tant de savoir si vous travaillez avec vos mains ou dans un bureau, mais si vous exercez votre jugement au travail. Et c’est sur cette base que je crois qu’il faut renouveler notre regard sur les métiers manuels. Certes, ils ne sont pas pour tout le monde, mais trop souvent ils sont dévalués dès l’école et on rappelle trop peu les possibilités qu’ils offrent. Les enfants sont poussés à aller à l’université ; je crois qu’il est important de rappeler qu’il y a d’autres possibilités qui sont plus enrichissantes qu’on ne le dit. Il y a différentes voies d’accès à la connaissance ; s’asseoir en classe puis dans un bureau n’est pas la seule qui existe. Si vous êtes un garçon de 16 ans qui tente de construire une voiture de course, soudainement la trigonométrie va vous intéresser parce que vous en voyez l’utilité.

    Ne craignez-vous pas de dénigrer le rationalisme à une époque où la science est attaquée de toutes parts ?

    Non, je crois au contraire aider à rétablir l’importance de la science en l’inscrivant dans un contexte plus large. Travailler avec des choses physiques signifie que vous êtes constamment en contact avec les éléments de la nature. Si l’on parcourt l’histoire de l’innovation technologique, on se rend compte que très souvent des percées dans la recherche n’ont pas précédé des développements technologiques – elles en sont plutôt le fruit. Par exemple, le moteur à vapeur a été développé par des mécaniciens qui avaient observé la relation entre la température et la pression. Et c’est grâce à l’essor de ce moteur qu’une branche de la physique, la thermodynamique, est sortie de certaines impasses dans lesquelles elle se trouvait alors.

    Aristote avait également observé que si l’on se coupe des choses se trouvant dans la nature, du monde physique, il devient facile de construire des dogmes sur la base de quelques observations. Les métiers manuels se caractérisent par leur déférence envers le monde réel et je crois que c’est un trait que partage la science. Quand vous dessinez un système de ventilation pour un immeuble ou quand vous essayez de comprendre pourquoi il est en panne dix ans plus tard, ce sont des tâches qui demandent d’engager son esprit et ses aptitudes intellectuelles.

    Se rapprocher du monde matériel, comme vous le proposez, est largement une entreprise personnelle. Mais ce projet a-t-il une dimension politique ?

    Je crois que mon message peut rapprocher des électorats qui s’opposent aujourd’hui, les classes moyennes supérieures et les classes populaires. Lorsque vous entreprenez de réparer vous-même votre frigo, très rapidement vous découvrez à quel point c’est difficile. C’est une véritable leçon d’humilité. La prochaine fois que vous ferez appel à un professionnel de ce métier, vous aurez alors davantage de choses en partage, vous pourrez mieux apprécier son travail.

    Cette expérience, dans une période de profondes divisions comme aujourd’hui, est fondamentale sur le plan politique, parce qu’elle nous sort des enclaves réelles et virtuelles dans lesquelles nous vivons. Il est fort probable que ce professionnel habite dans la périphérie et qu’il se déplace dans la ville où résident ses clients. Cette ségrégation se traduit par l’érection de frontières politiques, parce que l’espace de partage entre classes sociales est en train de disparaître. Tenter de faire par soi-même ces petits travaux peut permettre de faire émerger un peu plus d’empathie entre des gens qui ne se ressemblent pas.

  • Amir Taaki, le guerrier anarchiste du Web

    http://www.lemonde.fr/festival/article/2017/07/29/amir-taaki-le-guerrier-anarchiste-du-web_5166476_4415198.html

    Après ses combats avec les Kurdes en Syrie, le codeur libertaire surdoué anglo-iranien, pionnier du bitcoin, veut créer un camp d’entraînement haut de gamme pour cyberactivistes.


    Amir Taaki, hackeur et révolutionnaire, dans la ville de Broadstairs (Angleterre) où il a grandi, le 19 juillet 2017.

    Un vaste squat encombré et mal tenu abritant une vingtaine de personnes, dans le centre de Romford, une ville de la banlieue de Londres. Amir Taaki occupe une chambre exiguë au troisième étage. Fébrile, il rêve d’être ailleurs, loin, pour lancer un de ces projets ambitieux et radicaux dont il a le secret.

    Amir Taaki, 29 ans, né au Royaume-Uni d’une mère anglaise et d’un père iranien, est une célébrité dans la communauté internationale des hackeurs. Codeur surdoué, militant du logiciel libre, développeur de jeux vidéo, il fut aussi un pionnier du bitcoin, la principale monnaie électronique en circulation sur Internet.

