• Le PS, ou : Comment s’en débarrasser ?
    http://blogs.mediapart.fr/edition/petite-encyclopedie-critique/article/280514/le-ps-ou-comment-s-en-debarrasser

    Reste une question fondamentale : pourquoi la droitisation n’ouvre-t-elle pas à un espace pour la gauche de gauche ? Pourquoi cette dérive bénéficie-t-elle seulement au Front national, et pas au Front de gauche, ni au NPA, ni à toute autre formation à la gauche du Parti socialiste ? Même les résultats de Nouvelle Donne semblent bien modestes en regard des espérances de ses initiateurs… On peut faire l’hypothèse que l’hégémonie idéologique de la droite ne vient pas seulement des politiques économiques, mais aussi des politiques identitaires qui les accompagnent, comme pour les compenser ou du moins en distraire. On l’a vu en 2005, après le référendum sur le Traité constitutionnel européen, avec la lutte contre l’immigration subie, puis durant l’été 2012, avec la nouvelle chasse aux Roms qui a détourné l’attention de l’adoption du Traité de stabilité : la xénophobie d’État serait-elle le remède politique offert aux citoyens contre les maux du néolibéralisme ?

    En matière d’immigration, sous François Hollande, le verbe est moins haut que sous Nicolas Sarkozy ; mais les chiffres d’expulsions ne baissent pas. Autrement dit, le PS s’accorde avec l’UMP pour considérer que l’immigration est un problème. Quant aux populations roms, et le discours et l’action se sont aggravés sous l’impulsion de Manuel Valls : le Premier ministre est d’ailleurs cité à comparaître devant le tribunal correctionnel de Paris, le 5 juin, pour provocation à la discrimination et à la haine raciales : ne prétend-il pas assigner une « vocation » aux Roms, excluant ainsi une population européenne définie par un critère racial ? Or, comme la xénophobie d’État sous Nicolas Sarkozy, la politique de la race menée sous la responsabilité de François Hollande vient légitimer le discours de l’extrême droite : du PS au FN, en passant par l’UMP, c’est un même discours qui s’est imposé. L’hégémonie économique de la droite s’accompagne ainsi d’une hégémonie identitaire de l’extrême droite. Aussi la gauche de gauche ne parvient-elle pas à occuper l’espace que semblerait ouvrir la dérive droitière du PS. Sans doute les électeurs ne se jettent-ils pas forcément dans les bras de l’extrême droite : beaucoup, surtout à gauche, choisissent l’abstention – soit l’autre face du délitement démocratique.

    Que faire ? Bien sûr, il serait logique d’en conclure que le PS doit changer de politique. Si la droitisation échoue dans les urnes, pourquoi pas un coup de barre à gauche ? Mais, on le sait désormais, en France, on ne change pas une équipe qui perd : François Hollande avait entendu la colère des Français, après les élections municipales, et il a nommé Manuel Valls à Matignon. Soit la même chose, mais plus vite et plus fort. Et après le « séisme » des élections européennes, le Premier ministre confirme qu’il va continuer… mais plus vite et plus fort. Pendant longtemps, on a cru que le Parti socialiste pouvait s’accommoder de tous les renoncements à condition de garder le contrôle des pouvoirs locaux et régionaux. Désormais, il semble voué à perdre les régions après les villes, mais il ne change pas de cap pour autant.

    On voudrait croire que la révolte gronde chez ceux qu’on appelle « les élus de terrain » – mais à ce jour, ils se contentent de grommeler. C’est sans doute qu’ils sont dans la même position que, dans la sphère économique, des employés redoutant la prochaine vague de licenciements : à défaut d’infléchir la politique de l’entreprise, à titre personnel, ils espèrent y échapper. Mieux vaut donc éviter de faire trop de bruit. Les stratégies individuelles contribuent de la sorte à façonner une stratégie collective dont, sinon, on aurait du mal à comprendre l’irrationalité : c’est pour sauver sa peau qu’on court avec les camarades vers l’abîme… Ainsi beaucoup choisissent-ils de couler avec le navire, non pas tant par esprit de sacrifice, mais surtout à défaut d’avoir des projets alternatifs. Car telle pourrait bien être la clé de l’aveuglement socialiste : pour ce parti, il n’existe jamais de plan B.

    le passage que je souligne en gras me fait penser à la conjecture de Von Foerster dont on causait ici http://seenthis.net/messages/255287 ou comment des relations interindividuelles rigides conduisent à des comportements collectifs fous.