    En 2014, il dirigea l’équipe de codeurs bénévoles qui créa Dark Wallet, un portefeuille de bitcoins sécurisé et anonyme. Grâce à une architecture complexe, Dark Wallet permet d’échanger des bitcoins en ne laissant aucune trace identifiable sur la blockchain, le registre mondial des transactions.

    Pour cela, Amir parvint à faire travailler ensemble des hackeurs d’horizons différents, depuis les résidents des « colonies éco-industrielles post-capitalistes » de Catalogne, jusqu’à Cody Wilson, un Texan qui fabrique de véritables armes à feu chez lui avec une imprimante 3D.
    Pour les hackeurs et les anarchistes, Dark Wallet est un instrument de liberté, permettant d’échapper à la surveillance des banques et des Etats. C’est aussi l’outil idéal pour frauder le fisc et se livrer à toutes sortes de trafics illicites – ce qui ne déplaît pas vraiment à Amir, anarchiste avant tout.

    Système informatique de démocratie directe au Kurdistan

    Fin 2014, alors qu’il termine la mise au point de Dark Wallet, il entend parler du Rojava (ou Kurdistan occidental), ce territoire du nord-est de la Syrie tenu par les Kurdes de l’YPG (les Unités de protection du peuple) grâce à l’aide militaire des Etats-Unis. Sur Internet, il découvre que, malgré la guerre, cette enclave serait administrée de façon égalitaire et solidaire, selon les principes du « confédéralisme démocratique » théorisé par le leader kurde de Turquie Abdullah Öcalan.

    Amir est totalement séduit : « En tant qu’anarchiste, j’ai senti que mon devoir était d’aller là-bas pour aider ces gens à faire perdurer cette expérience unique au monde. » Il contacte des responsables du Rojava sur Facebook : « Je leur ai proposé mes services, en expliquant que j’avais diverses compétences : l’informatique, les maths, le design, la finance… Ils ont fini par m’inviter. »

    Il rassemble alors le matériel dont il pense avoir besoin pour aider une petite ville à améliorer sa connexion à Internet – ordinateurs, câbles, antennes, connecteurs : « J’imaginais la mise en place d’un réseau local pour instaurer un système de démocratie directe, avec des débats et des votes en ligne. »
    En mars 2015, Amir part pour le Kurdistan irakien, lourdement chargé : « A mon arrivée, les policiers m’ont vu débarquer avec mon matériel, ça les a rendus très méfiants. J’ai passé ma première nuit en prison. » Dès le lendemain, il est récupéré par des officiers, puis emmené au Rojava. Le voyage est long et périlleux.

    Lorsqu’il arrive, rien ne se passe comme prévu : « A cette époque, la situation militaire du Rojava était critique, ils avaient surtout besoin de soldats. Ils m’ont enrôlé dans une unité combattante. Je n’avais aucune formation militaire, j’ai appris à me servir d’une kalachnikov sur le front. » Il participe à trois offensives contre l’Etat islamique, appuyées par l’US Air Force.

    Missions écolos à l’arrière du front contre l’EI

    Sa carrière militaire se termine à la fin de l’été 2015 : « Un commandant a découvert qui j’étais et m’a envoyé à l’arrière, dans la ville de Derika. » Cette fois, Amir est enrôlé dans un « comité économique ». Il travaille à la pose de panneaux solaires, à la production d’engrais, au recyclage des déchets, et en profite pour apprendre le kurde. Il est aussi chargé de discuter en ligne avec des volontaires occidentaux, et de faire un premier tri.

    En mai 2016, Amir décide de rentrer au Royaume-Uni pour organiser l’envoi d’aide au Rojava, mais aussi pour souffler, un peu. Mauvais calcul : à son arrivée à l’aéroport de Londres, il est arrêté et questionné par la police : « Ils savaient beaucoup de choses, ils me surveillaient depuis longtemps. Ils étaient au courant que je me battais du côté des Kurdes, mais ils me considéraient plus ou moins comme un terroriste gauchiste. »

    Après une nuit en détention, il est libéré sur intervention d’un avocat, mais une enquête est ouverte. Ses appareils électroniques et son passeport sont confisqués, il est assigné à résidence chez sa mère à Broadstairs, dans le sud-est du pays, avec obligation de pointer au poste de police trois fois par semaine : « Je mourais d’ennui. Au bout de six mois, j’ai décidé d’aller m’installer à Londres, chez des amis, et la police n’a pas réagi. »

    Il décide alors de voyager à travers l’Angleterre pour rencontrer des groupes anarchistes : « J’ai été déçu, je n’ai vu que des anarchistes de salon, bavards et superficiels. Pour eux, c’était un divertissement, un moyen d’avoir l’air cool. »

    Un camp d’entraînement haut de gamme pour hackeurs
    Puis il s’installe dans le squat de Romford, où il se plonge dans la lecture et la réflexion. Peu à peu, il décide de se fixer une nouvelle mission d’envergure : repolitiser le mouvement des hackeurs européens. Selon lui, cette communauté traverse une mauvaise passe : « Jadis, les hackeurs étaient des militants politiques animés par une vision globale. Ils voulaient utiliser les réseaux pour changer le monde, instaurer une société transparente, égalitaire, participative. Mais aujourd’hui, le mouvement s’est affadi. »

    Pour Amir, la décadence est illustrée par les hackerspaces, ces ateliers collectifs où chacun vient bricoler à sa guise : « Dans ces endroits, les gens s’intéressent exclusivement à la technique, sans projet social, c’est juste pour leur satisfaction personnelle. Ils ont créé un culte du gadget compliqué, ils fabriquent des jouets, des drones… Combien faudra-t-il ouvrir de restaurants végétariens et d’ateliers de réparation de vélos avant de s’apercevoir que c’est une impasse ? »
    De même, le bitcoin, qui aurait pu devenir un instrument de subversion du système bancaire, est tombé aux mains de spéculateurs et de businessmen. Pour ressusciter l’esprit militant des hackeurs, Amir imagine une stratégie sans doute inspirée par son expérience au Rojava : il va créer un camp d’entraînement haut de gamme pour hackeurs.

    « J’accueillerai des jeunes motivés, je leur apprendrai le code et les logiciels libres. Nous nous intéresserons aussi au matériel libre, pour créer des ordinateurs ouverts, modulables, modifiables. Par ailleurs, nous étudierons la philosophie, les critiques contemporaines du capitalisme, la démocratie participative. Nous ferons aussi de l’entraînement physique. »

    Il est persuadé d’être dans l’air du temps : « Tous les jeunes n’ont pas envie de mener une vie douillette avec, comme seule excitation, l’idée d’aller faire du shopping. Certains veulent qu’on leur propose une vie d’efforts, pour le bien commun. » Pour héberger sa future équipe, Amir aura besoin d’un bâtiment, dont il fera un lieu de travail et de vie communautaire. Il doit donc trouver des sponsors et une ville accueillante quelque part en Europe.

    « J’ai répondu que j’œuvrais pour le bien de mon pays. »

    En mai 2017, la justice britannique lui rend son passeport. Il quitte aussitôt l’Angleterre et part à la rencontre des hackeurs et des anarchistes européens : dans le quartier Exarchia, à Athènes, chez des zadistes du val de Suse, près de Turin… A nouveau, c’est la déception : « Ils sont très forts pour s’amuser et porter des vêtements hippies, mais c’est tout. »
    En juillet, il décide de retourner provisoirement en Angleterre, avec un but précis : profiter de ses relations dans le milieu du bitcoin pour lever des fonds, afin de financer son équipe de superhackeurs en résidence.

    Il contacte les professionnels du bitcoin et aussi de l’ether, une nouvelle monnaie électronique en pleine expansion, et demande à s’inscrire comme orateur dans leurs meet-ups, réunions informelles très prisées dans ce milieu : « Je vais y aller franchement. Je vais leur décrire mon projet et leur demander de l’argent sur-le-champ, tout en leur expliquant que ce n’est pas un investissement. Cela ne leur rapportera rien. »

    Mais à son arrivée à l’aéroport de Londres, la mauvaise surprise de l’année passée se répète. Il est arrêté par la police car l’enquête suivait son cours : « Cette fois, ils m’ont parlé de la Grèce, ils voulaient savoir ce que j’avais fait, qui j’avais rencontré, ce que j’en pensais. Les anarchistes grecs semblent les intéresser. J’ai répondu que j’œuvrais pour le bien de mon pays. »

    Il est relâché au bout de trois heures et la police confisque à nouveau son ordinateur et son téléphone : « Avec les lois antiterroristes, ils peuvent tout se permettre. Ils m’ont aussi obligé à livrer mes mots de passe et mes clés de chiffrement. »

    Stratégie future axée sur les crypto-monnaies

    Malgré cet incident, Amir rencontre comme prévu les professionnels londoniens des crypto-monnaies. D’emblée, certains se disent prêts à l’aider, comme le Français Stéphane Tual, ancien banquier chez BNP et Visa, puis cofondateur de l’association administrant l’ether, et patron d’une société utilisant cette crypto-monnaie pour gérer un service de partage et de location d’objets utilitaires.

    Selon lui, la stratégie d’Amir est plus réaliste qu’il n’y paraît : « Les gens l’écouteront et le soutiendront, parce que c’est une star. Sa réputation est impeccable, au niveau technique comme au niveau éthique. Il aurait pu devenir riche grâce au bitcoin, il a préféré aller risquer sa vie pour une juste cause. Je vais l’inviter à mon prochain meet-up, puis nous monterons une opération de financement en ethers. » Si l’argent commence à rentrer, Amir espère lancer sa nouvelle aventure dès cette année – de préférence dans une ville qui accepte ce genre d’initiative.

  • « Ils photographient la France en marchant. »

    http://www.lemonde.fr/festival/article/2017/07/05/ils-photographient-la-france-en-marchant_5155900_4415198.html

    Depuis le 1er mars, les photographes du collectif #Tendance_floue parcourent l’Hexagone à pied, se passant le relais tous les huit jours. Une déambulation photographique sans cahier des charges, si ce n’est celui de la performance créative et poétique.

    L’idée était dans les cartons depuis quelques années, bien avant que le candidat Macron ne se mette « en marche ». L’aventure Azimut a, finalement, été lancée le 1er mars dernier : une marche photographique menée en relais par le collectif Tendance Floue et invités. Vingt-trois photographes qui marchent l’un après l’autre, sans itinéraire ni cahier des charges, avec pour seule contrainte d’être à l’heure au rendez-vous fixé avec celui ou celle qui lui succède.

    Le budget, minime, laisse à chacun le choix de dormir dans des hôtels bon marché, chez l’habitant ou sous tente. Un cheminement par étapes, sur les départementales, les sentiers forestiers ou les routes de montagne, pour une création collective, « l’œil » du marcheur changeant tous les huit jours. /.../

    #photo #photographie #photographe #itinérance #errance #marche

  • Pour la fondatrice du Parti pirate islandais, « il est toujours possible de hacker le système »

    http://www.lemonde.fr/festival/article/2016/09/17/pour-la-fondatrice-du-parti-pirate-islandais-il-est-toujours-possible-de-hac

    « LES GENS ONT L’IMPRESSION QUE LE SYSTÈME EST TRÈS COMPLIQUÉ ET QU’ILS NE PEUVENT RIEN Y CHANGER. MOI JE PENSE QU’IL EST TOUJOURS POSSIBLE DE HACKER LE SYSTÈME. PERSONNE NE S’ATTENDAIT AU BREXIT, PERSONNE NE S’ATTENDAIT À CE QUE TRUMP DEVIENNE UN CANDIDAT CRÉDIBLE À LA PRÉSIDENTIELLE AMÉRICAINE. ALORS POURQUOI PAS DES CHOSES CHOUETTES ? MAIS SI VOUS N’ESSAYEZ PAS DE CHANGER LES CHOSES, EH BIEN VOUS POUVEZ AUSSI BIEN RESTER CHEZ VOUS À REGARDER LA SÉRIE “MR ROBOT”. »

    Il n’est donc pas étonnant qu’une des priorités de l’élue consiste à protéger les lanceurs d’alerte et « leur faciliter la tâche pour qu’ils nous disent si quelque chose ne va pas dans notre système ». Non, elle veut pas offrir l’asile à Edward Snowden. Mais la nationalité islandaise : « L ’asile, ce n’est pas assez sûr, il pourrait être extradé ». L’ancienne porte-parole de WikiLeaks a aussi lourdement insisté sur le cas de Chelsea Manning, ancienne militaire américaine emprisonnée pour avoir fourni des centaines de milliers de documents secrets de l’armée au site de Julian Assange.

    « Il ne faut pas l’oublier. Elle a récemment essayé de se suicider. C’est elle qui a permis à WikiLeaks de décoller. Il n’y aurait pas eu de Snowden, de Panama Papers et autres sans Chelsea Manning. Si vous soutenez Snowden, à chaque fois que vous pensez à lui, pensez aussi à elle. »

  • #Laurence_Picq, Madame Khmer rouge

    Le juge d’instruction Marcel Lemonde s’en léchait les babines d’avance. Nommé par les Nations unies (ONU) pour enquêter sur les crimes contre l’humanité des Khmers rouges, il s’apprête à entendre un témoin « d’un intérêt exceptionnel ».

    http://www.lemonde.fr//festival/article/2016/08/13/madame-khmer-rouge_4982328_4415198.html
    #Cambodge #Khmers_rouges #histoire